CA Grenoble, 1re ch. corr., 6 juillet 2000, n° 99-01022
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Centre hospitalier régional universitaire de Grenoble
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fayol-Noireterre
Conseillers :
Mme Robin, M. Garrabos
Avocats :
Mes Fessler, Burdin, Dalmas, Dreyfus.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur le Procureur de la République, le 1er juillet 1998 contre Monsieur C Paul,
Monsieur M Claude,
Monsieur M Claude, le 3 juillet 1998,
Monsieur M Claude, le 8 juillet 1998 contre Monsieur C Paul
Le centre hospitalier universitaire de Grenoble, le 8 juillet 1998
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Par jugement du 30 juin 1999 du Tribunal correctionnel de Grenoble, Paul C et Claude M ont été condamnés à 30 mois d'emprisonnement dont 22 mois avec sursis, pour avoir à Grenoble et dans le département de l'Isère courant 1992 et 1993 :
- en ce qui concerne Paul C.:
1°) étant PDG de la SA S, fait de mauvaise foi des biens de sa société un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles, en offrant à M. M un véhicule Renault Espace d'un valeur de 216 504 F et divers voyages touristiques d'un prix total de 371 078 F (soit 577 907 F au total),
2°) en sa qualité de dirigeant de la société S, proposé et cédé sans droit à Claude M, personne chargée d'une mission de service public, les dons, présents et avantages suivants :
- un véhicule Renault Espace d'une valeur de 216 504 F,
- cinq voyages touristiques à la Martinique, aux Seychelles, à la Réunion et à Eurodisney d'un coût total de 371 078 F,
dons et présents consentis pour qu'il abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique, en l'espèce le Centre hospitalier universitaire de Grenoble, les marchés du Pignon sud, et de l'extension des parkings et toute autre décision favorable, notamment des avenants à ces marchés,
3°) pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre d'une entente entre sa société, le directeur des services techniques du Centre hospitalier universitaire de Grenoble et les sociétés SAEC, Campenon-Bernard, Royans-Travaux, Sorrel, Grosse, Debernardy, Cuynat, Pascal, GEC et Lamy ayant pour objet d'empêcher et de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés publics du Pignon sud, et de l'extension des parkings du Centre hospitalier universitaire de Grenoble, en l'espèce en se faisant attribuer ces marchés préalablement aux appels d'offre, en sollicitant de ses concurrents des offres de couverture sur la base de prix calculés par ses soins, en participant à la budgétisation des chantiers et à l'élaboration des dossiers d'appel d'offre et en rétribuant le directeur des services techniques du Centre hospitalier universitaire de Grenoble pour faire aboutir cette entente,
4°) par l'emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises consistant en l'organisation d'une entente anticoncurrentielle, en la corruption du maître d'œuvre pour obtenir une position privilégiée, en la majoration des quantités et des prix, trompé le Centre hospitalier universitaire de Grenoble et l'avoir ainsi déterminé, à son préjudice, à consentir des actes opérant obligation et à remettre des fonds, en l'espèce à lui attribuer les marchés du Pignon sud, de l'extension des parkings et leurs avenants et à lui payer un prix total surfacturé de 24 348 733 F TTC.
- en ce qui concerne Paul M.:
1°) d'avoir bénéficié en connaissance de cause d'un véhicule Renault Espace d'une valeur de 216 504 F et de voyages touristiques d'un coût total de 371 078 F qu'il savait provenir des délits d'abus de biens sociaux,
2°) d'avoir, étant chargé d'une mission de service public, sollicité et agréé directement ou indirectement, les dons, présents ou avantages suivants :
- un véhicule Renault Espace d'une valeur de 216 054 F,
- cinq voyages touristiques à la Martinique, aux Seychelles, à la Réunion et à Eurodisney, d'un coût total de 371 078 F,
dons et présents reçus de Paul C., sur la trésorerie de la société S, pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique, en l'espèce le Centre hospitalier universitaire de Grenoble, les marchés du Pignon sud et de l'extension des parkings et toute autre décision favorable, notamment des avenants à ces marchés,
3°) d'avoir pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre d'une entente entre lui-même et les sociétés S., SAEL, Campenon-Bernard, Royans-Travaux, Sorrel, Grosse, Debernardy, Cuynat, Pascal, GFC et Lamy ayant pour objet d'empêcher et de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés publics du Pignon sud et de l'extension des parkings du Centre hospitalier universitaire de Grenoble, en l'espèce en attribuant, de fait ces marchés à la S avant les appels d'offres, en avalisant au sein de la commission d'appel d'offre, les offres de couverture de ses concurrents, en délégant de façon occulte une part essentielle de la maîtrise d'œuvre et de la budgétisation de ces marchés à la société S et en se faisant rétribuer pour sa participation à cette entente,
4°) de s'être rendu complice du délit d'escroquerie commis par C. Paul, au préjudice du Centre hospitalier universitaire de Grenoble, en facilitant par aide et assistance la préparation et la consommation, en l'espèce en participant à la mise en œuvre d'une entente anticoncurrentielle, en corrompant le dirigeant de la société S, en lui délégant de façon occulte la maîtrise d'œuvre et la budgétisation des marchés et en ayant recours, auprès d'un tiers, à un avis technique de complaisance,
La société S, citée comme civilement responsable était mise hors de cause, la constitution de partie civile du CHU de Grenoble déclarée recevable, les prévenus condamnés à verser solidairement 24 348 730 F, outre 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Paul C. a été l'objet d'un contrôle judiciaire le 21 décembre 1994, puis détenu du 25 janvier 1995 au 10 mars 1995. Claude M. a été détenu du 24 janvier 1995 au 13 avril 1995.
Le Parquet faisait appel, du jugement du Tribunal correctionnel de Grenoble, puis Paul C., Claude M., et la partie civile.
LE DOSSIER
I - Historique des marchés
Dans le cadre de la rénovation du CHU de Grenoble, le 27 septembre 1990 était inscrite au plan directeur la rénovation du pavillon des urgences.
Le conseil d'administration du 24 octobre 1991 décidait la restructuration de ce pavillon ; pour le déplacement de certains services, était décidée à cette même date l'extension de l'hôpital en Pignon sud.
Claude M., ingénieur, responsable des services techniques du CHU de Grenoble était chargé de la maîtrise d'œuvre.
D'autre part, depuis 1989, était engagée une réflexion sur le devenir du parking de l'hôpital, non inscrite au plan directeur. Une étude avait été confiée à Grenoble Isère Développement (GID), dirigé par M. N. Le 27 février 1992, le conseil d'administration du CHU de Grenoble décidait d'engager des travaux, sous forme de " concession d'un service public ".
Une convention de prestations de services était signée le 30 mars 1992 entre le GID et le CHU de Grenoble, en deux tranches :
- conception d'un ouvrage de stationnement (permis de construire, bilan prévisionnel, consultations d'entreprises, recherche d'un concessionnaire)
- élaboration d'un projet de concession, avec délégation au GID de la maîtrise de l'ouvrage, agissant pour le concessionnaire au stade de la construction.
Le GID sous-traitait les opérations prévues dans cette convention à la société S dirigée par Paul C., qui mandatait un bureau d'études, le BETREC, des économistes pour les métrés, et un organe de contrôle, le CEP. Dans cette sous-traitance, apparaissait, outre les parkings, l'extension du Pignon sud, donc au-delà de la convention entre le CHU de Grenoble et le GID.
Au cours du premier semestre 1992, de nombreuses réunions avaient lieu entre le BETREC, Paul C., Claude M., la CEP, au cours desquelles étaient discutés les travaux d'extension du parking, et du Pignon sud.
Le projet de concession du parking était déclaré infructueux, après appel d'offre du 15 juin 1992.
Mais les deux projets de construction du parking et du Pignon sud se poursuivaient, le maître de l'ouvrage étant le CHU de Grenoble, et le maître d'œuvre Claude M. (assisté de Mlle D., architecte salariée). La procédure d'appel d'offre restreinte était utilisée, selon la chronologie suivante :
* Pignon sud:
- appel des candidatures : 5 juin 1992,
- sélection des candidats : 29 juin 1992,
- ouverture des plis : 30 juillet 1992,
- attribution à la S le 5 août 1992, pour un montant de 34 346 207 F ;
* Avenant n° 1 : parvis du Pignon sud, et fondation pour ouvrage futur :
- attribution sans appel d'offres à la S le 5 octobre 1993 pour 9 773 584 F ;
* Extension des parkings :
- appel des candidatures le 9 novembre 1992,
- sélection des candidats le 2 décembre 1992.
- ouverture des plis et attribution à la S pour 22 879 302 F;
* Avenant n° 2 : travaux supplémentaires
- attribution sans appel d'offre à la S le 2novembre 1993 pour 1 205 129 F soit un total de 71 042 914 F TTC.
II - Enquête judiciaire
Courant novembre 1994, dans le cadre d'une information sur le paiement d'une villa et de travaux d'aménagement d'une cuisine par la société GBR (filiale de la S) pour le compte de Mme CA, compagne de M. NW, (adjoint au maire de Grenoble, et Dr du GID) il était relevé que certains travaux avaient fait l'objet de lettres de commande et de factures, sous l'intitulé "Pignon sud "
Paul C. et Mme CA étaient mis en examen polir abus de biens sociaux, et recels d'abus de biens sociaux dans un autre dossier
Les investigations concernant diverses pratiques de marchés conduisaient à trois dossiers d'information, avec disjonction pour d'autres faits le 3 septembre 1995.
Par ordonnance de renvoi du 3 septembre 1997 Paul C. et Claude M. étaient renvoyés devant le Tribunal correctionnel de Grenoble, sous les préventions rappelées ci-dessus.
III - Infractions visées
A - Le délit d'entente frauduleuse
Lors des perquisitions au domicile de Claude R., responsable du bureau d'études de la S, ont été découverts :
Une chemise rouge, concernant le Pignon sud, avec le nom de 7 entreprises, et sept estimations de ces travaux,
Une chemise orange, avec le nom de huit entreprises et des devis estimatifs à des prix différents du marché de l'extension du parking du CHU de Grenoble.
Claude R. précisait que Paul C. avait été mandaté pour définir un avant-projet de ces travaux, et consulté lors de la préparation du budget des opérations par les service de l'hôpital; le chiffrage ayant été fait avec une marge plus élevée qu'habituellement. Il ajoutait qu'il avait été chargé par son supérieur d'établir les estimations pour la S, puis d'autres estimations, à un coût plus élevé, pour d'autres entreprises.
Paul C. ne contestait pas l'existence d'une entente entre entreprises de la région, qui lui aurait été demandée " en haut lieu ", par des personnes souhaitant des accords de principe entre entreprises et administrations publiques pour les marchés.
Divers chefs d'entreprises étaient entendus. Ils attestaient, par eux-mêmes ou par leurs préposés, connaître l'existence d'une entente. Ils avaient reçu les chiffrages mentionnés par Claude R., venant de la S, et les avoir adressés en leur nom, à l'appel d'offres du CHU de Grenoble. Ils connaissaient le caractère anormal de ces pratiques d' " offres de couverture ", qu'ils estimaient nécessaires pour avoir des marchés clans la région ; ils faisaient état de l'intervention des politiques, qui étaient financés par des entreprises. Pour certains de ces chefs d'entreprise, les évaluations de la S étaient " truffées ", c'est-à-dire les quantités étaient augmentées, pour permettre des sorties financières de ces marchés.
Concernant Paul C., étaient retenus comme éléments d'organisation d'une entente frauduleuse:
Les déclarations de ces entreprises,
L'intervention avant l'élaboration du budget des travaux,
L'incitation à la sélection de ces entreprises pour l'appel d'offre restreint, ou sans appel d'offre.
Concernant Claude M., mis en examen pour complicité, et renvoyé, au terme de l'instruction, pour participation à l'entente frauduleuse, était notamment retenu le fait de déléguer au S l'étude du budget, avant tout appel d'offres, la participation aux réunions du premier semestre 1992, avec Paul C., le BETREC, le CEP, où chacun des intervenants avaient compris l'existence de l'entente, et la pré-attribution officieuse à la S, l'incitation à l'organisation d'un appel d'offre restreint, ou d'absence d'appel d'offre, après choix des seules entreprises de l'entente, son poids technique dans la commission d'offres examinant les offres faussement établis par Paul C.
B - Les abus de biens sociaux, et le recel d'abus de biens sociaux
Lors de la perquisition de novembre 1995, au domicile de Claude M. était découverte et saisie une Renault Espace TXE, immatriculée [...]. Ce dernier reconnaissait l'avoir reçu en cadeau fin 1992 de Paul C., ce dernier indiquant que Paul M. l'avait demandée, et Claude M. précisant que Paul C. le lui avait proposée. Il aurait aussi bénéficié de trois voyages en famille, et un voyage avec Paul C.
Ces dépenses étaient passées en comptabilité dans la S en fausses factures de location de véhicules auprès des Etablissements M., et sur un compte " MTE" dans la comptabilité des marchés en cause.
Un voyage de juin 1993 aux Seychelles n'était pas retenu en fin d'information, mais daté de juin 1994, ce que Claude M. contestait à l'audience du tribunal.
Les sommes totales de ces abus de biens sociaux s'élevaient à 577 907 F, selon l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction.
C - Le trafic d'influence
Concernant Paul M., il est relevé que dans sa fonction de maître d'œuvre des deux marchés, (tâche de conception et de contrôle de l'exécution des marchés et chantiers, agissant comme tout maître d'œuvre), il a sollicité ou agréé des cadeaux de la part de Paul C., tout au long de la passation et de l'exécution des travaux.
Il ressort de l'information, et des divers rapports de contrôle des organismes officiels qu'il aurait, notamment, obtenu du maître d'ouvrage, M. J., et de la commission d'appel d'offres les décisions nécessaires pour la fixation du budget selon les calculs délégués à Paul C., pour le choix de l'appel d'offres restreint du chantier du Pignon sud, du chantier de l'extension des parkings, et pour l'établissement de l'avenant n°1 sans appel d'offres.
Il aurait notamment pour cet avenant obtenu l'intervention orale et écrite de Pierre V., membre de la DRASS, détaché à la DDE, pour convaincre le maître de l'ouvrage de l'utilité et de la possibilité de ces procédures.
Ces décisions administratives ont été obtenues dans la période de temps pendant laquelle Paul C. a offert et remis à Claude M. des présents, ce qui démontrerait ainsi l'existence d'un pacte tacite entre eux.
Il est également relevé que la réglementation des marchés publics n'a pas été respectée, ce qui montrerait ainsi une volonté consciente d'éviter des contrôles qui auraient pu faire apparaître l'existence d'une influence.
D - Escroqueries de Paul C. et complicité de Claude M.
Fin 1994, le conseil d'administration du CHU de Grenoble, avisé de malversations possibles dans ces marchés, demandait une expertise officieuse à M. S., économiste en construction. Il en ressortait une surfacturation de 10 181 506 F, à la suite de l'examen de lots significatifs, en l'absence de connaissance des détails des lots.
Le rapport de l'IGAS relevait que " les irrégularités constatées accréditent l'hypothèse de surfacturations, la rédaction de devis quantitatifs et estimatifs par S ayant pu donner à cette entreprise les moyens de majorer les quantités des prestations prévues ".
Une expertise judiciaire de l'ensemble des marchés aboutissait à une surfacturation globale de 24 348 733 F, en relevant :
- des différences entre les prix payés par le CHU de Grenoble à Paul C., et les prix payés par la S aux sous-traitants,
- des prix unitaires excessifs et le rajout de frais et d'honoraires normalement inclus dans les prix unitaires,
- des majorations de quantités dans les marchés,
Cette expertise concluait à l'existence d'une surfacturation non visible, notamment en raison de l'inexistence de toute procédure régulière d'appel d'offres. Elle constatait l'existence d'un budget d'origine anormalement gonflé, d'une majoration des quantités dans la consultation, d'une discrimination dans l'information des candidats, des prix non conforme aux prix habituels du marché et des avenants, tel qu'ils auraient pu être obtenus par le maître de l'ouvrage dans le cadre d'un appel d'offre ouvert.
Paul C. contestait cette surfacturation, estimant que les frais et les bénéfices de 23 % sur les marchés étaient seulement une bonne affaire commerciale.
Claude M. déclarait ne pas la connaître, n'ayant pu contrôler les marchés, faute de temps.
Les manœuvres reprochés à Paul C. résultent notamment de la fourniture d'éléments pour chiffrer les travaux avant établissement du budget de l'opération, et de la connaissance de ces éléments précis avant de soumettre à l'appel d'offre restreint, sur demande de Claude M.
Celui-ci a en effet, délégué de manière occulte à la S la maîtrise d'œuvre, sans autorisation du maître de l'ouvrage, et à son insu. Il aurait ainsi permis l'utilisation de manière cachée de prix et de quantités excessifs, à l'origine de la surfacturation.
Les liens avec Paul C., et la réception des cadeaux démontrent que Claude M. connaissait les éléments frauduleux de la passation et de la réalisation des chantiers
C'est ainsi que sont reprochés à Paul C., membre de l'entente, des faits d'escroqueries, et des faits de complicité à la charge de Claude M.
Prétentions des parties
Paul C. conclut à la relaxe du chef d'abus de bien social, et sollicite une diminution de peine pour les autres délits retenus. Sur l'action civile, il conclut à la réduction des sommes accordées, avec un partage de responsabilité.
Il évalue l'ensemble des travaux à la somme de 59 901 274 F hors taxe, compte tenu d'un autre avenant, et d'un poste de révision de prix.
Sur l'entente, il en reconnaît l'existence, expliquant qu'il ne pouvait la refuser pour obtenir des marchés, face aux entreprises nationales, soutenues par le maire de Grenoble qui serait à l'origine de ce système sur le département. Il fait valoir que d'autres entreprises ont participé à ces ententes, et n'ont pas été retenues dans la poursuite.
Il précise que la violation des régies relatives au Code des marchés publics ne peuvent être imputée à lui seul : il relève, se fondant sur le rapport de l'IGAS, des erreurs de contrôle et de gestion au sein de l'hôpital, maître d'ouvrage ; il explique notamment que les évaluations préalables des marchés qui lui ont été demandées proviennent des interventions antérieures de son entreprise, dont le choix pouvait ainsi se légitimer.
Il soutient qu'il n'a pas participé au chiffrage du devis quantitatif et estimatif du dossier de consultation des entreprises, mais ajoute que le projet du Pignon sud établi par la S a été soutenu par Claude M., car son entreprise aurait présenté le projet techniquement le plus au point, et le moins cher.
Il en déduit que les cadeaux faits à Claude M. n'ont pas un lien direct établi avec l'obtention des marchés, qui résulterait plutôt de la qualité technique de son projet, et de l'entente avec les autres entreprises.
Sur l'abus de bien social, il soutient qu'il a agi dans l'intérêt de la société, dont il n'a tiré aucun bénéfice personnel, arguant de ce que l'administration fiscale n'a pas exercé de redressement sur les travaux effectués dans la villa C.
Il estime que les sommes détournées, dont il ne conteste pas le montant, ont leur justification dans l'obtention de marchés, qui n'ont pas causé de préjudice à sa société, apportant à celle-ci des compensations à prendre eu compte.
Sur l'escroquerie, il conteste l'existence d'un préjudice qui résulterait de surfacturation, discutant les chiffres, fondement de la condamnation civile.
Il soutient que la surfacturation serait d'environ 5 400 000 F, et non de 24 348 733 F, chiffre déterminé par le tribunal correctionnel, à partir de l'expertise.
Il reproche à l'expertise d'avoir calculé le prix habituel du marché de tels travaux effectués par une entreprise fonctionnant in abstracto, en dehors des contraintes locales, alors qu'elle aurait du examiner le dossier technique d'appel d'offre, livré à la concurrence, et aboutissant à un montant de travaux " Pignon sud et parking de 60 MF hors taxe ".
Il conteste le chiffre de 6 % retenu par l'expertise pour la détermination des frais généraux, qui devraient être portés à 9,82 %. Il arrive à un chiffre du chantier pour la SDF de 59 901 274 F HT, au lieu de la somme de 39 371 146 F HT retenue par l'expert, soit un écart de 28 530 000 F HT, environ, car l'expert n'aurait pas tenu compte de fluctuations des résultats des chantiers, de leur réalisation, et de différents taux de marge pouvant être dégagé sur des chantiers similaires.
Il estime finalement que la méthode de calcul de l'expert devrait aboutir à un chiffre de 46 316 312 F. alors que la S a facturé 49 316 312 F, soit un écart de 3 208 747 F, et de 2 918 604 F, en y rajoutant les écarts de l'avenant, et les écarts des corps d'état secondaire. Il fait remarquer que ces écarts correspondraient au chiffre de 6 100 000 F, que R. et N. ont cités dans leurs premières déclarations.
Il en déduit que le CHU de Grenoble n'a pas subi de préjudice, et que l'escroquerie n'est pas démontrée.
Sur l'action civile, il allègue qu'une surfacturation ne correspond pas automatiquement à un excédent de marge, et que la perte d'économie du CHU de Grenoble ne correspond qu'à la perte d'une chance, la violation des règles sur la passation des études et des marchés publics ne permettant pas d'en déduire le montant du préjudice. Le préjudice résultant directement de l'infraction doit être calculé en déduisant le montant des avenants car le conseil d'administration du CHU de Grenoble a choisi lui-même d'écarter la procédure d'appels d'offres. Il soutient l'absence de liens entre l'infraction retenue, et la responsabilité civile.
Il demande l'application d'un partage de responsabilité, en raison de la nullité du contrat de travaux, connue par le CHU de Grenoble, au vu de la passation du contrat.
Il soutient enfin qu'il a agi dans l'intérêt de la société, dont il n'est titulaire que de 53 % des parts, taux à appliquer à la réparation due à la partie civile.
Claude M. conclut au principal, à sa relaxe, et au rejet de la constitution de partie civile. Subsidiairement, il conclut au partage de responsabilité avec la direction du CHU de Grenoble, au rejet des conséquences de la passation de l'avenant du chantier du parvis, et à la diminution du calcul du préjudice sur les autres éléments du contrat.
Sur les faits, il conteste avoir eu des liens directs avec la S, lorsque le GID a passé un marché avec celle-ci, et qu'il n'a pu la favoriser. Il soutient que le concessionnaire de la première convention devait réaliser les fondations et le premier niveau de l'immeuble du Pignon sud. Il explique qu'il était alors logique de s'adresser à la S, après l'échec de l'appel d'offres sur la concession, celle-ci ayant déjà régulièrement travaillé à la demande du GID. Il soutient que le tribunal correctionnel a, à tort, qualifié d'illégalité le fait de confier la maîtrise d'œuvre à la S, la direction de l'hôpital en étant informée. Il allègue qu'il n'avait pas lui-même le choix de l'entreprise, ni le pouvoir, ou la capacité d'influencer le conseil d'administration du CHU de Grenoble dans le choix de la S comme soumissionnaire seule l'entente entre les entreprises l'expliquant.
Il précise qu'il n'a pas pris l'initiative de communiquer à la S le montant de l'enveloppe financière de l'opération, qui l'a connu antérieurement, par d'autres moyens.
Concernant la passation de l'avenant, il allègue qu'il a dû, en urgence, prévoir l'utilisation d'une enveloppe budgétaire imprévue, et que cette procédure a été adoptée, sur les conseils notamment de Pierre V., qui n'a pas donné un avis de complaisance, mais une opinion de technique juridique. Il estime qu'il n'avait pas la force de conviction pour convaincre la direction et le conseil d'administration du CHU de Grenoble.
Sur le recel d'abus de biens sociaux, il reconnaît avoir reçu de Paul C. un véhicule, et des voyages, dans un cadre amical, et sans lien avec les marchés en cause. Il limite à 513 064 F le montant des avantages reçus, discutant un deuxième voyage aux Seychelles, et le voyage à Eurodisney. Il déclare ne pas avoir connu l'origine des fonds, et ne pas être coupable de recel d'abus de biens sociaux.
Sur le délit d'entente, il soutient qu'il n'est pas démontré qu'il la connaissait. D'autre part, sa position consultative au sein de la commission d'appel d'offres ne lui permettait pas d'influencer les décisions. De même, il n'a pas délégué de manière occulte la maîtrise d'œuvre à la S, mais au vu et au su de la direction du CHU de Grenoble.
Sur la complicité d'escroquerie, il explique qu'il n'a pas connu l'existence de surfacturations, et, existerait-elle, son absence de connaissance de l'entente, ne permettrait pas de lui imputer ce délit.
Sur le trafic d'influence, il ne le conteste pas, sous réserve de preuve de l'existence d'une convention préalable. Il sollicite sa relaxe du chef de corruption passive, qui n'est cependant pas retenu par l'acte qui a saisi le tribunal correctionnel.
Sur la constitution de partie civile, il soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages intérêts, les fautes reconnues n'étant pas détachables du service. Il demande subsidiairement un partage de responsabilité, estimant que le directeur de l'hôpital est responsable de la passation des avenants.
Il critique d'autre part les conclusions de l'expertise, dont l'estimation est erronée, si l'on applique le coefficient du Guide de la mission ministérielle des constructions publiques, et demande la réduction des sommes fixées par le tribunal correctionnel.
Le Centre hospitalier universitaire de Grenoble, partie civile, conclut à la confirmation du jugement sur l'évaluation des dommages intérêts, et à la réformation du jugement, en demandant que la S soit déclarée civilement responsable de son préposé, Paul C., et condamnée solidairement aux dommages intérêts. Il demande en outre une somme de 100 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Il fait valoir que Paul C. n'est pas président directeur général de la S, ni administrateur, mais cadre dirigeant; qu'à ce titre, il a engagé la responsabilité civile de son employeur, ayant agi dans le cadre de ses fonctions, qui doit être solidairement condamné à verser des dommages intérêts.
Motifs de la décision
Sur le délit d'entente
Attendu que Paul C. reconnaît qu'une entente existait entre diverses entreprises de la région grenobloise; que ces entreprises, entendues dans le présent dossier reconnaissent avoir adressé leurs soumissions aux appels d'offre telle qu'elles étaient rédigées par les services de la S ; que les documents retrouvés chez Roger N., comptable de la S, attestent de cette pratique; que par suite, la décision de culpabilité relevée par les premiers juges sera confirmée ;
Attendu qu'en ce qui concerne Claude M., il a, lors de l'enquête préliminaire, fait état de ses doutes sur cette existence, même s'il est revenu sur ses déclarations ;
Attendu qu'il résulte du dossier que Paul C. lui a suggéré que soit organisé un appel d'offre restreint ; que même si Claude M. n'avait qu'une voix consultative au sein des commissions d'appel d'offre, les participants reconnaissent le poids de ses avis, en raison de sa compétence technique; que l'implication de la S avant la passation des marchés, même si le GID l'a choisi en premier, montre que la S devait être l'entreprise choisie, au sein de l'entente des pseudo concurrents; que le rôle et la fonction de Claude M. au sein du CHU, pour la mise en place des divers marchés concernés par ce dossier le mettait au centre des négociations avec les entreprises, notamment la S;
Attendu que ces allégations sur l'intérêt de choisir la S, compte tenu de son intervention antérieure pour d'autres chantiers de l'hôpital, ou sur la connaissance par la direction de l'hôpital de l'existence de l'entente, ne démontre pas son ignorance, alors que les cadeaux reçus de Paul C. attestent des liens entre eux ; que par suite l'ensemble de ces éléments démontrent que Paul C. a obtenu ce marché grâce à l'existence d'une entente, dont le fonctionnement demandait qu'à l'intérieur de l'hôpital des personnes interviennent pour qu'elle arrive à son but; que la situation fonctionnelle de Claude M., et ses diverses interventions facilitant l'entente démontrent sa connaissance de l'existence de ce procédé d'attribution des marchés;
Attendu que Claude M. a pris part de façon personnelle et déterminante à la mise en œuvre de l'entente ayant pour objet la passation des divers marchés en cause; que par suite la décision de culpabilité des premiers juges sera confirmée ;
Sur l'abus de biens sociaux et le recel
Attendu que le dossier établit, comme l'a noté le jugement, que Paul C. a financé, du 22 décembre 1992, au 1er janvier 1994 des voyages à la Martinique, aux Seychelles, à Eurodisney, et à la Réunion, avec pour bénéficiaires Claude M. et des membres de sa famille; qu'une voiture Renault Espace a été remise à ce dernier, fin 1992 ; que le montant total des services ou biens remis représentent un montant de 522 739 F ; que cette somme a été enregistré en comptabilité par la S par le biais de fausses factures de locations de véhicules, ou inscrite en partie sur un compte " fournisseur MTC ":
Attendu que ces sommes ont été en conséquence prélevées sur la trésorerie de la S, à la demande de Paul C. et remises à Claude M. ; que les liens amicaux allégués pouvant exister ne justifie en aucune façon de tels cadeaux; que ces fonds ont, au contraire, été utilisés pour obtenir les marchés dans le cadre d'une entente illégale ; qu'en agissant ainsi, Paul C. a utilisé des fonds sociaux avec pour objet de commettre un délit, exposant la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou fiscales, contre la S, et à ainsi porté atteinte au crédit ou à la réputation de cette dernière ;
Attendu que la cour, confirmant la décision des premiers juges, déclare Paul C. coupable d'abus de biens sociaux ;
Attendu que Claude M. ne conteste pas avoir reçu de la S, par l'intermédiaire de Paul C. les biens ou services rappelés ci-dessus ; qu'il déclare lui-même dans ses conclusions les avoir reçu à tort ; que le dossier établit qu'il savait que le paiement était assuré par l'entreprise S, et non par Paul C., à titre personnel, leur montant dépassant les possibilités financières personnelles de ce dernier ;
Attendu qu'il conteste le voyage à Eurodisney, au motif qu'il s'agirait d'un voyage résultant de leurs relations amicales, en raison de la présence de l'épouse et des enfants C. ; que le paiement d'un déplacement de la famille C. par la S, qui constitue au demeurant un abus de biens sociaux non retenu dans le présent dossier, ne justifie pas que la fourniture à Claude M. de ce voyage soit régulière ;
Attendu que la cour déclare, en conséquence, le prévenu coupable de recel d'abus de biens sociaux, confirmant également la décision des premiers juges ;
Sur le délit de trafic d'influence
Attendu que, comme l'a relevé le tribunal correctionnel, dont la cour adopte les motifs, il suffit de rappeler certains éléments du dossier ;
Attendu que notamment le rapport de l'IGAS, joint à l'information, relève que l'égalité des candidats a été rompue, puisque la S, seule entreprise à connaître le projet, a été associée à l'élaboration des deux projets ; que des réunions se sont régulièrement tenues pour la mise en place des projets, avec notamment Paul C. et Claude M. avant les appels d'offres; que des témoins, comme Paul T., Claude R., participant pour des raisons techniques à ces réunions, ont constaté que la S se conduisait en maître d'œuvre, devant Claude M., représentant l'hôpital ; que la procédure d'appel d'offres restreint a été choisi sous l'influence de Paul C. et de Paul M., l'un ayant la compétence technique, l'autre la compétence technique et administrative ;
Attendu que tout au long de cette période, selon une chronologie établie par le dossier, et non contestée par les parties, Paul C. a fourni à Claude M. un véhicule automobile, et des voyages ; que ces rapprochements démontrent l'existence tacite d'un pacte occulte entre les deux prévenus, chacun ayant sollicité, ou agréé des rétributions, de manière réitérée, dans le but de favoriser la S dans l'attribution des divers marchés, et dans leurs réalisations, par l'action organisée et consciente de Claude M. dans les préparations et les prises de décisions ;
Attendu que le seul point discuté par le prévenu est de savoir qui a sollicité l'autre; que le déroulement des faits montre qu'il y a eu une imbrication de l'offre et de la demande de chacun par rapport à l'autre, caractéristique du trafic d'influence organisé sur un temps déterminé, dans un but précis ; que d'ailleurs Claude M., par conclusions, discute le délit de corruption, mais non le délit de trafic d influence, retenu à son encontre ;
Attendu qu'en conséquence, le délit de trafic d'influence, caractérisé par le tribunal correctionnel sera retenu à l'encontre de deux prévenus, et la décision également confirmée sur ce point ;
Sur le délit d'escroquerie et de complicité
Attendu que la passation des divers marchés a fait l'objet d'anomalies administratives étude préalable réalisée en fait par la S, pour des raisons qualifiées de techniques, et qui avalent pour objet de cacher la préférence de fait donnée à l'origine à la S, pour des motifs financiers, confusion des fonctions de maîtrise d'œuvre et d'entrepreneur entre les mains de la S, sous-traitance non indiquées au maître d'ouvrage, appel d'offres restreints, ou absence d'appels d'offres en relation avec la mise en application d'une entente ;
Attendu que ces divers éléments, et ceux que le tribunal correctionnel a rappelé dans sa décision, auquel la cour se réfère, démontrent, par leur existence cumulative la réalité de manœuvres frauduleuses de la part des deux prévenus, liés par un trafic d'influence ;
Attendu que ces manœuvres ont conduit le maître d'ouvrage, en l'occurrence le CHU, à la passation de marchés dans le cadre d'une entente secrète, et à opérer les diverses mises de fonds contractés pour honorer ces marchés ;
Attendu que d'autre part, ces manœuvres ont eu pour objet de permettre une surfacturation des marches ;
Attendu qu'en effet, dès le début de l'enquête, Claude R., membre de la S, a précisé qu'une marge anormale avait été calculée à la demande de Paul C. ; que, sur la demande du CHU, l'expert S. a, par sondages, constaté un prix anormalement élevé ;
Attendu que l'expert judiciaire a, conformément à sa mission, étudié le prix des marchés, et les quantités, en les mettant en relation avec les prix habituels du marché, pour évaluer le prix réel des ouvrages réalisés ; qu'il a procédé à l'évaluation des quantités, par trois méthodes, selon les lots : métrage du gros œuvre, métrés des plans d'architectes comparés avec les quantités facturées par les sous traitants pour les corps d'état secondaires, sondages sur les lots techniques; qu'en ce qui concerne les prix, il les a comparés à ceux appliqués dans des marchés similaires, en les majorant d'un taux pour les frais généraux, et d'un taux de bénéfice, recoupant cette comparaison avec une méthode par ratios ;
Attendu que ces méthodes de calcul sont discutées par Paul C., et par Claude M., qui prennent en compte pour leurs calculs comparatifs le prévisionnel établi irrégulièrement pour être soumis à l'appel d'offres, ou sans appel d'offres; qu'ils contestent d'autre part les taux de frais généraux, ou les taux de bénéfice appliqués par les experts ;
Attendu que le coût que le CHU aurait du payer ne peut être calculé sur les prévisions de la S, compte tenu de l'établissement frauduleux de la procédure d'élaboration des marchés, mais sur le coût de tels marchés ouverts à la concurrence et que des entreprises aurait pu présenter lors de la passation des marchés; que par suite les calculs fournis par les prévenus, résultant du fonctionnement de la S en l'occurrence, ne peuvent constituer une méthode de comparaison pour connaître le prix exact des marchés ; que de surcroît, les prévenus ne fournissent aucun élément contestant les chiffres de comparaison pris par les experts, que ceux-ci ont défini avec précision, tant sur les prix que sur tes quantités ;
Attendu que la cour constate que les chiffres de l'expert judiciaire, qui aboutissent à une sur facturation de 24 348 333,03 F, selon un tableau repris dans le jugement, constituent le coût indûment payé par le CHU de Grenoble, et ce, en raison des manœuvres qualifiées ci-dessus ; que par suite est établie l'existence d'un préjudice certain ;
Attendu que Paul C. sera déclaré coupable d'escroqueries, la cour confirmant le jugement sur ce point ;
Attendu qu'en ce qui concerne Claude M., la complicité résulte du dossier, qui établit son rôle dans la passation des marchés, rappelés ci dessus, et l'agrément conscient de cadeaux, en relation dans le temps avec la procédure administrative et financière des marchés; que ses allégations de méconnaissance des surfacturations ne peuvent être admises, compte tenu de sa fonction de contrôle qui lui incombait, par son poste au sein du CHU de Grenoble de maître d'œuvre des constructions ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité d'escroqueries ;
Sur les peines
Attendu que la cour, en ce qui concerne Paul C., constate, comme le tribunal correctionnel, qu'il a adhéré à un système d'entente dans un environnement administratif, économique et de gestion des fonds publics, qui le dépassait ; que cependant, il a su mettre en place pour y parvenir, un trafic d'influences non contesté, permettant ainsi une escroquerie des fonds publics ;
Attendu que la cour constate que ce prévenu travaille régulièrement, et que ce travail peut lui permettre d'assurer le remboursement des sommes détournées ; qu'en conséquence, la cour estime que la peine prononcée par le tribunal correctionnel doit être confirmée, une partie ferme de huit mois étant fondée sur le caractère frauduleux de l'ensemble de l'opération, mais pouvant être limitée par la possibilité d'une gestion du reliquat de peine sans obérer ses occupations professionnelles actuelles ;
Attendu que, concernant Claude M., la cour pour les mêmes motifs, que son co-prévenu, confirme la peine fixée par le tribunal correctionnel, son rôle ayant été déterminant, et indispensable pour la réalisation frauduleuse de l'opération ;
Sur l'action civile
Attendu que le CHU de Grenoble a subi un préjudice directement en relation avec les infractions retenues à l'encontre de deux prévenus; que les experts ont chiffré non pas une préjudice résultant de la violation des études et des marchés publics, comme le soutient à tort Paul C., mais le prix des marchés tels qu'ils auraient dû être facturés au CHU de Grenoble ; que par suite l'évaluation du préjudice fixé par les premiers juges sera confirmée ;
Attendu que Paul C. demande la limitation de sa responsabilité au montant des parts dont il est titulaire dans la S ; qu'en fait, il a agi en tant que mandataire de la société anonyme S, et soutient qu'il n'a agi que dans l'intérêt de la société ; que par suite il n'y a pas lieu de limiter le remboursement du préjudice au montant de ses parts dans la société S ;
Attendu que Paul C. sollicite d'autre part un partage de responsabilité, fondée sur la nullité civile des marchés pour fraude à la loi, et en raison de la connaissance par te conseil d'administration des avenants et des conditions des marchés ;
Attendu que, sur ce point, la cour n'a pas à statuer sur la nullité des contrats qui n'a pas été discutée devant elle; que le prévenu ne fournit aucun élément de preuve de la connaissance suffisante par les autorités du CHU de Grenoble des conditions de ces marchés permettant de fonder un partage de responsabilité, alors que les éléments du dossier montrent que les diverses opérations ont été organisées par les deux prévenus pour en assurer le caractère secret, face aux lieux de décisions ;
Attendu que Claude M. demande à la cour de se déclarer incompétente sur la demande de dommages intérêts à son encontre, ou tout au moins des dommages résultant du marché sur l'avenant du parvis, la décision appartenant au directeur du CHU de Grenoble, plus subsidiairement de prononcer un partage de responsabilité ;
Attendu que le partage de responsabilité sollicité n'est pas démontré pour le responsable des services techniques, qui a organisé la mise en place des marchés et leur réalisation dans le secret par rapport aux responsables, et n'apporte pas de preuve au soutien des ses allégations ; qu'il ne peut être retenu ;
Attendu que le dossier démontre que Claude M. a personnellement bénéficié des cadeaux de Paul C., qui sont à l'origine des manœuvres frauduleuses ayant permis les opérations qui ont causé le préjudice du CHU de Grenoble ; qu'il a utilisé ses fonctions a ces fins ; que par suite la cour est compétente pour statuer sur la demande à son égard ; que de surcroît, cette demande d'exonération n'a pas été soulevée devant le tribunal correctionnel ; qu'elle sera rejetée ;
Attendu que la partie civile sollicite la reconnaissance de la responsabilité civile de la société S, Paul C. étant dirigeant appointé de cette société ;
Attendu que la S, citée comme civilement responsable ne discute pas sa responsabilité civile ; que Paul C. a agi dans le cadre de ses fonctions, et pour le compte de la société; qui a perçu le montant des marchés ; que par suite elle ne s'exonère pas de sa responsabilité civile ;
Attendu que la société S sera déclarée civilement responsable, et solidairement condamné à réparer le préjudice causé au CHU de Grenoble, tel qu'il a été évalué ci-dessus, le jugement étant réformé sur ce point ;
Attendu que par suite la décision des premiers juges sera intégralement confirmée sur l'ensemble des dispositions civiles, sauf à dire que la société anonyme S sera déclarée civilement responsable de Paul C. ;
Attendu que de même, la cour confirme la confiscation des objets saisis, et l'affectation des sommes consignées au paiement des frais de justice, et de dommages intérêts ;
Attendu que la cour estime à 20 000 F la somme due par les condamnés au titre de l'article 475-l du Code de procédure pénale ;
Par ces motifs, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit les appels comme réguliers en la forme, Sur l'action publique, Confirme les dispositions du jugement déféré sur les déclarations de culpabilité et les peines prononcées à l'encontre de Paul C. et de Claude M. ; Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a été donné aux condamnés, dans la mesure de leur présence lors du prononcé de l'arrêt ; Dit que les condamnés seront tenu au paiement du droit fixe de procédure, Sur l'action civile, Confirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné solidairement Paul C. et. Claude M. à verser solidairement la somme de 24 348 730 F au CHU de Grenoble, Infirmant pour le surplus, Dit que la société S est civilement responsable de son préposé Paul C., Condamne en outre Paul C. et Claude M. à la somme de 20 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et aux frais de l'action civile. Le tout par application des articles 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, 460 de l'ancien Code pénal, et 321-1, 321-9, 321-10 du Code pénal, 178 de l'ancien Code pénal, et 433-1 du Code pénal, 7 et 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 405 de l'ancien Code pénal, et 313-1 du Code pénal, 50, 60, de l'ancien Code pénal, 121-6, 121-7, 313-7, 313-8 du Code pénal, 132-30 à 132-34 du Code pénal, 496 à 520 du Code de procédure pénale.