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Décisions

CA Agen, ch. corr., 23 mai 1996, n° 95-00465

AGEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louiset (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Bastier, Latève

Avocats :

Mes Lhez, Morant.

TGI Auch., ch.. corr., du 10 août 1995

10 août 1995

Rappel de la procédure

Le jugement :

Le tribunal, par jugement du Tribunal de grande instance d'Auch en date du 10 août 1995 a déclaré

L Christine Josette Violette épouse J

coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis courant 1993 à 1994, à (localité)(32), infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par mes articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation.

Et par application de ces articles, a condamné L Christine Josette Violette à une amende de 8 000 F

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Mme L, le 21 août 1995

M. le Procureur de la République, le 21 août 1995 contre Mme L Christine Josette Violette.

Faits de la procédure :

Vu ensemble les appels relevés le 21 août 1995 par Maître Morant, agissant au nom et pour le compte de Christine L épouse J et le Ministère public, à l'encontre du jugement en date du 10 août 1995 du Tribunal correctionnel d'Auch ayant condamné la prévenue à 8 000 F d'amende du chef de publicité mensongère.

Ces appels, réguliers en la forme et interjetés dans le délai de la loi, doivent être déclarés recevables. La prévenue, régulièrement citée, comparait, assistée de Maître Lhez.

Renseignements :

Mme L est agricultrice et gérante de la SARL " La Ferme X ". Elle est mariée et a une fille de 9 ans. Elle fait l'objet de bons renseignements. Elle perçoit 5 000 F comme gérante de son entreprise artisanale employant 3 salariés et son conjoint perçoit un revenu de 6 500 F par mois.

Faits :

Depuis 1986, l'attention de Mme L avait été attirée par les services de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du Gers sur l'utilisation du mot ferme comme origine pour des produits commerciaux et, d'après les services de la DGCCRF, la prévenue a organisé sa fraude avec une parfaite mauvaise foi en se créant des justificatifs, sans chercher pour autant à se plier aux règles simples qui protègent les consommateurs lorsqu'il s'agit de produits fermiers.

En effet, mademoiselle L a commencé à exploiter une portion de ferme de ses parents au lieu dit Y au début des années 1980 et a créé une entreprise artisanale de conserves sous la dénomination " Les X ". Lorsqu'il lui a été reproché l'appellation abusive de " Ferme X " elle a obtenu de changer le nom du lieu dit de Y, en X en 1986, d'où le nom de sa ferme en " Ferme X " alors que sa conserverie se trouve sur le lieu dit Z et qu'elle a créé la SARL " Ferme X " postérieurement à la première demande de la DGCCRF du Gers et justifie maintenant de la poursuite de l'utilisation du terme de ferme par le nom de sa SARL qui doit figurer sur tous les documents. Or, elle fait appel en 1993 et 1994, période visée par la prévention à un pourcentage trop élevé de produits étrangers, dont elle n'assure ni le suivi ni le contrôle de la fabrication et vend ainsi des produits commerciaux ordinaires sous couvert de vendre des produits fermiers, par essence artisanaux et issus de méthodes traditionnelles.

Moyens des parties :

Christine L conteste vigoureusement l'infraction. Elle indique pouvoir utiliser le nom du lieu dit comme dénomination de son entreprise et devoir figurer sur les différents documents la raison sociale de son entreprise. Elle reste agricultrice. La conserverie à la ferme répond aux normes françaises.

Elle produit elle-même une partie des canards pour leurs foies et sinon s'adresse à d'autres fermiers qui produisent dans des conditions habituelles pour une exploitation agricole. C'est notamment le cas de Mme F, qui gave et élève exclusivement pour elle-même. Les animaux prêts à gaver proviennent de la coopérative d'approvisionnement et ces achats ne peuvent lui être reprochés alors que la qualité du produit fini provient du gavage.

Les produits alimentaires d'adjonction, notamment le porc et les manchons ainsi que le cassoulet, proviennent d'achats. Mais les services de la DGCCRF ont mal évalué la proportion de ces produits qui ne représentent que 10 % de la production vendue notamment par le fait qu'en 1993, 272 kilogrammes de porc ont été achetés pour le mariage de la prévenue et doivent être retirés des comptes.

Elle sollicite donc sa relaxe.

Le Ministère public estime les faits graves par le refus de Christine L de se plier aux règles en matière de protection du consommateur et requiert en conséquence une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 F d'amende et la publication du jugement à intervenir.

Sur ce,

Attendu que Christine L commercialise des produits sur place à l'occasion de visites organisées ou du passage de touristes et par voie postale par suite de l'envoi de catalogues et de publicités commerciales ; que si les poursuites indiquent que son exploitation constitue une ferme-auberge et que l'exploitation de Christine L ne répond peut être pas à cette qualification au sens touristique du terme, Christine L offre la possibilité de prendre des petits déjeuners à la ferme, des week-ends foie gras et des dégustations, d'où la possibilité d'utiliser cette appellation de ferme-auberge au niveau du contrôle sanitaire et de la qualité des produits, dès lors que des produits alimentaires peuvent être consommés sur place ; que le terme de petit déjeuner ne peut recouvrir seul un copieux casse-croûte arrosé de vin ;

Attendu que malgré les dénégations de Christine L, il résulte des investigations des inspecteurs de la DGCCRF du Gers que durant l'année écoulée entre le 7 août 1993 et le 9 août 1994, la SARL " Ferme X " a acheté 1 555 kilogrammes de porc à la SA Sogedo, société d'abattage dont les produits ne peuvent prétendre au label fermier, 937 kilogrammes de manchons de canards auprès de la SARL Muller ainsi que des manchons et des cuisses de canard auprès de la SCA Gersica et 161 kilogrammes de gésiers auprès de la SA Gercaugel, produits ne pouvant bénéficier de l'appellation fermier ;

Attendu que la SARL " Ferme X " a également acheté des paletots de canards, des magrets, des cuisses et des foies à différents éleveurs ; que sauf pour Mme F, dont la production artisanale est intégralement livrée à l'entreprise de Christine L celle-ci ne contrôle pas soit qualitativement soit par des stipulations contractuelles le caractère fermier et artisanal de ces productions ;qu'en effet le caractère fermier d'une production implique que tous les stades de la méthode de production soient intégrés sur la ferme, quelle que soit la forme juridique de l'exploitation et correspondant à des méthodes traditionnelles ;qu'il ne peut être toléré un élargissement de la production que lorsque l'entreprise conserverait un contrôle direct sur la qualité des produits, leur caractère fermier et la méthode traditionnelle de leur production ;

Que tel n'est pas le cas en l'espèce où Christine L ne justifie pas de l'existence d'un lien juridique constant entre la SARL " Ferme X " et les fournisseurs et des contrôles effectués chez ces derniers ;

Attendu qu'il existe des porcs élevés selon les méthodes traditionnelles et à la ferme, mais que les achats facturés par Christine L à diverses sociétés tant pour le porc que pour les canards ne garantissent nullement les origines et le mode d'élevage ; que dès lors pour de nombreux produits vendus par la SARL " Ferme X " comme les pâtés, gésiers, rillettes et cassoulets, les produits s'y trouvant sont de qualité commerciale courante ;que dès lors le consommateur au vu du tarif et des dépliants publicitaires peut soit croire acheter un produit de qualité supérieure soit payer plus cher un produit équivalent à un produit courant ;

Attendu qu'il n'y a pas de proportion précise à respecter mais tout au plus une tolérance possible pour certains composants en faible quantité ou qui proviendraient manifestement d'autres origines et ne pourraient entraîner de confusion pour le consommateur comme par exemple pour l'addition d'épices, d'aromates ou d'alcools ;que si la prévenue fait valoir qu'elle aurait fait des achats importants pour son propre mariage et conteste la proportion de plus de 50 % de produits étrangers relevée par les inspecteurs de la DGCCRF, la Cour constate que l'importance des achats effectués n'ayant pas le caractère de proximité de produits fermiers reste considérable et que la prévenue ne peut se targuer dans le cadre de sa production de la qualité de produit fermier ou faire usage du terme fermier en raison de cette proportion importante ;

Attendu que les dépliants publicitaires utilisés en 1993 et 1994 étaient de nature à induire le consommateur en erreur ;que sur le dépliant en couleur figure en gros caractères le titre " La ferme X " puis foie gras et spécialité gersoise ; qu'un paragraphe précise " Nous vous invitons à venir visiter La ferme X où nous avons voulu respecter la tradition " et qu'ensuite il est indiqué " vous pourrez mettre sur votre table les saveurs d'autrefois, fruit de notre travail et passion, héritage de nos aïeux et souvenirs de vos vacances " ; que la mention de la SARL " X " est inscrite au bas du dépliant en petits caractères ; que de même sur le tarif ou sur les publicités en bordure de route l'accent est mis sur le terme Ferme et le terme SARL est en petits caractères ; qu'il y a là une volonté délibérée d'induire le consommateur en erreur ;que cette volonté délictuelle est caractérisée par l'opposition manifestée à toutes les mises en demeure de la DGCCRF ;

Attendu qu'en des énonciations suffisantes et des motifs pertinents le premier juge a exactement exposé et qualifié des faits de la cause et a donc déclaré Christine L coupable de l'infraction visée à la prévention ;

Attendu que la cour constate que le premier juge a fait aux circonstances de la cause et à la personnalité de la prévenue une appréciation trop bienveillante de la loi pénale ; que toutefois, en l'absence de condamnation antérieure, la peine d'emprisonnement requise par le Ministère public apparaît trop sévère en l'absence de tromperie sur la qualité du produit vendu ou de publicité mensongère sur le foie gras, production principale de l'entreprise SARL " Ferme X ", alors qu'il s'agit de publicité de nature à induire le consommateur en erreur sur l'origine du produit ; que dès lors, la peine d'amende sera augmentée et portée à 20 000 F ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la publication, dans les journaux " Le Sud Ouest ", et " la Dépêche du Midi " ainsi que dans la revue " 60 millions de consommateurs ", de l'extrait d'arrêt suivant pour un coût n'excédant pas 5 000 F par publication : " Par arrêt en date du 9 mai 1996, Christine L a été condamnée à la peine de 20 000 F d'amende pour avoir utilisé indûment le terme de " Ferme " dans l'expression " Ferme... " expression de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine fermière des produits vendus ou consommés sur place dans son exploitation " ;

Qu'ainsi le jugement déféré doit être réformé sur l'application de la peine ;

Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, En la forme, reçoit en leurs appels Christine L et le Ministère public, Au fond, confirme le jugement entrepris sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité mais le réformant sur l'application de la peine et, statuant à nouveau, et y ajoutant, condamne L à la peine de 20 000 F d'amende, Ordonne la publication dans les journaux Le Sud Ouest, La Dépêche du Midi et dans la revue " 60 millions de consommateurs " de l'extrait d'arrêt suivant pour un coût n'excédant pas 5 000 F par publication : " Par arrêt an date du 9 mai 1996, L a été condamnée à la peine de 20 000 F d'amende pour avoir à ... (32) courant 1993 à 1994 commis le délit de publicité mensongère en utilisant le terme de " Ferme " dans l'expression " Ferme... ", expression de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine fermière de produits vendus ou consommés sur place dans son exploitation ". Le tout par application des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 et 131 et suivants, 131-10, 131-26 du Code de procédure pénale.