CA Nîmes, 2e ch. B, 5 décembre 1996, n° 96-1626
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Office d'Annonces (SA)
Défendeur :
Rokad Auto (SA), Supar et Cie (SARL), Vigne, Ponsoye
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martin
Conseillers :
M. Bestagno, Mme Miquel-Pribile
Avocats :
SCP Morin Joutard, Me Meyer, SCP Cabissole Cougnenc.
FAITS PROCEDURE ET LITIGE:
L'agence Arc-en-Ciel, en exécution de mandats donnés par la SA Rokad Auto, Henri Vigne, la SARL Supar et Cie, et Monsieur Ponsoye, a souscrit des ordres d'insertion auprès de la société ODA (Société Office d'Annonces) régisseur de la publicité dans les annuaires de France Télécom.
Toutefois, les ordres souscrits comportaient une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Paris, dont la société ODA a demandé l'application dans le cadre du litige introduit à son encontre devant le Tribunal de commerce d'Alès relatif au paiement des prestations.
Par jugement en date du 19 mars 1996, le Tribunal de commerce d'Alès:
- a déclaré non fondée l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société ODA,
- s'est déclaré compétent,
- a suspendu l'instance dans l'attente de l'expiration du délai de contredit et le cas échéant jusqu'à décision de la cour.
La société ODA a régulièrement formé contredit par déclaration en date du 29 mars 1996.
Elle demande à la cour :
- de réformer le jugement contredit,
- de déclarer le Tribunal de commerce d'Alès incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris,
- de renvoyer la cause devant ledit tribunal,
- de condamner les défendeurs au contredit au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société ODA fait valoir ceci :
- l'agence Arc-en-Ciel engage ses mandants en application de l'article 1998 du Code civil,
- elle a signé pour leur compte les ordres d'insertion auprès de la société ODA qui contiennent une clause attributive de compétence auprès du Tribunal de commerce de Paris,
- cette clause imprimée en caractère gras est apparente et valablement conclue entre commerçants.
La société Rokad, Monsieur Vigne, la SARL Supar et Cie, Monsieur Ponsoye demandent le rejet du contredit, le renvoi des parties devant le Tribunal de commerce d'Alès, et l'allocation de 5 000 F chacun au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils font principalement valoir que la clause attributive de compétence litigieuse ne leur est pas opposable en application de l'article 1998 alinéa 2 du Code civil, qu'ils n'ont jamais signé ou ratifié cette clause, qu'ils n'ont jamais autorisé la société Arc-en-Ciel à signer pour leur compte une clause de prorogation de compétence territoriale exorbitante en droit commun, que la société ODA qui produit à la fois les ordres d'insertion et les mandats ne peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent.
En réplique la société ODA fait notamment valoir que les mandats donnés à l'agence Arc-en-Ciel ne comportent aucune ambiguïté, que l'annonceur charge l'agence de publicité de " souscrire en accord avec l'annonceur qui reste seul maître de son budget ses ordres d'insertion. ", que la seule limitation apportée très clairement au mandat porte sur le traitement des éventuelles réclamations de l'annonceur envers l'ODA pour lesquelles " l'agence ne prend jamais à sa charge d'éventuelles poursuites judiciaires ", que le mandat donné en termes généraux ne comporte aucune restriction relative à l'ordre d'insertion.
MOTIFS
Aux termes de l'article 1998 du Code civil, " le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné.
Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié ".
En l'espèce chaque défendeur au contredit a donné mandat à l'agence Arc-en-Ciel Diffusion " pour souscrire - en accord avec l'annonceur qui reste seul maître de son budget - ses ordres d'insertion, relatifs aux espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom auprès du régisseur exclusif ODA,7 Avenue de la cristallerie, 92317 Sèvres ".
Le pouvoir ainsi donné à l'agence Arc-en-Ciel concerne la seule souscription des ordres d'insertion. Il n'autorise pas l'agence Arc-en-Ciel à souscrire une clause attributive de compétence territoriale, clause d'exception exorbitante du droit commun, détachable du contrat.
Cette clause n'a pas été ratifiée par les mandants.
La société ODA qui produit à la fois les ordres d'insertion et les mandats ne peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent.
Il apparaît ainsi que l'agence Arc-en-Ciel a dépassé le mandat qui lui avait été donné en signant la clause attributive de compétence territoriale au Tribunal de commerce de Paris.
En conséquence elle n'a pas engagé ses mandants sur cette clause et le contredit formé par la société ODA doit être rejeté.
La société ODA condamnée à supporter les frais du contredit devra verser à chacun des défendeurs au contredit 1 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; Rejette le contredit formé par la Société Office d'Annonces ; Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de commerce d'Alès ; Condamne la Société Office d'Annonces aux frais du contredit et à payer 1 500 F à chacun des défendeurs au contredit en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.