Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 27 juin 1995, n° ECOC9510177Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils des sociétés Eurobake SA et Le Pain Turner SA

Ministre de l’Économie n° ECOC9510177Y

27 juin 1995

MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 7 juin 1995, vous m'avez notifié pour le compte de l'entreprise Eurobake SA un projet de rapprochement avec la société Le Pain Turner SA. Aux termes du protocole d'accord conclu le 14 avril 1995 entre les parties, Eurobake fera l'acquisition directement ou par l'intermédiaire d'une de ses filiales autres qu'Harry's SA, du capital social de Turner.

Cette opération, en ce qu'elle emporte transfert de propriété au profit d'Eurobake de la totalité des droits de Turner, constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

Elle n'est pas contrôlable au regard des seuils en valeur absolue définis par l'article 38 de cette ordonnance, Turner réalisant un chiffre d'affaires HT très nettement inférieur à 2 milliards de francs. Il convient donc de rechercher si le seuil en valeur relative prévu par ce même article est atteint, ce qui impose de définir le marché pertinent.

Estimant que le pain frais préemballé et la viennoiserie fraîche préemballée sont des produits largement substituables, la société Eurobake propose de retenir, comme marché de référence, le marché de la boulangerie-viennoiserie familiale sur lequel le nouveau groupe détiendrait une part de 37 p. 100.

Je ne partage pas cette analyse et considère, pour ma part, qu'il existe bien deux marchés distincts: un marché de la viennoiserie fraîche préemballée et un marché du pain frais préemballé.

En effet, du point de vue des caractéristiques de consommation, même s'il existe une interchangeabilité des produits pour certains usages et moments de consommation, elle est plus occasionnelle que systématiqueet il ne me semble pas possible de dire que ces produits sont substituables pour le consommateur. De plus, les prix de ces deux types de produits, même s'ils évoluent parallèlement, accusent un écart substantiel. En outre, la faible importance des marques de distributeurs et des premiers prix en produits de viennoiserie, en comparaison de la situation qui prévaut pour les produits de boulangerie, incite également à différencier les marchés. On peut aussi relever que les unités de production sont spécialisées dans l'une ou l'autre fabrication.

Sur le marché du pain frais préemballé, le nouvel ensemble détiendra une part de 56 p. 100. La concentration est donc contrôlable.

Pour ce qui est de l'effet sur la concurrence, bien que l'opération réduise le nombre d'entreprises de taille conséquente présentes sur le marché, la structure de ce dernier est de nature à garantir le maintien d'une concurrence effective. Certes, la nouvelle entité détiendra une part substantielle du marché mais son concurrent direct dispose des capacités propres à contrebalancer son poids accru. En outre, le marché du pain frais préemballé est restreint mais il est potentiellement ouvertdu fait, notamment, de la faible fidélité des consommateurs aux marques et de la présence croissante des importations qui témoigne de l'existence effective d'une concurrence potentielle. Quant à la demande, elle est concentrée et les acheteurs disposent d'une forte puissance de négociation.Ils ont la faculté de diversifier leurs approvisionnements.

Dans ces conditions, je vous informe qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette concentration.