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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 7 février 2000, n° 99-03296

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Lebosse-Peluchonneau (ès-qual.); Comité national contre le tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

M. Ancel, Mme Ajjan

Avocats :

Mes Papeloux, Antonini

TGI Paris, 31e ch. du 8 avr. 1999

8 avril 1999

RAPPEL DE LA PROCEDURE

LA PREVENTION:

A Arend est poursuivi par ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 7 septembre 1998 suivie d'une citation, pour avoir, à Paris, du 1er janvier 1996 au 30 avril 1996, effectué une publicité illicite en faveur du tabac ou des produits.

K Cornelius est poursuivi par ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 7 septembre 1998 suivie d'une citation, pour avoir, à Paris, du 1er janvier 1996 au 30 avril 1996, effectué une publicité illicite en faveur du tabac ou des produits.

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré

A Arend

coupable de PUBLICITE DIRECTE OU PROPAGANDE EN FAVEUR DU TABAC OU DE SES PRODUITS,

faits commis du 1er janvier 1996 au 30 avril 1996, à Paris,

infraction prévue par les articles L. 355-31 al.1, L. 355-24 al.1, L. 355-25 du Code de la santé publique et réprimée par l'article L. 355-31 al. 1, al.3 du Code de la santé publique

K Cornelius

coupable de PUBLICITE DIRECTE OU PROPAGANDE EN FAVEUR DU TABAC OU DE SES PRODUITS,

faits commis du 1er janvier 1996 au 30 avril 1996, à Paris,

infraction prévue par les articles L. 355-31 al.1, L. 355-24 al.1, L. 355-25 du Code de la santé publique et réprimée par l'article L. 355-31 al. 1, al.3 du Code de la santé publique

Et par application de ces articles, a condamné:

A Arend à 100 000 F d'amende,

K Cornelius à 100 000 F d'amende,

statuant sur l'action civile,

reçu l'Association Comité national contre le tabagisme représentée par son président assisté de l'administrateur judiciaire Maître Labosse-Peluchonneau en sa constitution de partie civile,

condamné solidairement A et K à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages- intérêts et chacun d'eux 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

donné acte à la société ISIC BV de son intervention,

dit qu'elle serait tenue solidairement responsable du montant des amendes mises à la charge de MM. A et K les directeurs,

déclaré la société ISIC BV civilement responsables de MM. A et K pour les condamnations civiles,

condamné solidairement Messieurs A, K et la société ISIC BV aux dépens de l'action civile,

a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné,

LES APPELS:

Appel a été interjeté par :

Monsieur A Arend, le 14 avril 1999, sur les dispositions pénales et civiles;

Monsieur K Cornelius, le 14 avril 1999, sur les dispositions pénales et civiles;

ISIC BV, le 14 avril 1999;

M. le Procureur de la République, le 14 avril 1999, contre Monsieur A Arend;

M. le Procureur de la République, le 14 avril 1999, contre Monsieur K Cornelius;

DECISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels interjetés par les prévenus Arend A et Cornelius K, le civilement responsable, la société ISIC et le Ministère Public à l'encontre du jugement entrepris auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention.

Par voie de conclusions, Arend A et Cornelis K et le civilement responsable, sollicitent la relaxe des prévenus et demandent de :

- déclarer irrecevables les demandes formées par le CNCT et l'en débouter,

- constater que l'opération déférée n'est pas constitutive de publicité directe ou indirecte, faute de message d'information et de mention visible antérieure à la vente,

- constater que l'opération déférée ne vise pas un produit du tabac ni une marque de cigarettes.

Subsidiairement ils demandent de :

- réduire le montant des amendes prononcées et les dommages-intérêts alloués,

- dire que la condamnation sera exclue du casier judiciaire des prévenus,

- ordonner en outre, et vu le jugement du 12 mars 1999, la consignation des sommes qui pourraient être accordées au CNCT,

- en conséquence et confirmant sur ce point le jugement déféré, dire que les personnes morales, en l'espèce la société ISIC, seront solidairement responsables du paiement des amendes et des frais de justice, mis à la charge de leurs dirigeants ou de leurs préposés.

Par voie de conclusions le Comite national contre le tabagisme, ci-après CNCT, représenté par Maître Lebosse-Peluchonneau, ès-qualité d'administrateur et devenue commissaire à l'exécution du plan, sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Il demande en outre de condamner solidairement Arend A et Cornelis K à lui payer la somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et de déclarer la société ISIC, civilement responsable.

RAPPEL DES FAITS

Le tribunal a fait une exacte relation des faits à laquelle la cour se réfère expressément. Il suffit de rappeler qu'un jeu lié à la commercialisation de paquets de cigarettes R bleu avait été organisé du 1er janvier au 30 avril 1996, consistant à permettre aux acheteurs de 20 à 40 paquets de cigarettes R de gagner un modèle réduit de Formule 1 ou un briquet ou un tee-shirt supportant cette marque, grâce à un ticket de jeu inséré dans le paquet.

L'enquête révélait que la société ISIC, sise à Amsterdam, qui avait pour objet toutes prestations de services pour des activités publicitaires, avait conçu et organisé cette campagne dite de promotion sur le plan européen et notamment en France.

Arend A et Cornelis K, directeurs de la société ISIC, reconnaissaient avoir engagé tous les deux cette action mais considéraient qu'elle était licite au regard de la législation sur le tabac. Ils estimaient qu'aucune publicité directe ou indirecte n'avait été faite en faveur du tabac ou de la marque R car aucun affichage n'annonçait cette campagne dans les débits de tabac ou ailleurs et aucune inscription en ce sens ne figurait sur le paquet. Ils ajoutaient que c'est après avoir l'avoir acheté que le consommateur découvrait à l'intérieur le ticket lui permettant d'obtenir un cadeau en collectionnant un certain nombre de points, lesdits cadeaux ne portant que des références à la Formule 1 et à WX et en aucun cas à la marque de cigarettes R. L'opération, selon eux, avait pour but de fidéliser la clientèle.

Sur ce, LA COUR:

Sur l'action publique

Considérant que constitue une publicité tout moyen d'information destiné à promouvoir un produit ou un service dans le but d'en augmenter les ventes qu'en l'espèce la présence à l'intérieur du paquet de cigarettes R d'un ticket permettant d'obtenir un cadeau, est un acte publicitaire destiné, comme le reconnaissent les prévenus à "récompenser les consommateurs", à les "encourager à acheter la production" et donc à les fidéliser en les incitant à acheter les produits de cette marque, peu important que lesdits consommateurs ne découvrent cette publicité qu'en ouvrant le paquet;

Considérant que malgré les précautions prises pour ne pas faire apparaître le nom de la marque sur les tickets points, les prévenus, conscients de l'illéicité de la publicité ainsi réalisée n'ont cherché qu'à la déguiser en reprenant notamment les couleurs des cigarettes R sur ledit ticket, pour mieux lier dans l'esprit du consommateur, la marque et le produit publicitaire ;

Considérant que cette campagne était particulièrement incitative, puisque d'une part, elle invitait le consommateur à acheter un nombre conséquent de paquets de cigarettes R et, d'autre part, que les articles proposés ciblaient plus particulièrement une clientèle jeune attirée par le sport automobile et la Formule 1, l'argumentation développée par les prévenus selon laquelle cette compétition ne s'adresserait en réalité qu' à une tranche d'âge plus élevée étant dénuée de fondement;

Considérant en résumé, que la campagne publicitaire menée par les prévenus qui a pour but et pour effet d'encourager à la consommation du tabac constitue manifestement une publicité en faveur du tabac interdite par l'article L. 355-25 du Code de la santé publique; que le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne la déclaration de culpabilité à l'encontre des deux prévenus ;

Considérant que le budget de la campagne publicitaire s'élevait à la somme de 1 712 830 F ; que 16 900 paquets de cigarettes contenaient les tickets publicitaires incriminés et que le nombre de demandes de cadeaux était estimé à 80 000 ;

Considérant qu'eu égard à l'ampleur de cette opération publicitaire, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé des amendes, qu'ils voulaient d'un montant dissuasif; que celles-ci seront confirmées ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu en l'état de faire droit aux demandes des prévenus tendant à l'exclusion de ces condamnations du bulletin n° 2 de leur casier judiciaire ;

Sur l'action civile

Considérant que par la diffusion de cette publicité illicite les prévenus ont causé au CNCT dont la mission est de prévenir et de lutter contre les méfaits du tabagisme et qui a vu son action limitée dans ses effets, un préjudice personnel et direct que les premiers juges ont exactement apprécié ; que le jugement déféré sera également confirmé dans ses dispositions civiles ;

Considérant que les prévenus seront chacun condamnés à payer au CNCT la somme de 3 000 F pour les frais irrépétibles d'appel qui s'ajoutera aux sommes allouées en première instance sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Considérant que la société ISIC, civilement responsable, sera, comme le demandent les prévenus, solidairement responsable du paiement des amendes et des frais de justice mis à la charge des prévenus par confirmation du jugement déféré;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Arend A, de Cornelis K et du Comité national contre le tabagisme représenté par Maître Lebosse- Peluchonneau, ès-qualité, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant: Condamne Arend A et Cornelis K chacun à payer au Comité national contre le tabagisme la somme de 3 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.