TA Nice, 19 décembre 2000, n° 005147
NICE
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Les Rapides du Littoral (Sté)
Défendeur :
Département des Alpes-Maritimes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Freche, Molas, Bazin.
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2000, au greffe, la société les Rapides du Littoral sise Allée des Boulingrins MC 98000 Monaco représentée par Me Freche avocat au barreau de Paris demande que soit:
- annulée la décision implicite par laquelle le Président du Conseil général des Alpes-Maritimes a rejeté la demande préalable formulée par la société Rapides du Littoral sur le fondement de l'article R. 241-21 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
- constatée l'irrégularité de la procédure de consultation lancée par le département des Alpes-Maritimes pour l'attribution de la délégation du service public de transport interurbain de voyageurs pour le secteur n° 10 " Menton-Roya ";
- ordonnée la suspension de ladite procédure et la réintégration de la candidature du groupement ou à défaut l'annulation de ladite procédure et sa reprise intégrale;
- et que le département des Alpes-Maritimes soit condamné à payer à la société Rapides du Littoral la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
La société soutient que :
Dans le cadre de la procédure de délégation du service public de transports interurbains de voyageurs du secteur n° 10 Menton-Roya elle a été désignée comme mandataire d'un groupement momentané d'entreprise; elle a alors présenté la candidature du groupement qui a été rejetée ; ce faisant le département a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats à l'octroi de la délégation de service public en violation des dispositions de l'article L. 1411-2 du Code général des collectivités territoriales, puisqu'il y avait ici obligation de retenir tous les candidats remplissant les conditions exigées ; dès lors les garanties professionnelles et financières ainsi que l'aptitude à assurer la continuité du service public de transport interurbain de voyageurs des sociétés, membre du groupement ne pouvait que leur permettre de continuer à participer à la procédure;
Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2000 au greffe, le département des Alpes-Maritimes représenté par Me Molas, avocat au barreau de Paris demande le rejet de la requête et la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 10 000 F ; le département soutient que :
1°) Si l'on raisonne par analogie avec le Code des marchés publics en son article 46, il est exclu qu'un représentant puisse représenter plus d'un candidat;
2°) L'on peut estimer que doit être déclarée irrecevable la candidature d'un groupement dès lors que les capacités financières et techniques de chacun des membres du groupement leur auraient permis d'assurer seul l'exécution du marché;
3°) En tout état de cause l'application des critères fixés par l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales justifie l'exclusion du groupement qui par son existence même démontre qu'il n'est pas apte à assurer la continuité du service public ni l'égalité des usagers; en outre, l'acceptation du groupement aurait ouvert la voie à de nombreuses procédures contentieuses ;
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2000 au greffe, la société Les Rapides du Littoral conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens;
Vu la délégation du président du tribunal en date du 15 octobre 2000 confiant à M. le premier conseiller Patrice Blanc, délégation pour statuer en matière de référés administratif;
Vu le Code général des collectivités territoriales ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 décembre 2000 les observations de Me Freche pour la société Les Rapides du Littoral et de Me Jacques Bazin substituant Me Molas pour le département des Alpes-Maritimes;
Sur les conclusions relatives à l'annulation du rejet de la demande préalable, à la constatation de l'irrégularité de la procédure et à ce qu'il en soit ordonné la suspension :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 22 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public.
Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations..." ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales : " Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent Code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public... " ;
Considérant qu'en application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée relative à la liberté des prix et de la concurrence : " Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à:
1°) Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
2°) Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3°) Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4°) Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;
Considérant que pour refuser la candidature présentée par le groupement de cinq entreprises conduit par la société les Rapides du Littoral à participer à la procédure d'attribution de la délégation du service public de transport interurbain de voyageurs du secteur n° 10 " Menton-Roya ", le département des Alpes-Maritimes s'est fondé sur la circonstance que trois des cinq entreprises concernées possédaient le même directeur général qui présentait leurs candidatures;
Considérant que si, en vertu des dispositions sus-rappelées du Code général des collectivités locales, la collectivité délégante se doit de ne refuser que les candidats dont les garanties professionnelles et financières sont insuffisantes ou bien qui n'établissent pas leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public, il lui revient d'apprécier dès ce stade de la procédure si les candidatures sont susceptibles de conduire à la présentation d'offres concurrentes au sens du Code général des collectivités territoriales et si les principes énoncés par les dispositions précitées de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisées ne seraient pas évidemment méconnus en cas d'acceptation des candidatures concernées;
Considérant qu'en l'espèce le groupement d'entreprises évincé dont deux entreprises présentent également au demeurant leurs candidatures individuelles, ne peut être regardé comme un candidat admissible à concourir au regard des dispositions combinées de l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales et de l'article 1410-2 du nouveau Code du commerce eu égard aux liens commerciaux existants entre trois des cinq candidats qui ne pouvaient être sans incidence sur leurs offres futures; que par suite le département des Alpes-Maritimes aurait méconnu l'obligation de mise en concurrence auquel il est soumis en acceptant les candidatures concernées;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les présentes conclusions ne peuvent qu'être rejetées;
Sur les conclusions relatives aux frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge; que les conclusions présentées à ce titre par la société Les Rapides du Littoral, doivent dès lors être rejetées;
Considérant, d'autre part, que dans les circonstances de l'espèce il n'y a lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du département des Alpes-Maritimes;
Ordonne
Article 1er : La requête susvisée est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes tendant à la condamnation de la société Les Rapides du Littoral au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à:
- la société Les Rapides du Littoral,
- au département des Alpes-Maritimes.