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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 3 avril 2002, n° 2000-10456

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pascal Franck (SA)

Défendeur :

Jean Pierre Jacy (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

MM. Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

SCP Duboscq Pellerin, SCP Verdun Seveno

Avocats :

Mes Desandre Navarre, Latscha.

T. com. Paris, 15e ch., du 11 févr. 2000

11 février 2000

La société Pascal Franck exploitait un salon de coiffure pour homme et femme à l'enseigne Richecoiff, 6, rue de Richepanse à Paris 1er, avant de s'affilier au réseau Jacques Dessange, au début de l'année 1998.

Reprochant à la société Jean-Pierre Jacy, qui exploite un salon de coiffure masculine, 49 bis, avenue Franklin Roosevelt à Paris 8e, d'avoir débauché quatre de ses salariés entre les mois de mars et d'octobre 1998 et d'avoir détourné partie de la clientèle masculine de son salon, la société Pascal Franck a saisi le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater des agissements constitutifs de concurrence déloyale.

Par jugement du 11 février 2000, le tribunal a débouté la société Pascal Franck de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Jean-Pierre Jacy de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamné la société Pascal Franck à verser à cette dernière la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 4 mai 2000 par la société Pascal Franck;

Vu les dernières écritures signifiées le 10 décembre 2001 par lesquelles la société Pascal Franck, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, prétend à cet effet que la société Jean-Pierre Jacy a débauché l'intégralité des salariés en charge de la clientèle masculine de son salon de coiffure et que ces salariés ont poursuivi leur activité sans interruption chez leur nouvel employeur afin de satisfaire la clientèle qui les a suivi et faisant valoir que ces agissements constitutifs de concurrence déloyale engagent la responsabilité de la société intimée, demande à la cour de la condamner à lui payer la somme de 103 208 euros à titre de dommages-intérêts, outre les frais du procès-verbal de constat, et celle de 4 574 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les dernières écritures signifiées le 12 février 2001 aux termes desquelles la société Jean-Pierre Jacy sollicite la confirmation du jugement déféré et l'allocation d'une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, répliquant que la société Pascal Franck ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait, par des manouvres illicites, recruté les quatre nouveaux employés, désorganisé son entreprise et démarché sa clientèle;

Sur quoi, LA COUR

Considérant que la société Pascal Franck ne conteste pas que le changement d'enseigne du salon de coiffure, au mois de février 1998, a provoqué la réorganisation du département de coiffure pour hommes, jusques là séparé de l'espace consacré à la coiffure féminine ;

Que la société Pascal Franck employait en qualité de coiffeurs pour hommes, Jacques Leymond et Jean-Louis Dupeyron qui avaient respectivement 35 ans et 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise ; que ces deux coiffeurs étaient assistés de deux salariées, Florence Renaut et Sandra Batista;

Que par lettre datée du 23 mars 1998, Jacques Leymond a informé son employeur de son souhait de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 1998 ; que Jean-Louis Dupeyron a démissionné le 11 avril 1998, en demandant à être dispenser d'effectuer le préavis d'usage ; qu'invoquant les modifications survenues dans le salon, Florence Renaut a démissionné par lettre du 31 mars 1998 ; que Sandra Batista a quitté l'entreprise, le 1er octobre 1998;

Considérant que la société Jean-Pierre Jacy, qui avait fait paraître dans la presse professionnelle, le 23 mars 1998, une annonce de recherche de coiffeur très qualifié en coiffure masculine, a embauché ces quatre salariés, Jacques Leymond par contrat du 2 avril 1998, Jean-Louis Dupeyron, par contrat du 12 mai 1998, Florence Renaut et Sandra Batista par contrats des 6 mai et 1er octobre 1998;

Considérant que la société Pascal Franck reproche à la société intimée d'avoir débauché l'intégralité de ses salariés attachés à la coiffure de la clientèle masculine, d'avoir ainsi désorganisé son entreprise et détourné la clientèle masculine de son salon;

Mais considérant que les quatre salariés n'étaient pas liés à leur employeur par une clause de non- concurrence; que dans le contexte de réorganisation du salon de coiffure pour hommes, le départ de ces quatre salariés, dont l'activité était consacrée exclusivement à ce secteur, ne peut être considéré en soi comme illicite que les circonstances de leur recrutement ne sont pas davantage fautives, ceux-ci n'ayant fait que répondre à une annonce publiée dans la presse spécialisée par la société intimée; que la société Pascal Franck ne démontre pas que ces démissions ont désorganisé l'entreprise alors qu'elles n'ont pas été concomitantes, que deux des salariés embauchées, en qualité d'assistantes, n'avaient pas de qualification professionnelle confirmée et qu'elle reconnaît elle-même qu'en raison du changement d'enseigne, le fonctionnement du salon homme subissait des modifications;

Considérant que la société Pascal Franck ne saurait tirer argument de la déclaration faite par Jacques Leymond, à l'huissier désigné par le juge des requêtes du tribunal de commerce, en ces termes : " je suis venu avec ma clientèle dans mon ancien salon, la clientèle m'appartient " pour dénoncer un acte concerté de démarchage entre celui-ci et la société Jean-Pierre Jacy; qu'en effet, s'il est incontestable qu'un lien personnel peut exister entre le coiffeur et son client, la preuve d'un démarchage de la clientèle de la part des salariés ou de la société Jean-Pierre Jacy n'est pas rapportée;

Considérant que la société Pascal Franck n'établit pas que la baisse du chiffre d'affaires réalisé avec la coiffure masculine soit en relation avec le départ des quatre salariés alors que concomitamment elle subissait une réorganisation de son activité ensuite de la modification de son enseigne;

Qu'il s'ensuit que le jugement qui a débouté la société Pascal Franck de son action en concurrence déloyale doit être confirmé;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Jean-Pierre Jacy ; qu' il lui sera alloué à ce titre la somme de 4 600 euros, soit 30 174,02 F;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée par la société Pascal Franck sur ce même fondement;

Par ces motifs, LA COUR: Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Y ajoutant ; Condamne la société Pascal Franck à payer à la société Jean-Pierre Jacy la somme complémentaire de 4 600 euros, soit 30 174,02 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Pascal Franck aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.