CA Grenoble, ch. corr., 27 septembre 1996, n° 1243-95
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
CDO des chirugiens-dentistes de l'Isère, Syndicat des chirurgiens-dentistes de l'Isère
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Haenel
Conseillers :
MM. Buet, Balmain
Avocats :
Mes Delsart, Prud'homme
LA COUR,
Par jugement contradictoire du 6 novembre 1996 le Tribunal correctionnel de Grenoble a notamment :
- déclaré Brigitte X épouse Y coupable de complicité de publicité de nature à induire en erreur,
- condamné celle-ci à 10 000 F d'amende,
- reçu les constitutions de partie civile du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère et du Syndicat des chirurgiens-dentistes de l'Isère et condamné Brigitte X épouse Y à payer à chacun d'eux un franc à titre de dommages et intérêts, 2 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et aux dépens des actions civiles.
Appel a été successivement relevé par Brigitte X épouse Y, le Procureur de la République, le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère et le Syndicat des chirurgiens-dentistes de l'Isère.
Brigitte X épouse Y demande la réformation du jugement par sa relaxe et le rejet des demandes des parties civiles, en reprenant les exceptions de procédure déjà soumises au premier juge, et subsidiairement en contestant l'existence de l'infraction pour ce qui la concerne.
Le Ministère public demande la confirmation du jugement.
Le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère et le Syndicat des chirurgiens-dentistes de l'Isère demandent la confirmation du jugement en son principe, et chacun 50 000 F de dommages et intérêts pour leurs préjudices respectifs, 20 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 15 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Sur la procédure :
Le premier juge a exactement répondu aux moyens de la prévenue sur ce point que l'infraction de publicité de nature à induire en erreur n'était pas destinée à protéger les seuls intérêts des consommateurs, mais aussi à maintenir une concurrence loyale entre professionnels.
Par ailleurs, la concurrence n'est pas limitée au secteur commercial de l'économie, mais concerne aussi les professions libérales.
En outre, la publicité dont s'agit était destinée à détourner la clientèle des chirurgiens-dentistes vers les deux prothésistes dentaires auteurs de la publicité incriminée dans le but pour eux de se livrer à l'exercice illégal de la profession de chirurgien dentiste, ainsi que cela a été définitivement jugé par cette cour pour ce qui les concerne. Et l'exercice illégal d'une profession réglementée est par définition un acte de concurrence déloyale.
Enfin le Ministère public a repris à son compte devant le tribunal l'action intentée par les parties civiles et a relevé appel de la décision pour ce qui le concerne. La cour est donc, quoi qu'il en soit, régulièrement saisie de l'action publique.
Sur l'action publique :
Il résulte des débats devant le premier juge et la cour et des pièces produites que les faits reprochés à Brigitte X épouse Y ont été exactement retenus, qualifiés et sanctionnés par le premier juge.
En effet, Brigitte X épouse Y, directrice de publication du journal périodique gratuit " Z " ne pouvait ignorer le caractère de nature à induire en erreur de cette publicité, d'une part à raison de son contenu même tel qu'analysé par le premier juge, d'autre part, par la publication judiciaire d'une précédente condamnation des mêmes annonceurs du chef d'exercice illégal de l'art dentaire et de publicité mensongère opérée dans le même " Z " alors qu'elle en était déjà directrice de publication, enfin parce que, de son propre aveu, elle a pris l'attache de son service juridique qui lui a exposé les risques encourus en continuant à accepter ces publicités.
Le jugement sera donc purement et simplement confirmé.
Sur les actions civiles :
Le premier juge a exactement apprécié le préjudice directement subi par les parties civiles ensuite de l'infraction commise par Brigitte X épouse Y.
La décision sera donc confirmée sur ce point.
L'exercice du droit d'appel ne saurait en lui-même être considéré comme abusif.
Il est équitable d'allouer à chacune des parties civiles la somme de 4 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais non payés par l'Etat et exposés par elles en appel.
Par ces motifs : LA COUR Reçoit les appels, Confirme le jugement en toutes ses dispositions critiquées, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts à la charge de la condamnée et Dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Rejette le surplus des demandes, Condamne Brigitte X épouse Y aux dépens de l'action civile, s'il en est, et à payer à chacun du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère et du Syndicat des chirurgiens-dentistes de l'Isère la somme de 4 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais non payés par l'Etat exposés en appel. Le tout par application des articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, 121-6 et 121-7 du Code pénal.