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Décisions

TPICE, 5e ch., 20 mars 2001, n° T-59/00

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Compagnia Portuale Pietro Chiesa Soc. coop. rl

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lindh

Juges :

MM. García-Valdecasas, Cooke

Avocats :

Mes Conte, Giacomini, Della Barile.

Comm. CE, du 22 déc. 1999

22 décembre 1999

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

Faits à l'origine du litige

1. La requérante, la Compagnia Portuale Pietro Chiesa Soc. coop. rl, est une coopérative de droit italien dont l'objet social est la fourniture de services portuaires dans le port de Gênes. La fourniture de services portuaires recouvre, en particulier, la réalisation d'opérations portuaires et la fourniture de main-d'œuvre portuaire.

2. À la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 84-94, du 28 janvier 1994, portant adaptation de la législation applicable en matière portuaire (GURI n° 21, du 4 février 1994, ci-après la "loi n° 84-94"), la requérante a demandé à l'autorité portuaire du port de Gênes (ci-après l'"autorité portuaire") l'autorisation d'effectuer les opérations portuaires et les services visés par cette loi ainsi que de simples prestations de travail.

3. La requérante a, par décret de l'autorité portuaire du 29 avril 1995, été autorisée à fournir des services portuaires dans les limites du secteur des marchandises en vrac et en faveur des entreprises portuaires concessionnaires. Cette autorisation est venue à expiration le 31 décembre 1995.

4. Depuis le 13 novembre 1995, la requérante a, à plusieurs reprises, demandé à l'autorité portuaire l'extension de son autorisation afin d'opérer sur la gamme complète des types de marchandises manutentionnées dans le port. Cette autorisation ne lui a jamais été délivrée et la requérante exerce ses activités portuaires depuis lors sans autorisation.

5. La Compagnia Unica Lavoratori Merci Varie (devenue le 19 avril 1997, la Compagnia Unica Soc. coop. rl, ci-après la "CULMV") fournit également des services portuaires dans le port de Gênes.

6. Par acte de l'autorité portuaire du 5 janvier 1995, la CULMV s'est vu délivrer jusqu'au 31 décembre 1995 l'autorisation d'effectuer des opérations portuaires, à l'exclusion des trafics de marchandises en vrac, et la concession d'un terminal du port de Gênes. Depuis le 31 décembre 1995, la CULMV exerce ces activités sans autorisation.

7. Le 10 novembre 1998, la requérante a introduit une plainte auprès de la Commission à l'encontre de la République italienne, de l'autorité portuaire et de la CULMV, dans laquelle elle invoque la violation des articles 82 CE et 86, paragraphe 1, CE.

8. Dans cette plainte, la requérante dénonce le monopole détenu par la CULMV sur le marché de la fourniture de services portuaires du port de Gênes. Cette situation résulterait, d'une part, de la position monopolistique détenue par la CULMV antérieurement à l'adoption de la loi n° 84-94 et, d'autre part, du comportement de l'autorité portuaire qui, en omettant de se prononcer sur les demandes d'autorisation présentées par la requérante, favoriserait la pérennité du monopole de la CULMV. Cette situation serait renforcée par le fait que la CULMV est le seul opérateur autorisé à offrir de la main-d'œuvre temporaire. Grâce au monopole de fait qu'elle détient dans le port de Gênes, la CULMV serait amenée à abuser de sa position dominante au sens de l'article 82 CE de la façon décrite dans l'arrêt de la Cour du 10 décembre 1991, Merci Convenzionali Porto di Genova (C-179-90, Rec. p. I-5889).

9. La requérante y allègue que le monopole de la CULMV est rendu possible, d'une part, par la réglementation nationale en vigueur en matière de fourniture de main-d'œuvre portuaire et, d'autre part, par le comportement de l'autorité portuaire en matière d'octroi des autorisations pour la réalisation des opérations portuaires et dénonce, à cet égard, une violation des articles 82 CE et 86 CE combinés.

10. Par lettre du 4 novembre 1999, la requérante a mis en demeure la Commission, au titre de l'article 232 CE, d'adopter une décision définitive à l'égard de la République italienne et de la CULMV. Elle allègue, à cet égard, que l'inertie de la Commission conforte l'avantage compétitif de la CULMV résultant du monopole de cette dernière et entrave l'exercice de ses propres activités.

11. La Commission a répondu par lettre du 22 décembre 1999 (ci-après l'"acte attaqué").

Procédure et conclusions des parties

12. Le présent recours a été introduit par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 17 mars 2000.

13. Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le 29 mai 2000, la Commission a, en application de l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d'irrecevabilité.

14. Le 6 juillet 2000, la requérante a déposé au greffe du Tribunal ses observations écrites en réponse à cette exception.

15. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter l'exception d'irrecevabilité;

- annuler l'acte attaqué;

- condamner la défenderesse aux dépens.

16. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme irrecevable;

- condamner la requérante aux dépens.

17. Aux termes de l'article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par l'examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande sans ouvrir la procédure orale.

Sur la recevabilité du recours

Arguments des parties

18. La Commission souligne que la requérante a fait valoir que la recevabilité de son recours est subordonnée au fait que l'acte attaqué constitue une décision définitive et que, dans l'hypothèse où la Commission lui communiquerait son intention de poursuivre l'enquête, le présent recours devrait être considéré comme abandonné.

19. La Commission soutient que le recours est irrecevable au motif que, d'une part, l'acte attaqué n'est pas un acte attaquable en vertu de l'article 230 CE. En effet, il ne produirait pas d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639, point 10).

20. D'autre part, la Commission fait valoir que le recours est irrecevable car la requérante n'aurait pas d'intérêt à agir. En effet, cette dernière n'aurait invoqué un défaut d'instruction de la plainte par la Commission concernant la prétendue violation autonome de l'article 82 CE par la CULMV qu'au stade du recours.

21. En tout état de cause, même si l'acte attaqué devait être qualifié d'acte définitif ou si, à un stade ultérieur de la procédure, la Commission communiquait à la requérante son refus d'adopter une décision au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE, ces décisions ne seraient pas des actes attaquables. À cet égard, la Commission considère que la requérante ne saurait prétendre être dans une situation exceptionnelle dans laquelle un particulier a qualité pour agir en justice contre le refus de la Commission d'adopter une décision fondée sur l'article 86, paragraphes 1 et 3, CE (voir arrêt de la Cour du 20 février 1997, Bundesverband der Bilanzbuchhalter/Commission, C- 107-95 P, Rec. p. I-947).

22. En premier lieu, la requérante rétorque, concernant le caractère de l'acte attaqué, que la Commission ne qualifie explicitement ce dernier d'interlocutoire qu'au niveau de son exception d'irrecevabilité et que cet argument doit être rejeté pour diverses raisons.

23. Tout d'abord, le préjudice invoqué par la requérante concernerait une situation passée, par rapport à laquelle la modification de la loi portuaire évoquée par la Commission dans l'acte attaqué ne produirait aucun effet favorable, étant considéré que cette modification porterait sur des mesures d'autorisation ou de refus de ces mesures, lesquelles seraient adoptées après l'entrée en vigueur de la loi.

24. Ensuite, le préjudice invoqué par la requérante dépendrait de mesures de l'autorité administrative qui faciliteraient pour la CULMV son abus de position dominante et non du contenu de la loi portuaire en vigueur lorsque les autorisations requises ne sont pas délivrées.

25. Enfin, la future modification de la loi portuaire évoquée par la Commission dans l'acte attaqué constituerait une condition incertaine de sorte qu'elle ne pourrait pas être une raison valable pour adopter une mesure de nature interlocutoire. La requérante souligne que l'approbation toute récente de la loi modifiant la loi n° 84-94 ne résout pas les problèmes liés au régime des opérations portuaires et à l'attribution de services complémentaires et accessoires à ces opérations dans les ports italiens. En réalité, la loi de modification attribuerait en substance la détermination des services portuaires aux autorités portuaires ou, lorsqu'elles ne sont pas instituées, aux autorités maritimes au moyen d'une réglementation spécifique devant être adoptée conformément aux critères contraignants fixés par décret du ministre des Transports et de la Navigation, celui-ci devant être adopté dans les 120 jours après l'entrée en vigueur de cette loi. Cette loi renoncerait alors à prévoir un système réglementaire du marché des opérations et des services portuaires qui offre des garanties suffisantes en termes de respect de la liberté d'accès à ces activités à des conditions transparentes et non discriminatoires. Selon la requérante, la nouvelle réglementation ne semble pas garantir la concurrence entre opérateurs portuaires bien qu'il y soit affirmé que la fourniture de main-d'œuvre temporaire pour l'exécution des opérations et des services portuaires est incompatible avec l'exercice des opérations portuaires.

26. Selon la requérante, il s'ensuit que l'acte attaqué ne peut être qu'une mesure définitive par laquelle la Commission a voulu classer la plainte de la requérante relative à la violation de l'article 82 CE par la CULMV, violation facilitée par les mesures contraires à l'article 86 CE qui ont été adoptées par l'autorité portuaire.

27. En second lieu, la requérante objecte aux arguments de la Commission relatifs à son défaut de qualité pour agir contre le refus de la Commission d'adopter une décision au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE que l'existence de cet intérêt est reconnue par la jurisprudence communautaire, telle qu'elle est citée par la Commission, lorsque les mesures en cause concernent directement et individuellement la situation de la personne physique ou morale. Ces mesures seraient celles qui ne réglementent pas les rapports institutionnels ou ne protègent pas un intérêt public.

28. De même, la requérante affirme que les mesures adoptées par l'autorité portuaire ne sont pas des actes normatifs de portée générale de sorte que son action ne contraint pas l'État membre à adopter, modifier ou abroger un acte normatif de portée générale.

29. En outre, elle argue que le refus de la Commission d'adopter une décision à l'égard d'une situation qui porte préjudice au droit d'un opérateur d'entrer sur le marché constitue une mesure qui concerne ce dernier directement et individuellement.

30. Enfin, la requérante souligne que l'intérêt à agir dérive de l'emplacement et de la finalité de l'article 86 CE, éléments qui sont tout à fait analogues à ceux des dispositions relatives aux aides d'État, de sorte qu'une personne physique ou morale a un intérêt à agir à l'encontre d'une mesure de la Commission rendue dans le cadre des pouvoirs d'appréciation qui lui sont attribués par l'article 86, paragraphe 3, CE.

Appréciation du Tribunal

31. Il ressort de l'argumentation de la Commission que la requérante ne serait pas recevable à introduire un recours en annulation contre l'acte attaqué aux motifs, d'une part, que cet acte ne constituerait pas un acte attaquable au sens de l'article 230 CE et, d'autre part, que la requérante n'aurait pas d'intérêt à agir contre celui-ci. À cet égard, la Commission affirme que la requérante n'a pas invoqué, dans sa plainte, de violation autonome par la CULMV de l'article 82 CE et que, concernant la violation des articles 82 CE et 86 CE combinés par l'État italien, elle n'est pas tenue d'agir à la suite d'une demande formulée par un particulier au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE.

32. Avant d'examiner la question de savoir si l'acte attaqué est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation, il importe de s'attacher à la teneur de la plainte afin de déterminer si la requérante y a invoqué une violation autonome, par la CULMV, de l'article 82 CE.

33. La requérante considère, dans sa plainte, que la détention par la CULMV d'une position dominante a été rendue possible par la réglementation nationale en vigueur, d'une part, et par le comportement de l'autorité portuaire, d'autre part.

34. Toutefois, il ressort du point b), dénommé "Abus de position dominante détenue par la CULMV", inclus dans le cinquième paragraphe de la plainte, intitulé "Le monopole de fait détenu par la CULMV dans le port de Gênes", que la requérante a identifié un comportement autonome de la CULMV constitutif, selon elle, d'un abus de position dominante.

35. En effet, la requérante y énonce, notamment, que, grâce au monopole de fait que la CULMV détient actuellement dans le secteur des services portuaires, cette dernière est amenée à abuser de sa position dominante au sens de l'article 82 CE de la façon décrite dans l'arrêt Merci Convenzionali Porto di Genova, précité. La requérante ajoute que la CULMV est en mesure d'imposer les prix et les conditions de travail aux usagers, de décider quelle structure de société adopter dans la production des services, préférant aux technologies modernes un système basé sur la force de travail, et de fournir ses services aux différentes entreprises contractantes à des conditions dissemblables.

36. La requérante cite alors un cas précis dans lequel la CULMV aurait offert des services à un prix inférieur de 25 % aux siens dans le but exclusif de s'approprier l'unique client auquel elle- même fournit actuellement ses services et de renforcer encore de la sorte sa position sur le marché. La requérante poursuit, dans la plainte, en qualifiant le comportement de la CULMV de contraire aux principes communautaires en matière de concurrence et précise que, dans un cas analogue, la Commission a considéré qu'un tel comportement était abusif [décision 88-138-CEE de la Commission, du 22 décembre 1987, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/30.787 et 31.488 - Eurofix-Bauco/Hilti), JO L 65, p. 19, point 81].

37. En outre, il importe de relever que la Commission a, elle-même, interprété la plainte de la requérante comme visant une prétendue violation de l'article 82 CE par la CULMV. Ainsi, l'acte attaqué mentionne à titre introductif:

"La plainte en objet a été enregistrée dans les services de la direction générale de la concurrence le 16 novembre 1998 (il y a environ un an). Cette plainte était dirigée contre l'État italien et l'[autorité portuaire] pour violation prétendue de l'article 86 CE et de l'article 82 CE, et contre la CULMV pour violation prétendue de l'article 82 CE."

38. La Commission poursuit en exposant ce qui suit:

"[À la suite d']une analyse préliminaire, il est apparu que toutes les pratiques contestées trouvaient leur origine dans des décisions administratives de l'[autorité portuaire] et/ou dans la loi n° 84-94 telle que modifiée. C'est pourquoi la Commission n'a pas ouvert d'action contre la CULMV sur la base du règlement [n° 17] du Conseil mais a ouvert un dossier contre l'Italie, pour éventuelle violation des articles 86 [CE] et 82 CE combinés. [La requérante] n'a jamais contesté cette analyse préliminaire."

39. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'allègue la Commission dans son exception d'irrecevabilité, la requérante a invoqué, dans sa plainte, une violation autonome, par la CULMV, de l'article 82 CE.

40. C'est dans ce contexte qu'il y a lieu de déterminer si l'acte attaqué est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 230 CE et de s'attacher, à cette fin, à sa substance.

41. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures que fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (voir arrêts IBM/Commission, précité, points 9 et 10, et du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64-89, Rec. p. II-367, point 42).

42. Il y a également lieu de rappeler qu'une institution qui est dotée du pouvoir de constater une infraction et de la sanctionner et qui peut être saisie sur plainte de particuliers, comme c'est le cas de la Commission en droit de la concurrence, adopte nécessairement un acte qui produit des effets juridiques, lorsqu'elle met fin à l'enquête qu'elle a engagée à la suite de cette plainte. À cet égard, l'acte de classement d'une plainte ne saurait être qualifié de préliminaire ou de préparatoire puisque celui-ci constitue le stade ultime de la procédure et qu'il ne sera suivi d'aucun acte susceptible de donner lieu à un recours en annulation(voir arrêt de la Cour du 16 juin 1994, SFEI e.a./Commission, C-39-93 P, Rec. p. I-2681, points 27 et 28).

43. En l'espèce, s'agissant, en premier lieu, de la prétendue violation par l'État italien des articles 82 CE et 86 CE combinés, il ressort clairement de l'acte attaqué que la Commission a ouvert une procédure à l'encontre de cet État.

44. Il y a lieu de constater que l'acte attaqué ne peut en aucun cas être considéré comme mettant fin à ladite procédure. En effet, dans celui-ci, la Commission se borne à informer la requérante de l'état d'avancement de la procédure engagée contre l'État italien et à lui faire part de ses observations préliminaires concernant l'instruction qu'elle mène à l'encontre de ce dernier.

45. À cet égard, la Commission mentionne dans l'acte attaqué qu'elle "n'est [...] pas encore en mesure d'adopter une position définitive, ni en faveur ni en défaveur de [la requérante], puisque la réponse des autorités italiennes à la demande d'informations n'est pas encore arrivée".

46. D'ailleurs, la Commission a joint, en annexe à son exception d'irrecevabilité, un courrier du 15 juin 1999 adressé à l'État italien et dans lequel elle lui demande de transmettre des informations complémentaires concernant la CULMV et la requérante. En l'absence de réponse de l'État italien, la Commission a réitéré sa demande successivement par lettres des 23 novembre 1999 et 7 avril 2000, lesquelles sont également jointes en annexe à ladite exception.

47. Concernant les arguments de la requérante relatifs, d'une part, aux conséquences passées et présentes des prétendues infractions aux règles de la concurrence et, d'autre part, au bénéfice incertain, pour elle-même, de la modification de la loi n° 84-94, il convient de noter qu'ils sont inopérants au regard de la nature définitive, ou non, dudit acte. En effet, d'une part, la Commission n'a jamais nié la possible existence de telles infractions et, d'autre part, le fait que la Commission attende les modifications législatives prévues démontrerait plutôt que cette dernière n'a pas achevé sa réflexion sur ce point.

48. Dès lors, sans qu'il soit utile de se prononcer sur la qualité à agir de la requérante contre une décision de la Commission adoptée en application de l'article 86, paragraphe 3, CE, il y a lieu de constater que l'acte attaqué constitue une mesure intermédiaire en ce qui concerne la procédure relative à la violation des articles 82 CE et 86 CE combinés.

49. Concernant, en second lieu, la prétendue violation par la CULMV de l'article 82 CE, il ressort de l'acte attaqué que la Commission, considérant, à la suite d'une analyse préliminaire, que les pratiques contestées trouvaient leur origine dans les décisions administratives de l'autorité portuaire et/ou dans la loi n° 84-94, a décidé de ne pas ouvrir de procédure contre la CULMV mais contre l'État italien.

50. À cet égard, l'article 82 CE ne visant que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leurs propres initiatives, il est admissible que l'appréciation de ces comportements exige une évaluation préalable de la législation nationale applicable. Cette évaluation préalable de l'incidence que la législation peut avoir sur les comportements des entreprises ne porte toutefois que sur la question de savoir si cette législation laisse subsister la possibilité d'une concurrence susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C-359-95 P et C-379-95 P, Rec. p. I-6265, points 32 à 35).

51. Il convient de constater que la Commission a estimé, au vu des premiers éléments en sa possession, que l'article 82 CE n'avait pas été violé de façon autonome par la CULMV. Le fait que la Commission a estimé, à ce stade, que pouvait exister une infraction aux articles 82 CE et 86 CE combinés justifie qu'elle focalise son examen sur l'environnement réglementaire et législatif en cause. Toutefois, cela ne signifie pas que la Commission s'interdit d'ouvrir une procédure à l'encontre de la CULMV si elle devait constater, au terme de cet examen, qu'il subsiste, malgré l'existence des règles nationales, la possibilité d'un comportement autonome de la part de cette entreprise.

52. Dès lors, l'acte attaqué ne fixant pas de manière définitive la position de la Commission sur l'éventuelle ouverture d'une procédure contre la CULMV, il ne constitue pas, dans cette mesure, un acte susceptible d'être attaqué par la voie d'un recours en annulation.

53. Il découle des considérations qui précèdent que l'acte attaqué n'est pas un acte définitif et que, partant, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

54. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu, au vu des conclusions de la Commission, de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.