CA Paris, 1re ch. A, 4 mars 1991, n° 90-25385
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Tallec, Le Tallec (SARL)
Défendeur :
Athlete's Foot (SNC), Marshall (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hannoun
Conseillers :
MM. Canivet, Guérin
Avoués :
SCP Garrabos-Alizard, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Thomas, Volnay
La société Le Tallec et son gérant, Monsieur Bernard Le Tallec, sont appelants du jugement rendu le 4 octobre 1990 par le Tribunal de commerce de Paris qui :
- les a déboutés de leur action tendant à l'annulation du contrat de franchise conclu par Monsieur Le Tallec le 12 février 1986 avec la société Athlete's Foot ;
- a prononcé la résiliation de ce contrat à leurs torts exclusifs ;
- les a condamnés in solidum à payer :
-- d'une part à la société Athlete's Foot la somme ce 3 507,77 F correspondant au prix de marchandises livrées et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1990, date de la demande reconventionnelle ainsi que 1 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
-- d'autre part à la société Marshall, substituée dans les droits de la société Athlete's Foot, la somme de 133 539,72 F à titre de redevances avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1990 et 75 000 F à titre de dommages et intérêts ;
- a déclaré licite la clause de non-concurrence insérée au contrat et fait défense à Monsieur Le Tallec et à la société Le Tallec de poursuivre pendant une année à compter du jugement l'exploitation de leur magasin de vente de chaussures et de vêtements de sport à Vannes ;
- leur a ordonné d'assurer la dépense de l'enseigne et de restituer à la société Marshall les matériels et signes caractéristiques de la franchise sous astreinte de 3 000 F par jour de retard quinze jours après la signification du jugement ;
- et les a condamnés in solidum au paiement d'une somme de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les appelants concluent à la réformation de ce jugement en demandant à la cour de :
- dire :
-- que le contrat signé le 12 février 1986 est un contrat de licence de marque,
-- et que les redevances versées à ce titre couvrent la totalité de la période contractuelle,
- subsidiairement, dire que l'interruption des paiements est justifiée par l'inexécution de ses obligations par le franchiseur,
- prononcer la résiliation du contrat à ses torts exclusifs,
- condamner les intimées à leur payer la somme de 63,93 F à titre de trop perçu sur marchandises et celle de 300 000 F à titre de dommages et intérêts,
- déclarer abusive et illicite et en conséquence non écrite la clause de non-concurrence insérée au contrat ;
- dire que le franchiseur devra verser un prix de rachat pour pouvoir récupérer l'ensemble des éléments visuels caractéristiques de la marque Athlete's Foot ;
- condamner les intimées au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les sociétés Marshall et Athlete's Foot demandent peur leur part de confirmer le jugement entrepris en y apportant les modifications suivantes :
Tout en renonçant à la demande en paiement de marchandises, elles demandent de porter à 137 359,56 F le montant des redevances restant dues par Monsieur Le Tallec et de le condamner à titre de dommages et intérêts à 30 000 F pour résistance abusive et à 100 000 F pour résiliation anticipée du contrat.
Elles demandent en outre de reporter le peint de départ de l'obligation de non-concurrence au jour du prononcé de l'arrêt et d'assortir sa violation d'une astreinte de 10 000 F par jour de retard.
Par ailleurs elles demandent de dire que l'astreinte de 3 000 F relative à la restitution des signes caractéristiques de la franchise commencera à courir à compter du prononcé de l'arrêt et devra s'appliquer à chaque signe non restitué.
Enfin elles sollicitent une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR
Sur la portée du contrat :
Considérant que tout en renonçant à leur demande d'annulation présentée en première instance, les appelants entendent réduire la portée du contrat conclu avec la société Athlete's Foot en soutenant qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de franchise, mais d'un simple contrat de licence de marque ;
Considérant qu'après avoir relevé que, conformément à la définition donnée par le règlement 4087- 88 de la Commission des Communautés européennes en date du 30 novembre 1988, un contrat de franchise doit comporter, en plus du droit d'utiliser une enseigne commune, la communication au franchisé d'un savoir-faire et la fourniture d'une assistance commerciale ou technique, ils prétendent que ces deux derniers éléments faisaient défaut en l'espèce ;
Mais considérant qu'il était expressément précisé au contrat litigieux qu'en plus du droit d'utiliser sa marque à titre d'enseigne, la société Athlete's Foot communiquait son savoir-faire en fournissant au franchisé d'une part un ensemble de documents appelé " Bible ", qui regroupait sur des fiches descriptives divers enseignements relatifs aux méthodes d'organisation et de gestion, d'autre part un ensemble, appelé " Panoplie ", qui était constitué des éléments signalétiques et fournitures administratives, et qu'elle lui procurait une assistance continue au moyen de bulletins de liaison, de réunions et de stages de formation ;
Considérant que les intimées justifiant avoir respecté ces diverses obligations par les nombreuses pièces versées aux débats, les éléments constitutifs du contrat de franchise apparaissent ainsi réunis ;
Considérant que les appelants contestent néanmoins la qualité du savoir faire transmis en faisant valoir que la société Athlete's Foot venait aux droits de sociétés américaines et qu'elle n'a adhéré à la Fédération française de la franchise que le 16 janvier 1990,
Mais considérant qu'il est exposé au contrat que les méthodes initialement mises au point aux Etats-Unis ont été adaptées à la clientèle française depuis 1981 ; que par ailleurs les appelants ne sauraient tirer argument du caractère tardif de l'adhésion à la Fédération française de la franchise, dès lors que cette adhésion ne revêt aucun caractère obligatoire et vient au contraire conforter la qualité des prestations fournies, puisqu'elle n'est admise qu'après une enquête auprès des franchisés,
Considérant qu'il s'ensuit que les prétentions des appelants tendant à réduire la portée du contrat litigieux ne peuvent qu'être rejetées,
Sur la résiliation :
Considérant que pour les raisons ci-dessus exposées, le franchisé n'était nullement fondé à suspendre le paiement des redevances mises à sa charge et que c'est à juste titre que les premiers juges ont en conséquences prononcé la résiliation du contrat à ses torts exclusifs,
Considérant qu'il convient également de confirmer leur décision en ce qu'elle à condamné les appelants à payer à la société Marshall la somme de 133 539,72 F correspondant au montant des redevances dues au vu du décompte produit, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de majoration présentée par les intimées qui n'est justifiée par aucune pièce comptable ;
Considérant par ailleurs que le décompte susvisé étant arrêté au 31 mars 1990, c'est à juste titre que les premiers juges ont également condamné Monsieur Le Tallec et la société Le Tallec au paiement d'une somme complémentaire de 75 000 F à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par le franchisé du fait de la résiliation anticipée du contrat qui aurait dû continuer à produire effet jusqu'au 12 février 1991 ;
Considérant en revanche que Monsieur Le Tallec établit par la production d'un document émanant de son expert-comptable que la condamnation à une somme de 3 507,77 F à titre de marchandises livrées par la société Athlete's Foot n'était pas justifiée, cette société se trouvant au contraire redevable d'une somme de 63,93 F ; qu'il convient en conséquence de réformer le jugement de ce chef ainsi que du chef de la condamnation corrélative à 1 000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive qui se trouve ainsi privée de tout fondement ;
Sur la clause de non-concurrence :
Considérant qu'aux termes des articles 7 et 9 du contrat conclu entre les parties, le franchisé s'interdit, pendant une durée de trois ans après l'expiration de son contrat, de vendre dans le département du territoire concédé et dans les départements limitrophes des produits ou des services pouvant concurrencer de quelque façon que ce soit ceux du franchiseur ;
Considérant que les appelants contestent la validité de cette clause en soutenant qu'elle est injustifiée et abusive ;
Mais considérant que le franchiseur justifie d'un intérêt légitime à ce que son ancien franchisé ne lui fasse pas concurrence après avoir bénéficié de ses prestations et que l'absence en l'état d'autres franchisés dans le même secteur ne saurait faire obstacle à l'application de la clause litigieuse qui a précisément pour objet de permettre au franchiseur de reconstituer son réseau ;
Considérant par ailleurs que le règlement 4087-88 de la Commission des Communautés européennes du 30 novembre 1988 a admis la validité d'une telle clause en en limitant toutefois la durée à une année après l'expiration du contrat et le champ d'application au seul territoire où la franchise a été exploitée ;
Considérant que le franchiseur s'est conformé à ces prescriptions en réduisant la portée de ses demandes relatives à l'obligation de non-concurrence à une seule année, à la seule ville de Vannes et au seul commerce de chaussures et vêtements de sport ;
Considérant que la clause litigieuse étant ainsi limitée dans le temps, dans l'espace et quant au secteur d'activité, les appelants ne sont pas fondés à demander son annulation, et que c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné son application ;
Considérant enfin que les appelants ayant obtenu en référé la suspension de l'exécution provisoire du jugement entrepris, les intimées sont fondées à demander le report du point de départ de l'obligation de non-concurrence à compter du présent arrêt et qu'il y a lieu d'assurer le respect de cette obligation en assortissant l'interdiction prononcée d'une astreinte de 400 F par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;
Sur la restitution des signes caractéristiques de la franchise :
Considérant que Monsieur Le Tallec déclare avoir, postérieurement au jugement déféré, procédé à la dépose des diverses installations caractéristiques de la franchise ; qu'il convient toutefois de maintenir en tant que de besoin les dispositions relatives à l'interdiction de leur utilisation ;
Considérant en revanche que les dispositions relatives à leur restitution n'apparaissent plus justifiées, dès lors que le franchiseur, invité à en reprendre possession, déclare dans les tarifs de ses conclusions que leur restitution ne s'impose pas ;
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées la totalité des frais irrépétibles par elles exposés dans le cadre de cet appel non fondé et qu'il convient de leur allouer une somme complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne, d'une part le montant des condamnations prononcées pour le non-paiement de marchandises, d'autre part les dispositions relatives à la dépose et à la restitution les signes caractéristiques de la franchise ; Le réformant de ces chefs et y ajoutant ; Condamne la société Athlete's Foot à rembourser aux appelants la somme de soixante-trois francs et quatre-vingt-treize centimes (63,93 F) correspondant à un trop perçu sur des marchandises ; La déboute de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ; Interdit en tant que de besoin à Monsieur Le Tallec et à la société Le Tallec de faire usage des signes caractéristiques de la franchise sous astreinte de trois mille francs (3 000 F) par infraction constatée ; Leur interdit de vendre des vêtements et chaussures de sport à Vannes jusqu'au 4 mars 1992 sous astreinte de quatre cents francs (400 F) par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ; Les condamne in solidum à payer aux intimées une somme complémentaire de dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne Monsieur Le Tallec et la société Le Tallec aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.