CA Grenoble, ch. com., 20 juin 2002, n° 99-01856
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Traversa
Défendeur :
Valentine - La Panichaude (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Uran
Conseillers :
Mme Béroujon, M. Bernaud
Avoués :
SCP Calas, SELARL Dauphin & Neyret
Avocats :
Mes Fleuriot, Mottie.
A compter du 1er octobre 1995, la SARL Valentine-La Panichaude a donné à bail pour 6 mois à Mme Sylvie Moque épouse Traversa un fonds de commerce de pâtisserie-viennoiserie-sandwicherie-traiteur-glaces à Valence, pour une redevance mensuelle de 90 000 F.
Le 28 juin 1996, le contrat de location gérance a été reconduit pour une année à compter du 1er avril 1996, pour une redevance mensuelle de 70 000 F.
Mme Sylvie Moque épouse Traversa a assigné la SARL Valentine - La Panichaude pour obtenir, à titre principal, la nullité des deux contrats de location gérance pour erreur, dol et défaut de cause.
Par jugement en date du 24 mars 1999, le Tribunal de commerce de Romans a débouté Mme Sylvie Traversa de ses demandes, et l'a condamnée à payer à la SARL Valentine - La Panichaude la somme de 622 052,96 F en paiement des redevances de location gérance et du stock, outre celle de 500 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Mme Sylvie Moque épouse Traversa, qui a formé appel de ce jugement, sollicite, par dernières conclusions récapitulatives en date du 20 juillet 2001 et par réformation, la nullité des contrats de location gérance du 1er octobre 1995 et du 28 juin 1996 pour erreur, dol et défaut de cause, le débouté de la demande reconventionnelle en paiement de la SARL Valentine - La Panichaude, ainsi que la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 30 000 F par application de l'article 700 du NCPC.
Elle fait valoir que le vice du consentement est caractérisé par la dissimulation des éléments comptables et l'utilisation d'un document sciemment inexact (1er contrat), par la dissimulation de l'arrêté d'interdiction de vente sur la voie publique (2e contrat), que le défaut de cause de l'obligation résulte de ce que le montant de la redevance est supérieur au bénéfice réalisé avant la location (1er contrat et 2e contrat), qu'elle a fait confiance aux professionnels, notamment de l'avocat de la SARL Valentine - La Panichaude qui a rédigé le contrat de location gérance et a ensuite plaidé contre elle pour cette dernière société, ainsi qu'en l'expert comptable de la SARL Valentine - La Panichaude, qui lui a présenté un document chiffré laissant apparaître une situation équilibrée ne correspondant pas à la réalité puisque le commerce ne pouvait pas permettre le paiement de la redevance, ni de 90 000 F, ni de 60 000 F, et que le renouvellement du contrat de location gérance est intervenu alors qu'elle ne disposait pas des bilans pour la situation antérieure, et alors que la SARL Valentine - La Panichaude lui a caché la notification de l'arrêté municipal lui interdisant la vente sur la voie publique.
La SARL Valentine - La Panichaude, par ses dernières écritures en date du 13 septembre 2001, demande la confirmation du jugement déféré, ainsi que la fixation des intérêts au taux légal assortissant la condamnation à paiement, outre la capitalisation de ces intérêts, ainsi que la condamnation de l'appelante à lui payer la somme supplémentaire de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Elle soutient que les reproches formulés par l'appelante ne sont aucunement fondés, car celle-ci avait à sa disposition les états de synthèse et bilans du commerce pour les années antérieures, ainsi qu'un compte de résultats prévisionnels qu'il lui appartenait de consulter, que Mme Sylvie Traversa n'a formé aucune mise en cause procédurale envers les professionnels intervenant dans la formation des contrats de location gérance, que le chiffre d'affaires réalisé par l'appelante lui permettait fort bien de dégager des bénéfices et régler le montant des redevances, que Mme Traversa signé le 2e contrat en toute connaissance de cause, notamment de l'arrêté municipal - dont l'intervention était sans incidence significative sur l'activité commerciale de l'appelante - qui a été signifié au magasin La Panichaude, que les sommes mises en avant lors de la signature du 2e contrat ont été conformes à la réalité, et que les sommes qu'elle réclame reconventionnellement à Mme Sylvie Moque épouse Traversa sont parfaitement justifiées par les pièces du dossier.
MOTIFS DE LA DECISION:
1°) Sur la demande en nullité des contrats de location gérance formée par Mme Sylvie Moque épouse Traversa
a) Le premier contrat
Attendu que le montant du chiffre d'affaires dont faisait état la SARL Valentine - La Panichaude dans le document " prévisionnel " fourni par elle a été en fait réalisé, puisque le document fait état d'un chiffre d'affaires mensuel de 110 000 F TTC, alors qu'il s'est élevé en réalité aux sommes de 2 500 000 F en 1993, 2 800 000 F en 1994 et 2 200 000 F pour 9 mois de 1995, soit une somme mensuelle supérieure à 200 000 F;
Attendu que le seul problème a résidé dans le montant des charges " disproportionnées par rapport au chiffre d'affaires " ainsi que le constate - après coup - M. Caulet, expert comptable, qu'on aurait peut être gagné à consulter avant. ;
Attendu que la cour relève que le comptable de la SARL Valentine - La Panichaude, qui a fourni le document prévisionnel susvisé, ne s'est pas formellement engagé sur un montant de charges, la cour ignorant d'ailleurs précisément quelles charges ont été plus élevées que prévu (certainement les charges salariales, ainsi que le montant de la redevance de location gérance, mais ce dernier a été librement discuté) ;
Attendu que Mme Traversa pouvait librement consulter les comptes antérieurs de la société, pour les années 1993 et 1994, ainsi que le résultat prévisionnel de 1995 (qui étaient à sa disposition - cf. l'attestation de l'expert comptable - il n'existe pas en matière de location gérance des dispositions légales impératives sur la communication des résultats antérieurs du fonds de commerce en question), de même qu'elle pouvait faire appel à un professionnel de son choix (comme M. Caulet...) et que si Me Le Nue a effectivement rédigé le contrat de location gérance, il ne résulte aucunement du dossier, ni qu'il était également l'avocat de la SARL Valentine, ni qu'il a représenté cette dernière dans son action devant les premiers juges contre Mme Sylvie Traversa (il résulte du jugement que l'intimée était assistée de la SCP Fayol-Vailler, alors que Me Le Nue fait partie de la SCP Le Nue-Marin-Marichal), bien que cela ne soit pas formellement démenti par l'intimée...;
Attendu, en résumé, que Mme Sylvie Traversa ne démontre pas que le contrat susvisé ait été atteint d'erreur dol ou absence de cause ;
b) Le second contrat
Attendu que Mme Traversa ne peut reprocher à la SARL Valentine - La Panichaude d'avoir signé le deuxième contrat de renouvellement sans disposer des bilans ni pour la période antérieure à son entrée dans les lieux (cf. l'observation ci-dessus) ni pour le période correspondant à sa propre gestion, dans la mesure ou rien ne l'empêchait de demander à son comptable les éléments nécessaires pour connaître, au moins approximativement1 les premiers résultats de cette première période;
Attendu, cependant, que cette communication des derniers résultats a sans doute eu lieu, puisque, dans des conditions et pour des raisons précises que la cour ignore, la redevance de location gérance a été diminuée à l'occasion de la signature de ce second contrat;
Attendu que, s'il apparaît effectivement que l'arrêté municipal ordonnant le retrait des banques du trottoir n'a pas été notifié à Mme Traversa mais à un membre de la famille du gérant de la SARL Valentine - La Panichaude qui ne l'a pas porté à la connaissance de l'appelante (ce qui est déloyal), il ne résulte d'aucun élément du dossier que ce retrait de quelques centimètres des banques empiétant sur le trottoir ait eu une conséquence sur les résultats comptables déjà bien problématiques de l'appelante ;
Attendu, en conséquence, que Mme Sylvie Moque épouse Traversa, qui ne démontre aucunement la réalité de l'erreur, ou du dol ou du défaut de cause qu'elle invoque sera également déboutée de sa demande au titre du second contrat;
2°) Sur la demande reconventionnelle de la SARL Valentine - La Panichaude
Attendu qu'en cause d'appel, Mme Sylvie Traversa ne conteste pas devoir à la SARL Valentine les sommes qui ont été mises à sa charge par le jugement déféré - elle conclut au débouté de la demande en paiement de l'intimée uniquement en conséquence de sa demande d'annulation des contrats de location gérance - en sorte que ledit jugement sera également confirmé sur ce point;
Attendu que la capitalisation des intérêts a été sollicitée pour la première fois par voie de conclusions signifiées le 9 décembre 1999, et qu'elle est donc acquise depuis le 9 décembre 2000 ;
3°) Sur l'application de l'article 700 du NCPC et les dépens
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Valentine - La Panichaude la totalité des frais irrépétibles de justice, en sorte qu'il lui sera alloué, outre le somme déjà arbitrée à ce titre par la décision déférée, celle de 1 067,14 euros (7 000 F) par application de l'article 700 du NCPC.
Attendu que Mme Sylvie Moque épouse Traversa, qui est déboutée de toutes ses demandes principales, le sera également de celle par application de l'article 700 du NCPC, de même qu'elle devra supporter l'intégralité des dépens d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare les appels recevables en la forme, Au fond, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 mars 1999 par le Tribunal de commerce de Romans, Y rajoutant, Ordonne la capitalisation des intérêts exigibles sur la somme de 94 831,36 euros (622 052,96 F) due par Mme Sylvie Moque épouse Traversa à la SARL Valentine - La Panichaude à compter du 9 décembre 2000, Condamne Mme Sylvie Moque épouse Traversa à verser à la SARL Valentine - La Panichaude la somme supplémentaire de 1 067,14 euros (7 000 F) sur le fondement de l'article 700 du NCPC en cause d'appel, Déboute Mme Sylvie Moque épouse Traversa de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC. Condamne Mme Sylvie Moque épouse Traversa aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Dauphin et Neyret, Avoué, qui pourra recourir aux dispositions de l'article 699 du NCPC.