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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 26 juin 1996, n° 96-02039

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Conseillers :

Mmes Magnet, Marie

Avocat :

Me Lupasco Massot.

TGI Créteil, 11e ch., du 4 janv. 1996

4 janvier 1996

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré G Charles,

Coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, pour avoir, courant février 1994, à Paris et à Charenton-le-Pont, effectué une publicité mensongère en utilisant le qualificatif "Fermier" de telle façon que le consommateur puisse penser que le jambon en cause est fabriqué à la ferme et selon des méthodes traditionnelles,

Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation,

L'a dispensé de peine

A dit que cette décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 12 janvier 1996 contre M. G Charles,

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur le seul appel du Ministère public interjeté à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention;

Le prévenu, assisté de son conseil, soulève par voie de conclusion la nullité de l'acte d'appel, la qualité de représentant du Ministère public du signataire ne figurant pas sur le document.

Il souligne qu'il a été induit en erreur sur l'identité de l'appelant et que par suite il a renoncé à interjeter appel.

A titre subsidiaire, M. G demande la confirmation du jugement déféré.

Rappel des faits:

Les 17 et 18 février 1994, des enquêteurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes constataient que les affiches placardées rue de Bercy, quai de la Rapée et à la sortie du périphérique Porte d'Italie, à l'initiative de la société X, faisaient apparaître les mentions "Y fermier - Entre nous c'est X" au-dessus de la représentation de tranches de jambon.

Dans un macaron situé à côté du mot "fermier" étaient inscrites les mentions "jambon issu de porc fermier - élevage en plein air - nourriture traditionnelle aux grains et aux céréales".

Les enquêteurs estimaient que cette publicité était de nature à induire en erreur le consommateur qui pouvait penser que le produit présenté était fabriqué à la ferme alors qu'il s'agit d'une marchandise élaborée à partir de jambons fabriqués en usine à partir d'une viande de porcs élevés dans une ferme.

Ils soulignaient que les pouvoirs publics tiennent à prévenir les références abusives au terme "fermier"; qu'ainsi selon la doctrine et la jurisprudence, un produit ne peut être qualifié de fermier que si trois conditions sont réunies: il doit s'agir de produits fabriqués par un producteur agricole sur le lieu de son exploitation, avec des ingrédients qui proviennent de la ferme et selon des modes de fabrication non industriels.

Sur ce,

Sur la nullité de l'acte d'appel:

Considérant que le nom du substitut du Procureur de la République figure sur l'acte;

Que le prévenu ne pouvait ignorer que les seules parties au procès étaient le Ministère public et lui-même; qu'en effet, il n'y avait ni co-prévenu ni partie civile; que seul le Ministère public était en l'espèce susceptible d'interjeter appel;

Que l'absence de la mention de la qualité de l'appelant ne pouvait donc dans ces conditions nuire aux intérêts du prévenu;

Que ce moyen doit donc être rejeté;

Sur le fond:

Considérant que M. Charles G est poursuivi sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation qui interdisent toute forme de publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après: existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèces, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de ventes de biens ou services qui font l'objet de la publicité;

Considérant qu'est de nature à induire en erreur une publicité conçue pour amener le client éventuel à penser qu'il se trouve en présence d'un produit provenant d'une certaine origine;

Considérant que l'usage de la dénomination "fermier" se répand pour désigner des produits élaborés par les agriculteurs au sein même d'une ferme;

Que toutefois, le consommateur moyen sait que les produits X sont des produits fabriqués industriellement;

Qu'il ne pouvait donc se tromper sur la portée du mot "fermier" figurant sur les affiches litigieuses, la mention "issu de porc fermier" précisant suffisamment que c'était la matière première et non le jambon qui était ainsi qualifié;

Que c'est donc à tort que le tribunal a retenu M. Charles G dans les liens de la prévention;

Qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de relaxer le prévenu des fins de la poursuite;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant sur l'appel du Ministère public, Rejette l'exception de nullité de l'acte d'appel, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales. Relaxe M. Charles G des fins de la poursuite. Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause, tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette. Laisse les dépens à la charge du Trésor Public. Le tout en application des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.