Ministre de l’Économie, 6 décembre 1995, n° FCEC9610024Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils des sociétés Usinor-Sacilor et Bekaert
MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
Maître,
Par lettre en date du 30 octobre 1995, vous m'avez notifié le projet de cession par la société Usinor-Sacilor de sa filiale Trefilest, spécialisée dans la fabrication de grillages et clôtures métalliques, à la société belge Bekaert.
Cette opération, en tant qu'elle emporte transfert de propriété et de jouissance des biens, droits et obligations de la société Usinor-Sacilor au profit de Bekaert, constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Cette concentration n'est pas contrôlable au regard des seuils en valeur absolue prévue par l'article 38 de l'ordonnance précitée, le groupe acquéreur représentant en France un chiffre d'affaires inférieur à 2 MDF. Il convient donc de rechercher si le seuil en valeur relative prévu par ledit article est atteint, ce qui impose de définir le marché pertinent.
Les fils doux industriels, les fils à usage agricole, les rouleaux tréfilés à usage industriel, les clôtures agricoles ou résidentielles répondent chacun à des fonctions spécifiques. Ces différents produits doivent donc être regardés comme constituant autant de marchés distincts.
A l'issue de l'opération, les parts de marché de Bekaert seront comprises entre 5 et 20 p. 100 et entre 25 et 40 p. 100, selon les segments du marché.
Comme l'a souligné le Conseil de la concurrence dans son avis du 18 mars 1993 relatif à la concentration entre Gaumont et Pathé, il convient de distinguer entre le déclenchement du contrôle et son étendue. Ainsi, une concentration affectant plusieurs marchés doit être considérée comme contrôlable dans son ensemble dès lors que le seuil en valeur relative est atteint sur un ou plusieurs de ces marchés.
Tel est bien le cas ici puisque le seuil de 25 p. 100 est dépassé pour le segment des clôtures agricoles, sur lequel Bekaert devrait détenir, après le rachat de Trefilest, une part comprise entre 25 et 40 p. 100.
En l'espèce, quelque soient les marchés concernés, cette concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.
L'accès aux marchés reste ouvert dans la mesure où la fabrication des produits ne réclame pas, dans la plupart des cas, une technologie très élaborée.De même, la matière première étant largement disponible, aucune difficulté d'approvisionnement n'est susceptible de contrarier l'installation de nouveaux opérateurs sur le marché.
La concurrence des importations est réelle. Des produits importés des pays membres de l'Union européenne ou des pays tiers sont largement présents sur le marché, sur lequel ils contribuent à satisfaire la demande française; les importations extracommunautaires connaissent en outre une croissance significative.
Par ailleurs, l'acquisition de Trefilest par Bekaert n'est pas de nature à remettre en cause l'équilibre des forces sur le marché. D'un côté, l'offre est assurée par des entreprises de taille significative susceptibles de faire jouer efficacement la concurrence. De l'autre, la clientèle est composée de groupes tels que les centrales d'achat agricoles, certains clients industriels et les grandes surfaces de bricolage, dont le pouvoir de négociation est de nature à contrebalancer celui de Bekaert.
Enfin, il convient de prendre en compte l'existence de produits d'autre nature qui, à défaut d'être parfaitement substituables aux produits concernés, les concurrencent au moins partiellement (le fil électrique s'agissant des clôtures agricoles, le bois et le PVC s'agissant des clôtures résidentielles...).
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous informe qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'assurance de ma considération distinguée.