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Décisions

CCE, 13 juillet 1992, n° M.242

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Promodes/BRMC

CCE n° M.242

13 juillet 1992

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. Le 12 juin 1992, la société Promodes a notifié l'accord par lequel elle acquiert via sa filiale Prodim SA 95% des actions de la société BRMC.

2. Après examen de cette notification la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement du Conseil n° 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. LES PARTIES

3. La société Promodes exerce en France et à l'étranger une activité de distribution de produits alimentaires et non alimentaires au stade de gros et au stade du détail.

La société BRMC exerce une activité de grossiste alimentaire ainsi qu'une activité de distribution de produits alimentaires et non alimentaires au stade du détail dans le Nord et l'Est de la France.

II. CONCENTRATION

4. L'acquisition de la société BRMC par Promodes constitue une opération de concentration au sens de l'article 3(1) du règlement communautaire n° 4064-89.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

5. L'opération notifiée a une dimension communautaire. Le chiffre d'affaires mondial et le chiffre d'affaires communautaire du Groupe Promodes, respectivement d'environ 10,9 milliards d'Ecus et 10,4 milliards d'Ecus, ainsi que le chiffre d'affaires consolidé de BRMC qui s'établit à environ 337 millions d'Ecus, sont supérieurs aux seuils prévus à l'article 1(2) du Règlement. En outre, les parties ne réalisent pas les deux tiers de leur chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre.

IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

(1) Marchés pertinents

6. L'opération concerne d'une part les marchés de la distribution de détail et d'autre part, les marchés de la distribution de gros.

i) Marchés de la distribution de détail

Marché de produits

7. L'activité de distribution de détail consiste à proposer aux consommateurs une offre plus ou moins diversifiée de familles de produits, dans un assortiment plus ou moins large et dans une surface de vente plus ou moins vaste. Cette activité peut s'exercer par libre-service ou avec la présence d'un vendeur; il y a lieu de distinguer les offres des petits commerces spécialisés, des petites surfaces de ventes, des moyennes et grandes surfaces:

a) les petits commerces spécialisés tels que par exemple les boucheries, charcuteries, boulangeries etc. présentant un assortiment limité à une famille de produits laquelle résulte le plus souvent de l'exercice d'un métier d'artisan;

b) les petites surfaces de proximité inférieures à 400 m2 (autres commerces traditionnels, mini libre-service, supérettes) commercialisant un assortiment réduit dans différentes familles de produits et correspondant le plus souvent à des besoins d'achats réduits en quantité, de dépannage ou de complémentarité;

c) les moyennes et grandes surfaces (supermarchés et hypermarchés de plus de 400 m2) présentant un assortiment de produits beaucoup plus large tant par le nombre de familles de produits que par le nombre de références dans chacune d'elles et correspondant à des besoins d'achat en plus grande quantité et plus diversifiés; cette plus grande variété des produits dans l'offre d'assortiment leur donnant la possibilité de pratiquer des politiques de prix différenciées avec des prix faibles sur certains produits et un amortissement de cette baisse sur d'autres produits;

d) Les surfaces pratiquant le discount, pouvant occuper des surfaces supérieures mais aussi parfois inférieures à 400 m2, dans lesquelles les produits sont présentés dans un conditionnement proche de celui du gros (cartons, palettes) le consommateur détaillant lui-même selon ses besoins. Ces surfaces se distinguent tant des petites surfaces par leur niveau de prix que des supermarchés et hypermarchés par leur nombre de références beaucoup plus restreint.

8. Les points de vente concernés par l'opération notifiée appartiennent aux catégories définies aux points b) et c).

Marché géographique

9. Le marché géographique de la distribution des produits au détail est local.

Du point de vue du consommateur, le choix d'un point de vente est fonction de l'approvisionnement qu'il recherche: la mise en concurrence entre distributeurs se limitera aux points de vente de proximité en cas d'achats de petites quantités où de dépannage; elle s'exercera dans un rayon plus grand pour les achats en grandes quantités.

10. Les professionnels considèrent ainsi que les zones de chalandise des points de vente sont délimités géographiquement par un rayon de 10 à 20 minutes de transport en voiture, ce qui correspond à une agglomération voire à une partie d'agglomération en milieu urbain et à des zones plus vastes en milieu rural. Parmi les critères qui font varier le rayon des zones figurent la taille du point de vente (dont dépend la variété des assortiments et des produits), les infrastructures commerciales qui lui sont associées, les voies de communication et la qualité de leur praticabilité. La contrainte de transport dessine ainsi des zones de points de vente qui peuvent se recouper.

11. Les chevauchements entre zones produisent des effets sur l'homogénéité des conditions de concurrence, effets qui dépendent des facteurs suivants :

- les intersections des zones sont fonction de la densité d'implantation des points de vente et de la densité de l'habitat. Elles sont donc fréquentes en milieu urbain, et plus rares en milieu rural;

- l'effet du chevauchement est proportionnel à la part des zones entrecroisées, laquelle est de plus en plus réduite au fur et à mesure que l'on s'éloigne des villes.

12. Du point de vue des offreurs, la plupart des grands groupes de la distribution (Carrefour, Promodes, Leclerc, Intermarché) sont présents à l'échelle du département (et à fortiori à l'échelle régionale ou plus). Ils peuvent ainsi se concurrencer de zones à zones et cela d'autant plus facilement qu'ils disposent de plateformes régionales pour livrer leurs différents points de vente du département ou de la région.

13. Il apparaît ainsi que la délimitation géographique des marchés de la distribution de détail peut recouvrir des contours assez différents en fonction des critères économiques exposés ci-dessus. La Commission est consciente qu'une définition géographique précise de ces marchés est donc difficile mais relève que, dans le cas d'espèce, le département apparaît être le cadre géographique qui est le plus approprié pour rendre compte tant des effets d'entrecoupements entre zones que de ceux de la concurrence entre les offreurs.

ii) Marché de la distribution des produits en gros

Marché de produit

14. Les distributeurs de produits en gros ou demi- gros exercent une fonction de revente de produits achetés en quantités auprès de détaillants. Au-delà de cette fonction traditionnelle d'éclatement des commandes qui va de l'approvisionnement auprès de fournisseurs, au conditionnement, au stockage et au transport des produits jusqu'aux clients, ils ont étendu leurs services à la gestion des commandes et à la promotion des ventes.

Le marché de la distribution des produits en gros - également dénommé du négoce - est représenté par des grossistes indépendants qui livrent à tout détaillant quelque soit son statut.

15. Ce marché n'inclut pas les prestations de gros des groupes de distribution aux points de vente leur appartenant ou leur étant franchisés. Dans ce cas, cette prestation internalisée par le groupe est associée à un ensemble d'autres prestations qui constituent la politique commerciale et de gestion du groupe, matérialisée par un contrat (architecture et design du point de vente, adhésion à la centrale d'achat, contrôle de gestion et passation des commandes, marchandising et promotion des ventes, enseigne).

Les groupes peuvent cependant accessoirement avoir une activité de gros auprès de détaillants indépendants, ce qui devra être pris en compte dans l'appréciation de la position de l'entreprise.

Marché géographique

16. Le marché de la distribution des produits en gros se caractérise par le fait qu'il concerne une relation entre entreprises (business to business).

Les négociants organisent leurs tournées de livraison à partir d'un ou plusieurs entrepôts selon leur importance. Leur spectre de prospection peut être relativement large, soit du fait du volume des commandes justifiant le déplacement ou encore pour des motifs de concurrence. Le marché peut donc être défini comme étant au moins régional (plusieurs départements).

(2) Appréciation de l'opération

17. Cette opération de concentration donne lieu à l'acquisition de points de vente et à l'extension de l'activité de gros de Promodes dans des zones où le groupe était peu ou pas implanté.

i) Marché de la distribution au détail

18. Dans aucun des départements concernés par la concentration, l'opération ne crée de position dominante pour les raisons suivantes:

- pour les points de vente de moins de 400 m2, les parts de marché à l'issue de l'opération sont inférieures à 10 %; - pour les points de vente supérieurs à 400 m2, l'accroissement de parts de marché causé par l'opération est de très faible ampleur et les parts de marché atteignent moins de 10 % a l'exception des départements du Nord, du Pas-de-Calais, des Ardennes et de la Haute-Marne où elles varient de 10 % à 20 % ainsi que dans le département de la Somme où elle s'établit un peu en dessous de 25 %;

- sur chacun de ces marchés, il existe des concurrents nombreux, puissants, dont la plupart appartiennent à des chaînes nationales(Promodes figure au 5e rang de ces concurrents);

- le marché est encore caractérisé par de faibles barrières à l'entrée. En effet, même s'il existe une réglementation relative à l'implantation de points de vente, les entrées sur le marché demeurent possible soit par le rachat de points de vente existants ou par le moyen de la franchise.

ii) Marché de la distribution en gros

19. Il n'apparaît pas, que l'opération concernée crée une position dominante pour les raisons suivantes:

- Le négoce de gros en France se caractérise par un grand nombre d'offreurs, qu'il s'agisse des groupes intégrés développant une activité de négoce (Promodes, Docks de France, Unico) d'unions de grossistes, (Difra, Disco...) ou de grossistes indépendants (Métro, Baud, La Moderne...).

- Dans les zones concernées par l'opération, des offreurs concurrents importants sont implantés Ripotot, La Moderne, Unico et Unalest dans les régions de l' Est; Pidou et surtout Cotteau et Métro dans le Nord.

iii) Relations verticales

Compte tenu des positions respectives de Promodes et de BRMC sur les marchés de la distribution de détail et du gros, l'acquisition de BRMC ne modifiera pas significativement les relations verticales de Promodes avec ses fournisseurs.

VI. CONCLUSION

20. Pour les raisons ci-dessus exposées, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 (b) du règlement du Conseil n° 4064-89.