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Décisions

CA Lyon, 1re ch., 13 juin 1991, n° 593-91

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Le Mylord (SARL), Guerin, Vinerta de Coza

Défendeur :

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge

Conseillers :

MM. Roux, Jacquet

Avoués :

Mes Barriquand, Guilhem

Avocats :

Mes Fourgoux, Coulaud, Carmet.

TGI Lyon, prés., du 11 janv. 1991

11 janvier 1991

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 23 novembre 1990, la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, dite SACEM, société civile à capital variable, a assigné en référé la société à responsabilité limitée Le Mylord qui exploite une salle de discothèque à Lyon, ainsi que Madame Paule Guérin et Monsieur Miguel Vinerta de Coza pour obtenir à titre provisionnel :

- en exécution d'un contrat général de représentation du 24 août 1984, la condamnation de la société Le Mylord au paiement de 69 442,70 F, dont 6 482,40 F d'indemnité contractuelle, pour la période du 1er octobre 1988 au 31 août 1989 ;

- sur le fondement de la contrefaçon, pour la période postérieure à la dénonciation du contrat intervenue le 1er septembre 1989, la condamnation in solidum de la société Le Mylord, de Madame Guérin et de Monsieur Vinerta de Coza au paiement de 42 771,05 F.

Les défendeurs ont invoqué l'incompétence du juge des référés en raison de contestations sérieuses tenant aux pratiques discriminatoires de la SACEM dans la détermination des conditions financières à l'égard des différents utilisateurs et à un abus de position dominante en violation de l'article 86 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne.

Par ordonnance du 11 janvier 1991, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lyon a :

- condamné la société Le Mylord à payer à la SACEM une provision correspondant au taux de 5,49 % appliqué sur les recettes hors TVA réalisées d'octobre 1988 à août 1989 ;

- condamné la société Le Mylord, Madame Guérin et Monsieur Vinerta de Coza in solidum à payer à la SACEM une provision correspondant au taux de 5,49 % appliqué sur les recettes hors TVA réalisées du 1er septembre au 31 décembre 1989 ;

- dit que l'apurement des comptes entre les parties ainsi que la demande d'indemnité contractuelle au titre du retard de paiement relevaient de la compétence du juge du fond ;

- condamné la société Le Mylord, Madame Guérin et Monsieur Vinerta de Coza in solidum à payer à la SACEM 2 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelants, la société Le Mylord, Madame Guérin et Monsieur Vinerta de Coza concluent à l'incompétence de la juridiction des référés en soutenant que l'existence de l'obligation de paiement est sérieusement contestable tant au sens de l'article 809 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile qu'à celui de l'article 5-1 du Code de procédure pénale. Ils reprennent les moyens déjà développés en première instance tenant aux pratiques discriminatoires et à l'abus de position dominante. A titre subsidiaire, ils demandent successivement que deux questions préjudicielles soient posées à la Cour de justice des Communautés européennes, qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la Commission des Communautés européennes et le Conseil de la concurrence aient terminé leurs investigations, qu'il soit fait injonction à la SACEM d'entamer des négociations, qu'il leur soit donné acte de leur offre de verser provisionnellement à la SACEM l'équivalent de 1,65 % de leur chiffre d'affaires. Ils réclament 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SACEM conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a admis le principe du droit à provision et forme appel incident pour obtenir 69 442 F au titre de la période contractuelle et 42 771,05 F au titre de l'usage illicite du répertoire. Elle réclame 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que la cour statuant en référé n'a pas compétence pour apprécier, au regard de l'article 86 du traité du 25 juillet 1957 instituant la Communauté économique européenne, la validité du contrat de représentation souscrit par la société Le Mylord et du taux stipulé de redevance;

Qu'il lui appartient seulement de constater l'existence de dispositions contractuelles dont l'illicéité n'est pas manifeste ;

Que, dès lors, l'obligation de la société Le Mylord de régler les redevances sur la base contractuelle de 8,25 % n'est pas sérieusement contestable au sens de l'article 809 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;

Que la demande relative à l'indemnité contractuelle au titre du retard de paiement relève de l'appréciation de la juridiction du fond ;

Qu'il s'ensuit que la société Le Mylord doit être condamnée à payer à la SACEM une provision de 62 960,30 F ;

Attendu que, pour la période postérieure au 1er octobre 1989, la société Le Mylord, Madame Guérin et Monsieur Vinerta de Coza, qui ont diffusé de la musique de façon illicite, ont engagé leur responsabilité sur un fondement délictuel exclusif de toute discussion ayant trait à la validité du contrat et du taux stipulé ;

Que leur obligation d'indemnisation n'est donc pas sérieusement contestable ;

Que la provision mise à leur charge ne peut être inférieure à la somme de 42 771,05 F qui correspond à ce que la société Le Mylord aurait dû acquitter si le contrat de représentation était demeuré en vigueur ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu, en l'état de ce qui précède, d'examiner les prétentions subsidiaires des appelants ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser la SACEM supporter l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer en appel ;

Par ces motifs,

Réforme l'ordonnance sur le montant des provisions allouées ; Condamne la société Le Mylord à payer à la SACEM la somme de 62 960,30 F au titre des redevances contractuelles ; Condamne in solidum la société Le Mylord, Madame Guérin et Monsieur Vinerta de Coza à payer à la SACEM la somme de 42 771,05 F au titre de l'usage illicite du répertoire ; Confirme l'ordonnance pour le surplus ; Condamne in solidum la société Le Mylord, Madame Guérin et Monsieur Vinerta de Coza à payer à la SACEM la somme de 3 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Les condamne in solidum aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Guilhem, avoué.