CA Paris, 1re ch. A, 3 août 1999, n° 1999-61204
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Paribas (SA)
Défendeur :
Société Générale (SA), BNP Banque National de Paris (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Albertini Mazières
Conseiller :
Mme Bonnan-Garcon
Avoués :
SCP Teytaud, SCP Hardouin-Herscovici, SCP d'Auriac Guizard
Avocats :
Mes Vassogne, Viguie, Servan Schreiber, Fauchoux, Beaussier, Jourde.
Autorisées à y procéder à jour fixe, La Société Générale et la société Paribas sont appelantes de l'ordonnance, rendue le 2 août 1999 par le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, qui, à la demande de la Banque Nationale de Paris (BNP),
- leur interdit dès le prononcé de poursuivre la diffusion d'une publicité parue dans divers organes de presse les 29 et 30 juillet 1999 et qui fait mention du différentiel des cours de bourse (- 13,1 %) entre le 9 mars et le 26 juillet 1999, et ce sous astreinte de dix millions de francs déboutant pour le surplus pour chaque insertion constatée par support média de quelque nature que ce soit;
- ordonne la publicité de la décision en noir et blanc aux mêmes emplacements que la publicité dorénavant interdite, dans Le Monde, Le Figaro, La Tribune, Les Echos, L'Agefi et L'Equipe, à l'initiative de la BNP sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 200 000 F, déboutant pour le surplus, les frais étant supportés solidairement par La Société Générale et la société Paribas ;
- déboute La Société Générale et la société Paribas de leur demande reconventionnelle ;
- donne à la BNP les actes requis.
Au soutien de son appel visant à la réformation de la décision déférée La Société Générale fait valoir que :
- en l'absence de trouble manifestement illicite le juge des référés était "incompétent" pour rendre l'ordonnance critiquée ;
- la publicité incriminée n'était ni déloyale ni dénigrante;
Elle prie en conséquence la Cour de débouter la BNP de l'intégralité de ses demandes et à titre reconventionnel de :
- faire interdiction à la BNP de diffuser et de poursuivre les campagnes de publicité par elle entreprises ;
- juger qu'en cas de violation de cette interdiction la BNP sera condamnée à verser à La Société Générale la somme de 10 millions d'euros pour chaque violation constatée;
- ordonner la publication de cette interdiction à venir aux mêmes emplacements que ceux incriminés dans le même format et aux mêmes emplacements que ceux incriminés dans dix supports de presse au choix de La Société Générale, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 200 000 euros;
- condamner la BNP à supporter les frais de l'intégralité de ces publications ;
- dire que les publicités irrégulières et déloyales diffusées par la BNP ont causé à La Société Générale et à Paribas un préjudice d'un montant de 150 000 000 F pour chaque et que la BNP doit réparer en leur versant des dommages et intérêts de ce montant ;
- condamner la BNP à verser 250 000 F à la Société Générale et 250 000 F à Paribas, au titre des frais non répétibles.
Au soutien de son appel visant à la réformation de la décision déférée, la société Paribas fait valoir que:
- la publicité incriminée ne peut être considérée comme manifestement illicite ;
- destinée à leurs propres actionnaires cette publicité ne peut être considérée comme un acte de concurrence déloyale;
- il n'est pas démontré qu'elle est dénigrante.
Elle estime, à titre subsidiaire, que si la publicité dénoncée devait être considérée comme dénigrante celle diffusée par la BNP le serait à fortiori.
La société Paribas demande à la Cour de rejeter l'ensemble des prétentions de la BNP, à titre subsidiaire et reconventionnel de :
- faire interdiction à la BNP, sous astreinte de 10 millions de F pour chaque insertion constatée, de poursuivre et de diffuser la campagne entreprise telle que présentée aux pièces n° 1, 2, 3, 4, 5, 6 ;
- ordonner la publication de la décision à intervenir en noir et blanc, aux mêmes emplacements que la publicité dorénavant interdite, dans Le Monde, Le Figaro, La Tribune, Les Echos, à L'Agefi et L'Equipe, à l'initiative de Paribas, pour un montant maximum de deux cent mille francs par publication et par support, les frais étant supportés par la BNP;
En tout état de cause de condamner la BNP à verser à Paribas la somme de 150.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La BNP, concluant à la confirmation de la décision soutient que la publicité litigieuse marque une rupture totale par rapport aux publicités comparatives diffusées jusqu'alors, dès lors que de façon totalement abusive et déloyale, selon elle, elle s'attaque à la seule personne de la BNP en lui attribuant la responsabilité d'une destruction de sa propre valeur postérieurement au lancement de ses OPE. Elle en déduit que cette publicité constitue un dénigrement manifeste observation faite qu'elle intervient dans un contexte concurrentiel et que le juge des référés était fondé à ordonner la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la diffusion du message en prenant des mesures particulièrement astreignantes ; pour résister aux prétentions reconventionnelles des appelantes elle fait observer qu'aucun parallèle ne peut être établi entre les publicités comparatives de La BNP, véhiculant un message fédérateur et la publicité dénigrante des appelantes. Elle prie en conséquence la cour de débouter celles-ci de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 150 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR
Sur la demande principale :
Considérant que la BNP sollicite l'interdiction de la poursuite de la campagne publicitaire litigieuse organisée par la Société Générale et Paribas;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 873 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut dans les limites de la compétence de ce tribunal, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite;
Considérant que la Société Générale déclare que la campagne de publicité incriminée a cessé depuis le 2 août 1999 et qu'aucune autre publication dans le cadre de cette campagne ne sera effectuée par elle ; que la BNP n'établit pas que de nouvelles publications sont intervenues depuis le 2 août 1999 et que de nouveaux ordres ont été passés depuis cette date ; que la preuve de l'existence d'un dommage imminent n'étant pas apportée, et à supposer que les publications passées aient été constitutives d'un trouble manifestement illicite, aucune mesure conservatoire propre à prévenir la réalisation d'un dommage ne saurait être décidée au regard des dispositions ci-dessus reproduites; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande en ce qu'elle vise à faire interdire la poursuite de la campagne litigieuse ;
Considérant que la mesure de publication sollicitée ne constitue ni une mesure conservatoire ni une mesure de remise état ; qu'elle vise en réalité à obtenir réparation définitive du dommage dont se prévaut la BNP, demande de réparation dont il n'est pas au pouvoir de la juridiction des référés de connaître;
Sur les demandes reconventionnelles :
Considérant, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le caractère " fédérateur et valorisant " des messages, que les publicités critiquées par les appelantes reconventionnelles comparant le projet Société Générale-Paribas-BNP et le projet Société Générale-Paribas, ne font que vanter la solution de rapprochement entre les trois entités par rapport à celle regroupant deux d'entre elles et remplissent le rôle habituellement dévolu à la publicité qui est de faire valoir son produit par rapport à celui des concurrents; qu'il n'en résulte aucun dénigrement envers les appelantes;
Considérant, en ce qui concerne la publicité radiophonique incriminée, que les sociétés appelantes ne font pas la preuve de son caractère déloyal ou dénigrant; qu'en effet, ce message vise à vanter l'importance de la prime offerte par la BNP;
Considérant que le moyen manquant en fait, il y a lieu de confirmer la décision déférée;
Considérant qu'il n'est pas au pouvoir de la juridiction des référés de statuer sur une demande d'allocation de dommages-intérêts ;
Considérant qu'en raison de l'urgence, il y a lieu d'autoriser la signification du présent arrêt avant six heures et après vingt et une heures;
Considérant que chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés ;
Par ces motifs : LA COUR, Ordonne la jonction des instances n°s 1999-16068 et 1999-16078 ; Réformant l'ordonnance entreprise en celles de ses dispositions relatives à la demande principale et à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et, statuant de nouveau de ces chefs ; Dit n'y avoir lieu à référé ; Déboute les parties de leurs demandes relatives aux frais non taxables ; Confirme la décision déférée en ses dispositions relatives à la demande reconventionnelle ; Dit que chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés ; Autorise la signification du présent arrêt avant six heures et après vingt et une heures ; Admet les avoués concernés, dans la limite de leurs droits au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.