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Décisions

CCE, 3 février 1994, n° M.399

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Rhône Poulenc/SNIA/Nordfaser

CCE n° M.399

3 février 1994

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. Le 22 décembre 1993, Rhône-Poulenc SA (RP) et SNIA Fibre SpA (SNIA), ont notifié à la Commission un projet d'acquisition conjointe des parts de la société Leotel NV, société holding détenant 100 % du capital de Norddeutsche Faserwerke GmbH (Nordfaser).

2. Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement (CE) du Conseil n° 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. LES PARTIES ET L'OPERATION

3. RP est une société holding antérieurement contrôlée par l'Etat français et privatisée en décembre 1993. A la clôture de l'opération de privatisation, le capital de RP est réparti entre le public (67 %), un noyau stable d'actionnaires institutionnels (24 %), les salariés de RP (6 %) et l'Etat (3 %). RP est actif dans les secteurs des produits intermédiaires organiques et minéraux, des spécialités chimiques, des fibres et polymères, de la santé et de l'agro-chimie.

4. SNIA SpA est contrôlée par SNIA BPD, elle-même contrôlée par la société Sicind SpA, filiale du groupe Fiat qui, bien que détenant moins de 50 % de son capital, a le pouvoir de nommer plus de la moitié des membres du Conseil d'Administration de SNIA Spa. SNIA est active dans le secteur de la production et de la vente de fils et fibres polyamides.

5. Norddeutsche Faserwerke GmbH est détenue par la société holding Leotel NV, contrôlée par la Compagnie Financière Nobel, elle-même filiale du Crédit Commercial de France. Nordfaser est active dans le secteur du fil polyamide textile et du fil polyester.

6. RP et SNIA ont d'ores et déjà regroupé une partie de leurs activités dans le domaine du polyamide au sein d'une filiale commune concentrative dénommée Novalis. Novalis - dont la constitution a fait l'objet d'une décision de la Commission (en date du 10.08.1992) prise en application de l'article 6 (1) b du règlement "concentrations" - regroupe les activités des deux mères dans les secteurs des fils et fibres pour tapis; des fibres pour filature à usage de renfort textile ainsi que des fibres utilisées pour la fabrication de produits non-tissés et de flock.

7. Par ailleurs, RP et SNIA ont regroupé leurs activités dans le domaine du fil polyamide à usage textile (FPT) au sein d'une entreprise commune concentrative dénommée Europa - puis Nylstar - dont la constitution a fait l'objet d'une décision de la Commission (en date du 08.09.1993) prise en application de l'article 6, paragraphe 1, alinéa b du règlement "concentrations". Toutefois, la société Nylstar n'existe effectivement, en tant qu'entité juridiquement autonome, que depuis le 01.01.1994. Elle n'acquerra que progressivement son autonomie industrielle, commerciale et financière au cours d'une période de démarrage estimée à six mois.

II. CONCENTRATION

i) Contrôle en commun

8. Le 10 novembre 1993, Nobel a fait part à RP, bénéficiaire d'un droit contractuel de "premier refus", de son intention de vendre les actions de Leotel. Afin de pouvoir bénéficier de cette possibilité contractuelle, RP et SNIA ont décidé d'acquérir le contrôle conjoint de Nordfaser avec l'intention de céder Nordfaser à Nylstar. En vertu d'une convention de cession d'actions signée le 17 décembre 1993 respectivement par Rhône-Poulenc SA et SNIA Fibre SpA., d'une part, et Nobel SA, d'autre part, il a été convenu que Rhône-Poulenc et SNIA Fibre se rendraient conjointement acquéreurs de la totalité des actions de Leotel NV détenues par Nobel. Lesquelles représentent les parts et droits de vote composant le capital de Norddeutsche Faserwerke GmbH.

9. Conformément aux dispositions contenues dans le Joint Venture Agreement du 19 juillet 1993, signé entre Rhône-Poulenc et SNIA qui porte création de Nylstar :

- Rhône-Poulenc et SNIA ont pris l'engagement écrit d'offrir à Nylstar la totalité des actions qu'elles détiendront dans Leotel NV;

- le premier Conseil d'Administration de Nylstar, réuni le 14.01.1994, a donné son accord de principe à cette acquisition.

ii) Absence de coordination du comportement concurrentiel

10. Durant la courte période transitoire précédant la cession de Nordfaser à Nylstar, le contrôle en commun exercé par RP et SNIA, tant sur Nordfaser que sur Nylstar, permet de conclure que ces deux entreprises qui seront soumises de manière permanente à une direction économique unique, constitueront une unité économique [Voir sur ce point la décision RPC/SITA/SCORI]. L'acquisition de Nordfaser ne saurait donc donner lieu à un risque de coordination du comportement concurrentiel entre elle-même, RP, et SNIA sur le marché des fils polyamides textiles.

11. Nordfaser est également active sur le marché du fil polyester, sur lequel RP détient une part du marché ouest-européen de l'ordre de [Tous les [...] remplacent des chiffres ou des informations supprimés pour raison de secrets d'affaires]. Toutefois, aux termes du protocole d'accord du 17 décembre 1993, RP et SNIA, qui ne sont intéressés que par l'activité polyamide de Nordfaser, transformeront, [à court terme], la capacité polyester [] en capacité polyamide. Cette transformation s'inscrit dans le cadre du plan industriel de Nylstar présenté à la Commission lors de la création de celle-ci. Elle est facilement réalisable sans investissement notable supplémentaire.

12. Il ressort de ce qui précède que l'acquisition de Nordfaser, tant sur le marché des fils polyamides textiles que sur celui du fil polyester, n'entraînera aucun risque de coordination du comportement concurrentiel entre les parties, Nylstar et Nordfaser.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

13. Le chiffre d'affaires du groupe Rhône-Poulenc, comme celui du groupe Fiat, dépassent, pour le dernier exercice clos, tant le montant de 5 milliards d'Ecus au plan mondial que le montant de 250 millions d'Ecus au plan communautaire. Les entreprises concernées n'ont pas réalisé plus des deux-tiers de leur chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération est donc de dimension communautaire.

IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

Présentation générale du secteur

14. La production de fil polyamide, plus communément désigné sous le nom de fil nylon, résulte de processus chimiques successifs que la Commission a décrits dans sa décision Du Pont/ICI [Décision n° IV-M.214 du 30.09.1992, JO n° L 7-13 du 13.01.1993.].

Le fil nylon est un matériau synthétique principalement utilisé pour la fabrication de tapis et pour des applications textiles. Il peut être réalisé selon deux processus distincts aboutissant à la produc- tion de nylon 6 ou de nylon 6.6.

Le nylon 6 est produit à partir de caprolactam, tandis que le nylon 6.6 est produit à partir de sel de nylon. La production de chacune de ces matières premières implique des processus chimiques et des installations spécifiques. La matière première (qu'il s'agisse de nylon 6 ou 6.6) est ensuite polymérisée puis découpée en granulés. Ces granulés sont fondus et extrudés pour former soit un fil continu (c'est toujours le cas pour les applications textiles) soit une fibre discontinue. Seuls les groupes Du Pont et Rhône-Poulenc intègrent la totalité de la filière, depuis la production de la matière première jusqu'à la vente de fils et fibres aux différents acheteurs. D'autres, dont SNIA, ne produisent pas de matière première mais assurent la polymérisation et la fabrication de fils et fibres. D'autres enfin font l'acquisition des granulés et fabriquent fils et fibres.

Marché de produit

15. Qu'il s'agisse de nylon 6 ou de nylon 6.6, le polyamide est principalement destiné aux grandes utilisations précitées que la Commission a considéré, dans ses décisions précédentes, comme ne relevant pas du même marché de référence [Décision n° IV-M.206 - Rhône-Poulenc/SNIA du 10.08.1992 et décision Du Pont/ICI précitée].

En effet, les fils présentent, selon leur destination, des caractéristiques physiques et font l'objet de traitements spécifiques de sorte que, sur un plan technique, ils ne sont pas interchangeables entre eux. Concrètement, la gamme de decitex (nombre de grammes par 10 000 mètres) correspondant aux usages textiles est extrêmement différente de celle qui correspond à la fabrication de tapis (moins de 500 decitex pour le textile, 700 à 2 000 pour les tapis).

16. Les FPT font l'objet d'une très grande variété d'emplois correspondant à leurs différentes applications dans le domaine de l'habillement et de l'ameublement, ce qui conduit les utilisateurs à rechercher des fils aux aspects variés obtenus par des opérations de transformation diverses. Pour certains de ces emplois, le FPT a été progressivement remplacé par le polyester qui présente des caractéristiques physiques relativement proches du polyamide et un prix inférieur de 20 % à 30 %. Toutefois, les professionnels du secteur estiment généralement que la substitution a d'ores et déjà eu lieu en très grande partie pour les usages pour lesquels elle était possible sans modification de la perception du produit final par le consommateur. Cependant, la question de l'appréciation du degré exact de substituabilité entre les FPT et les fils polyester peut être laissée ouverte dans la mesure où il ressort des éléments exposés aux points 22 et suivants ci-après que, même sur la base de la définition la plus restrictive, l'opération ne créerait ou ne renforcerait pas de position dominante.

17. Le FPT est utilisé dans 4 secteurs qui peuvent être regroupés deux à deux en fonction du type de fil utilisé :

- les fils destinés au tissage (production d'un tissu utilisé pour les vêtements, sacs de sport, etc, sur métier de tissage, le tissu pouvant être écru ou teinté, anobli ou non, selon l'usage prévu) et à l'indémaillable (production du tissu sur métier maille, utilisé pour la lingerie, maillots de bain, etc) sont des fils étirés;

- les fils destinés aux bas et collants ainsi qu'aux chaussettes et à la bonneterie circulaire nécessitent d'être texturés avant usage industriel. Pour permettre cette transformation, on utilise du fil "POY" (Partially Oriented Yarn) qui est ensuite texturé, soit par le producteur, soit par le client, soit enfin par des entreprises spécialisées appelées texturateurs. Toutefois, dans ces deux secteurs, une part minoritaire (mais en croissance rapide) des livraisons se compose de fil étiré utilisé en association avec de l'élasthanne.

Du point de vue des clients, le fil étiré et le fil texturé ne présentent qu'une substituabilité imparfaite. Toutefois, la quasi-totalité des producteurs, quelle que soit leur taille, produisent et offrent à la vente à la fois du fil POY (c'est-à-dire un fil qui n'est que partiellement étiré), du fil étiré et, lorsqu'ils ont intégré la texturation, du fil texturé. En effet, les technologies de fabrication sont similaires, le fil POY étant un produit intermédiaire susceptible d'être soit étiré, soit texturé.

18. Il existe de légères différences tenant aux caractéristiques techniques entre le nylon 6 et le nylon 6.6. Ces différences concernent notamment la résistance thermique, la douceur, l'élasticité et l'aptitude à la teinture. Toutefois, il n'existe pas, à l'exception du secteur des bas et collants ou pour quelques applications spécifiques, de préférence marquée de la part des clients pour le fil de nylon 6 ou pour le fil de nylon 6.6.

En effet, la plus grande part du fil texturé utilisé pour la production européenne de bas et collants est produite à partir de nylon 6.6. Les industriels spécialisés dans cette activité expliquent cette situation par la meilleure aptitude du nylon 6.6 à la thermo-fixation, qui constitue un facteur important dans le processus de production. Toutefois, ces fabricants substituent de plus en plus des mélanges élasthanne/fil étiré (pour lesquels l'origine 6 ou 6.6 n'est pas discriminante) au fil texturé dans la fabrication de leurs produits. La proportion de mélanges élasthanne/fil étiré dans l'utilisation totale de fils de ce secteur est de l'ordre de 20 %. Elle est en croissance rapide.

Cependant, la question de savoir si les fils de nylon 6.6 destinés à la production de bas et collants relèvent d'un marché distinct du marché général des FPT ne modifie en rien l'analyse concurrentielle telle qu'elle est menée ci-après.

Marché géographique de référence

19. Le marché géographique de référence doit être considéré comme étant l'Espace économique européen, constitué par la CE et l'AELE.

Les prix pratiqués dans les deux régions, les standards de qualité proches, l'absence complète de barrières douanières et la proximité de ces deux zones géographiques rendent les échanges très aisés. Les stratégies d'achat des utilisateurs de FPT ne sont pas nationales, les coûts de transports à l'intérieur de la zone sont négligeables et les principaux fournisseurs de FPT vendent dans les différents pays d'Europe occidentale. Cette analyse est confirmée par le CIRFS (Comité International pour la Rayonne et la Fibre Synthétique) qui utilise l'ensemble CE+AELE pour établir ses statistiques.

20. Les importations en Europe Occidentale (CE+AELE) sont résumées dans le tableau qui suit :

Origine Quantité en kilo tonnes 1992 Pourcentage de la consommation totale Pays de l'Est 7.5 3.40 Israël 3.8 1.72 Turquie 3.0 1.36 Zone "NAFTA" 2.3 1.0 Autres 2.7 1.22 Total importations 19.3 8.7

Bien qu'il existe une réelle augmentation des importations notamment en provenance d'Europe centrale et orientale ainsi que d'Israël (les importations vers la zone CE+AELE ont doublé au cours de 5 dernières années), le niveau d'importation en provenance de ces deux zones reste relativement faible (5 % du marché total).

Les pays de l'Europe centrale et orientale sont les principaux exportateurs vers l'Europe occidentale. Les prix des fibres qui y sont produites sont substantiellement plus bas que les prix pratiqués en Europe occidentale et les droits de douanes sont faibles (actuellement 6,4 %, ils décroissent de près de 1 % annuellement) et sont dans certains cas inexistants (Slovénie). Pour autant, les entreprises utilisatrices y recourent peu, redoutant de rencontrer de graves problèmes de qualité, de sécurité et de régularité des approvisionnements. Les bénéfices générés par l'utilisation de fils très médiocres risqueraient d'être largement compensés par des arrêts de machines.

Le second fournisseur de l'Europe occidentale est Israël. Les prix pratiqués sont inférieurs aux prix européens et les importations ne sont grevées d'aucun droit de douane. Le producteur le plus connu dans cette région est [nom]. [] La Commission ne dispose d'aucune information quant à l'interpénétration existante entre Israël et l'Europe occidentale, et la question de l'appartenance d'Israël au marché géographique de référence ne modifie pas l'appréciation concurrentielle.

Les importations des autres régions du monde sont généralement grevées de droits de douanes de 9 % et peuvent être handicapées par la perception négative des entreprises vis-à-vis de ces produits et/ou par la distance séparant les producteurs de FPT des utilisateurs, laquelle réduit d'autant les possibilités de collaboration et de soutien.

Appréciation de l'opération

i) Parts de marché

21. Les parts de marché pour l'Europe occidentale ont été évaluées en volume, en excluant les consommations internes. Le tableau ci-dessous résume les parts de marché des différents concurrents pour l'année 1992 [Les parts de marché des différents concurrents pour l'année 1992 qui figurent dans cette décision ne sont pas identiques à celles qui ont été utilisées dans la décision RP-SNIA du 08.09.1993 pour les trois raisons suivantes : certaines estimations des parties qui n'avaient pu être vérifiées ont été remplacées par les chiffres de vente fournis par les concurrents; 13 KT de fil plat réexportés sous forme texturée ont été intégrés dans la consommation finale; l'auto-consommation des autres petits producteurs a pu être affinée et se monte à 6 KT. En conséquence, la consommation s'élève à 220 KT (contre 214 KT), ce qui a pour effet d'amoindrir les positions des principaux acteurs du marché.] :

Producteur Part de marché en volume (%) Nylstar [40-45 pour ... Nordfaser ... la nouvelle entité] Du Pont / ICI [20-25] Radici [5-10] TWD / Kunert [5-10] Bemberg [< 5] Autres (y compris imports) [18]

Après la concentration, les parts de marché combinées de Nylstar et Nordfaser s'élèveraient à [40- 45 %] en volume. Les parts de marché en valeur sont globalement comparables aux parts de marché en volume.

La nouvelle entité aurait pour concurrent direct Du Pont/ICI dont la part de marché s'éleverait à [20- 25 %]. Deux autres concurrents se distingueraient par leurs parts de marché de l'ensemble des petits producteurs : Radici [5-10 %], Kunert [5-10 %].

ii) Position dominante individuelle

22. Bien que la part de marché en volume détenue par la nouvelle entité à la suite de l'opération se monte à [40-45 %], les caractéristiques générales du marché telles qu'elles sont décrites ci-après et notamment l'importance des surcapacités, la forte sensibilité des clients aux prix et l'absence de lien privilégié à long terme entre le fournisseur et son client rendent improbable que l'opération conduise à la création d'une position dominante individuelle au bénéfice de Nylstar après le rachat de Nordfaser.

Le principal concurrent de Nylstar/Nordfaser, Du Pont, détient une part de marché de [20-25 %]. Il est le leader mondial en matière de FPT dont il réalise environ [10-15%] des ventes, suivi par Nylstar [< 10 %] et Formosa Chemicals [< 10 %]. Du Pont utilise exclusivement pour sa production la route 6.6 et dispose d'importantes surcapacités, notamment en Europe, lui permettant d'accroître rapidement sa production. Du fait de sa renommée en matière de qualité et de fiabilité, de sa capacité d'innovation ainsi que de la détention de marques connues du consommateur, soit pour des produits FPT (Tactelle), soit pour des produits utilisés en association avec les FPT (Lycra), Du Pont est à même de concurrencer Nylstar/Nordfaser sur tous les segments du marché des FPT.

En outre, d'autres offreurs (TWD/Kunert et Radici) produisent une gamme complète de produits, détiennent une part de marché excédant 5%, développent une politique commerciale agressive (notamment quant aux prix) et disposent de capacités de production largement sous-utilisées.

Le taux d'utilisation des capacités de production est en baisse constante depuis ces 4 dernières années. En 1992, les capacités étaient utilisées à hauteur de 68 %; les estimations pour 1993 prévoient un taux d'utilisation d'un peu moins de 60 %.

Par ailleurs, les industriels du secteur textile sont soumis à une forte pression concurrentielle sur leur propre marché. Cette pression est due tant à la puissance économique de leurs clients (grande distribution, enseignes spécialisées dans l'habillement) qu'à l'existence de flux importants de textiles et de vêtements importés de pays à faible coût de production (Maghreb, Turquie, Sud-Est asiatique). Il en résulte une extrême sensibilité de la demande de FPT au prix.

En outre, ainsi qu'il ressort de l'enquête menée par la Commission à la suite de la constitution de Nylstar, tous les clients interrogés ont indiqué qu'ils disposaient de sources d'approvisionnement alternatives et que dans l'hypothèse d'une hausse des prix de 10 % des FPT, ils devraient, compte tenu de la très forte concurrence (cf ci-avant) à laquelle ils sont soumis sur leur propre marché, changer de fournisseurs quasi-instantanément (pour la collection suivante). Si une telle hausse devait affecter l'ensemble des fournisseurs, la plupart des clients devraient - pour rester concurrentiels face aux importations de produits finis - soit délocaliser leur production, soit intégrer en amont la fabrication des fils. En effet, si le capital requis est assez élevé, les technologies mises en œuvre sont relativement simples et bien maîtrisées et il est possible d'acquérir "clef en main" des chaînes de texturation voire une usine de capacité moyenne (5 KT) permettant de fabriquer du fil polyamide.Dans le passé, certains clients notamment en Italie ont utilisé cette possibilité pour intégrer soit partiellement (texturation uniquement) soit totalement les stades amonts de production, en dépit d'une baisse des prix.

iii) Position dominante collective

23. L'opération entraîne un accroissement de 4 % du taux de concentration du marché. Après la concentration, 64 % environ du marché seront détenus par les deux premiers acteurs, alors qu'aucun autre concurrent ne dépassera 10 %. Il convient en conséquence d'examiner dans quelle mesure cette opération n'est pas de nature à créer ou renforcer une position dominante oligopolistique.

24. L'investigation à laquelle la Commission a procédé à l'occasion de la présente opération, a confirmé le résultat des investigations menées lors de la constitution de Nylstar. Il en ressort que les caractéristiques structurelles du marché ne sont pas propres à engendrer des parallélismes de comportement résultant d'une interdépendance oligopolistique et que préalablement au rachat de Nordfaser, il n'existait pas de position dominante oligopolistique sur le marché ouest-européen des FPT, et ce compte tenu des données suivantes :

- Depuis 1975, le marché des FPT est caractérisé par une baisse structurelle des tonnages vendus émaillée de reprises conjoncturelles d'activité (notamment de 1988 à 1990). Au total, les ventes sont passées de 309 KT en 1975 à 220 KT en 1992. Les estimations pour 1993 prévoient une baisse de la consommation (192 KT). Cette situation, due à une variété de facteurs et notamment à l'amélioration des caractéristiques techniques du polyester (produit 30% moins cher que le nylon) et à sa substitution progressive au polyamide s'est accompagnée d'une baisse des prix des polyamides malgré une politique de réduction des capacités de la part des grands groupes (leur capacité passe de 245 KT à 226 KT de 1982 à 1992). Cette baisse sur longue période des ventes de nylon a entrainé une sous-utilisation structurelle des capacités de production installées en Europe occidentale (cf. ci-avant point 22). Dans le même temps, (cf. point 21), l'intégration croissante en amont des producteurs de textile à conduit à la création de près de 20 KT de capacités nouvelles.

- Les fils textiles constituent de par leur variété un marché de produits différenciés:

* 30 % environ des volumes vendus sont des produits extrêmement différenciés. Ces produits sont chers, représentent de faibles volumes, sont peu soumis à une concurrence par les prix et présentent chacun des propriétés particulières d'aspect, de toucher, de facilité d'utilisation qui sont recherchées par les industriels du textile en fonction du type de produit d'habillement qu'ils souhaitent lancer.

* 70 % environ des volumes vendus sont des produits standards, pour lesquels la concurrence par les prix joue un rôle plus déterminant. Toutefois, l'offre de ces produits est assez fortement différenciée en fonction de différents éléments:

* les prix de ces produits standards peuvent varier dans de grandes proportions en fonction de la qualité, du suivi de fabrication ou encore de l'existence de services associés. Ces variations sont significatives, notamment entre les producteurs rendant des services associés et ceux qui ne le font pas. Elles existent également entre producteurs du même type (notamment entre Du Pont et RP) où elles peuvent être de l'ordre de 10 %;

* les fils peuvent être vendus soit directement par le producteur, soit sur le marché "spot" par des négociants spécialisés qui rachètent à bas prix aux producteurs des lots de produits de base correspondant soit à un excédent conjoncturel de production, soit à une fin de fabrication;

* ces produits peuvent également être vendus par des intermédiaires spécialisés qui, soit font subir aux fils des transformations telle que la texturation, soit proposent aux industriels du textile des assortiments de fils différents, tissés entre eux de façon à leur conférer des propriétés spécifiques. Ces opérations réalisent une valeur ajoutée importante par rapport au produit de base qui contribue à en diversifier l'offre.

L'ensemble de ces facteurs de différenciation tend à conférer à ces produits standards un caractère relativement peu homogène.

- L'innovation et le développement de nouveaux produits et de nouveaux services jouent un rôle important, sans être essentiel, dans le développement du marché. Cette innovation est essentiellement le fait de Du Pont, leader mondial en ce domaine, et de Nylstar qui renforce par le rachat de Nordfaser sa capacité innovatrice. Cette avance technologique leur permet de rester concurrentiels sur un marché très sensible aux prix, alors que leur structure de coût peut être pénalisante par rapport à leurs concurrents de taille plus modeste. Pour autant, ces innovations ne sont généralement pas brevetées et sont imitées par les concurrents une à deux saisons après leur lancement, lorsque les volumes en cause le justifient.

- Les prix de ces produits ne font pas l'objet d'une tarification barêmée. L'ensemble des clients et des concurrents interrogés a indiqué à la Commission que les prix faisaient l'objet d'une proposition individualisée, client par client, donnant lieu à négociation au cas par cas. Cette absence de tarification n'est pas de nature à promouvoir une transparence des prix pratiqués sur le marché. La dimension de l'opération ne paraît pas suffisante pour remettre en cause cette opacité tarifaire dès lors que de très nombreux offreurs resteront actifs sur le marché.

- Il n'existe pas de lien privilégié et durable entre le producteur de fils et son client, contrairement à la situation qui prévaut dans le marché des fils pour tapis par exemple. Les collections sont courtes (6 mois contre plusieurs années dans le tapis) et les clients peuvent, à faible coût, changer de fournisseur à l'issue de chaque collection. Les rigidités au changement de fournisseur sont donc faibles.

- Les industriels du secteur textile, comme il est exposé plus haut, sont soumis à une forte pression concurrentielle sur le marché. Cette tension sur les prix en aval rend la demande de FPT extrêmement sensible au prix.

25. Ces facteurs indiquent que, préalablement à l'opération, le marché n'était pas soumis à une position dominante collective, bien que les trois premiers acteurs aient représenté 64 % du marché. L'ensemble des clients et des concurrents interrogés par la Commission a défini le marché comme étant hautement concurrentiel et extrêmement sensible au prix. Le prix moyen d'approvisionnement des clients a d'ailleurs baissé ces dernières années, le bas niveau d'utilisation des capacités de production ayant généré une concurrence encore accrue.

26. Pour les mêmes raisons, il n'est pas probable que l'opération notifiée qui conduira à une augmentation relativement modérée des parts de marché, donne naissance à une interdépendance oligopolistique entre les deux principaux concurrents du marché. En effet, les positions de marché des deux principaux acteurs ne seront pas beaucoup plus équilibrées qu'aujourd'hui sur le plan qualitatif, alors que le différentiel de parts de marché entre les deux leaders s'accroîtra. En outre, les facteurs structurels cités précédemment resteront inchangés après l'opération notamment:

- les offreurs autres que Nylstar/Nordfaser et Du Pont, dont la plupart sont des industriels du textile ayant intégré l'activité amont, détiennent à eux seuls une capacité de production excédentaire de 60 KT environ, soit quelque 30 % de la consommation;

- certains producteurs situés en dehors du marché géographique de référence offrent à faible prix des produits de qualité et développent une politique de service accru au client;

- en l'absence d'une réelle transparence des prix et compte tenu de la grande différenciation des produits et de leur qualité ainsi que de leur mode de commercialisation (avec ou sans service associé), un parallélisme de comportement serait difficile à mettre en œuvre;

- enfin, l'extrême sensibilité des producteurs de textile aux variations de prix telles que décrites ci-dessus (point 21), les conduirait, dans l'hypothèse d'une hausse des prix de 10 % des FPT, soit à délocaliser leur production, soit à intégrer en amont la fabrication des fils.

V. CONCLUSION

27. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 4064-89.