Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 30 mai 1996, n° 96-01207

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France, Debèze, Fédération nationale des parfumeurs détaillants

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Conseillers :

Mmes Magnet, Marie

Avocats :

Me Fourgoux, Verniau

TGI Bobigny, 16e ch., du 14 déc. 1995

14 décembre 1995

Rappel de la procédure :

Le jugement :

F Marcel a été poursuivi devant le tribunal pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant 1992 aux Lilas et Montreuil, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation,

Le tribunal l'a relaxé pour les faits de publicité mensongère commis à Montreuil courant 1992,

L'a déclaré coupable du surplus et l'a condamné à 20 000 F d'amende ;

A assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F ;

Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de confusion de peine avec celle prononcée par le Tribunal correctionnel de Bobigny le 29 mai 1994 ;

Sur l'action civile le tribunal a reçu la Fédération nationale des parfumeurs détaillants, la Chambre syndicale des parfumeurs de Paris Ile-de-France, Jean-Robert Debèze en sa constitution de partie civile et a condamné Marcel F et la société " Y " à payer :

- à la Fédération nationale des parfumeurs détaillants la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

- à la Chambre syndicale des parfumeurs de Paris Ile-de-France la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Le tribunal a mis hors de cause la société " X ".

Le tribunal a débouté Jean-Robert Debèze de ses demandes.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. F Marcel, le 20 décembre 1995, sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 20 décembre 1995 contre M. F Marcel,

La Fédération nationale des parfumeurs détaillants, le 21 décembre 1995 contre X (société), Y (société), M. F Marcel.

M. Debèze Jean-Robert, le 21 décembre 1995 contre X (société), Y (société), M. F Marcel,

La Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France (syndicat pro), le 21 décembre 1995 contre X (société), Y (société), M. F Marcel.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu Marcel F (lequel a fait porter son recours sur les dispositions pénales et civiles de la décision), le Ministère public, M. Jean-Robert Debèze, la Fédération nationale des parfumeurs détaillants et la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France, parties civiles, à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention ;

Assisté de son conseil, Marcel F demande à la cour, par voie de conclusions de :

" annuler le jugement (le tribunal ayant entendu le représentant des fraudes sans qu'il ait prêté serment),

Subsidiairement au fond,

Sur l'action publique,

Infirmer le jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny du 14 décembre 1995 en ce qu'il a reconnu coupable Marcel F d'infraction aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et en ce qu'il a condamné au paiement d'une amende de 20 000 F,

Relaxer Marcel F sans peine ni dépens,

Sur l'action civile,

Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la CSPD et de la FNPD et condamné Marcel F au paiement de 10 000 F et de 30 000 F à titre de dommages-intérêts,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Debèze. "

Il fait principalement valoir qu'il fait porter sa réduction sur le prix conseillé par les fabricants ou à défaut sur les prix résultant d'un coefficient multiplicateur de 1,96 appliqué aux tarifs hors taxes des fournisseurs que pratique aussi la concurrence et dont est informé le consommateur par " la presse féminine, la presse grand public et la presse consumériste " ;

Assisté de son conseil, Jean-Robert Debèze, partie civile, demande à la cour, par voie de conclusions, de :

- " sur l'action publique,

Réformer le jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny du 14 décembre 1995 en ce qu'il a relaxé Marcel F pour les faits commis à Montreuil en 1993,

Confirmer pour le surplus,

Dire que la pratique généralisée et permanente des annonces de rabais de M. F est constitutive de publicité mensongère à l'égard des consommateurs et de concurrence déloyale à l'égard des autres distributeurs et notamment M. Debèze,

- " sur l'action civile,

Recevoir M. Debèze en sa constitution de partie civile,

Déclarer celui-ci bien fondé et condamner M. F et la SA X et Y solidairement responsables, à (lui) payer à titre de dommages-intérêts la somme de 1 794 000 F,

Condamner les mêmes à lui payer chacun la somme de 20 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ainsi qu'en tous les dépens. "

Il fait notamment valoir que les annonces de rabais pratiquées par les parfumeries dont M. F est le gérant sont renouvelées de mois en mois et qu'en conséquence, le prix de référence servant de base à l'application de la remise n'est jamais pratiqué à l'égard d'un quelconque consommateur et qu'il s'agit en réalité de faux rabais qui incitent les consommateurs à effectuer leurs achats dans ses points de vente en leur faisant miroiter le bénéfice d'une opération ponctuelle limitée dans le temps.

Représentées par leur conseil, la Fédération nationale des parfumeurs détaillants (FNPD) et la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France (CSPD Paris Ile-de-France), parties civiles, demandent à la cour, par voie de conclusions, de :

" Sur l'action publique :

Dire et juger que M. F s'est rendu coupable de violation caractérisée de l'arrêté 77-105 P du 2 septembre 1977 par des pratiques permanentes d'annonces de rabais,

Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny sur la relaxe prononcée quant aux faits commis à Montreuil en 1993,

Condamner en conséquence M. F aux sanctions prévues par la loi.

Sur l'action civile,

Recevoir la CSPD de Paris Ile-de-France et la FNPD en leur constitution de partie civile,

Déclarer celle-ci bien fondée et condamner M. F et la SARL Y et la société X, solidairement responsables, à payer à chacune d'elles à titre de dommages-intérêts la somme de 150 000 F.

Condamner les mêmes à payer à chacune des concluantes, la somme de 15 000 F chacune au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ainsi qu'en tous les dépens. "

Elles font principalement valoir que les pratiques de faux rabais par les parfumeries exploitées par M. F sont manifestement de nature à induire en erreur le consommateur ; en l'espèce, il s'agit même d'une fausse publicité puisque le prix de base ou de référence sur lequel est appliqué le coefficient de réduction n'est jamais pratiqué à l'égard de quelque consommateur que ce soit ; qu'au surplus, les pratiques de " discount " permanent portent gravement atteinte à l'ensemble des centres professionnels du marché, qui, pour leur part, respectent la réglementation applicable.

Les faits :

Par procès-verbal du 11 août 1993, deux agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Seine-Saint-Denis ont constaté, lors d'un contrôle effectué, le 30 décembre 1992 à 10 heures à la parfumerie à l'enseigne Y, sise <adresse>exploitée par la SARL " Y " dont Marcel F est le gérant, la présence, sur la vitrine extérieure du magasin d'une pancarte publicitaire sur laquelle figuraient les mentions :

" - 30 % sur la parfumerie à partir de 75 F d'achats jusqu'à fin décembre "

et également la présence d'un panneau chevalet sur le trottoir devant la boutique comportant les mentions suivantes :

" - 40 % sur les coffrets de Noël jusqu'au 31 décembre "

Le 12 février 1993 à 11 heures, la même administration a procédé à Montreuil sous Bois 93 à un même contrôle à la parfumerie à l'enseigne " X " sise <adresse>, exploitée par la SARL X dont le gérant est également Marcel F, au cours duquel, sur la vitrine extérieure du magasin a été relevée l'allégation publicitaire suivante :

" - 30 % à la caisse sur parfums et eaux de toilette à partir de 100 F d'achats jusqu'à fin février "

et la présence à l'intérieur du magasin de prospectus publicitaires de même nature tenus à la disposition de la clientèle.

Les enquêteurs relevaient les prix étiquetés sur 20 articles de références distinctes à la parfumerie des Lilas et sur 43 articles à la parfumerie de Montreuil.

Les remises annoncées étaient effectuées par escompte de caisse sur la base des prix étiquetés sur les produits.

M. F à qui il a été demandé de justifier que les prix indiqués sur chaque article étaient réellement pratiqués, a déclaré que, pour l'ensemble des références relevées, lorsqu'il n'existait pas de prix conseillés par les fabricants, il déterminait les prix marqués par application d'un coefficient multiplicateur de 1,96 sur les prix de gros, hors taxes, figurant sur les tarifs de vente des fournisseurs.

L'enquête diligentée par la DGCCRF a révélé que pour aucun article, la remise ne portait sur le prix de référence visé par l'arrêté ministériel n° 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, prix de référence défini par son article 3 comme étant le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article en une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédent le début de la publicité.

Discussion de l'action publique :

I- Sur la nullité du jugement invoquée par le prévenu :

S'agissant de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur l'acheteur sur le prix et conditions de vente des produits objet de ladite publicité le Ministère de l'Economie ou son représentant (en l'espèce ici un fonctionnaire des services des fraudes) est habilité, devant les juridictions civiles ou pénales, à déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience. Il peut également produire les procès-verbaux et les rapports d'enquête (article 56,2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 repris par l'article L. 141-1 du Code de la consommation).

Qu'il n'est pas exigé que ce fonctionnaire, partie intervenante, doive prêter serment préalablement s'il est entendu par le tribunal ;

Qu'en conséquence, l'exception de nullité du jugement par une prestation de serment ne peut prospérer.

II- Sur l'action publique :

Considérant que la prévention n'ayant visé que des faits s'étant déroulés courant 1992, c'est à juste titre que le tribunal est entré en voie de relaxe pour les faits qu'il est reproché au prévenu d'avoir commis à Montreuil-sous-Bois, suite au contrôle effectué par la DGCCRF en 1993.

Considérant en ce qui concerne les faits commis aux Lilas, il ressort du procès-verbal de délit et de la déclaration même de la responsable du magasin que les prix de référence n'ont jamais été effectivement pratiqués dans son établissement et que ceux annoncés résultent uniquement d'un calcul arbitraire consistant à multiplier le prix d'achat, censé être le prix " conseillé " par un coefficient de 1,96 ;

Que, contrairement à ce que soutient le prévenu, le consommateur n'a accès ni directement, ni facilement au prix exact des produits et qu'il ne suffit pas comme l'a très justement relevé le tribunal, à cet égard, que le consommateur fasse malgré tout un achat avantageux, il faut encore qu'il puisse connaître le degré exact de l'avantage pour pouvoir faire des comparaisons utiles.

Considérant que les faits reprochés à Marcel F sont caractériséset qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué tant sur la déclaration de culpabilité de celui-ci que sur la peine prononcée à son encontre, laquelle est équitable.

Qu'il convient compte tenu de l'ancienneté des faits de dispenser le prévenu de la mesure de publication dans la presse.

III- Sur l'action civile :

Considérant comme l'a très justement relevé le tribunal que M. Debèze, partie civile, n'établit pas avoir subi un préjudice du fait de l'infraction commise par Marcel F, eu égard à la relaxe qui sera prononcée et doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes, par les motifs pertinents exposés par les premiers juges et que la cour adopte.

Considérant que la cour confirmera la décision dont appel, en ce qu'elle a déclaré hors de cause la société " X " et en ce qu'elle a déclaré la société Y civilement responsable de Marcel F.

Considérant que les faits dont le prévenu s'est rendu coupable sont d'une part, trompeurs vis-à-vis des consommateurs qui sont dans l'ignorance des prix pratiqués réellement et d'autre part, outre l'impact négatif sur la concurrence, altérant l'image de marque des produits concernés et portant atteinte directement à l'intérêt collectif des parfumeurs détaillants, unis par des liens de distribution sélective.

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour la FNPD et la CSPD de Paris Ile-de-France, parties civiles, des agissements répréhensibles retenus à la charge du prévenu ;qu'il y a lieu, dans ces conditions, de confirmer purement et simplement, sur ce point, le jugement attaqué.

Considérant qu'il convient de confirmer également la décision entreprise sur les frais irrépétibles alloués aux deux parties civiles précitées et y ajoutant de condamner le prévenu et le civilement responsable à payer à chacune des deux parties civiles, la somme supplémentaire de 3 000 F au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels de toutes les parties et du Ministère public, Dit n'y avoir lieu à déclarer nul le jugement attaqué, Rejette les conclusions de relaxe de Marcel F, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales, Dispense Marcel F de toute mesure de publication dans la presse, Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Jean-Robert Debèze, partie civile, de l'ensemble de ses demandes et a mis hors de cause comme civilement responsable de Marcel F, la société X, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré la société " Y " civilement responsable de Marcel F, Confirme la décision entreprise sur les intérêts civils concernant la Fédération nationale des parfumeurs détaillants et la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France, parties civiles et y ajoutant condamne Marcel F et la société Y solidairement à leur payer à chacune la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause, tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette. Le tout par application des articles 44-I de la loi du 27 décembre 1973 repris par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, 132-21 du Code pénal, 512 et suivants du Code de procédure pénale, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.