CA Paris, 25e ch. A, 16 mai 2003, n° 2001-20256
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Auto Nogent (SARL)
Défendeur :
Daewoo Automobiles Jaurès (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Canivet
Conseillers :
Mmes Jaubert, Bernard
Avoué :
SCP Bernabé-Chardin-Chevillier
Avocats :
Mes Henry, Guez.
Se prévalant de l'inexécution d'un contrat à effet du 1er octobre 1998, la SARL Auto Nogent a assigné le 6 décembre 1997 devant le Tribunal de grande instance de Bobigny la SA Daewoo Automobiles Jaurès en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts.
La SARL Daewoo Automobiles France a conclu à la compétence du tribunal de grande instance et au débouté des prétentions de la SARL Auto Nogent.
Par jugement rendu le 25 septembre 2001, le Tribunal de grande instance de Bobigny a débouté la SARL Auto Nogent de ses demandes en objectant que la demanderesse s'était bornée à régulariser des conclusions de pure forme, sans invoquer des moyens de droit ni caractériser son préjudice, alors que déjà l'intitulé exact de la partie assignée était très imprécis et en déduisant ainsi qu'il ne pouvait statuer en connaissance de cause sur le bien fondé des prétentions de la SARL Auto Nogent.
La SARL Auto Nogent a relevé appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 février 2002 et auxquelles il est renvoyé, l'appelante indique qu'elle a conclu un contrat intitulé " Point Service ", non daté mais devant prendre effet le 1er octobre 1998, avec le concessionnaire Daewoo Automobiles Jaurès afin de régir leurs relations. Elle précise qu'aux termes de ce contrat, elle devait notamment assurer " à titre principal la prestation de l'ensemble des services nécessaires à l'entretien et à la réparation des véhicules de la marque Daewoo ainsi que la revente des pièces de recharge et accessoires de la marque Daewoo " dans la zone d'influence qui lui était concédée.
L'appelante demande à la cour, en usant de son pouvoir d'interprétation de la convention qu'elle reconnaît être peu claire, de la qualifier de mandat d'intérêt commun.
La SARL Auto Nogent soutient, ensuite, que la société Daewoo Automobiles France a commis plusieurs manquements contractuels facturation erronée, emportement facilitant une concurrence à son détriment, défaut de fourniture du matériel, autorisation donnée à la société SAS, vendant des voitures Daewoo, de s'installer tout près de sa zone d'influence à Saint-Maur en juin 1999.
Elle ajoute que le 7 septembre 1999, la société Daewoo Automobile France lui a refusé le droit de devenir concessionnaire Daewoo, révoquant ainsi le mandat d'intérêt commun qui les liait.
Elle évalue son préjudice résultant de cette révocation à la somme forfaitaire de 76 224,50 euros.
La SARL Auto Nogent sollicite, en conséquence, l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Daewoo Automobile Jaurès à lui payer 76 224,50 euros à. titre de dommages-intérêts ainsi que 1 525 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures signifiées le 24 avril 2002 et auxquelles il est renvoyé, " Daewoo Automobile Jaurès, établissement secondaire de la société Daewoo Automobile France SAS " réplique en premier lieu que le contrat " Point Service " est un contrat d'agent service automobile passé entre l'établissement secondaire de la société Daewoo Automobile France et l'agent dénommé " atelier agréé " la SARL Auto Nogent.
L'intimée déclare que compte tenu du fait que le contrat a été signé par une succursale (" donc Daewoo Automobile France ") et non par une entreprise indépendante d'elle, certaines mentions du contrat, qui est une convention type, n'ont pas lieu d'être, comme l'absence de lien contractuel entre Daewoo Automobile France et " l'atelier agréé ".
Elle dénie, par ailleurs, à ce contrat la qualification de mandat d'intérêt commun, " l'atelier agréé " n'ayant pas la qualité d'agent commercial et agissant pour son compte et en son propre nom.
La société Daewoo Automobile France conteste en second lieu, avoir commis des fautes. Elle analyse dans ses conclusions chacun des griefs qui lui est fait et affirme démontrer que ceux-ci ne sont pas établis.
En troisième lieu, la société Daewoo Automobile France fait valoir que c'est la société Auto Nogent qui a mis fin au contrat. Elle réitère que la convention n'était pas un contrat de concession et allègue qu'elle était en droit de ne pas nommer la société Auto Nogent concessionnaire et de la laisser " l'atelier agréé ", comme elle le lui a écrit le 7 septembre 1999.
En dernier lieu, l'intimée observe que la SARL Auto Nogent ne produit pour justifier de son préjudice que des factures de publicité lesquelles ne peuvent, en tout état de cause, être mises à sa charge, dans la mesure où la SARL Auto Nogent a pu en profiter pour augmenter son chiffre d'affaires et fidéliser une clientèle pour le service après-vente.
L'intimée réclame donc la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Auto Nogent de ses demandes. Elle est appelante incidente pour requérir le paiement de 4 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi, LA COUR
Considérant qu'il est avéré et non contesté par les parties que la société Daewoo Automobile France est la contractante de la SARL Auto Nogent, bien que le contrat " Point Service " mentionne qu'il est passé entre Daewoo Automobile Jaurès et la société Auto Nogent ; que les erreurs matérielles commises dans l'assignation et les conclusions mêmes de la société Daewoo Automobile France sur la désignation de la défenderesse intimée découlent de l'intitulé du contrat Point-Service; qu'il est vérifié au surplus que Daewoo Automobile Jaurès est l'établissement secondaire de la société Daewoo Automobiles France en raison d'un numéro d'immatriculation identique au Registre du commerce et des sociétés de Bobigny;
Considérant que le contrat Point Service a été conclu pour une durée indéterminée avec prise d'effet au 1er octobre 1998 et pouvait être dénoncé par chacune des parties moyennant un préavis de 6 mois ; qu'il avait pour objet principal de permettre, sur un territoire défini, à la société Auto Nogent d'assurer l'entretien et la réparation des véhicules de marque Daewoo et accessoirement de se livrer à la vente de véhicules et de pièces détachées neufs de la marque Daewoo;
Que ce contrat est qualifié par la société Daewoo Automobiles France de contrat d'agent service automobile dénommée " atelier agréé "; qu'en tous cas, ce n'est pas un mandat d'intérêt commun comme le prétend la société Auto Nogent; que l'article 2 du contrat stipule que " dans le cadre du présent contrat, l'Atelier Agréé effectue toutes les opérations en son nom et pour son propre compte "; que la société Auto Nogent n'entretenait aucun courant d'affaires avec la société Daewoo Automobile France; qu'enfin le contrat prévoit une faculté de résiliation unilatérale sous réserve d'un préavis, ce qui exclut toute révocation subordonnée au consentement des parties ou à une cause reconnue en justice; que la SARL Auto Nogent ne peut donc bénéficier des mesures protectrices accordées aux mandataires d'intérêt commun et aux agents commerciaux en cas de rupture du contrat;
Qu'il est établi en outre que la société Auto Nogent a elle-même rompu unilatéralement le contrat Point Service lequel peut être qualifié de contrat cadre faisant naître des obligations de faire;
Qu'en effet, dans le cadre de la dénonciation-assignation qu'elle a fait délivrer le 6 décembre 1999 à la société Daewoo Automobile France, elle a déclaré " dénoncer, avec effet immédiat, les conventions précitées, non datées ayant pris effet le 1er octobre 1998 " ; que la société Daewoo Automobile France a pris acte de cette résiliation, sans s'attacher au défaut de préavis, ce qui est son droit ; qu'en refusant par courrier du 7 septembre 1999 à la SARL Auto Nogent le droit de devenir concessionnaire Daewoo, refus relevant de son appréciation discrétionnaire, la société Daewoo Automobile France n'avait elle-même initié aucune rupture puisque la société Auto Nogent demeurait " Atelier Agréé " mais avait marqué les limites de ses relations contractuelles futures avec la société Auto Nogent ; que si cette dernière a pu être déçue de ce comportement, elle ne peut s'en prévaloir pour réclamer une indemnisation, surtout au titre d'une révocation d'un mandat d'intérêt commun;
Considérant par ailleurs, que l'appelante ne rapporte pas la preuve des manquements contractuels qu'aurait commis la société Daewoo Automobile France, ni du préjudice qu'elle aurait subi à la suite de cette inexécution partielle du contrat Point Service;
Que tout d'abord, la SARL Auto Nogent s'est plainte dans un courrier daté du 12 février 1999 " de s'être trouvée à nouveau, aujourd'hui, devant une facturation plus élevée que prévu " ; que c'est justement que l'intimée allègue que la société Auto Nogent ne produit pas les facture litigieuses et s'est bornée, au demeurant, dans sa correspondance, à signaler l'erreur sans en demander la rectification;
Que l'appelante reproche ensuite à la société Daewoo Automobile France, d'une part, d'avoir orienté des clients potentiels habitant le Perreux vers le concessionnaire de Saint-Maur, soit hors du territoire du concessionnaire local à Drancy et donc hors du bilan et d'avoir placé un panneau publicitaire sur son secteur avec l'adresse toujours du concessionnaire de Saint-Maur;
Qu'il est constaté que la société Daewoo Automobile France a immédiatement répondu par courrier du 9 septembre 1999 à ces reproches faits le 30 août 1999 ; qu'il est exact, d'une part comme elle l'a indiqué à sa cocontractante, qu'elle ne pouvait refuser de communiquer à un client, qui le souhaite, l'adresse de plusieurs concessionnaires proches du lieu d'habitation du client ; qu'en l'absence d'autres éléments fournis par la société Auto Nogent, il apparaît que l'intimée n'a commis, sur ce grief, aucune faute caractérisée; que d'autre part, la société Daewoo Automobile France a reconnu, dans ce courrier du 9 septembre 1999, que l'adresse du concessionnaire local aurait dû figurer sur le panneau publicitaire placé sur le secteur de la société Auto Nogent ; que toutefois, cette dernière ne précise pas si le panneau a été maintenu après le 9 septembre 1999 et ne démontre pas l'existence d'un préjudice découlant de cette faute contractuelle ;
Que la société Auto Nogent reproche également à la société Daewoo Automobile France de ne pas avoir fourni les consignes, le matériel publicitaire, une documentation spécialisée et de n'avoir pas mis à sa disposition deux véhicules, l'un modèle Le Ganza, l'autre modèle Nubira Break pour son " show-room ";
Qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société Daewoo Automobile France a remis tant la signalétique que la documentation et les deux voitures réclamées par la société Auto Nogent mais qu'elle ne l'a fait que tardivement, notamment en ce qui concerne la documentation, demandée encore le 13 décembre 1999 ainsi que les deux véhicules sollicités par courrier du 8 septembre 1999 et requis avec mise en demeure du 26 octobre 1999;
Que cependant, pour établir la réalité de son préjudice, l'appelante ne produit que des documents relatifs à des campagnes publicitaires faites par annuaire téléphonique, panneaux, tracts, journées portes ouvertes, ou projetées par film;
Qu'il ne résulte de ces documents aucun chiffrage possible du préjudice allégué ; que surtout cette publicité a pu attirer à la société Auto Nogent une clientèle personnelle dont elle peut tirer profit après la résiliation du contrat Point Service ; que la seule publicité imagée, figurant dans les pièces susvisées, montre en effet un panneau publicitaire, sur lequel la marque Daewoo est indiquée en haut à gauche tandis qu'au centre s'étalent en plus gros caractères les mentions " Mécanique-Carosserie Auto Nogent: 150 boulevard de Strasbourg ";
Que c'est vainement enfin que la société Auto Nogent fait grief à la société Daewoo Automobile France d'avoir laissé un concessionnaire Daewoo s'installer à Saint Maur alors que non seulement Saint-Maur ne faisait pas partie de son territoire contractuel mais que la preuve n'est pas rapportée que la société SAS ait vendu depuis juin 1999 des véhicules Daewoo ; que sur sa carte de visite versée aux débats par l'appelante, il est indiqué que la société SAS est concessionnaire Suzuki Auto et Mitsubishi Motors;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties;
Par ces motifs, Contradictoirement, Dit que le contrat Point Service, conclu entre la société Daewoo Automobile France, par l'intermédiaire de son établissement secondaire Daewoo Automobile Jaures, avec la société Auto Nogent n'est pas un mandat d'intérêt commun ni un contrat d'agent commercial mais un contrat cadre faisant naître des obligations de faire, Déboute la société Auto Nogent de toutes ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties, Condamne la SARL Auto Nogent à s'acquitter des entiers dépens, Admet la SCP Monin avoué au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.