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Décisions

CCE, 29 avril 1991, n° M.063

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

ELF/ERTOIL

CCE n° M.063

29 avril 1991

1. La notification précitée concerne l'acquisition par la Société Nationale Elf Aquitaine (SNEA) du contrôle de l'ensemble de Ertoil SA (Ertoil) par l'exercice d'un droit d'option exclusif prévu dans un accord conclu entre SNEA et General Mediterranean Holding (GMH) (holding détenteur de 100 % de Ertoil) le 10 janvier 1991 (option agreement).

2. Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du Règlement du Conseil n° 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. CONCENTRATION

3. L'opération notifiée est une concentration au sens de l'article 3 (1) (b) du Règlement n° 4064-89. En acquérant la totalité du capital et des droits de vote de Ertoil, SNEA prendra le contrôle de l'ensemble de cette entreprise.

II. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

4. Le chiffre d'affaires mondial réalisé par SNEA et Ertoil ensemble était, au cours du dernier exercice (1989), de 22 238 millions d'Ecus. Les deux entreprises remplissent les conditions du paragraphe 2, lettre b de l'article 1er du règlement. Le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par chacune des deux entreprises représentait un montant supérieur à 250 millions d'Ecus. Les deux entreprises ne réalisent pas deux-tiers de leur chiffre d'affaires communautaire dans un seul et même Etat Membre.

Par conséquent, le projet de concentration est de dimension communautaire.

III. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

5. La SNEA étant déjà présente sur le marché espagnol au travers de sa participation dans le capital de la société CEPSA, il convient d'établir, en premier lieu, si l'appréciation du projet de concentration en cause doit inclure les activités de CEPSA.

Participation de SNEA dans CEPSA

6. La "Compañia Española de Petroleos SA" (CEPSA), société anonyme de droit espagnol, exerce ses activités principales dans le secteur des hydrocarbures.

7. En l'état actuel des participations au capital de CEPSA, le "Grupo Banco Central SA" (Banco Central) en détient 32,1 %, la SNEA 20,5 %, "International Petroleum Investment Company" 9,6 %; enfin 37,8 % sont éparpillées dans le public.

Il est à noter que la SNEA détient par ailleurs 3,2 % de Banco Central.

8. La SNEA ne dispose d'aucun administrateur dans le présent Conseil d'administration, sa participation de 20,5 % acquise le 12 novembre 1990 lui donnerait seulement droit de nommer trois administrateurs sur quatorze à la prochaine assemblée générale.

9. Les règles de vote au sein du Conseil d'administration ne confèrent aucun droit particulier aux administrateurs, le principe étant celui d'un siège-une voix. Les décisions sont adoptées avec la majorité absolue des voix, le président ayant une voix prépondérante en cas d'égalité.

10. En outre, la SNEA ne dispose d'aucun droit contractuel ou autre qui lui permettrait d'exercer une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes administratifs de CEPSA.

11. Il s'ensuit que la SNEA est, avec cette participation au capital, dans la situation d'un actionnaire minoritaire, qui dans la situation présente n'est pas en mesure d'exercer une influence déterminante sur CEPSA.

Les marchés de référence

12. Les secteurs concernés par cette concentration sont relatifs aux activités de raffinage du pétrole et à la commercialisation des produits issus des raffineries.

Le raffinage du pétrole conduit à la production des produits principaux et des produits liés. La part de chaque produit spécifique dans cet ensemble est déterminée par les caractéristiques techniques de la raffinerie et du pétrole brut utilisé. En général, l'activité principale des raffineries consiste en la production et la commercialisation des combustibles. La commercialisation des sous-produits issus du raffinage (lubrifiants, GPL, bitumes, bases pétrochimiques,...) est en général considérée comme secondaire par rapport aux premières.

13. Le "marché des grands produits" regroupe des produits qui ne peuvent en aucun cas être considérés par le consommateur comme interchangeables ou substituables. Toutefois, il convient de tenir compte des éléments suivants :

Les conditions de production,

L'existence d'un monopole de distribution de ces produits en Espagne à l'heure actuelle,

Les modalités de fonctionnement de ce monopole.

Dans ces conditions, la Commission considère qu'aux fins de la présente décision, il convient de distinguer les marchés des produits suivants: marchés "des grands produits" (essence, gasoil moteur, gasoil de chauffage et fuel lourd), gaz de pétrole liquéfié, lubrifiants, bitumes, bases pétrochimiques, carburéacteurs et fuels de soutes pour navires.

14. En ce qui concerne le marché géographique de référence, il y a lieu de prendre en compte les éléments suivants:

"Marché des grands produits": depuis 1927, la distribution de la plus grande partie des produits issus du raffinage a été soumise à un monopole d'Etat, confié à la société publique Campsa, propriétaire des moyens d'infrastructure de distribution primaire (pipe-lines et dépôts). Ainsi que fournisseur unique des stations-service soumises au régime de concession administrative. Chacun des raffineurs se voit attribuer un "quota" de fourniture à Campsa, proportionnel à sa participation au capital social de Campsa. Ces participations ont été calculées à l'origine en fonction de la capacité de raffinage de chaque compagnie.

% de capital Droit à fourniture en %

Repsol Sa [*] 15,61 % 0 %

Repsol Petroleo 41,07 % 50,1 %

Cepsa 14,64 % 17,9 %

Petronor (Contrôlée à 80 % par Repsol 12,98 % 15,8 %)

Petromed 7,51 % 9,2 %

Ertoil 5,76 % 7 %

Autres [*] 2,43 % 0 %

[* Ces sociétés, qui n'ont pas d'activités de raffinage, ne disposent par conséquent d'aucun droit de fourniture.]

Les opérateurs internationaux ont accès à la logistique de distribution de Campsa sous certaines conditions contractuelles.

15. Certes, depuis l'adhésion de l'Espagne aux Communautés européennes, et tel que prévu dans l'Acte d'adhésion, des mesures de libéralisation du marché pétrolier espagnol ont été prises, notamment par la mise en place d'un "réseau parallèle". Malgré cela, l'accès à ce marché reste pour l'instant très limité dans la mesure où:

- les opérateurs internationaux ne peuvent s'approvisionner légalement auprès des raffineurs espagnols pour commercialiser en Espagne;

- les importations des produits soumis au monopole de distribution sont contingentées. Ces contingents ne représentent que 1,6 million de tonnes pour un marché estimé à 26 millions de tonnes en 1989;

- quant au "réseau parallèle", les faibles quantités en cause, ainsi que l'existence de certaines exigences espagnoles quant aux caractéristiques techniques des produits (notamment des indices de teneur en plomb et de volatilité pour les carburants; inflammabilité et cétane pour les gasoils), désavantagent tout opérateur devant s'approvisionner hors d'Espagne.

16. L'imminente échéance de la période d'adaptation du monopole pétrolier espagnol, prévue dans l'Acte d'Adhésion pour le 1er janvier 1992, n'est pas de nature à avoir une incidence prévisible à court et à moyen terme:

- la logistique de distribution en vrac restera la propriété de Campsa, c'est-à-dire des raffineurs espagnols, qui commercialisent leurs propres produits en concurrence avec les raffineurs internationaux;

- la création par les opérateurs internationaux d'un réseau de distribution au détail est un processus exigeant de lourds investissements et un certain temps. Dans les quatre dernières années, l'ensemble des opérateurs internationaux n'a ouvert que 51 stations-services, ventilées comme suit:

Total 10

Shell 9

Elf 7

Agip 6

Texaco 5

BP Med 5

Mobil 4

Dyneff 4

Petrogal 1

Esso 0

- Ceci représente une très faible part du total des emplacements autorisés depuis la création du réseau parallèle en 1988.

17. Par conséquent, et compte tenu des facteurs exposés ci-dessus, le marché de référence à prendre en compte aux fins de la présente décision est l'Espagne.

18. Pour ce qui est des autres sous-produits, il y a lieu également de considérer l'Espagne comme étant le marché géographique de référence, en raison, soit de l'existence de contingents à l'importation (lubrifiants), des coûts de transport relativement élevés (bitumes), ou des barrières d'accès à la logistique de distribution (carburéacteurs, GPL).

Les marchés affectés

19. Du fait de la réglementation du marché pétrolier en Espagne, la présence actuelle d'Elf dans cet Etat Membre est très réduite: elle se limite à la commercialisation de combustibles (carburants, gazole et fuel lourd) à travers le réseau parallèle, et à la commercialisation de lubrifiants auto et à usage industriel. Compte tenu des facteurs indiqués au point 12, et de la faible présence de SNEA en Espagne, il y a donc lieu d'analyser le projet de concentration en cours dans le cadre, d'une part, du marché des grands produits et d'autre part, du marché des lubrifiants.

V. APPRECIATION DE L'OPERATION

20. Marché des "grands produits", les importations effectuées par "Elf España" correspondent à son activité dans le réseau parallèle par les sept stations-services dont elle est propriétaire. Elles ont atteint de très faibles niveaux, limités par les contingents réglementaires, et ont représenté une valeur de 2 milliards de pesetas, soit 0,3 % du marché.

La part de marché de Ertoil, telle qu'indiquée par la partie notifiante, est de 6,7 %, niveau qui correspond au "quota" d'Ertoil découlant de sa participation au capital de Campsa. Au total, la part de marché, une fois l'opération effectuée, sera donc d'environ 7 %.

21. Marchés des lubrifiants. Les ventes réalisées par Elf en Espagne ont atteint en 1990 une valeur estimée à 3 milliards de ptas, soit 23 millions d'Ecus, dont 1/3 dans le segment des lubrifiants automobiles et 2/3 dans le segment des lubrifiants industriels. Les parts de marché détenues par Elf sont respectivement de 4,4 % et 0,8 %. Les parts de marché de Ertoil se sont élevées à 10 % pour les lubrifiants automobiles et à 6 % pour l'ensemble des lubrifiants industriels et marins.

La part de marché que détiendrait l'entité résultant de l'acquisition proposée serait donc de 14,4 % pour les lubrifiants automobiles, et de moins de 7 % pour les lubrifiants à usage industriel.

22. Compte tenu :

- des faibles parts de marché atteintes,

- de la présence des concurrents sur le marché espagnol d'une taille bien supérieure (tels que Repsol, Cepsa et, dans une moindre mesure, Petromed),

- de la réglementation actuelle du secteur pétrolier en Espagne, le projet de concentration ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché Commun.

23. Pour les raisons ci-dessus exposées, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est adoptée en application de l'article 6 (1) b du règlement du Conseil n° 4064-89.