CA Douai, 2e ch., 15 février 2001, n° 1999-02379
DOUAI
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Geerssen
Conseillers :
Mme Fontaine, M. Testut
Avoués :
SCP Masurel-Thery, Me Normand
Avocats :
Mes Loncour, Minne.
I. Données devant la cour
La décision attaquée
Par un jugement du 16 décembre 1998, le Tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing:
- a condamné la société T à payer à la société A la somme de 12 797,90 F avec les intérêts au taux légal à compter du 12 juin 1996,
- a condamné la société A à payer à la société T la somme de 54 614,88 F avec les intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1996, e a ordonné la compensation des dites sommes.
Procédure
La société A a formé appel de cette décision le 30 mars 1999.
Par ordonnance du premier président de la cour de céans en date du 29 avril 1999, la société A a été autorisée à consigner la somme de 41 817,88 F entre les mains du président de la CARPA de Lille aux fins de suspendre l'exécution provisoire.
La clôture des débats a été ordonnée le 27 octobre 2000.
Les prétentions de l'appelant
Dans ses conclusions en date du 28 juillet 1999, la société A demande à voir:
- réformer la décision entreprise,confirmer la condamnation de la société T pour la somme de 12 797,90 F,
- infirmer la condamnation de la société A pour la somme de 54 614,88 F,
- infirmer la requalification du contrat de distribution,
- condamner la société T à lui payer la somme de 39 270 F à titre de remboursement des actions publicitaires,
- subsidiairement, si la cour confirmait la condamnation de la société A. à 41 817,88 F à titre de commission, ordonner la compensation avec la somme de 39 270,00 F,
- condamner la société T à lui payer 15 000 F à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société T à lui payer 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société T aux entiers dépens au titre de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Les prétentions de l'intimé
La société T, par conclusions du 18 février 2000, demande à voir:
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société A à lui payer la somme de 54 614,88 F et ordonné la compensation avec la dette reconnue de 12 797,90 F,
- requalifier le contrat en contrat d'agent commercial, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnité de rupture à hauteur de 100 000 F,
- condamner la société A à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société A aux entiers dépens au titre de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
II. Argumentation de la Cour
Sur la nature des relations contractuelles entre les parties
Le premier juge a requalifié le contrat de distribution exclusive conclu le 18 octobre 1994 en un contrat d'agent commercial en se bornant sans autre précision à se référer "aux éléments du dossier".
L'activité d'agent commercial peut être exercée en exécution d'un contrat écrit passé entre les parties à titre principal pour un autre objet.
En l'espèce, les relations entre les parties ressortent de deux écrits complémentaires du 18 octobre 1994 :
- d'une part le contrat de distribution précité dont les termes sans ambiguïté ne permettent pas de le qualifier de contrat d'agence commerciale,
- d'autre part une lettre annexe qui précise le mode de fonctionnement entre les parties en ce qui concerne le segment de clientèle spécifique des hypermarchés, en prévoyant alors pour les commandes supérieures à 20 000 F un système de commissionnement, la société A se réservant de facturer directement ces clients.
Ainsi la commune intention des parties était de voir la société T opérer comme distributeur exclusif sur le marché belge pour la clientèle traditionnelle et comme agent commercial pour la seule distribution moderne.
Sur les sommes dues par la société T au titre de son activité de négoce
La dette est reconnue pour le montant 12 797,90 F, réclamé par la société A et accordé par le premier juge. La décision-entreprise sera confirmée sur ce chef de demandes.
Sur les commissions dues à la société A au titre du contrat agence commerciale
Dés lors que la société T était mandatée comme agent commercial dans le segment spécifique des hypermarchés, il lui est dû commissions pour toutes commandes livrées et facturées directement à ces clients par la société A.
Il importe peu que les commandes aient été adressées directement par les dits clients à la société A sans avoir été préalablement recueillies par la société T, dès lors que ces commandes résultent d'une prospection commerciale faite par la société T seule ou associée à la société A. Il n'importe pas plus que la société A ait pu avoir, par le biais d'un contrat d'agence convenu antérieurement avec un tiers, des rapports commerciaux anciens avec la clientèle concédée le 18 octobre 1994, aucune restriction aux seuls "nouveaux clients" apportés par la société T n'étant prévue, d'ailleurs le droit à commission a été spontanément reconnu par la société A en établissant le 1er décembre 1994 puis le 23 août 1995 un relevé des commissions dues à la société T. L'activité de la société T en clientèle est par ailleurs attestée par le fait que des prospects envoyaient à la société A des consultations de prix avec copie pour information à la société T, dont une notamment le 26 février 1996. La somme de 54 614,88 F due à ce titre résulte des propres relevés de la société A.
La décision entreprise sera confirmée sur ce chef de demandes.
Sur le remboursement par la société T des actions publicitaires
Cette demande de remboursements à hauteur de 39 270 F est présentée par la société A pour la première fois en cause d'appel. Cette demande nouvelle est irrecevable.
Sur l'indemnité
Pour refuser toute indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale, le premier juge ne pouvait se contenter de retenir que n'était pas rapportée la preuve d'un développement d'activité de la société A sur le territoire belge résultant de l'action de la société T Les parties n'ont pas renoncé par une dispositions expresse du contrat de distribution convenu à titre principal aux dispositions de la loi du 25 juin 1991, transposant une directive communautaire.
Les règles de cessation des relations prévues à l'article 12 de la dite loi s'appliquent donc pour l'activité d'agence commerciale définie dans la lettre du 18 octobre 1994.
L'indemnité compensatrice prévue à l'article 12 de la loi est acquise au mandataire sauf à démontrer une faute grave de l'agent commercial. Or la société A n'a jamais signifié à la société T le moindre reproche quant à un comportement insuffisant en clientèle. En outre la rupture du contrat d'agence résulte de la mise en demeure du 5 juin 1996 faite à la société A de régler les commissions antérieures.
En l'absence de dispositions conventionnelles sur la durée du préavis et le calcul de l'indemnité compensatrice, ainsi que d'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, et compte tenu des commissions perçues pour une première année d'activité, la cour fixera l'indemnité due à la somme de 6 559,57 F, couvrant globalement le préavis et le préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agence commerciale. La décision entreprise sera réformée sur ce chef de demandes.
Sur les dommages intérêts pour procédure abusive
Les parties ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui couvert au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur les frais irrépetibles
La société T a du engager des frais irrépétibles en cause d'appel que la cour fixe à 6 559,57 F.
Sur les dépens
La société A supportera les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
III Décision de la Cour
Par ces motifs, LA COUR, - réforme le jugement du 16 décembre 1998, - dit que le contrat de distribution exclusive confie à la société T un mandat d'agent commercial sur le territoire belge pour le segment de clientèle "hypermarchés" condamne la société A à payer à la société T la somme de 6 559,57 F, soit 1 000 euros, à titre indemnitaire, - confirme le jugement du 16 décembre 1998 pour le surplus, y ajoute, - dit la société A irrecevable en sa demande de remboursement de frais publicitaires, - condamne la société A à payer à la société T la somme de 6 559,57 F, soit 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - met à la charge de la société A les dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avoué de la société T.