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Décisions

TA Rouen, 28 avril 2000, n° 000697

ROUEN

Ordonnance de référé

PARTIES

Demandeur :

Entreprise Jean Lefèbvre Normandie

Défendeur :

Département de la Seine-Maritime

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corouge

Avocats :

Mes Frézal, Riquelme.

TA Rouen n° 000697

28 avril 2000

Le juge des référés délégué,

Vu, enregistrée le 7 avril 2000, la demande présentée pour l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie dont le siège est [...], par Me Frézal, avocat au barreau de Rouen, l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie demande au tribunal de suspendre la passation du marché que le département de la Seine-Maritime envisage de conclure pour les lots 2, 3, 4 d'un marché à bons de commandes de réalisation d'enrobés bitumineux des routes départementales pour les années 2000 et 2001 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Code des marchés publics ;

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le département de la Seine-Maritime :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 22 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou son délégué peut être saisi en cas de manquements aux obligations de publicité et mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le marché et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du marché ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (...). Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie, agissant en qualité de mandataire du groupement formé entre elle-même et la SNC Lalitte, demande au tribunal de suspendre la procédure de passation des lots 2, 3 et 4 d'un marché à commandes relatifs à la réalisation, pour les années 2000 et 2001, d'enrobés bitumineux des routes départementales du département de la Seine-Maritime ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, relative à la liberté des prix et de la concurrence : "Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1. Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises" ; que si le fait de répondre en commun à un appel d'offres ne constitue pas, par lui-même, une entente prohibée, constitue en revanche une telle entente la constitution d'un groupement d'entreprises ayant pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence ;

Considérant que si le groupement formé entre l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie et la SNC Lalitte a déposé une offre conjointe pour l'exécution des lots 2, 3 et 4 du marché litigieux en faisant état de motifs techniques liés à la disponibilité des centrales de production d'enrobés bitumineux, aucun élément du dossier ne permet d'établir la nécessité d'une concentration de leurs capacités techniques dès lors qu'il est constant que chacune des deux sociétés était en mesure, compte tenu de ses capacités financières et techniques propres, d'assumer seule les travaux faisant l'objet des lots litigieux; qu'en outre, il n'est pas contesté que l'une des spécificités des marchés d'enrobés réside dans l'importance qui s'attache à disposer, près du lieu du marché, d'une centrale de production d'enrobés; que dans ces conditions, le groupement entre ces deux sociétés qui disposent, l'une et l'autre, de centrales d'enrobés bitumineux dans la zone d'intervention est de nature à limiter sensiblement le jeu de la concurrence; que par suite, la commission d'appel d'offres n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en déclarant irrecevable la candidature du groupement requérant au motif qu'elle était de nature à restreindre le libre jeu de la concurrence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du groupement Entreprise Jean Lefèbvre Normandie et SNC Lalitte tendant à la suspension de la passation des marchés des lots litigieux doivent être rejetées ;

Sur l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie à verser au département de la Seine-Maritime une somme de 4 000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;

ORDONNE,

Article 1er: La requête de l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie est rejetée.

Article 2 : L'entreprise Jean Lefèbvre Normandie est condamnée à verser au département de la Seine-Maritime une somme de 4 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'entreprise Jean Lefèbvre Normandie et au département de la Seine-Maritime.