Livv
Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. corr., 29 juillet 1994, n° 136

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darolle

Conseillers :

MM. Protin, Beaufrere

Avocats :

Mes Paul-Anilha, Morel, Cazal, Richard, Fontaine, Avril, Barre, Hoarau, Dussel, Hubert Delisle, Jebane, Gangate, Jebane, Sers, Levy, Bigaignon, Verges, Ursulet.

CA Saint-Denis de la Réunion n° 136

29 juillet 1994

LA COUR

Au cours de la séance publique du Conseil général de la Réunion des 11 et 12 octobre 1990, était adopté un rapport fixant la politique du département en matière de transports collectifs des voyageurs, soulignant la nécessité, d'une part, du rapprochement des transporteurs au sein d'un groupement, devant devenir à terme l'interlocuteur unique de la collectivité locale, et, d'autre part, de " lancer, dès l'année 1991, la mise en place d'une billetterie unique, sur l'ensemble du département, financée par le Conseil Général pour " adopter le système le plus efficace ".

Au cours du même mois d'octobre 1990 l'ensemble des transporteurs de personnes de la Réunion se regroupait au sein du G. Etaient désignés comme administrateurs du G Samuel Z et Nicolas V, par ailleurs conseillers généraux, et membres de la commission des travaux publics et des transports du Conseil général depuis octobre 1988. Samuel Z siégea à cette commission jusqu'en mars 1992, et Nicolas V jusqu'en juin 1992.

Tous deux sont également membres de l'association " Services exploitation et gestion des gares routières de la Réunion ", en abrégé S, créée début 1988 et présidée par Alix B, Conseiller Général et Président de la Commission des Travaux publics et des transports. La S a pour objet de " faciliter l'utilisation des transports en commun de voyageurs par la réalisation, la gestion et l'exploitation des gares routières (...), (...) guichets de vente de titres de transports et tous autres équipements ".

Ces statuts prévoient qu'elle " pourra être chargée de toutes études qui lui seraient confiées par l'autorité organisatrice des transport interurbains, (....) et peut recevoir en concession toute mission de service public relative à cet objet.

Pour l'exercice 1991 la S a perçu 1 145 192 F au titre de la cotisation des transporteurs et une subvention de 2,4 MF du département.

Dans sa réunion du 26 septembre 1990, le Conseil d'administration de la S acceptait la proposition qui lui était faite par le Conseil Général " de gérer la future billetterie unique ", et adoptait une délibération aux termes de laquelle elle " pourra sous-traiter la maintenance du matériel, la collecte des recettes, la billetterie, et répartira à la fin de chaque mois, après prélèvement des charges, les recettes revenant à chacun des transporteurs, selon des modalités " à définir ".

Pour sa part, la G devait solliciter également des subventions du Conseil Général.

Ainsi le 23 avril 1991 la Commission des transports, à laquelle participait Nicolas V, émettait un avis favorable pour l'attribution au G d'une subvention de 600 000 F. Le 2 mai 1991, le bureau du Conseil Général, auquel participait Samuel Z, décidait d'allouer une subvention de ce montant au G. Le même bureau, toujours en présence de Samuel Z, accordait au G une nouvelle subvention de 400 000 F par décision du 4 mars 1992.

Le 29 juin 1992 la commission des transports émettait un avis favorable pour l'attribution d'une nouvelle subvention. Nicolas V votait également en faveur de cette décision.

Le 3 juillet 1992, Eric W, Président du Conseil Général écrivait au Directeur du G, que le département se prononcerait sur sa demande d'allocation d'une subvention de 643 603 F au titre de l'année 1992 " aussitôt que sera annulé comptablement et fiscalement le salaire des administrateurs Conseillers Généraux depuis le 1er janvier 1991, date à partir de laquelle (la) collectivité a commencé à financer " cet organisme.

En effet, Samuel Z et Nicolas V avaient perçu une rémunération mensuelle de 10 000 F en octobre, novembre et décembre 1990, en qualité d'administrateurs du G. Pour l'exercice 1991 ces rémunérations ne leur étaient pas versées, mais étaient inscrites au passif du bilan aux comptes courants d'associés des intéressés, et déclarées à l'administration fiscale.

Le 30 juin 1992 tous deux écrivaient au directeur du G qu'ils renonçaient à cette rémunération.

Après réalisation, en juin 1990, d'un audit sur le fonctionnement de la Direction des infrastructures et des transports (F) du Conseil Général, Jacques N, directeur général adjoint, établissait, le 25 octobre 1990, une note à l'attention de M. C, directeur général, proposant une réorganisation de ces services, et qu'en particulier la " mission transports " lui soit directement rattachée. Il concluait, " dans tous les cas le bureau ou mission transports ne doit plus être le gestionnaire au quotidien du trafic interurbain. Cette tâche doit être dévolue à la S. Il est absolument nécessaire que la S et la mission (ou le bureau) transports travaillent ensemble et en phase ".

Il convient de relever que la F a été placée sous l'autorité de Gérard H de septembre 1986 à novembre 1990, et qu'entre novembre 1990 et septembre 1991 Jacques N en a assuré l'intérim jusqu'à la prise de fonctions de Jean J, à ce poste, en septembre 1991.

Au sein de la F, le bureau des transports a été dirigé par Didier K de mars 1989 au 7 novembre 1991, date à laquelle il a été remplacé par Henri L.

Dans le domaine des transports, le département est également en rapport avec d'autres intervenants. Ainsi, il a signé en 1985 une série de conventions avec la Compagnie générale d'entreprises automobiles (CGEA), qui a son siège principal à Nanterre, et deux établissements secondaires à la Réunion, et qui a pour objet la réalisation d'études de restructuration des transports. Dans le cadre de ses rapports avec le Conseil Général de la Réunion, il était créé au sein de la direction régionale de la CGEA, un service dit de programmation et d'organisation des transports (ci-après dénommé Spot), dirigé par M. O jusqu'en avril 1991, puis par M. G. Le bureau Spot réalise environ 95 % de son chiffre d'affaires avec le département. Sa mission concerne la partie technique de l'organisation des transports scolaires et la réalisation d'études pour le département sur l'organisation des transports interurbains.

Entre le 8 et le 15 novembre 1990, une mission composée de MM. Lacaille, V, Z (Conseillers Généraux), E, (agent de l'Etat, mis à la disposition du département en janvier 1988, nommé directeur de la S pour y effectuer des vacations correspondant aux 3/5e de son temps de travail), O (responsable de Spot) et You (directeur régional de la CGEA), a visité en Métropole cinq entreprises susceptibles de proposer un système de billetterie unique : les sociétés Dassault, Crouzet Monetel, Camp, H et Aem-Megras.

Le 24 octobre 1990 Jacques N avait adressé une note à Mademoiselle le Directeur du Cabinet du Conseil Général ainsi rédigée " Après accord de M. Le Président, je vous saurai gré de bien vouloir établir en urgence un ordre de mission pour les élus M. Nicolas V, M. Samuel Z, M. Joseph L du 6 novembre 1990 au 15 novembre l990, objet: transports interurbains. Etude des différents systèmes de billetterie unique ". Les ordres de mission ont été signés par Eric W le lendemain 25 octobre 199D.

Le 26 octobre 1990, M. H, directeur de la F, écrivait à Jacques N pour solliciter la participation de M. K, chef du bureau des transports, à cette mission. Par note en réponse du 5 novembre 1990, Jacques N rejetait cette demande dans les termes suivants : " à la suite de votre note..., Je vous informe que M. Le Président a demandé qu'une mission soit organisée pour l'étude de la billetterie unique avec comme participants : Elus, S.. . ".

De retour à la Réunion après cette mission, O rédigeait le 26 novembre 1990 un rapport, qu'il remettait à E, dans lequel il conclut que le produit présenté par Schlumberger " est celui qui correspond le mieux aux ambitions réunionnaises ". Selon E (D.76) ce compte-rendu de visite a été présenté en commission des travaux publics et des transports, " fin novembre ou début décembre 1990 " et remis à chacun des élus de cette commission. MM. V et C auraient alors " largement insisté pour qu'une entreprise locale soit choisie avec un sous-traitant métropolitain ".

Le 26 décembre 1990, N signait une lettre de commande pour la rédaction du cahier des charges du marché de la billetterie unique et l'adressait à M. M, responsable de la CGEA en Métropole.

Le 24 janvier 1991 M transmettait à E un projet de cahier des charges pour l'équipement de 113 véhicules, E modifiait ce projet en y ajoutant l'exigence d'un partenariat local.

Le cahier des charges ainsi modifié était soumis, le 18 février 1991, à la commission des travaux publics et des transports, puis au bureau du Conseil Général qui l'a adopté le 13 mars 1991, alors que le 20 février 1991 N avait lancé l'appel d'offres dans les journaux locaux en fixant la limite de réception des candidatures au 12 mars 1991. Il s'avérera, après enquête, que le cahier des charges approuvé par le bureau était incomplet et qu'il manquait cinq pages sur une vingtaine, à la différence des exemplaires adressés par la S et la CGEA à certaines entreprises.

Dans son rapport à la séance du bureau du 13 mars 1991, qui devait l'autoriser à lancer l'appel d'offres et à signer les pièces afférentes au dossier, le Président du Conseil Général indiquait qu'une partie des crédits nécessaires à cette opération, soit 4,3 MF avaient été inscrits au budget primitif de 1991 et que le Ministère des Transports s'était déclaré prêt à subventionner cette réalisation à hauteur de 4 MF. En effet, par lettre du 22 janvier 1991, Eric W avait adressé à ce ministère une demande de subvention pour " la mise en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental ", en indiquant " à ce jour l'estimation de cette action avoisine les 10 MF. Le département de la Réunion sollicite une subvention de 50 % soit cinq millions de francs ".

Quatre réunions de la commission d'ouverture des plis ont eu lieu pour parvenir à départager les sociétés candidates, successivement les 14 mars, 28 mars, 25 avril et 2 mai 1991.

La commission du 14 mars 1991 était chargée de réceptionner les offres publiées le 26 février 1991 dans la presse locale et le 2 mars 1991 dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics. Le tableau des candidatures mentionne les sociétés suivantes (D.694) : Spie Batignoles, Sogeho Réunion, Informatique et Technique Industrielle (ITI), Société Applicam, JL Informatique et Schlumberger.

Le rapport de présentation aux élus estimait le coût du marché entre 10 et 15 millions de F. La commission, présidée par Christophe K, décidait de remettre les plis pour analyse. N demandait alors à E de récupérer les offres et d'en faire l'analyse pour la commission fixée au 28 mars 1991, destinée à retenir les entreprises autorisées à concourir.

Lors de cette commission, E propose d'écarter les sociétés " Spie Réunion ", " Applicam " et " Gli Informatique " pour insuffisance de références informatiques ou inadaptation des matériels aux exigences posées. Il condamne également l'entreprise Schlumberger, leader sur le marché, parce qu'elle " ne répond pas au cahier des charges dans la mesure où elle n'a pas proposé de partenaire local ". E propose également d'écarter l'entreprise Camp, en indiquant qu'elle a formé un recours gracieux pour participer à l'appel le 25 mars 1991, alors que la date limite avait été fixée au 12 mars 1991. En réalité ce recours est en date du 19 mars 1991 et dès le lendemain la F était en possession de la candidature de cette société.

En effet, le 19 mars 1991, le directeur général de Camp avait adressé une lettre à l'attention du Président du Conseil Général en faisant valoir que sa société " était en situation de répondre de manière extrêmement compétitive à la consultation ".

En outre, par note du 22 mars 1991, adressée à N, K avait souligné que la F n'avait reçu aucune proposition d'analyse des candidatures et que " la société Camp, pAemi les trois plus grandes entreprises françaises de matériel de billetterie " l'informait par fax qu'elle n'avait pas répondu à cet appel de candidature, et qu'il était possible de la faire bénéficier des dispositions de l'article 297 bis du Code des marchés publics pour faire état de sa proposition à la commission d'appel d'offres (D.710).

Cependant lors de la deuxième réunion de la commission d'ouverture des plis du 28 mars 1991, E et N prétendaient que la " jurisprudence " de la commission s'opposait à ce qu'une entreprise retardataire soit retenue.

Finalement E proposait à la commission de retenir Sogeho Réunion associée à Crouzet Monetel, et Iti associé à Aem-Megras aux termes d'un rapport contraire aux discussions qu'il avait eu avec O (Spot) lors de l'analyse des candidatures (D.1765).

Il convient également de relever que le 27 mars 1991, K devait rédiger un mémorandum (D.711) de l'entretien qu'il avait eu avec N au sujet de l'analyse des offres, soulignant pour sa part le caractère " fragile " de cette analyse sur divers points, et transcrivant ainsi la réponse du directeur général adjoint, reçue à " 18 H 45 ";

" Les deux élus transporteurs, membres de la mission en Métropole, sont les patrons du GE. Si on retient une entreprise qu'ils ne souhaitent pas, c'est toute la billetterie qui se casse la figure.

" Si la concurrence dit que deux entreprises retenues c'est trop peu, le DGA (directeur général adjoint) lui demandera un papier signé comme quoi il s'engage à payer les conséquences si l'entreprise rajoutée et retenue se plante ".

La commission d'ouverture des plis décidait donc le 28 mars 1991 de " retenir Sogeho Réunion - Crouzet Monetel et Iti Megras pour l'appel d'offres restreint ".

Le 25 avril 1991 la commission réceptionnait les offres chiffrées de ces sociétés, sous la présidence de Christophe Kichenin et en présence d'un seul conseiller général, Alix B (D.723). L'offre de Crouzet Monetel s'élevait à 19 532 700 F HT, et celle de Iti Megras à 16 690 300 F HT. (D.724). La commission ordonnait l'analyse de ces offres pour le 2 mai 1991 à 15 heures.

La commission du 2 mai 1991, qui n'a duré qu'environ trois minutes (D.351) selon N, était également irrégulièrement composée, puisque n'y siégeaient que deux élus (MM. Kichenin et B).

E y présentait un rapport d'analyse composé de deux tableaux comparatifs de prix avec la conclusion suivante (D.73l):

" En conclusion Monetel Crouzet a fait une offre technique, tandis que Aem Megras a plutôt orienté sa réponse vers le commercial tout en affirmant son savoir-faire technique. Compte tenu des éléments dont nous disposons, nous vous proposons de retenir Aem Megras associé à Iti 01 ".

Malgré la brièveté du délai séparant les commissions des vendredi 25 avril et jeudi 2 mai 1991, et le fait qu'il n'ait comporté que trois jours ouvrables pour étudier les offres des sociétés candidates, E les avait fait parvenir à Gruart, du bureau Spot, lequel dès le 29 avril lui remettait un rapport mettant en évidence que " Crouzet Monetel est en mesure de mettre en place un système de billetterie unique conforme aux souhaits du Conseil général et des partenaires transport " et que " à moins de considérer que la volonté et l'implication des hommes de Aem Megras et Iti 01 puisse suppléer aux carences (ou aux absences de précision) techniques, cette proposition ne répond pas au cahier des charges ". Le rapport chiffrait également le prix d'équipement d'un autocar à 74 600 F par Monetel, et à 87 200 F par Aem Megras.

A la réception de ce rapport, E réclamait un complément d'analyse à la direction de la CGEA, en la personne de M. M, qui devait transmettre ses conclusions à Gruart en fin de matinée du 2 mai 1991. Celui-ci les remettait à E avant la réunion de la commission. En conclusion, cette analyse indique : " la sécurité voudrait que l'on choisisse Monetel, mais au niveau des conditions commerciales Aem Megras est le mieux placé " tout en soulignant que cette dernière n'a pas " le savoir-faire nécessaire ".

La commission d'ouverture des plis devait proposer de " retenir Aem Megras associé à Iti 01 ". Le 21 mai 1991 par délégation du Président du Conseil Général, Jacques N signait l'acte d'engagement au profit de la seule société Iti 01.

Alors que le délai imparti à Iti 01, par le cahier des charges, pour réaliser la mise en œuvre d'un système " clefs en main " de billetterie expirait le 1er novembre 1991, sa mise en route n'a pu être effectuée qu'en avril 1992 sur une première ligne et en septembre 1992 sur une seconde ligne.

Le 27 janvier 1992 le département lançait un appel de candidature pour le marché "d'assistance à la gestion commerciale et technique de la billetterie unique ".

Dans le rapport de présentation à la commission d'ouverture des plis (COP) du 5 mars 1992, l'estimation provisionnelle prévoyait une opération de l'ordre de 4,5 à 6,5 millions de francs par an. Sur huit candidats, la COP du 8 mars 1992 retenait les candidatures des sociétés Itis, Sofretu, Iti 01, et Sogeho Réunion. Le 18 juin 1992, la COP enregistrait les offres de:

Sogeho : 10 707 000 F

Iti 01 : 14 889 500 F

Itis : 12 988 150 F

Et décidait de faire procéder à leur analyse.

Dans un rapport transmis le 8 septembre 1992 à la F, Spot indiquait ne pouvoir " préconiser au Conseil Général de retenir une des trois offres " ; la procédure était suspendue.

Le 16 septembre 1992 Alix B, déclarant agir en sa qualité de Président de la Commission des travaux publics et des transports du Conseil Général, dénonçait au Parquet de Saint-Denis des irrégularités affectant le marché de la billetterie unique, le fonctionnement du G des transporteurs, ainsi que le marché des transports scolaires de la Commune de Saint-Leu.

Une information était ouverte le 12 octobre 1992.

Par lettre du 2 octobre 1992, le Président du Conseil Général demandait à la Chambre Régionale des Comptes de contrôler " la régularité de l'attribution du marché relatif à la mise en place de la billetterie unique " par 10 département de la Réunion.

Le 8 octobre 1992, il s'associait à la plainte de M. B.

Le 21 décembre 1992 le président de la Chambre Régionale des comptes adressait à M. W diverses observations en sollicitant ses remarques. Ainsi la Chambre retenait (D.1095) que:

" 1°) la mise a l'écart des services compétents du département a conduit à diluer les responsabilités relatives à la mise en place de la billetterie unique et à occulter les informations essentielles " (...).

" 2°) la procédure d'attribution du marché est entachée de plusieurs anomalies " (cahier des charges incomplet approuvé par le bureau du conseil Général; appel à candidature lancé par le Président du Conseil Général avant d'y être autorisé par le bureau; connaissance par l'entreprise Megras de tout ou partie du cahier des charges dès le 7 mars 1991; conditions d'examen des candidatures lors des commissions d'ouverture des plis; montant très élevé de l'offre de Megras Iti 01 au regard du coût estimé de l'opération; signature du marché avec Iti 01 qui, contrairement aux exigences du cahier des charges, ne présentait aucune référence dans le domaine des transports publics)".

" 3°) les anomalies ont favorisé la réussite d'une entente entre les deux principales entreprises théoriquement en concurrence pour ce marché ". (...).

" 4°) l'exécution du marché et la mise en place de la billetterie se sont (jusqu'ici) déroulées dans des conditions très peu satisfaisantes ".

Par courrier du 18 février 1993, Eric W présentait diverses observations en réponse à celles formulées par la Chambre Régionale des Comptes, qui arrêtait ses observations définitives (D.1097) le 16 mars 1993, maintenant ses premières conclusions.

Dès le début de l'information François E et Jean-Luc I (PDG de la Sogeho), qui sont voisins dans le lotissement du Golf, à la Montagne, déclarent avoir discuté du projet de la billetterie unique fin 1989, début 1990, et des perspectives offertes par une telle opération.

I est en relation avec Jean-Claude P, gérant de la Sarl Informatique et Télécommunications Informatiques à Choisy-le-Roi, qui étudie un projet d'équipement informatique d'autobus pour le Rwanda et évalue cet investissement à 1,8 MF, dont 500 000 F de " commissions commerciales " à verser à des personnalités locales, mais qui ne dispose pas des fonds nécessaires. I qui fait connaître fin 1989 qu'il accepterait de participer à ce financement dans l'éventualité de la réalisation de l'affaire d'informatique embarquée prévue à la Réunion. (D.837).

Mi-juin 1990 I se rend en métropole au siège des entreprises Aem Megras, Schlumberger et Dassault. Dans le même temps P procède également à des investigations et analyses.

Alors que Sogeho connaît certaines difficultés financières (la clôture des comptes fait apparaître, au 31 décembre 1989, une perte de 686 159 F pour un chiffre d'affaires de 13 193 000 F), I tente d'intéresser Bernard U à ses activités. Celui-ci est à la tête d'un groupe de sociétés liées, pour l'essentiel, à la vente, la fabrication et la maintenance de matériels informatiques, comprenant, notamment, la SA Bureau Style et la SA Informatique et Technique Industrielle de l'Océan Indien (Iti 01).

Dans une lettre adressée le 10 août 1990 à Bernard U, Jean-Luc I formalise ainsi son offre (D.840) :

. Sogeho mène, depuis un an environ, une étude technique sur les matériels informatiques embarqués dans les cars ;

. " Un projet devrait certainement sortir prochainement à la Réunion " (...);

. Sogeho a déjà choisi le partenaire qui lui " semble être techniquement le meilleur " pour pouvoir " répondre, à terme, à un éventuel appel d'offres Réunion " (...);

. Sogeho fournit les résultats de son étude technique à une société du groupe U, qui pourra ainsi, avec le partenaire de son choix, répondre à cet appel d'offres ;

. La " vente " de cette étude technique pour se faire aux conditions suivantes :

. Si Sogeho et l'entreprise du groupe Sandja perdent toutes deux le marché, elles s'engagent à verser 150 000 F chacune au " parisien " (P) pour ses diligences ;

. Si Sogeho gagne, elle ne facture aucune prestation à U;

Si U gagne, il verse à Sogeho 1 800 000 F (" rémunération du parisien " à hauteur de 800 KF; " avance sur investissement au Rwanda, soit 500 KF; avance sur les frais commerciaux rwandais qui se montent à 500 KF ") + 1 200 000 F (montant de la prestation Sogeho), soit 3 000 000 F.

En octobre 1990 la SA Bureau Style acquiert 35 % du capital de Sogeho. Lors d'un conseil d'administration du 27 décembre 1990, U, qui a également acquis à titre personnel des actions de Sogeho, est désigné comme administrateur de la société.

Le 9 décembre 1992 I déclare : (D.108) " Si U emportait le marché, il avait été convenu que, d'une part, il lui règle ce qu'il devait pour les études préalables, mais encore qu'il utilise Sogeho pour le suivi technique du marché, et éventuellement qu'il la prenne comme sous- traitant ".

Dès le 19 novembre 1992 (D.69) U avait déclaré aux enquêteurs : " En ce qui concerne le rôle de la Sogeho, il s'est arrêté le jour où Iti 01 a eu le marché. II y a eu défection d'I (...), I n'a pas tenu ses engagements. Il devait s'occuper du marché, et la Sogeho devait sous-traiter pour nous. Elle devait d'abord rentrer dans le giron du groupe afin que je puisse avoir un droit de regard plus efficace, puis exécuter le marché. ".

Fin 1990, I se rend au siège de la société Aem Megras, à Vincennes, avec laquelle il est en contact depuis début et rencontre son directeur Samuel A. Il lui indique que l'entreprise métropolitaine qui serait choisie pour le marché de la billetterie unique devait verser une " commission " de 2 MF pour l'obtenir. U soutient qu'il ignorait qu'un pot-de-vin devait être verse à des élus, bion qu'I affirme (D.l271) lui en avoir parlé fin décembre 199D.

Le 12 février 1991, U et I rencontrent Samuel A au siège d'Aem Megras à Vincennes. Ils discutent du montant et des conditions de l'offre de prix faite par cette société.

I est alors, par ailleurs, en contact avec Crouzet Monetel, société avec laquelle, pour 10 comptes de Sogeho, il signe, le 25 février 1991, un accord de distribution exclusive. Monetel lui accorde une marge commerciale de 20 %.

Le 5 mars 1991 I organise, au restaurant la Saladière à Saint-Denis, un repas, auquel assiste E, pour prendre contact avec Z et V.

Le 7 mars 1991 Aem Megras écrit au Président du Conseil Général qu'elle a " réalisé un accord de partenariat "avec la société Iti 01 " dans le cadre du projet de gestion des transports interurbains du département de la Réunion " (D.687).

Le 4 avril 1991 I, E, Z et V se retrouvent au restaurant la Saladière et évoquent les " 2 MF de la commission " (D.352, D.377).

Par contrat du 9 avril 1991 Aem Megras accorde à Iti 01 la distribution et la vente exclusive des produits et systèmes de billetterie électronique à l'Ile-de-la-Réunion, et une marge commerciale de 20 %.

Par lettre du 11 avril 1991 adressée " à l'attention de Monsieur I " (D.884), Aem Negras transmet à Iti 01 sa proposition de prix, pour un total de 8 230 000 F, outre une option de 2,8 MF par " fourniture d'un lot de huit millions de cartes magnétiques " et une somme de 3,1 MF au titre d'une " étude de faisabilité + frais de développement " (D.885), U déclare (D.69) avoir transmis cotte offre a I pour qu'il l'étudie.

Le 12 avril 1991 I fait signer à U un bon (D.188) par lequel ITI 01 commande à Sogeho un certain nombre de prestations pour un prix correspondant aux 3/4 de la marge brute dégagée par Iti 01 dans la réalisation du marché de la billetterie unique, soit pour 4 000 000 F HT, payable "40 % à la commande (...) fin mai 91, 30 % à la livraison (...) Fin octobre 91, 30 % à la recette (...) fin novembre 91 ".

Sur ce bon figure la somme de 3,1 MF au titre de " frais de commercialisation ".

I soumet ensuite à U un projet d'offre de prix à présenter au Conseil Général. Ils se mettent d'accord pour " dispatcher ", selon l'expression d'I, cette somme de 3,1 MF sur " les autres lignes de produits " (D.111, D.112).

L'offre d'Iti 01 s'établit alors à 17 028 250 F, soit 16 690 330 F HT., alors que l'offre de Crouzet, Monetel et de Sogeho s'élève à 19 532 700 F HT.

U a reconnu (D.69) que I l'avait mis au courant de l'offre de Sogeho, et qu'il savait qu'elle était supérieure à celle de Iti 01.

I propose ensuite, pour le compte d'Iti 01, un bon de commande à Aem Megras, que U signe le 6 mai 1991 (D.887) pour un total de 9 478 200 F HT. Sur ce bon figure une ligne intitulée " frais de développement " pour 3,1 MF.

Inculpés d'ingérence le 19 octobre 1992, Samuel Z et Nicolas V étaient inculpés, supplétivement, de corruption le 9 février 1993.

Dès novembre 1992 E avait affirmé qu'ils avaient réclamé un pot-de-vin sur le marché de la billetterie unique. (D.76, D.77). Ceux-ci devaient, en définitive, déclarer que, courant octobre 1990, Eric W leur avait demandé de passer le voir à son bureau, à la villa du département, pour leur faire part de sa satisfaction d'avoir vu aboutir un accord entre transporteurs, et pour leur réclamer des prêts de bus afin d'organiser des réunions ou manifestations dans le cadre de la préparation de sa candidature aux élections législatives, à raison de 25 à 30 cars tous les deux mois. En échange de ce service il leur ferait dégager " une monnaie " sur le marché de la billetterie unique en précisant qu'il arrangerait cela avec " son administratif ".

C'est ainsi que M. R, directeur du G ligne Alizés devait indiquer que le groupement avait été sollicité à deux reprises, en novembre et en décembre 1991, pour organiser à l'Etang-Salé puis à la Plaine des Palmistes le transport d'habitants de Saint-Denis, avec une cinquantaine de cars la première fois, (une vingtaine selon Eric W) et une centaine la seconde fois. Eric W reconnaît avoir donné des instructions à son amie politique, Mme D, agent administratif au Conseil Général, pour intervenir auprès de M. R, et avoir contacté MM. Z et V pour obtenir ces prêts de bus à ces deux occasions, mais ce, sans contrepartie. Il est à noter que quelques jours avant le déplacement du 15 décembre 1991 à la Plaine des Palmistes, Eric W avait invité un grand nombre de transporteurs à un repas organisé à la villa du département et leur avait demandé de lui prêter des bus à cette occasion. (D.1792)

MM. Z et V étaient entrés en contact avec E après leur retour de la mission faite en métropole en novembre 1990 ; selon E, ils lui avaient exposé l'accord passé avec Eric W (D.355), et avaient indique qu'ils désiraient obtenir le nom d'entreprises susceptibles d'être intéressées pour passer un marché dans ces conditions. E reprenait contact avec I, qui a reconnu qu'à " ce moment là E (lui a) dit qu'il faudrait prévoir 2 MF pour donner à des politiques, et lui a demandé " de servir d'intermédiaire avec les entreprises par la mise en place de la commission " (D.352). Il a déjà été indiqué que fin 1990 I rencontrait A en lui faisant part de la nécessité du versement d'une commission de 2 MF pour obtenir le marché.

A expose alors cette exigence à X, directeur financier du groupe, en envisageant, selon lui (D.1230) toutes les hypothèses, dont celle d'une éventuelle corruption. Pour sa part X devait soutenir qu'il était persuadé qu'il s'agissait d'une " commission à verser à un apporteur d'affaire " qui souhaitait qu'elle demeure occulte (D.1182). Quelques jours après cet entretien, qui eut lieu " fin 1990, début 1991 " (D.1182) X rencontrait François Y, avocat du Cabinet Berlioz, spécialisé en matière fiscale, qui lui faisait savoir que le problème pourrait être contourné par la création, par le bénéficiaire de la commission, d'une société off shore dans un " paradis fiscal " et qui attirait son " attention sur le fait qu'(il y aurait) à payer au fisc une retenue à la source de 33 % et une TVA de 18,6 % non récupérable ".

A et I affirment que lors de la venue d'I et de Samdja au siège d'Aem Megras, le 12 février 1991, ils ont évoqué tous les trois (D.1271) le problème de cette " commission ", après qu'A leur ait " parlé du montage qu'il avait réalisé et des frais annexes ", selon l'expression d'I, (D.352) lequel devait ajouter " Tout le monde savait à ce moment-là qu'il s'agissait de la corruption de deux hommes politiques réunionnais. U a même demandé à A de faire une cotation incluant la commission et ses frais ".

U a toujours affirmé qu'il n'a jamais été question de corruption en sa présence et qu'il n'avait été évoqué que des problèmes de frais d'études (D.1271) s'élevant à 3,1 MF.

X revoyait Y au Cabinet de celui-ci, en compagnie d'A, à un moment qu'Ejnes situe avant fin avril 1991. A devait déclarer au juge d'instruction (D.119) : "Y m'a demandé de lui raconter exactement ce que I m'avait expliqué, c'est ce que j'ai fait. J'ai raconté les mêmes choses à Y qu'à X (...) [Y et X] m'ont expliqué que nous serions amenés à signer un contrat avec une société de Jersey, Socotra, qui s'engageait à nous livrer une étude de marché et à édifier des factures au nom d'Aem Megras. Nous devions payer ces factures à Jersey. Au cours de cette réunion, ils m'ont expliqué qu'il faudrait rajouter un million de taxes et 100 000 F d'honoraires pour Y. Nous n'avons pas reparlé, lors de cette deuxième réunion, de l'hypothèse I bénéficiaire, ou d'autres hypothèses ". A ajoutait qu'à la fin avril 1991, X lui ayant demandé de lui communiquer " le nom du bénéficiaire ", il avait téléphone à I, qui lui avait " communiqué les noms de V et Z ", qu'il avait transmis à X.

Le 19 juin 1991 Y écrit dans les termes suivants à Bettison, son confrère à Jersey (D.1316) au sujet de la constitution de la société Socotra " J'aimerais avoir un papier à en tête imprimé dans l'île et un certain nombre de factures adressées à une société française (...). Ces factures devront être envoyées à Berlioz, à mon nom, avec la mention " strictement confidentiel ". (...) Le nom du banquier serait le compte Ribff. Je serai moi-même le contact (...). Vous trouverez ci-joint un modèle de facture que vous devrez adresser à l'avenir à la société française ". II sera saisi dans le bureau de A deux lettres censées avoir été adressées les 6 avril et 19 octobre 1988 par Socotra à Samuel A - Aem Megras, ainsi que le contrat signé entre Socotra et Megras le 1er juillet 1991, aux termes duquel la première fournissait à la seconde une assistance pour s'implanter en Chine moyennant la somme de 3 000 000 F, sous la forme d'une étude fabriquée par A sur la base de documents personnels et d'éléments recueillis chez Y.

Le 31 juillet 1991 Megras verse 1,5 MF à Socotra.

Le 22 avril 1992 elle paiera un million de plus à Socotra et, le 30 avril 1992, la somme de 779 000 F, soit un total de 3 279 000 F. (D.137)

A une date non établie avec certitude, mais vraisemblablement courant septembre 1991, Z et V se rendent à Jersey avec Y, qui les présente à Bettisom. Le voyage avait pour objet de leur " transférer le bénéfice des titres de la société Socotra ". Z et V ramènent chacun 50 000 F en liquide à la Réunion, tirés sur les fonds de la Socotra.

Le 20 septembre 1991 la Socotra fait deux virements de 450 710 F (soit 901 420 F) sur les comptes spécialement ouverts pour Z et V à la BFC du Port.

Ceux-ci retirent ces sommes en espèces le 1er octobre 1991.

Le 24 avril 1992 Z, V et Y retournent à Jersey " pour rétrocéder la propriété des titres de Socotra au Cabinet d'avocats Bettison ". Chacun des conseillers généraux ramène une somme de l'ordre de 30 à 40 000 F en liquide.

Le 5 mai 1992 Socotra fait virer une somme de 467 100,43 F au crédit du compte ouvert par V a la BFC du Port.

Le 16 juin 1992 Socotra fait virer une somme de 467 992 F sur 10 comptes ouverts à cette offre par Z dans la même agence bancaire.

Les fonds correspondant à ces deux dernières opérations sont retirés en espèces les 8 et 31 juillet 1992.

En ce qui concerne le marché des transports scolaires de Saint-Leu, le conseil municipal de cette commune, par délibération du 12 novembre 1991, décidait de " demander au département de reprendre l'organisation des transports scolaires à compter de la rentrée d'août 1992 ".

La F charge alors le bureau Spot d'une étude préalable, qui durera de mars à juin 1992. Au début, Vidot, chargé d'étude, travaille sur l'hypothèse d'un marché divisé en six lots de cinq véhicules (D.1476).

Puis Henri L de la F., se rendant compte, dit-il (D.1475) " qu'il convenait de réserver une grosse part du marché à D ", qui depuis 1988 assurait le ramassage scolaire de la commune avec une vingtaine de véhicules, prend " l'initiative, en liaison avec Spot, de travailler sur un lot de 20, pour favoriser D, et deux lots de 5, ce qui préservait la concurrence " (D.1473). En juin 1992 L reçoit, affirme-t-il, des instructions de N, qui lui demande de " faire un seul lot ". L déclarera le 25 février 1993 " J'ai essayé d'argumenter pour trois lots en disant qu'il n'était bon qu'un seul transporteur ait le monopole dans une commune. N m'a répondu : " instructions présidentielle ". J'ai donc retransmis cette directive à Spot " (D.1696).

Fin juin 1992 Vidot me mettait son étude à la F, et évaluait le marché à une somme comprise entre 9 et 10,5 MF.

Le 6 juillet 1992 la commission des travaux publics et des transports du Conseil Général, présidée par Alix B, est saisie sur la base d'un rapport du bureau des transports qui estime le montant du marché " entre 9 et 10 MF pour la mise en place de 32 véhicules ".

Selon Dennemont, Conseiller Général, " la commission des transports, de façon unanime, a estimé l'allotissement de ce marché en un minimum de trois lots " (D.1467) et Alix B devait déclarer (D.1466), que " tous les membres de la Commission étaient d'accord pour une division minimum en trois lots " et qu'il avait communiqué verbalement cet avis " à N ou à l'un de ses subordonnés ".

Le 5 août 1992, la commission permanente, présidée par Eric W, statuait au vu d'un rapport qui ne faisait pas état de cet avis de la commission des transports, et qui se contentait d'indiquer que cette " commission a émis un avis favorable sur la reprise de l'organisation des transports scolaires de la commune de Saint-Leu par le Conseil Général et autorisé M. Le Président à lancer la consultation pour designer le candidat qui sera retenu ".

L'avis d'appel d'offres était publié dans la presse locale le 12 août 1992. Le 19 août 1992, date limite de dépôt des offres, seule la société des transports Osmann Mooland faisait acte de candidature. Le 20 août 1992 la commission d'ouverture des plis, présidée par Eric W, statuait au vu d'un rapport précisant que " le service est constitué en un lot unique comprenant trente services (nécessitant chacun) l'utilisation d'un véhicule ". Alix B, découvrant qu'un lot unique était proposé, refusait de siéger à cette commission, qui décidait de " retenir l'offre de la société transports Mooland Osmann pour un montant HT de 12 567 769,57 F soit 12 831 692,73 F TTC ", sans autre observation consignée au procès-verbal.

Le 25 août 1992 une convention d'un montant égal à celui de l'offre du transporteur était signé entre lui et le département.

Le 7 décembre 1992 le Préfet de la Réunion saisissait le Chambre Régionale des Comptes de cette convention, pour avis. Dans son rapport du 25 mars 1993, celle-ci relevait, notamment (D.1205 à 1208) :

- Que la chronologie de l'opération a joué un rôle majeur dans la décision de retenir cette entreprise ;

- Que les méthodes de travail de la commission d'appel d'offres sont contestables ;

- Que " ces anomalies ont eu pour offre de priver de contenu réel la mise en concurrence, dont le Conseil Général avait pourtant retenu le principe, procurant ainsi un avantage injustifié à la seule entreprise susceptible de répondre aux contraintes de la consultation " ;

- Que " le niveau de la rémunération proposée par ladite entreprise, et accepté par le département, s'en est trouvé majoré dans une proportion que l'on peut approximativement estimer entre 25 et 30 %, soit au-delà de l'augmentation des coûts directement liés à l'amélioration, au demeurant manifeste, de la qualité des prestations imposées par le département à son délégataire ;

- Que ces anomalies ne semblent pas susceptibles d'être sanctionnées sur le fondement des règles de mise en concurrence applicables à l'époque des faits.

Au terme de leur analyse, les magistrats de la Chambre Régional des Comptes chiffraient la surévaluation du marché à 2 894 460 F pour la première année, soit 12 millions de F sur quatre ans, durée normale de la convention, où, en cas de tacite reconduction pour une période de même durée, ce qui semble être le règle en la matière, à un surcoût total de 25 millions de F.

Le Président du Conseil Général a formé un recours contre cet avis devant le juridiction administrative.

Entendu le 16 juin 1993, Amine D devait déclarer:

" Le marché de Saint-Leu était truqué dès le départ et j'avais la certitude de le décrocher. D'une part par le fait logique que j'étais déjà titulaire du service et que je l'assurais à la satisfaction de tous, d'autre part par les interventions qui ont pu être faites ". Il devait alors expliquer (D.1526), ce qu'il confirmera par la suite devant le juge d'instruction, (D.1541) qu'il avait effectué, en février en mars 1992, une démarche auprès du maire de la commune, Jean-Luc M, qui lui avait affirmé qu'" il pouvait se faire fort d'intervenir pour (qu'il ait) la totalité du marché à la condition (qu'il) accepte de rendre certains services pour lui-même et le Président W ".

Jean-Luc M confirmait, le 17 juin 1993, les réclamations de Amine D en ces termes " II est exact que c'est au mois de février en mars 1992 que nous avons passé un pacte (confronté à Eric W le 14 septembre 1992 il devait dire que ce terme de pacte en de deal lui semblait " un peu fort par rapport à la réalité des faits ") (...). Comme l'a indiqué Amine D, en échange de l'assurance d'avoir la totalité du marché, il était prévu qu'il rende des services, tant à moi qu'auprès du Président W.(...) Les services que je sollicitais étaient le sponsoring par des associations de la commune et notamment le club des " Marsouins "; la mise à disposition gracieuse de bus pour W et moi-même à l'occasion de meetings politiques et également de " faire un geste " pour le financement des campagnes de W et de moi-même ".

Sur ce dernier point D répondait qu'il ne pouvait intervenir qu'officiellement.

Amine D devait évaluer à sept bus par semaine le nombre de véhicules " prêtés " à la commune de Saint-Leu entre septembre 1992 et avril 1993. Il augmentait sensiblement ses subventions au club de football des " Marsouins ", qui passaient de l'ordre de 20 000 F par an à 200 000 F en 1992.

Jean-Luc M soutient être intervenu auprès d'Eric W dès avant le renouvellement du Conseil Général (mars 1992). " C'est là - dit-il - que le Président m'a répondu que c'était possible d'intervenir pour D si ce dernier fournissait des services en échange, c'est-à-dire ceux que j'ai engagé ". Lors de sa confrontation avec Eric W, il ajoutait: " W m'a indiqué qu'il allait demander à N de faire le nécessaire pour qu'il y ait un lot unique dans ce marché " (D.1755).

N, qui dans l'affaire de la billetterie unique mettait en cause Eric W en déclarant, notamment, " la décision de W d'écarter l'administration au profit de la S et de faire suivre le dossier par une seule personne, E, a considérablement facilité les manœuvres ayant abouti à l'affaire " (D.1251), confirmait la déclaration de Jean-Luc M en ces termes " M.W m'a indiqué clairement que je devais faire en sorte auprès des services qu'un seul lot soit retenu dans cette opération de Saint-Leu. Il m'a donné ces instructions en présence du maire de Saint-Leu. Je savais explicitement que, dans les conditions de temps qui étaient les nôtres, seule l'entreprise D pouvait répondre à une telle demande et être choisie." (D.1251).

Par jugement du 25 mars 1994, le tribunal correctionnel de Saint-Denis a :

1°) sur l'action publique, déclaré coupables :

Louis Nicolas V

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le 10 octobre 1990 et le 30 juillet 1992, étant conseiller général, investi d'un mandat public lui donnant le droit de concourir à la gestion des affaires du département de la Réunion, ouvertement pris et reçu des intérêts dans des actes adjudications, entreprises en régies dont il avait au temps de l'acte, en tout ou partie, l'administration ou la surveillance, en participant à la préparation des décisions ou à des décisions d'attribution de subventions au " G " dont il était l'administrateur rémunéré ;

Infraction prévue et réprimée par l'article 175 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et par l'article 432.12 du Code pénal.

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le mois d'octobre 1990 et le mois de juillet 1992, sollicité des offres et promesses, sollicité et reçu des dons pour étant investi d'un mandat, en l'espèce étant conseiller général, faire ou s'abstenir de faire des actes de ses fonctions non sujets à salaire, en l'occurrence d'avoir fait dépendre l'attribution d'un marché passé par le Conseil Général de la Réunion pour la " misse en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental " du versement d'un pot-de-vin de deux millions de francs.

Infraction prévue et réprimée par l'article 177.1 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et " par l'article 432.1 du nouveau Code pénal ".

Samuel Z

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la proscription de la section publique entre le 10 octobre 1990 et le 30 juillet 1992, étant conseiller général, investi d'un mandat public lui donnant le droit de concourir à la gestion des affaires du département de la Réunion, ouvertement pris et reçu des intérêts dans des actes, adjudications, entreprises en régies dont il avait au temps de l'acte, en tout en partie, l'administration ou la surveillance, en participant à la préparation des décisions ou à des décisions d'attribution de subventions au " G " dont il était l'administrateur rémunéré.

Infraction prévue et réprimée par l'article 175 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et par l'article 432.12 du Code pénal.

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de section publique entre le mois d'octobre 1990 et le mois de juillet 1992, sollicité des offres et promesses, sollicité et reçu des dons pour étant investi d'un mandat, en l'espèce étant conseiller général, faire ou s'abstenir de faire des actes de ses fonctions non sujets à salaire, en l'occurrence d'avoir fait dépendre l'attribution d'un marché passé par le Conseil Général de la Réunion pour la " mise en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental " du versement d'un pot-de-vin de deux millions de francs.

Et ce alors qu'il se trouvait en état de récidive légale ;

Infraction prévue et réprimée par l'article 177.2 du Code pénal et les articles 57 et 58 du même Code en vigueur au moment des faits, et " par l'article 432.1 du nouveau Code pénal ".

Bernard U

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par le prescription de l'action publique entre le mois de juillet 1989 et le 2 mai 1991, frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre d'actions concertées, de conventions, d'ententes expresses et tacites tendant :

- à limiter l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

- à répartir les marchés en décidant à l'avance de l'attribution du marché dit de la " billetterie unique " aux entreprises associées Iti 01 et Aem Megras, en développant des actions tendant à rendre les offres de la concurrence non pertinentes, et en présentant une offre de " couverture " surévaluée insusceptible de concurrencer celle des entreprises moins disantes désignées a l'avance.

Infraction prévue et réprimée par les articles 7 et 17 de l'ordonnance n°86.1243 du 1er décembre 1986.

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par le prescription de l'action publique entre le mois de février 1991 et le mois de juillet 1992, pour obtenir l'attribution d'un marché passé entre le Conseil Général de la Réunion et relatifs " à la mise en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental " cédé à des sollicitations tendant à la corruption et organisé le versement d'un pot-de-vin de deux millions de francs qu'il savait destiné à des personnes investies d'un mandat électif.

Infraction prévue et réprimée par les articles 177.1 et 179 du Code pénal en vigueur au moment des faits, et " par les articles 432.11 et 433.1 du nouveau Code pénal ".

François E

D'avoir ou de s'être, à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le mois de septembre 1989, et le 2 mai 1991 frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre d'action concertées, de conventions, d'ententes expresses et tacites tendant :

- à limiter l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises.

- à répartir les marchés en décidant à l'avance de l'attribution du marché dit de la " billetterie unique " aux entreprises associées Iti 01 et Aem Megras, en développant des actions tendant à rendre les offres de la concurrence non pertinentes, et ne présentent une offres de " couverture " surévaluée insusceptible de concurrencer celle des entreprises moins disantes désignées à l'avance.

Infraction prévue et réprimée par l'article 7 et 17 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, entre le mois d'octobre 1991 et le mois de juillet 1992 avec connaissance, aidé et assisté Messieurs W, Z et V dans les faits qui ont préparé, facilité et consommé le délit de corruption reproché aux susnommés, à l'occasion de l'attribution du marché passé par le Conseil Général de la Réunion, pour la mise en place d'une billetterie unique.

Infraction prévue et réprimée par les articles 59, 60 et 177.1 du Code pénal, en vigueur au moment des faits et par les articles 121.6, 121.7 et 432.11 du Code pénal.

Samuel A

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par le prescription de l'action publique " entre le mois de juillet 1992 ", pour obtenir l'attribution d'un marché passé par le Conseil Général de la Réunion et relatif à la " mise en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental " cédé à des sollicitations tendant à la corruption et offert une somme de deux millions de francs qu'il savait destinée à des personnes investies d'un mandent électif.

Infraction prévue et réprimée par les articles 177.1 et 179 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et " par les articles 432.11 et 433.1 du nouveau Code pénal ".

Jean Marie N

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le mois d'octobre 1990 et le mois de juillet 1992 avec connaissance, aidé et assisté Messieurs W, Z et V dans les faits qui ont prépare, facilité et consommé le délit de corruption reproché aux susnommés, à l'occasion de l'attribution du marché passé par le Conseil Général de la Réunion, pour la mise en place d'une billetterie unique.

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par le prescription de l'action publique entre le mois de décorne 1991 et le mois d'août 1992, avec connaissance, aidé et assisté Messieurs W et M dans les faits qui ont préparé, facilité et consommé le délit de corruption reproché aux susnommés à l'occasion de l'attribution par le Conseil Général de la Réunion de " l'exploitation du réseau des transports scolaires de la Commune de Saint-Leu ".

Infraction prévue et répéter par les articles 59, 60 et 177.1 du Code pénal, en vigueur en moment des faits, et par les articles 121.6, 121.7 et 432.11 du Code pénal.

François Y

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le mois de janvier 1991 et le mois de juillet 1992, avec connaissance, aidé et assisté Samuel A dans les faits qui ont préparé, facilité et consommé la corruption reprochée au susnommé et consistant dans l'offre d'une somme de deux millions de francs qu'il savait destinée à des personnes investies d'un mandat électif, pour obtenir l'attribution d'un marché passé par le Conseil Général de la Réunion et relatif à la "mise en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental."

Infraction prévue et réprimée par les articles 59, 60, 177.1 et 179 du Code pénal en vigueur au moment des faits et par " les articles 121.6, 121.7, 432.11 et 433.1 du nouveau Code pénal ".

Fernand X

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par le prescription de l'action publique entre le mois d'octobre 1990 et le mois de juillet 1992, avec connaissance, aidé et assisté Samuel A dans les faits qui ont préparé, facilité et consommé la corruption repprochée au susnommé et consistant dans l'offre d'une somme de deux millions de francs qu'il savait destinée à des personnes investies d'un mandat électif, pour obtenir l'attribution d'un marché passé par le Conseil Général de la Réunion et relatif à la "mise en place d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental."

Infraction prévue et réprimée par les articles 59, 60, 177.1 et 179 du Code pénal en vigueur au moment des faits, et " par les articles 121.6, 127.7, 432.11 et 433.1 du nouveau Code pénal ".

Eric W

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par le prescription de l'action publique entre le mois d'octobre 1990 et le mois de juillet 1992, sollicité des offres et promesses, sollicité et reçu des dons pour, étant investi d'un mandat électif, en l'espèce étant Président du Conseil Général, faire ou s'abstenir de faire des actes de ses fonctions non sujets à salaire, en l'occurrence d'avoir fait dépendre l'attribution d'un marché passé par le Conseil Général de la Réunion pour " la mise en place " d'une billetterie unique sur l'ensemble du réseau départemental " du versement d'un pot-de-vin de deux millions de francs.

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le mois de décombre 1991 et le mois d'août 1992, sollicité des offres et promesses pour, étant investi d'un mandat électif, en l'espèce étant Président du Conseil Général, faire ou s'abstenir de faire des actes de ses fonction non sujets à salaire, en l'occurrence pour faire attribuer par le Département de la Réunion l'exploitation du réseau des transports scolaires de la Commune de Saint-Leu.

Infractions prévues et réprimées par l'article 177.1 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et par l'article 432.11 du Code pénal.

Mamode Amine D

D'avoir ou de s'être à Saint-Denis, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis depuis temps non couvert par la prescription publique entre le mois de décembre 1991 et le mois d'août 1992, pour obtenir l'attribution de l'exploitation du réseau des transports scolaires de le commune de Saint-Leu ", par le département de la Réunion, cédé à des sollicitations tendant à la corruption en faisant des offres, des promesses et des dons.

Infraction prévue et réprimée par les articles 117.1 et 179 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et " par les articles 432.11 et 433.1 du nouveau Code pénal ".

Jean M

- d'avoir ou de s'être à Saint-Denis de la Réunion, en tout cas dans le ressort du Tribunal de grande instance de Saint-Denis depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique entre le mois de décembre 1991 et le mois d'août 1992, sollicité des offres, des promesses et des dons pour, étant investi de mandats électifs, en l'espèce étant maire de la Commune de Saint-Leu et Conseiller Général, faire ou s'abstenir de faire des actes de ses fonctions non sujets à salaire, en l'occurrence pour faire attribuer par le département de la Réunion l'exploitation du réseau des transports scolaires de la commune de Saint-Leu.

Infraction prévue et réprimée par l'article 177.1 du Code pénal, en vigueur au moment des faits, et par les articles 432.11 et 433.1 du nouveau Code pénal.

Condamné :

- Louis Nicolas V à la peine de trente mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis simple, et 500 000 F d'amende et a prononcé à son encontre l'interdiction pendant cinq ans des droits mentionnés aux 1°, 2°, et 3° de l'article 131.26 du Code pénal.

- Samuel Z à la peine de trente mois d'emprisonnement et à 500 000 F d'amende, et a prononcé à son encontre l'interdiction pendant cinq ans des droits mentionnés aux 1°, 2°, et 3° de l'article 131.26 du Code pénal.

- Bernard U à la peine de deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis simple et 300 000 F d'amende.

- Jean Marie N à la peine de deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis simple et 50 000 F d' amende.

- François Y à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis simple et 100 000 F d'amende.

- Eric W à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis simple et 500 000 F d'amende, et a prononcé à son encontre l'interdiction pendant cinq ans des droits mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article 131.26 du Code pénal.

Par délibération spéciale, a ordonné son maintien en détention.

- Jean M à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis simple et 50 000 F d'amende et a prononcé à son encontre l'interdiction pendant trois ans des droits mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article 131.26 du Code pénal.

Sur l'action civile,

A reçu le Conseil Général de la Réunion en sa constitution de partie civile.

Concernant la billetterie unique, a condamné solidairement Nicolas V, Samuel Z, Bernard U, François E, Jacques N, François Y, Fernand X et Eric W à payer au Conseil Général de la Réunion la somme de 3 100 000 F à titre de dommages-intérêts.

- Concernant le réseau des transports scolaires de Saint-Leu, a rejeté le demande d'expertise relative au coût de la corruption.

A donné acte à le SA Aem Megras de sa demande de désistement de partie civile.

Eric W a interjeté appel de ce jugement le 25 mars 1994 et François Y le 28 mars 1994.

Samuel Z et Nicolas V interjeté appel le 30 avril 1994.

Jean Marie N et Jean-Luc M ont formé leurs appels le 1er avril 1994 et Bernard U le 5 avril 1994.

Ces appels portent sur les dispositions pénales et civiles du jugement.

La partie civile a fait appel du jugement le 31 mars 1994.

Le Procureur de la République a formé ses appels incidents :

- le 28 mars 1994 contre Eric W et François Y,

- le 30 mars 1994 contre Samuel Z et Nicolas V.

- le 1er avril 1994 contre Jean Marie N et Jean-Luc M.

- le 6 avril 1994 contre Bernard U.

SUR CE:

I. SUR LES INCIDENTS

La jonction au fond des incidents

Attendu qu'en application de l'article 459 du CPP, le juge, qui est tenu de répondre aux conclusions régulièrement déposées, doit joindre au fond les incidents dont il est saisi, et statuer par un seul et même jugement sur les incidents et sur le fond sauf impossibilité absolue ou exception portant sur une disposition touchant à l'ordre public;

Attendu qu'il est de principe que relèvent de cette dernière catégorie les exceptions préjudicielles, l'exception d'incompétence, celles tirées de l'amnistie, de le chose jugée, de la prescription, de l'abrogation de la loi pénale ou d'une immunité diplomatique ou parlementaire; qu'il s'avère que les incidents soulevés en l'espèce n'entrent pas dans cette catégorie ;

Attendu qu'il n'y a pas impossibilité absolue, au sens de ce texte, pour la cour de joindre au fond les incidents contentieux soulevés par une partie qui sollicite l'audition de témoins, et de répondre dans l'arrêt au fond aux conclusions régulièrement déposées à cette fin ;

Attendu que l'article 513 du CPP, qui dispose que les témoins ne sont entendus que si la cour a ordonné son audition, ne lui impose pas de statuer par arrêt incident ;

Attendu qu'en adoptant une position contraire, comme le réclament les conseils de M. W, la cour viderait grandement de sens l'article 459 du CPP, qui tend à prohiber les procédés dilatoires ; qu'en effet un prévenu pourrait à l'évidence paralyser indéfiniment l'action de la justice, en mettant en ouvre la procédure prévue par les articles 570 et 571 du CPP - Si le juge d'appel devait statuer par arrêt distinct de l'arrêt sur le fond sur une demande d'audition de témoin - et en formant ainsi des requêtes tendant à faire déclarer ses pourvois immédiatement recevables autant de fois que ses demandes d'audition de nouveaux témoins seraient rejetées ;

Sur la réponse aux conclusions tendant à l'audition de témoins

Attendu que l'article 6 - 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales prévoit que " tout accusé a droit notamment à (...) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ";

Attendu qu'il est de principe que le refus, par les juges du second degré, d'entendre un témoin n'enfreint pas, en tant que tel, les dispositions de ce texte dès lors qu'ils justifient leur décision en exposant les circonstances particulières qui font que l'audition réclamée n'est pas essentielle à la manifestation de la vérité et ne constitue pas le seul mode de preuve susceptible de fonder leur conviction ;

Attendu qu'il convient, en conséquence de répondre aux premières conclusions tendant à l'audition de Mme Marie Line P et Marie Jeanne V, MM. Julien B, Hassam M ;

Attendu qu'au soutien de sa demande d'audition de Mme V, Eric W fait plaider que le 7 juin 1993 elle écrivait une lettre exposant le contenu d'entretiens qu'elle avait eu avec un inspecteur de police, aux termes de laquelle son époux " Nicolas pouvait bénéficier de l'indulgence du juge, étant un inculpé primaire, s'il voulait dire la vérité, c'est-à-dire mettre en cause le Président du Conseil Général, M. W " ;

Attendu que l'audition de Marie Jeanne V n'est pas nécessaire, dès lors que son époux, appelant, comparaît à l'audience et peut s'expliquer, sans intermédiaire et contradictoirement, sur les prétendues pressions qu'il aurait subies pour mettre en cause Eric W ;

Attendu que pour voir ordonner l'audition de Julien B, actuellement détenu pour autre cause et mis en examen du chef d'assassinat, il est soutenu qu'il " aurait assisté, courant juin 1993, à une scène qui se serait déroulée à la chapelle de la maison d'arrêt : plusieurs personnes avaient rendu visite à MM. V et Z en vue de les convaincre de porter de fausses accusations centre M. W dans l'affaire dite de la billetterie unique, les mensonges (...) devant être récompensés par la mise en liberté prochaine des accusateurs ";

Attendu que Samuel Z, appelant, est également en mesure de s'expliquer publiquement et contradictoirement sur les pressions alléguées à son égard; qu'il n'y a donc pas lieu de faire entendre Julien B ;

Attendu que Hassam M, qui aurait été détenu plusieurs semaines avec Nicolas V, serait devenu son " confident " et aurait pris connaissance de documents, remis à Z et V pendant leur détention, " contenant des questions ainsi que les réponses appropriées, lesquelles devaient être apprises par cour avant la dénonciation programmée pour le 2 juillet 1993 "; qu'il aurait également " assisté à des scènes violentes où M. Z, désireux de sortir de prison pour assister à la naissance de son fils, aurait menacé M. V de représailles si celui-ci continuait à ne pas vouloir porter de fausses accusations à l'encontre de M. W "; que Hassam M, à sa sortie de prison " s'est dirigé, en compagnie de Mme P, directement à l'étude d'un huissier de justice aux fins de faire consigner par écrit (ces) faits ";

Attendu que, par les motifs qui précèdent, l'audition de ces personnes n'est pas nécessaire au sens de l'article 6 de le Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, dès lors que les principaux intéressés, Nicolas V et Samuel Z, peuvent être interrogés au cours des débats sur les raisons du " revirement " dans ses déclarations qui, jusqu'au 2 juillet 1993, ne mettaient pas en cause Eric W;

Attendu que la circonstance que Hassam M et Marie Line P aient cru devoir faire consigner leurs déclarations par un huissier de justice est indifférente, dès lors que l'intervention de l'officier ministériel à cette occasion ne confère aucune valeur probante particulière à ces affirmations qui pouvaient être portées directement à la connaissance du juge d'instruction ou du Parquet, et s'apparente à un acte inutile ;

Attendu que les conseils de Nicolas V et Samuel Z ont réclamé l'audition d'Alain L comme témoin, en faisant valoir d'une part que cette personne, détenue à la maison d'arrêt du Port, aurait assisté à un entretien entre Julien B et Eric W, au cours duquel le premier a remis un courrier au second, et d'autre part, qu'il " semblerait que Eric W ait déclaré à M. L Alain qu'il ferait tomber Me Jebane à l'audience ";

Attendu que force est de constater que ces demandes successives d'audition de personnes ayant été détenues avec certains prévenus, témoignent d'un esprit porté vers les artifices procéduraux, dès lors qu'elles ne concernent aucune personne ayant été témoin de faits soumis à l'appréciation de la cour; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande d'audition de Alain L.

Sur les demandes de sursis à statuer

Attendu qu'au soutien de leur première demande, reprise dans les motifs de la demande de mise en liberté formulée le 5 juillet 1994, les conseils d'Eric W indiquent avoir formé un pourvoi en cassation contre " l'arrêt incident " qui a rejeté leur demande d'audition de certains témoins et avoir saisi le président de la chambre criminelle d'une requête tendant à voir déclarer ce pourvoi immédiatement recevable ;

Attendu que la cour n'ayant rendu aucun arrêt distinct de l'arrêt sur le fond, cette demande n'est pas fondée ;

Attendu sur la demande formée le 4 juillet 1944 tendant à ce que l'audience soit suspendue jusqu'a ce qu'il soit statué sur la requête en récusation visant un membre de la cour, qu'il convient de retenir qu'en application de l'article 670 alinéa 2 du Code de procédure pénale cette requête ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est proposé; qu'en outre, lors des débats, il a été précisé par les intéressés que leur requête avait été projetée par décision du 5 juillet 1994; qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer ;

SUR LE FOND

Sur l'ingérence reprochée à Nicolas V et Samuel Z

Attendu qu'il est fait grief à V et Z, conseillers généraux, d'avoir participé aux décisions d'attribution de subventions départementales au G, dont ils étaient les administrateurs rémunérés ;

Attendu que pour déclarer Nicolas V et Samuel Z coupables des faits d'ingérence visés à la prévention, les premiers juges ont justement retenu qu'entrant dans la catégorie des personnes investies d'un mandat public au sens de l'article 175 du Code pénal en vigueur lors des faits, et étant investis d'un mandat électif public comme le prévoit l'article 432.12 du Code pénal, ils ont pris des intérêts en percevant réellement une rémunération pendant les trois derniers mois de 1990 en tant qu'administrateurs du G Alizés et en la faisant inscrire à leur compte courant associé de ce même G en 1991, alors qu'en leurs qualités de conseillers généraux ils ont participé aux décisions qui ont permis d'attribuer des subventions à ce G pendant la même période et de les rémunérer ;

Attendu que les prévenus ne contestent pas les faits qui leur sont reprochés mais font valoir qu'ils n'ont perçu les rémunérations litigieuses qu'en 1990; que Samuel Z souligne qu'il a cessé d'être conseiller général après les élections de mars 1992 ;

Attendu que le délit d'ingérence, qualifié désormais de prise illégale d'intérêts, suppose une prise d'intérêt qui est consommée par le seul abus de la fonction, indépendamment d'un gain ou d'un bénéfice personnel ;

Qu'ainsi, en l'espèce, en votant favorablement, en tant que conseillers généraux, aux décisions préparatoires et attributives de subventions au G Alizés, auquel ils appartenaient comme transporteurs, les prévenus se sont rendus coupables du délit visé à la prévention ;

Attendu que, dans sa rédaction issue de l'article 175 du Code pénal applicable lors des faits, l'infraction est instantanée et se réalise complètement au moment de la prise d'intérêt ainsi définie, même si l'opération effectuée comporte des avantages qui s'échelonnent ultérieurement sur plusieurs mois; qu'il convient de relever que le délit a été commis par Samuel Z pour le dernière fois le 4 mars 1992, et pour Nicolas V le 29 juin 1992, le premier ayant participé à la réunion du bureau du Conseil Général qui a décidé le 4 mars 1992 d'allouer une nouvelle subvention au G, et le second ayant voté favorablement, lors de la réunion de la commission des transports du 29 juin 1992, à la demande de complément de subvention sollicitée par le G; qu'ainsi le jugement déféré sera réformé en ce sens, quant aux dates retenues pour les faits punissables, dès lors que l'extension du champ d'application de l'incrimination, qui désormais vise le fait de conserver un intérêt illégal dans une entreprise ou une opération, ne peut s'appliquer aux faits commis avant l'entrée en vigueur de ces dispositions de l'article 432.12 du Code pénal qui sont plus sévères; que, de même, seules peuvent être prononcées les peines applicables à la date où ces faits ont été commis, dès lors que l'article 432.12 du Code pénal aggrave leur répression ;

Sur l'entente reprochée à Bernard U

Attendu qu'il est fait grief à Bernard U, dirigeant de la société Iti 01, d'avoir participé au montage élaboré notamment par I, dirigeant de le Sogeho, destiné à attribuer à la société Iti 01, associée à Aem Megras, le marché départemental d'installation d'un système de billetterie unique sur les cars du réseau interurbain; que U et I auraient conclu un accord aux termes duquel leurs deux sociétés soumissionneraient à l'appel d'offre lance par le département, la société Sogeho déposant une offre de couverture plus élevée que celle d'Iti 01 moyennant le paiement d'une commission ;

Attendu que pour réclamer sa relaxe des poursuites engagées à son encontre du chef d'entente, Bernard U soutient que la limitation de l'accès de sociétés concurrentes au marché de la billetterie unique ne résulte d'aucune action déterminante de sa part, mais des interventions d'autres prévenus, et réclame que, préalablement à toute décision de la cour, le Conseil de la concurrence soit saisi et qu'il soit statué sur l'action pénale au vu de sa décision;

Attendu que la saisine du Conseil de la concurrence par une juridiction de jugement, en application de l'article 26 de l'ordonnance n°86.l243 du 1er décembre 1986, est facultative et n'apparaît pas nécessaire en l'espèce ;

Attendu que l'entente prohibée par l'article 7 de cette ordonnance, implique la conjonction des activités d'entreprises juridiquement différentes, comme le sont les sociétés Sogeho et Iti 0l, ce qui n'est pas discuté ;

Attendu qu'il a été précisé ci-avant dans quelles conditions Jean-Luc I, par lettre du 10 août 1990, avait proposé à Bernard U un accord entre la société Sogeho et une société du groupe U dans la perspective de l'attribution du marché de la billetterie unique à l'une ou à l'autre ;

Attendu que leur entente a eu pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché dès lors que chacune de ces sociétés a présenté son offre en fonction de celle préparée par l'autre, et que I et U s'étaient entendus pour remettre des offres calculées de telle sorte que l'entreprise Iti 0I apparaisse, lors de l'ouverture des soumissions, comme la moins disante; qu'en effet, il résulte des propres déclarations de Bernard U qu'au-delà du marché de la billetterie unique, Sogeho était intéressée par celui de la gestion de la billetterie unique et que l'offre de couverture faite par Sogeho Monetel sur le premier marché résultait de l'accord passé avec Iti 01, qui acceptait de s'effacer ensuite au profit de Sogeho sur ce second marché, en en profitant également indirectement par la prise de participation de U dans le capital de Sogeho fin 1990, ce à un moment où cette société connaissait des difficultés financières;

Que cela résulte, notamment, des déclarations suivantes de Bernard U

- " En ce qui concerne le rôle de la Sogeho, il s'est arrêté le jour où Iti 01 a eu le marché. Il y a eu défection d'I. Malgré le bon de commande (établi le 12 avril 1991) que je lui avais signé juste avant la remise des plis, le 22 avril 1991, en échange du dossier qui a été soumis à la commission, I n'a pas tenu ses engagements. Il devait s'occuper du marché, et la Sogeho devait sous-traiter pour nous. Elle devait d'abord rentrer dans le giron du groupe afin que je puisse avoir un droit de regard plus efficace, puis exécuter le marché. A plus ou moins longue échéance, nous avions l'intention de créer une nouvelle structure d'entreprise, genre holding ou autre. " (D.69);

Qu'il s'avère, ce qui conforte ces dires, qu'avant que des actions judiciaires opposant Sogeho et Iti 0l (le 29 juillet 1992, la BFC 01 banquier de la Sogeho, obtenait, par voie oblique, condamnation d'Iti-0I à payer 1 878 769,35 F sur la base du bon de commande du 12 avril 1991), ces sociétés avaient soumissionné pour le marché " d'assistance à la gestion commerciale et technique de la billetterie unique ", qui, le 18 juin 1992, voyait la commission d'ouverture des plis enregistrer les offres de Sogeho pour 10 707 000 F, d'Iti-OI pour 14 889 500 F et d'une troisième entreprise pour 12 988 150 F;

Attendu que Bernard U a eu une part personnelle et déterminante, au sens de l'article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dans la mise en œuvre de l'entente prohibée, en :

- chargeant I de préparer l'offre d'Iti-0I;

- examinant, et en répartissant avec I le montant de la somme de 3 100 000 F (figurant dans l'offre d'Aem Megras comme " frais de développement ") entre différents postes de l'offre faite ensuite par Iti 01 au Conseil Général, de façon à ce que cette somme n'apparaisse pas de façon individualisée;

- signant, le 12 avril 1991, un bon de commande à Sogeho concrétisant l'accord entre les deux sociétés;

Qu'ainsi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré Bernard U coupable de ce délit, sauf à préciser que l'infraction a été commise entre août 1990 et le 2 mai 1991;

SUR LA CORRUPTION LIEE AU MARCHE DE LA BILLETTERIE UNIQUE

Attendu qu'il est fait grief à V, Z,W, N et Y d'avoir participé, les trois premiers comme auteurs, les deux derniers comme complices, à l'opération de corruption liée à l'attribution du marché de la billetterie unique; que le département ayant décidé de l'installation d'un tel système sur les autocars du réseau interurbain, V et Z auraient, en leur double qualité de représentants des transporteurs et de conseillers généraux, favorisé l'attribution du marché à la société Iti 01, associée à Aem Megras, conformément à l'entente conclue par ailleurs entre U, dirigeant d'Iti 01, et I, dirigeant de la Sogeho, désignés à l'avance comme seuls soumissionnaires; qu'à cette fin, V et Z, avec l'aide de E, responsable administratif de la S, association para-départementale chargée de la gestion des gares routières, et de N, directeur général adjoint des services du Conseil Général, seraient intervenus dans le montage destiné à l'attribution frauduleuse du marché; que c'est ainsi qu'ayant eu connaissance de la prochaine passation du marché, qui faisait suite à des études précédemment conduites par E et par les services compétents du Conseil Général, V et Z auraient soumis leur approbation du choix de l'entreprise au versement d'un pot-de-vin de deux millions de francs, leur double qualité de conseillers généraux membres de le commission des transports du Conseil Général et d'administrateurs du G, qui regroupait la quasi-totalité des transporteurs privés intéressés à l'opération, leur conférant un rôle prééminent dans la décision d'attribution à prendre par l'assemblée départementale; que le Président du Conseil Général avait toutefois le pouvoir d'entraver ce projet en refusant de signer le marché au profit de l'attributaire choisi sous le pression de V et Z; qu'en échange de son aval pour les arrangements envisagés par V et Z, W leur aurait demandé que les transporteurs locaux, dont ils étaient les représentants au sein du G, mettent gratuitement à sa disposition des autocars pour ses activités de propagande politique ; qu'une fois la décision de principe de passation du marché prise par l'assemblée départementale, E et N auraient conduit la procédure administrative d'appel d'offres de manière telle que l'entreprise Aem Megras, dont les responsables, A et X, avaient admis le versement du pot-de-vin sollicité par V et Z moyennant une augmentation du prix du marché équivalente au coût du pot-de-vin, soit effectivement désignée comme attributaire du marché; qu'à cette fin, N, relayant les instructions de W, aurait, dans un premier temps, écarté la direction des transports du Conseil Général, qui avait vocation fonctionnelle à suivre l'opération; puis il aurait, en liaison avec E, fait adopter par la commission d'appel d'offres, dont il préparait les délibérations et à laquelle il assistait en qualité de responsable administratif, une procédure et un calendrier de décision tels que les entreprises autres que Iti 01 Aem Megras et Sogeho, qui auraient pu soumissionner, soit en fait écartées de la compétition, de sorte que la commission d'appel d'offres soit amenée, comme elle l'a fait, à retenir l'entreprise Iti 01 associée à Aem Megras; qu'après la passation du marché, V et Z ont effectivement reçu chacun une somme totale d'environ un million de francs, versée par Aem Megras par l'entremise de son avocat-conseil, Y, lequel avait, préalablement à l'appel d'offres, effectué les démarches nécessaires à la constitution à Jersey d'une société dite " off shore ", constituée par V et Z, laquelle facturait à Aem Megras une étude fictive d'un montant exactement équivalent au montant du pot-de-vin, augmenté des taxes et frais; que W aurait, peu après la perception du pot-de-vin par V et Z, fait organiser deux réunions de ses partisans politiques, aux cours desquelles ont été utilisés des autocars mis gratuitement à sa disposition par les transporteurs locaux par l'intermédiaire de V et de Z.

Sur la corruption passive reprochée à Nicolas V et Samuel Z

Attendu que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que Nicolas V et Samuel Z se sont rendus coupables du délit prévu et réprimé par l'article 432.11 1° du Code pénal (et non 432.1 comme indiqué par suite d'une erreur matérielle) et par l'ancien article 177.1° du Code pénal applicable lors des faits;

Qu'en effet, c'est à tort que les prévenus prétendent, dans leurs conclusions, que le " marché " qu'ils ont passé avec Eric W doit s'analyser, éventuellement, en l'infraction prévue et réprimée, lors des faits par l'article 177 al. 2 du Code pénal, aux motifs qu'ils n'auraient agi qu'en qualité de transporteurs ; que cette affirmation ne résiste pas à l'examen des faits qui révèle que c'est en leur qualité de conseillers généraux qu'ils sont intervenus à différentes reprises pour préparer l'accomplissement de l'acte par lequel le conseil général a attribué le marché de la billetterie unique à l'entreprise Aem Megras; qu'à cet égard, l'accord passé entre eux et Eric W ne constitue pas le pacte de corruption visé par la prévention, mais une entente visant à se répartir les avantages directs et indirects consentis par le corrupteur;

Attendu que c'est en tant que conseillers généraux, membres de la commission de transports qu'ils sont intervenus à plusieurs reprises auprès de Jacques N pour qu'il favorise Aem Megras (cf. déclarations de N du 12 février 1993 " au retour de métropole, les transporteurs élus, Z et V, nous ont fait savoir verbalement que le meilleur matériel, sur un plan technique était celui de Megras. Ils ont gardé cette position tout en long du marché en insistant à plusieurs reprises sur ce point (...) les deux élus ont fait part de leur choix non seulement devant moi mais aussi au cours de réunions auxquelles assistait le président B (...) la sollicitation des élus était claire, ils m'ont clairement dit que si le matériel de Megras n'était pas retenu, le G n'accepterait pas d'autre matériel et ne le ferait pas monter dans les bus " (D.150) ;

- qu'ils ont assisté à la commission d'ouverture des plis du 28 mars 1991 en indiquant qu'ils souhaitaient que les entreprises qui allaient participer à l'appel d'offres aient un partenaire local;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Nicolas V et Samuel Z coupables de corruption passive, sauf à préciser, le tribunal ayant par ailleurs justement retenu que le pacte de corruption date de fin 1990, lorsque I a sollicité A et obtenu son accord pour obtenir le versement de deux millions de francs " pour les politiques " (D.352), que c'est à compter de décembre 1990 - date du marché de service puni par l'article 177 du Code pénal - que l'infraction est caractérisée ;

Attendu qu'il convient de souligner qu'aux termes mêmes des articles 177 et 179 du Code pénal applicables lors des faits, le délit de corruption était également consommé à la sollicitation des offres ou promesses, à leur acceptation, et à la réception des dons ou présents, même si l'infraction est réalisée indépendamment de cette réception dès que le pacte frauduleux est conclu ;

Attendu qu'aux termes des articles 432.11 et 433.1 du Code pénal seules les sollicitations ou propositions d'offres de dons ou d'avantages quelconques caractérisent la corruption; que la perception des dons n'est plus visée dans ces textes; que cette nouvelle rédaction législative conduit à modifier, en l'espèce, les dates des incriminations, qui, telles que retenues par l'ordonnance de renvoi et les premiers juges, prenaient en compte les derniers paiements reçus par Nicolas V et Samuel Z en juillet 1992; qu'en conséquence, il convient de retenir que les faits de corruption se situent entre décembre 1990 et l'exécution du marché de service, c'est-à-dire la signature de l'acte d'engagement promis, soit le 21 mai 1991, indépendamment de la perception de sommes ou d'avantages quelconques par les corrompus ; qu'ainsi le jugement déféré sera réformé en ce sens;

Sur la corruption passive reprochée à Eric W

Attendu que contrairement à ce qu'il fait plaider, Eric W n'est pas mis en cause par les seules déclarations de MM. Z et V, étant relevé qu'à l'audience ceux-ci ont confirmé n'avoir subi aucune pression pour tenir les propos, relatés ci-avant, consignés dans le procès-verbal d'instruction dressé le 2 juillet 1993, et réitérés les 10 et 15 septembre 1993 lors de leurs confrontations avec lui, selon lesquels, en octobre 1990, Eric W leur avait dit qu'il leur ferait dégager " une monnaie " sur le marché de la billetterie unique, avec son " administratif ", en échange de prêts de bus; que l'argument selon lequel Z et V n'ont pu le rencontrer à la villa du département, dans les conditions qu'ils décrivent, au motif qu'" il n'est pas possible d'accéder au bureau du président sans être vu par plusieurs personnes ", est dépourvu de pertinence, dès lors que W reconnaît lui-même qu'il recevait les élus " sans rendez-vous et sans formalisme " - ce qui explique que leurs noms ne figurent pas sur le cahier des audiences tenu par sa secrétaire - et que de telles visites n'étaient pas de nature à attirer particulièrement l'attention des personnes en fonction dans cet immeuble;

Attendu que le tribunal a procédé à une analyse complète et exacte, à laquelle la cour se réfère et qu'elle adopte, des éléments prouvant qu'Eric W, Président du Conseil Général, a, par l'intermédiaire de N, qui s'est servi de E, qui lui-même a utilisé I, conclu un pacte avec Megras pour dégager un pot de vin de deux millions de francs destiné aux deux conseillers généraux Z et V, et a ainsi bénéficié pour sa part de fournitures gratuites d'autobus pour ses campagnes électorales, se rendant coupable du délit prévu et réprimé par l'article 432.11. 1° du Code pénal;

Attendu qu'il résulte de la procédure et des débats qu'Eric W, qui a prétendu lors de ses premières auditions que " de décembre 1990 à septembre 1992 " aucun élu n'était venu le voir pour lui " parler de ce dossier de la billetterie unique (D.1233) et qu'il n'avait parlé de ce dossier " à aucun d'entre eux ", suivait en réalité, de très près les dossiers et en particulier ceux examinés par la commission d'appel d'offres (D.1251), ne déléguant ses pouvoirs qu'à un seul élu (ce dans le domaine du logement et de l'habitat), s'informant - par exemple - systématiquement du nom des fonctionnaires de ses services qui participaient aux missions organisées par le Conseil Général (selon la déclaration de N à l'audience de la cour), n'hésitant pas en cas de désaccord avec le président d'une commission - lors de l'examen des rapports préalables à la réunion de la commission - de faire savoir " que si la commission retenait une offre ne lui convenant pas, il ne serait pas amené à poursuivre et à régulariser le marché " (N : D.1251); qu'il n'est pas fondé à prétendre que le marché ayant été signé par N, cet acte ne saurait être considéré comme un acte de sa fonction alors, d'une part, qu'en déléguant sa signature, Eric W demeurait responsable de son délégataire, qu'il devait contrôler, et, d'autre part, que la collusion frauduleuse entre eux démontrée;

Attendu que Jacques N qui est un proche d'Eric W et qui le tutoie (cf. lettre de N à W saisie le 10-05-93 ; scellé n°35. PV.92.98) a souligné que le dossier de la billetterie unique " était politiquement sensible pour le président puisqu'il concernait les transporteurs qui à l'époque étaient des élus très proches de lui " ; que " M. W a pris la décision d'exclure de cette affaire les services compétents du Conseil Général, en l'espèce la F, et de choisir comme conducteur d'opération la S "; qu'il est intervenu auprès de lui en février, mars 1991, lorsqu'il assurait l'intérim de la F, " pour faire accélérer le dossier ", ce qui a conduit notamment au choix de la procédure d'appel d'offres restreint et à lancer l'appel d'offres avant l'adoption du cahier des charges ; selon N, " la décision de M. W d'écarter l'administration au profit de la S, et donc de faire suivre le dossier par une seule personne, en l'espèce E, a considérablement facilité les manouvres ayant abouti à l'affaire " (D.1251);

Attendu qu'Eric W ne peut sérieusement soutenir que l'exclusion de la de la F. était indifférente au motif qu'en application de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30- 12-1982, dite loi d'orientation des transports intérieurs, " ce service n'avait pas compétence pour piloter le projet de la billetterie unique puisqu'[il] ne regroupait pas les représentants de tous les intéressés " ; qu'en effet, étant souligné qu'il a déclaré " qu'il ne trouvait pas " normal " que la F ait été dessaisie, et qu'elle " aurait dû être associée aux décisions en tant qu'organisme du Conseil Général " (D.1233), ce service, créé fin 1986, était celui qui avait la compétence interne pour participer à la préparation de ce marché ;

Attendu que si Eric W soutient désormais qu'il n'avait aucun besoin de prêt de bus dans la mesure où il n'était candidat à aucune élection au suffrage universel direct, et que les " sorties " organisées à l'Etang-Salé et à la Plaine des Palmistes fin 1991 concernaient l'ensemble des candidats de droite, il s'avère, cependant, d'une part, que ces prêts de bus étaient directement liés à la perception de pots-de-vin par Nicolas V et Samuel Z qui avaient le pouvoir et les moyens de faire pression sir les sur les autres transporteurs pour qu'ils prêtent leurs véhicules, (Cf. Zaneguy : " J'ai fourni deux cars. Il était difficile de refuser compte tenu de la pression que les deux administrateurs exerçaient sur nous, menaçant constamment les réticents de retrait des lignes qui étaient à la discrétion du président " D.1469) et, d'autre part, qu'ils correspondaient à l'avantage qu'Eric W attendait du marché frauduleux passé avec Aem Megras; qu'en effet, entre les déclarations des deux conseillers généraux, il s'avère que ceux-ci ont perçu la première partie des sommes ainsi promises le 1er octobre 1991, soit un mois environ avant la première manifestation organisée à l'Etang-Salé; qu'en second lieu, il est établi que c'est à l'initiative des partisans d'Eric W que ces réunions ont été faites, en rassemblant essentiellement des habitants de Saint-Denis (commune où il est élu), ce pour conforter son assise politique (" il s'agissait pour Eric W de montrer sa force sur Saint-Denis "; Mme Deurveilher D.1383) et " entretenir " son électorat (déclaration de Mme Deurveilher à l'audience de la cour), même en l'absence d'échéances électorales proches ;

Qu'ainsi, en définitive, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré Eric W coupable de ce chef d'infraction, sauf, aux motifs qui précèdent, à préciser que ces faits de corruption se situent entre décembre 1990 et le 21 mai 1991;

Sur la complicité de corruption reprochée à Jacques N

Attendu que le prévenu conclut à l'infirmation du jugement déféré en soutenant que l'infraction principale n'est pas caractérisée, le pacte de corruption n'étant pas démontré, et qu'aucun acte de complicité ne lui est imputable, E étant seul à l'origine de la corruption et l'ayant organisée sans intervention de sa part; que, subsidiairement, sa relaxe s'impose au titre de la contrainte morale, dès lors " qu'il ne pu humainement résister aux forces qui s'exerçaient sur lui "; qu'il réclame, en cas de condamnation, l'exclusion de celle-ci du bulletin n° 2 de son casier judiciaire;

Attendu que le premier moyen n'est pas fondé, aux motifs qui précédent ;

Attendu que les premiers juges ont parfaitement relevé et énuméré les actes positifs par lesquels le prévenu a, avec connaissance, aidé et assisté les auteurs de l'infraction;

Attendu que la cour fait siennes l'analyse et la motivation des premiers juges à cet égard; qu'il échet, également de souligner que lors de son interrogatoire de première comparution, Jacques N, décrivant l'entretien qu'il avait eu avec E avant la réunion de la commission du 2 mai 1991, a déclaré :

" Il m'a fait savoir que, selon le CGEA, Monetel avait un meilleur matériel, plus performant que Megras, mais que ce dernier avait un matériel conforme au cahier des charges et était moins cher (...). Je lui ai rappelé que les élus souhaitaient fortement travailler avec Megras et j'ai décidé que nous proposerions à la commission cette entreprise (...). Si à l'ouverture des prix, Sogeho Monetel s'était révélé moins cher que Megras, devant la pression des élus transporteurs, nous aurions proposé à la commission de rendre l'appel d'offres infructueux " (D.150);

Attendu, sur la prétendue contrainte morale qui se serait imposée à lui, que Jacques N ne peut invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 64 in fine du Code pénal, applicables lors des faits, reprises par l'article 122.2 du Code pénal, dès lors que, loin de s'opposer aux exigences d'élus corrompus, qui ne supprimaient pas en lui toute possibilité de choix, il a sciemment, pendant plusieurs mois, prêté son concours à tous les stades d'une opération de corruption qui ne pouvait aboutir aussi efficacement qu'avec son aide; qu'il convient de relever qu'il a lui-même affirmé le 16 septembre 1993 (D.1758) :

" Nous sommes dans un contexte particulier où nous avons à faire à des élus qui ont besoin de financer leurs campagnes électorales; j'estime, compte tenu de la législation sur le sujet qu'il y a des choses qu'il faut laisser passer tant qu'elles ne paraissent pas trop importantes "; qu'ainsi ce moyen n'est pas fondé; qu'il y a lieu, en conséquence de confirmer le jugement déféré quant à sa déclaration de culpabilité, et de rectifier, selon les indications déjà relevées, les dates des faits incriminés ;

Sur le corruption active reprochée à Bernard U

Attendu que Bernard U fait valoir qu'il ignorait que le marché était lié au versement d'un pot de vin à des hommes politiques, qu'il existe pour le moins un doute à cet égard qui doit lui bénéficier, et que la corruption n'est pas de son fait ;

Attendu, comme le relève le tribunal, qu'il résulte des procès-verbaux de confrontation avec I et A que U savait, pour le moins à compter du 12 février l991, qu'il y avait un pot-de-vin à verser à des élus pour obtenir le marché de la billetterie unique; qu'il s'est associé avec Aem Megras à cette fin, sachant que cette société avait donné son accord pour cela; qu'il a, en conjuguant son action à celle d'Aem Megras, perpétré l'infraction de corruption; qu'en particulier il a masqué dans l'offre faite au Conseil Général, parmi plusieurs postes facturés, la somme de 3 100 000 F correspondant au montant de la corruption et a réglé à Aem Megras les deux factures correspondant à cette somme, la première du 8 octobre 1991 pour deux millions de francs, la seconde du 29 octobre 1991 pour 1 100 000 F ;

Attendu que la preuve qu'il savait que cette somme ne correspondait pas à de prétendus "frais de développement", non justifiés, résulte également des conditions dans lesquelles il a négocié son partenariat avec Aem Megras; qu'en effet, alors qu'il admet avoir obtenu une marge commerciale de 20 % sur ce marché, et avoir refusé de parapher la clause prévoyant que " les 20% couvraient également la garantie " (D.111), et donc discuté en détail les termes et avantages de ce contrat, il ne peut s'expliquer sur les raisons pour lesquelles cette marge ne s'appliquait pas à la somme de 3 100 000 F, et se contente de déclarer à ce sujet " c'était ainsi, nous avons établi un bon de commande global de 9,5 millions pour le fournisseur Megras " (D.111), voulant donc faire croire, contre toute vraisemblance, qu'il avait renoncé à négocier une marge commerciale sur une part aussi importante du marché; que cette attitude ne s'explique que par la connaissance qu'il avait de l'utilisation effective de cette somme de 3 100 000 F ;

Attendu que, par ces motifs et ceux des premiers juges, que la cour adopte, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré Bernard U coupable de corruption active, sauf à préciser que seul l'article 433.1 1° du Code pénal réprime la corruption active, et qu'il a commis cette infraction entre le mois de février 1991 et le 21 mai 1991 ;

Sur la complicité de corruption reprochée à François Y

Attendu que le prévenu demande à la cour d'infirmer le jugement frappé d'appel et de prononcer sa relaxe, en soutenant que l'existence du pacte de corruption n'a pas été démontrée et à supposer qu'il y ait eu un accord frauduleux, que les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être qualifiés d'actes de complicité, la preuve n'étant pas rapportée que ces actes aient été décidés en connaissance de cause avant l'infraction;

Attendu, en ce qui concerne l'infraction principale, que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont déclaré Samuel A coupable des faits de corruption active qui lui étaient reprochés; qu'il convient de préciser que le tribunal était saisi à son égard, selon l'ordonnance de renvoi, pour répondre de faits commis " entre le mois d'octobre 1990 et le mois de juillet 1992 ", le premier terme étant omis dans le prévention reprise au jugement ; qu'il a déjà précisé que l'infraction a été accomplie à dater de décembre 1990 et exécutée lors de la signature du marché le 21 mai 1991; qu'ainsi le jugement entrepris sera réformé en ce sens;

Attendu, pour les motifs qui précèdent, que François Y ne peut être déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés que s'il est établi qu'il a commis les actes de complicité incriminés qu'autant qu'il résultent d'un accord antérieur ou concomitant au délit, soit antérieurement en 21 mai 1991 ;

Attendu qu'il résulte du dossier et des débats qu'avant cette date le prévenu a donné à Samuel A des instructions au sens de l'article 60 al. 1 du Code pénal pour commettre l'action délictuelle, et a ensuite aidé ou assisté l'auteur du délit postérieurement à celui-ci, en vertu d'un accord antérieur à la corruption ;

Qu'en effet, alors que Samuel A a reconnu à plusieurs reprises lors de l'instruction avoir évoqué avec X, dès fin 1990, puis avec Y, (D.1119) " toutes les hypothéses, y compris celle de la corruption " (ce qu'il a confirmé lors de ses confrontations avec X (D.1230) et Y (D.1231), ainsi qu'à l'audience devant les premiers juges), il est exclu qu'X, directeur financier du groupe, et Y, informés par A de l'importance du marché, aient pu supposer, comme ils l'ont prétendu, que la somme de deux millions de francs réclamée par I devait, eu égard à son montant, rémunérer un " apporteur d'affaire "; que l'expérience professionnelle de Y lui permettait au contraire de mesurer, dans ces conditions, dès avant la signature du marché, que la somme que son client devait dégager pour conclure l'opération, répondait à la sollicitation de corruption évoquée par A, même si à cette époque il pouvait envisager que le versement de pots de vin aux élus entrés en contact avec Aem Megras dès fin 1990 suivrait un processus moins " transparent " que celui choisi ultérieurement par eux;

Attendu qu'en donnant à A les renseignements, déjà décrits, de nature à faciliter la commission de l'infraction, Y s'est rendu coupable des faits qui lui sont reprochés; qu'il s'avère qu'il a également, dans les conditions énoncées ci-avant, apporté avec connaissance au corrupteur une aide et assistance postérieure au délit pour permettre le paiement des pots-de-vin;

Qu'en conséquence, il sera déclaré coupable des faits visés à la prévention;

SUR LA CORRUPTION DANS LE CADRE DES TRANSPORTS SCOLAIRES DE SAINT-LEU

Attendu qu'il est fait grief à W, M et N, ce dernier comme complice, d'avoir participé à l'opération de corruption liée au marché des transports scolaires de la commune de Saint-Leu; que celle-ci ayant décidé de transférer au Département de la Réunion l'organisation des transports scolaires communaux à compter de la rentrée 1992, le Conseil Général a fait procéder aux études préalables nécessaires; que D, transporteur qui assurait pour partie ce service dans la commune, étant intéressé pour obtenir la totalité du marché prévu, aurait convenu avec M, maire de la commune de Saint-Leu et conseiller général, que ce dernier userait de son influence au Conseil général pour que le marché soit effectivement attribué à l'entreprise D; qu'à cette fin, M aurait pris attache avec W, Président du Conseil Général, et N, directeur général adjoint des services, pour que, contrairement aux usages jusqu'alors suivis en cette matière par l'assemblée départementale, l'appel d'offres ne comporte qu'un seul lot, l'entreprise D étant, techniquement et financièrement, la seule à même de répondre à un tel marché; qu'en contrepartie de cette intervention, D se serait engagé, d'une part, à transférer le siège de son entreprise à Saint-Leu et à augmenter substantiellement sa contribution financière au club de football local, d'autre part à mettre gratuitement à la disposition de W des autocars pour les besoins de ses activités politiques; que malgré l'avis contraire du bureau d'études et de la commission des transports du conseil général, la commission permanente du conseil général a décidé, à l'instigation de W et de N, d'attribuer le marché en un seul lot, pour lequel l'entreprise D, seule commissionnaire, a été retenue pour un prix sensiblement supérieur à celui estimé par le bureau d'études; que pour parvenir à ce résultat, W et N auraient, en application des accords passés avec M et D, sciemment choisi d'ignorer les avis de la commission des transports du conseil général et du bureau d'études et délibérément arrêté un calendrier des délibérations tel que les instances élues du conseil général ne pouvaient remettre en cause la procédure d'attribution devant aboutir la désignation de l'entreprise Mooland sans risquer de priver la commune de Saint-Leu de tout transport scolaire à la rentrée 1992 ;

Sur la corruption passive reprochée à Jean-Luc M

Attendu que Jean-Luc M reconnaît avoir sollicité Amine D, en février 1992 ou mars 1992, dans les conditions précisées supra, pour obtenir les avantages déjà décrits à répartir entre lui- même et Eric W, selon leurs intérêts propres ;

Attendu qu'il n'est pas établi que les actes reprochés à Jean-Luc M aient été accomplis dans ses attributions de maire ou de conseiller général ; qu'en particulier, la preuve n'est pas rapportée qu'il ait siégé à une réunion de la commission permanente du Conseil Général, dont il était membre, au cours de laquelle ce dossier a été examiné;

Qu'il convient de restituer à l'infraction sa véritable qualification, et de juger que Jean-Luc M s'est rendu coupable du délit de corruption prévu, lors des faits, par l'article 177 dernier alinéa du Code pénal, en accomplissant, en dehors de ses attributions des actes facilités par ses fonctions moyennant des avantages consentis par le corrupteur ;

Qu'il encourt, en conséquence une peine de trois ans d'emprisonnement et une amende de 20 000 F, dès lors, d'une part, que l'article 432.11 1° prévoit désormais une peine identique de dix ans d'emprisonnement en cas de corruption passive par des personnes exerçant une fonction publique, que les agissements frauduleux portent sur des actes de la fonction ou des actes facilités par elle et, d'autre part, qu'il est de principe, comme le rappelle l'article 112.1 du Code pénal, que la loi pénale plus sévère n'est pas rétroactive;

Attendu que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;

Qu'il sera précisé, aux motifs qui précèdent, que les faits incriminés ont été accomplis entre février 1992 et le 25 août 1992, date de signature de la convention liant le département avec l'entreprise D ;

Sur la corruption passive reprochée à Eric W

Attendu qu'Eric W, qui reconnaît avoir été favorable à ce qu'un lot unique soit prévu pour l'attribution de ce marché, soutient qu'il n'est en rien intervenu pour ce faire, et qu'il ne pouvait remettre en cause le choix souverain de la commission permanente à ce sujet; qu'il conclut également que selon D " le détail de la contrepartie a été discuté en juillet 1992 ", époque à laquelle il était notoire qu'il avait l'intention de se présenter aux élections sénatoriales, ce qui exclut qu'il ait pu réclamer des prêts de bus ;

Mais attendu que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu Eric W dans les liens de la prévention ; qu'en effet, si D a indiqué avoir discuté en détail de la contrepartie en juillet 1992, il l'a fait sans être très affirmatif (" je crois me souvenir que c'est en juillet 1992 que nous avons discuté en détail de la contrepartie ") et il avait également précisé que dès février - mars 1992, M lui avait fait part des " services " qu'il réclamait pour lui-même et W : " il s'agissait notamment de fournir gracieusement des autocars pour les mettre à leur disposition à l'occasion de meetings politiques " ; (D.1526)

Qu'en outre, Eric W, qui n'ignorait pas que la commissions des transports était unanimement favorable à la création de trois lots, au minimum, pour ce marché (D.1769) et qui a constaté, le jour de la réunion de la commission d'ouverture des plis du 20 août 1992 que B (président de la commission des transports) refusait de siéger lorsqu'il réalisa qu'un seul lot serait proposé, ne peut sérieusement prétendre qu'il n'a fait que suivre les avis des autres élus ; qu'en réalité, le dossier et les débats révèlent, que le choix, non obligatoire en l'espèce, de la procédure d'appel d'offres tendait à masquer une décision arrêtée par le prévenu, en accord avec M, dès début 1992 ;

Qu'enfin, alors qu'Eric W insiste sur l'absence de contrepartie, réellement perçue par lui au titre des avantages que D aurait promis, il échet de rappeler que le délit de corruption est caractérisé en cas de simples sollicitations, directes ou indirectes, d'avantages quelconques ; qu'il s'avère que la conclusion du pacte de corruption est antérieure, de deux ou trois mois, à l'annonce par W de sa décision de se présenter aux élections sénatoriales ;

Qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Eric W coupable de ce chef d'infraction; qu'il sera précisé que ces faits de corruption ont été commis entre février et août 1992;

Sur les faits de complicité de corruption reprochés à Jacques N

Attendu que Jacques N, qui connaissait l'avis susvisé de la commission des transports, a, en application des instructions d'Eric W, signifié à la F, en juin 1992, qu'elle ne devait travailler que sur un seul lot, malgré également les arguments contraires alors invoqués par Henri L, chef de ce service (D.1696);

Attendu qu'il a reconnu (D.125l) que lorsque le Président du Conseil Général lui a donné ces instructions, il a compris " que l'entreprise D serait retenue ";

Attendu que le prévenu a également prêté son concours actif à Eric W dans l'application du calendrier retenu pour parvenir à soumettre ce dossier à la commission permanente du 20 août 1992, en arguant alors lui-même, lors de cette commission, de l'urgence à statuer à l'approche de la rentrée scolaire, pour vaincre les réticences manifestées par certains élus (D.1465, D.1466), étant souligné qu'il a déclaré, lors d'une confrontation avec Eric W :

" W n'a pas souhaité mettre ce rapport (prévoyant un seul lot) à l'ordre du jour de la commission permanente immédiatement après le passage en commission de travaux publics. En général W ne laisse passer que dix jours environ entre la commission de travaux publics et la commission permanente. Là, il a laissé passer un mois " (D.l760);

Attendu qu'ayant eu connaissance du coût prévisionnel du marché, Jacques N s'est abstenu, dans des conditions caractérisant la complicité par aide ou assistance, d'intervenir lors de la commission d'ouverture des plis du 20 août 1992 pour attirer l'attention des élus, comme ses fonctions le lui imposaient, sur le coût anormalement élevé de l'offre présentée par l'entreprise Mooland;

Attendu qu'en l'état de ces éléments, Jacques N s'est rendu complice de l'infraction commise par Eric W;

Qu'il s'est, de même, rendu complice des faits de corruption imputables à Jean-Luc M, connaissant les interventions délictueuses de celui-ci auprès des services du conseil général, notamment d'Henri L (D.1755), et en les confortant;

Attendu que ces faits caractérisent la complicité de corruption prévue, lors de leur commission, par les articles 59, 60, 177.1° et 177 dernier alinéa du Code pénal, et par les articles 121.6, 121.7 et 432.11 1° du Code pénal ;

SUR LES PEINES

Attendu qu'en application de l'article 132.19 alinéa 2 du Code pénal, la juridiction ne peut, en matière correctionnelle, prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ;

Attendu qu'Eric W sera condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans eu égard à la gravité des délits qu'il a commis et à l'importance de ses fonctions et responsabilités d'élu lors des faits, et le jugement déféré sera réformé en ce sens; que ce jugement sera confirmé quant à l'amende et à l'interdiction des droits prononcés ;

Attendu que Samuel Z, en état de récidive, s'est à nouveau rendu coupable de corruption dans des conditions d'une particulière gravité, eu égard notamment au montant de la corruption et au fait que son comportement frauduleux a perduré sur une longue période, et l'a conduit à confondre ses intérêts privés avec ceux qu'il était chargé de défendre de part ses fonctions électives ; qu'il sera condamné à la peine de trente mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans ; qu'en raison de la gravité des faits, il échet d'ordonner la révocation du sursis antérieur ; qu'ainsi le jugement frappé d'appel sera réformé en ce sens ;qu'il sera confirmé quant à l'amende et l'interdiction des droits prononcés ;

Attendu que Nicolas V, bien que délinquant primaire, a également gravement violé la confiance que les citoyens sont en droit d'attendre d'un de leurs représentants et a participé, avec ses co-prévenus élus, à jeter le discrédit sur les institutions départementales ; qu'il doit, eu égard aux circonstances en l'espèce, être condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans; qu'ainsi le jugement sera réformé en ce sens; que seront confirmés les peines d'amende et de privation des droits prononcés par les premiers juges;

Attendu que Bernard U doit être condamnée à la peine de deux ans d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis, qui est à la mesure de la gravité des faits qu'il a commis, même s'il feint d'avoir agi dans les règles normales de la concurrence commerciales; qu'il échet donc de réformer le jugement déféré quant à la peine d'emprisonnement prononcée; qu'il convient, par contre de confirmer l'amende qui lui a été infligée ;

Attendu que Jacques N a eu un rôle déterminant dans la mise en œuvre des mécanismes de corruptions, et a sciemment accepté de dévoyer les services dont il était le chef, étant souligné que si la responsabilité des élus est plus grande, ceux-ci ne peuvent, comme le souligne l'un d'eux dans ce dossier, parvenir à " fausser quelque chose (qu'avec) la complicité d'un administratif " (D.1865) ; qu'il doit être condamné, en conséquence, à la peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, en réformant, de ce chef, le jugement entrepris ; que la peine d'amende sera confirmée ; que sa demande tendant à ce que cette condamnation ne soit pas inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sera rejetée aux motifs qui précèdent;

Attendu que les circonstances de la cause justifient la confirmation des peines prononcées à l'encontre de François Y; qu'il sera précisé que la mention de cette condamnation sera exclue du bulletin n°2 de son casier judiciaire ;

Attendu qu'à l'égard de Jean-Luc M, la Cour, ayant requalifié les faits qui lui sont reprochés dans un sens de moindre gravité, le condamne à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende et réforme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la privation des droits mentionnés à l'article 131.26. 1°, 2° et 3° du Code pénal; qu'il convient, en outre, de juger que la mention de cette condamnation sera exercée du bulletin n°2 de son casier judiciaire ;

SUR L'ACTION CIVILE

Attendu que le Département de la Réunion sollicite la confirmation du jugement frappé d'appel en ce qui concerne les intérêts civils alloués par les premiers juges, et réclame sa réformation en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'expertise concernant le dossier des transports scolaires de Saint-Leu; qu'il demande que les prévenus soient condamnés à lui payer la somme de 5 788 920 F au titre du préjudice actuel subi de ce chef; que, subsidiairement, il conclut à ce qu'une expertise comptable soit ordonnée aux fins de déterminer le montant de ce préjudice ;

Attendu que Fernand X, intimé, demande à la Cour :

- de rejeter la constitution de partie civile du conseil général, qui " pour être fondée, aurait nécessité (qu'il) ait été au rang des victimes ";

- de constater que le conseil général ne justifie pas de son préjudice, qui " ne peut être évalué par rapport aux montants versés, ni à fortiori par rapport aux montants versés en tenant compte de l'impôt anticipé " et qui n'établit pas qu'il n'aurait pas " dû verser des sommes au moins égales à celles qui ont été versés à Aem Megras ";

- de constater que le conseil général aurait dû poursuivre les mandataires sociaux d'Aem Megras, ainsi que, en responsabilité, la société Aem Megras;

- de condamner le conseil général à lui payer la somme de un franc à titre de dommages et intérêts pour constitution de partie civile et procédure abusives ;

Attendu que Bernard U soutient principalement que la constitution de partie civile du conseil général est irrecevable à son égard " en ce que la responsabilité civile de la société anonyme devait être recherchée ", et, subsidiairement, qu'il y a lieu d'exclure toute solidarité et de ne retenir à son encontre que la somme de deux millions de francs, objet de la poursuite ";

Attendu que François E, intimé, demande à la Cour de limiter à 50 000 F les dommages- intérêts mis en définitive à sa charge ;

Attendu que Amine D, intimé, conclut que le département de la Réunion doit être déclaré irrecevable en sa demande de dommages et intérêts, et, à tout le moins doit en être débouté, " son préjudice restant purement hypothétique, au-delà de la transcation déjà intervenue ", dès lors que " l'avenant contractuel signé des parties constitue une transaction dans laquelle le département a reconnu subir un préjudice de 373 321,23 F uniquement, ce qui a été payé ";

Sur la recevabilité de l'action civile du Département de la Réunion,

Attendu que les collectivités locales, comme toutes autres personnes morales, disposent de l'action civile pour la réparation des préjudices matériels qu'elles subissent directement d'une infraction pour la réparation des préjudices matériels qu'elles subissent directement d'une infraction, quand bien même celle-ci serait commise par l'un de leurs membres ou agents ;

Qu'il importe peu, en outre, que l'action en responsabilité civile dirigée contre un autre auteur, concurremment à l'action publique, n'ait pas été exercée également contre son commettant;

Attendu que le département de la Réunion est recevable à agir en réparation des préjudices directement causés par les infractions de corruption directement causés par les infractions de corruption reprochées aux prévenus;

Sur le bien-fondé des demandes de dommages et intérêts

Attendu, en ce qui concerne le marché de la billetterie unique, que le préjudice résultant des faits dont les prévenus se sont rendus coupables s'élève à la somme de 3 100 000 F, montant de le surfacturation directement liée à la corruption ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef;

Attendu, quant à la demande de réparation relative au marché des transports scolaires de Saint-Leu, que la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le préjudice actuel subi par la partie civile à la somme de deux millions de F, étant précisé que l'exception de transaction invoquée par Amine D n'est pas fondée dès lors que l'avenant signé entre les parties - et en vertu duquel l'intimé a réglé la somme de 373 231,23 F au département - d'une part correspondant à une réduction contractuelle du marché à concurrence de frais d'acquisition d'un terrain, et est destiné à assurer l'exécution d'une obligation distincte de la réparation du préjudice découlant directement l'infraction, et, d'autre part, qu'elle ne comporte aucune renonciation du département à exercer l'action civile devant la juridiction répressive ;

Sur la solidarité

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 55 de l'ancien Code pénal, reprises par l'article 480.1 du Code de procédure pénale, les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des dommages-intérêts; qu'il est de principe que cette solidarité, qui, s'étend aux co-auteurs et complices d'une infraction et qui s'impose au juge comme une conséquence légale de la condamnation, doit trouver application entre les auteurs d'infractions connexes comme le sont les délits de corruption active et de corruption passive; qu'ainsi Bernard U sera débouté de sa demande tendant à voir exclure cette règle à son égard ;

Sur la contribution de François E à la charge de la dette

Attendu que les dispositions susvisées, relative la solidarité, ne règlent pas la question de la contribution entre les auteurs; qu'il est de principe que le juge répressif, qui n'a compétence que pour réparer les dommages résultant d'une infraction, ne peut procéder au partage de la responsabilité entre les co-auteurs d'un dommage, sauf, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dans l'hypothèse où ils se seraient constitués partie civile l'un contre l'autre; qu'en conséquence François E doit être débouté de sa demande ;

Attendu, en définitive, que le jugement querellé sera confirmé en ses dispositions de condamnation solidaire concernant la billetterie unique, et réformé par le surplus en ce qui concerne le préjudice subi par le département de la Réunion au titre du marché des transports scolaires de Saint-Leu; que, de ce dernier chef de préjudice, il sera fait droit à la demande de la partie civile à hauteur de deux millions de francs, au paiement de laquelle Jacques N, Eric W, Jean-Luc M et Amine D sont condamnés solidairement ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en dernier ressort, Déclare les appels recevables en la forme, Sur l'action publique, Joignant les incidents en fond, Dit n'y avoir lieu d'entendre Mmes Marie-Line Planson, Marie Jeanne V, et MM. Julien B, Hassam M, et Alain L en qualité de témoins, ni Mme Gabrielle F, MM. François E et D Amine valablement empêchés; Ordonne l'audition de Mme Marie Thérèse D et MM. Didier K, Alix B, Joseph L et José P comme témoins; Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer; - Vu les articles 175, 177.1°, 177 dernier alinéa, 179, 58, 59, 60 du Code pénal, abrogés postérieurement à la commission des faits, et les articles 432.12, 432.11.1°, 433.1 1°, 132.9, 121.6, 121.7, 132.19 du Code pénal, et 7, 17 et 26 de l'ordonnance n°86.1243 du 1er décembre 1986, Dit n'y avoir lieu de saisir le Conseil de la Concurrence, Confirme le jugement rendu le 25 mai 1994 par le Tribunal correctionnel de Saint-Denis en ce qu'il a déclaré Nicolas V, Samuel Z, Bernard U, Eric W, Jacques N, Samuel A et François Y coupables des infractions qui leur sont reprochées ; Réforme ce jugement en ce qu'il a déclaré Jean-Luc M coupable de l'infraction de corruption passive tendant à l'accomplissement d'actes facilités par ses fonctions, prévue par l'article 177 dernier alinéa du Code pénal, abrogé postérieurement à la commission des faits, et par l'article 432,11.1° du Code pénal; Réforme ce jugement quant aux dates retenues pour la commission des infractions dont des infractions Nicolas V, Samuel Z, Bernard U, Eric W, Jacques N, Jean- Luc M et Samuel A se sont rendus coupables : Dit et juge que : les faits d'ingérence ont été commis par Nicolas V entre le 10 octobre 1990 et le 29 juin 1992, et par Samuel Z entre le 10 octobre 1990 et le 4 mars 1992 ; - Bernard U s'est rendu coupable du délit d'entente prohibée entre le mois d'août 1990 et le 2 mai 1991 ; - Nicolas V, Samuel Z et Eric W se sont rendus coupables des faits de corruption passive liés à l'attribution du marché de la billetterie unique entre décembre 1990 et le 21 mai 1991 ; - Jacques N s'est rendu coupable des faits de complicité de corruption passive liés à l'attribution du marché de la billetterie unique, entre décembre 1990 et le 21 mai 1991; - Bernard U s'est rendu coupable de corruption active entre février 1991 et le 21 mai 1991, - Samuel A s'est rendu coupable de corruption active entre décembre 1990 et le 21 mai 1991, - Jean-Luc M et Eric W se sont rendus coupables des faits de corruption passive, liés à l'attribution du marché des transports scolaires de Saint-Leu, entre février 1992 et le 25 août 1992 ; - Jacques N s'est rendu coupable des faits de complicité de corruption liés à l'attribution du marché des transports scolaires de Saint-Leu, entre février 1992 et le 25 août 1992 ;

EN REPRESSION Réformant pour partie le jugement déféré sur les peines prononcées à l'égard des prévenus, et statuant à nouveau ; condamne Eric W à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis assorti d'un délai d'épreuve de trois ans, conformément aux articles 132.40 à 132.46 du Code pénal ; Lui impose d'indemniser la victime ; Confirme la condamnation à une amende de 500 000 F, et à l'interdiction pendant cinq ans des droits mentionnés aux 1°, 2°, et 3° de l'article 131.26 du Code pénal prononcée par les premiers juges ; Condamne Nicolas V à la peine de trente mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis assorti d'un délai d'épreuve de trois ans, conformément aux articles 132.40 à 132.46 du Code pénal ; Lui impose d'indemniser la victime ; Confirme la condamnation à une amende de 500 000 F et à l'interdiction pendant cinq ans des droits mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article 131.26 du Code pénal pnononcée par les premiers juges ; Condamne Samuel Z à la peine de trente mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis assorti d'un délai d'épreuve de trois ans, conformément aux articles 132.40 à 132.46 du Code pénal, Lui impose d'indemniser la victime, Ordonne la révocation totale du sursis antérieurement accordé. Confirme la condamnation à une amende de 500 000 F, et à l'interdiction pendant cinq ans des droits mentionnés aux 1°, 2°, et 3° de l'article 131.26 du Code pénal prononcée par les premiers juges ; Condamne Bernard U à la peine de deux ans d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis, Confirme le condamnation à une amende de 300 000 F prononcée par les premiers juges ; Condamne Jacques N à la peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, Confirme la condamnation à une amende de 50 000 F prononcée par les premiers juges; Rejette sa demande de non inscription de ces condamnations au bulletin n°2 du casier judiciaire; Confirme la condamnation de François Y à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 100 000 F ; Ordonne la non inscription de cette condamnation au bulletin n°2 de son casier judiciaire; Condamne Jean-Luc M à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 20 000 F, Dit n'y avoir lieu de prononcer à son encontre l'interdiction des droits mentionnés à l'article 131.26 du Code pénal, Ordonne la non inscription de cette condamnation au bulletin n°2 de son casier judiciaire ; Le président a adressé au condamné Eric W, les avertissements prévus par l'article 132.40 du Code pénal et aux condamnés U et M, les avertissements prévus par l'article 132.29 du Code pénal, Le président n'a pu donner aux condamnés V Nicolas et Z Samuel les avertissements prévus par l'article 132.40 du Code pénal et au condamné N Jacques les avertissements prévus par l'article 132.29 du Code pénal, SUR L'ACTION CIVILE Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile du Département de la Réunion et en ses dispositions de condamnation solidaire concernant le marché de la billetterie unique à hauteur de la somme de 3 100 000 F ; Le réforme pour partie pour le surplus, et statuant à nouveau en ce qui concerne le préjudice résultant des infractions de corruption et de complicité de corruptions relatives au réseau des transports scolaires de Saint-Leu : Fixe ce préjudice à la somme de 2 000 000 F, Condamne solidairement Eric W, Jean-Luc M, Jacques N et Amine D à payer cette somme de 2 000 000 F au Département de la Réunion ; Condamne W Eric, Y François V Nicolas, Z Samuel, N Jacques, M Jean-Luc et U Bernard en application de l'article 1018 A du Code général des impôts à payer la somme de 800 F représentant le droit fixe de procédure redevable pour chaque condamné, Dit que la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer sera déterminée conformément à l'article 750 du Code de procédure pénale.