CA Douai, 6e ch. corr., 14 mai 1996, n° 95-01168
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Saint-Maclou, Union fédérale des consommateurs Que choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouly de Lesdain
Conseillers :
M. Lambert, Mme Lefebvre
Avocats :
Mes Prouvost, Lammens, Masurel, Drancourt.
Par jugement en date du 20 janvier 1995 le Tribunal correctionnel de Lille a condamné Léon S à 100 000 F d'amende pour publicité de nature à induire en erreur, fait commis courant 1993, a déclaré la société X civilement responsable ; sur l'action civile, le tribunal a reçu la SA Saint-Maclou en sa constitution, a ordonné une expertise, a condamné Léon S et la société X à lui payer la somme de 100 000 F à titre de provision et celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, recevant l'Union fédérale des consommateurs Que choisir, a condamné Léon S à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts, le tribunal a déclaré irrecevables en leur constitution les salariés de l'entreprise Saint-Maclou ;
Cette décision a été régulièrement frappée d'appel sur les dispositions civiles et pénales par le prévenu et le civilement responsable, la société X, le 27 janvier 1995 sur ses dispositions civiles, par la partie civile la société Saint-Maclou, le 2 février 1995 et par la partie civile l'Union fédérale des consommateurs Que choisir, le 3 février 1995, enfin sur ses dispositions pénales par le Ministère Public le 6 février 1995.
Le prévenu comparait personnellement devant la cour, assisté de son conseil qui représente également le civilement responsable.
Les parties civiles la SA Saint-Maclou et l'Union fédérale des consommateurs Que choisir sont représentées par leurs conseils respectifs ;
Au cours du mois de juin 1993, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont effectué des contrôles sur les prix de moquettes et revêtements de sol vendus soit avec la pose gratuite - à certaines conditions - soit avec la pose payante, dans les magasins à l'enseigne Y du département du Nord exploités par la société X - dont Léon S était le président du conseil d'administration, et devenue depuis le 30 décembre 1993 la SNC Z ;
Des relevés de prix sur certains articles ont été effectués dans les magasins ayant la même enseigne de Toulouse, Saint Etienne, Champagne du Mont d'Or et Evreux, le 15 juillet 1993 et de Nanterre le 3 septembre 1993.
Sur l'action pénale :
Il est fait grief au prévenu en sa qualité de président du conseil d'administration de la SA X d'avoir offert au client un avantage illusoire, Y appliquant globalement des coefficients multiplicateurs plus élevés sur les articles proposés en pose gratuite que sur ceux en pose payante et intégrant en fait le coût de ce service dans le prix de vente ;
Le prévenu qui formule divers griefs sur la façon dont a été établi ce relevé des prix, reconnaît que le service " gratuit " est pris en compte pour le calcul du prix de vente, conclut à sa relaxe, le consommateur n'ayant pas été trompé sur la prestation qui était promise et fournie ;
Il résulte du dossier que la pose gratuite était proposée dans les différents points de vente sur certains produits signalés et à certaines conditions (surface, pièce vide, dans un certain rayon du point de vente) que chaque directeur de magasin était libre d'offrir tel ou tel modèle voire telle ou telle nuance d'un modèle et de fixer les prix des produits ; enfin qu'à une exception près - sur les modèles contrôlés - les articles vendus avec la pose gratuite étaient tous de qualité supérieure et en général plus frayeux.
Il est constant que pour des motifs que l'Administration a longuement développé dans son procès verbal le contrôle n'a porté que sur 206 références de produits et 851 relevés de prix et que sur certains points de vente il existait par ailleurs des opérations de promotion lors du contrôle.
Comme le fait plaider Léon S, il n'est pas possible d'affirmer que l'échantillon est représentatif de l'ensemble des produits offerts à la clientèle et que le même écart de coefficient multiplicateur se retrouverait sur l'ensemble des articles, s'ils avaient tous fait l'objet du même examen. Au demeurant le prévenu verse la consultation d'un expert judiciaire qui démontrerait le contraire.
Cela étant, dès lors que le système économique repose sur un système de libre fixation des prix, qu'il n'a nullement été recherché, si dans chaque magasin il n'y avait pas eu de majoration préalable à l'opération promotionnelle que le service offert est défini précisément et que le client y a droit dès lors qu'il remplit les conditions spécifiées, le droit pénal étant d'interprétation stricte, aucun élément faux ou de nature à induire en erreur ne peut être relevé dans la publicité litigieuse.
Il s'en suit que le jugement doit être infirmé et le prévenu relaxé des fins de la poursuite ;
Sur l'action civile :
En raison de la relaxe intervenue la SA Saint-Maclou et l'Union fédérale des consommateurs Que choisir, recevables en leurs constitutions doivent être déboutées de l'ensemble de leurs demandes ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Statuant dans les limites de l'appel, Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Relaxe Léon S des fins de la poursuite sans frais ni dépens, Déboute la SA Saint-Maclou et l'Union fédérale des consommateurs Que choisir de leurs demandes.