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Décisions

CA Metz, ch. corr., 11 avril 1991, n° 318-91

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gbeff

Conseillers :

MM. Dannenberger, Jaouen

Avocat :

Me Granon.

TGI Sarreguemines, ch. corr., du 12 nov.…

12 novembre 1990

Intimé d'un jugement contradictoire rendu le 12 novembre 1990 par le Tribunal correctionnel de Sarreguemines, qui l'a relaxé des fins de la poursuite, du chef d'avoir:

à Folschviller en Moselle, sur le territoire national, courant 1988, depuis temps non prescrit, en sa qualité de dirigeant des Etablissements X, trompé ou tenté de tromper le cocontractant sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, ainsi que sur les risques inhérents à l'utilisation du produit, en l'espèce les jouets suivants:

- Animal à voix (ours à lunettes réf. 2277 et animal avec coeur portant une inscription réf. 2891, 2892 et 2893);

d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et lieu, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les qualités substantielles et propriétés de biens ou de service, en l'espèce en apposant sur les mêmes jouets une étiquette garantissant la conformité aux normes obligatoires de sécurité alors qu'aucune vérification permettant de telles allégations n'avait été accomplie;

Délits prévus et réprimés par les articles 1 loi du 01-08-1905, 44 I loi 73-1193 du 27-12-1973, 44 II al. 9 loi 73-1193 du 27-12-1973;

En la forme,

Attendu que l'appel interjeté le 21 novembre 1990 par le Ministère public, régulier en la forme, a été enregistré dans le délai légal;

Qu'il échet de le déclarer recevable;

Au fond,

Sur les faits:

Attendu qu'il résulte de la procédure que lors de deux contrôles effectués le 18 avril 1988 au siège de la SA X à Folschviller et le 20 décembre 1988 au magasin Y à Forbach, les agents de la répression des fraudes ont prélevé des échantillons d'animaux en peluche, la première fois un ourson à lunettes, la seconde fois un ourson, une souris et un canard avec un coeur portant l'inscription "je t'aime" ou "tu me manques" ou "tendres pensées";

Que ces peluches affichaient toutes les mentions d'étiquetage suivantes: "ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois - la conformité du présent produit aux normes obligatoires de sécurité est garantie par l'importateur"; que ce dernier était la SA X qui avait livré les marchandises au magasin Y;

Que les analyses des échantillons effectuées au laboratoire national d'essais à Paris, les 9 août et 30 décembre 1988, ont conclu à la non-conformité des objets en cause à la norme française de sécurité des jouets de novembre 1985;

Que l'Administration des fraudes a alors relevé contre G Roland, PDG de la SA X le délit de tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation du produit, en estimant qu'il avait mis en vente des jouets munis d'éléments facilement détachables et suffisamment petits pour être avalés par de jeunes enfants (lunettes pour le premier ourson, yeux pour les autres animaux);

Que le service des fraudes a également retenu contre lui le délit de publicité de nature à induire en erreur, en considérant qu'il avait vendu ces mêmes jouets munis d'une étiquette garantissant la conformité aux normes obligatoires de sécurité, alors qu'aucune vérification permettant de telles allégations n'avait été faite;

Sur la culpabilité:

Attendu que le prévenu conteste les délits reprochés en soutenant que les peluches litigieuses, fabriquées en Asie du Sud-Est, importées par la société Z sise à Sarrebruck (Allemagne) qui les lui réexporte, ne sont pas des jouets mais des articles de divertissement ou de décoration, à poser dans des vitrines, à accrocher à des rétroviseurs de voitures ou à garnir des étagères, et échappent à la réglementation sur la sécurité des jouets.

Qu'il a notamment déclaré que ces articles de décoration n'étaient pas destinés à des enfants de moins de 36 mois, mais à des plus grands, contestant principalement le délit de tromperie;

Qu'en revanche, l'administration des fraudes prétend qu'il s'agit de jouets souples destinés à des enfants de moins de 36 mois, en se fondant sur les documents d'exportation allemands (factures, documents T2 de la communauté économique européenne, attestations de conformité) et sur les papiers douaniers français, ceux-ci faisant tous état du qualificatif de jouet ainsi que des références s'y appliquant en ce qui concerne les marchandises;

Attendu cependant que les procès-verbaux du laboratoire national d'essais définissent les objets en question, la plupart du temps comme des jouets, mais parfois comme des animaux mascottes et qu'ils mentionnent pour le premier ourson: rembourrage, bloc de polystyrène, matière plastique et pour les seconds animaux: matière plastique;

Que les documents susvisés font le plus souvent état de jouets mais quelquefois aussi d'articles pour divertissement;

Que ces peluches ont été présentées à la cour, qu'elles sont de petite taille, munies d'une cordelette pour les suspendre, portant des messages amoureux etqu'elles n'apparaissent pas souples;

Qu'il s'ensuit qu'elles ne peuvent être considérées comme étant des jouets souples, destinés à des enfants âgés de moins de 36 mois, maisqu'elles doivent être cataloguées comme étant des articles de divertissement ou de décoration, destinés à des adultes;

Qu'en conséquence, les marchandises litigieuses n'étant pas des jouets destinés à des enfants de cet âge et en l'absence de toute intention coupable de la part du prévenu, lequel a démontré sa bonne foi en se soumettant malgré tout aux demandes de l'administration, puisqu'il a mis en conformité les peluches en ayant fait retirer leurs lunettes et leurs yeux détachables, le délit de tromperie ne saurait être retenu à l'encontre de G Roland;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a relaxé de ce chef;

Attendu en revanche qu'en mentionnant abusivement sur l'étiquetage des peluches décoratives qu'elles ne convenaient pas à un enfant de moins de 36 mois, alors qu'il ne s'agissait pas de jouets, et qu'il garantissait leur conformité aux normes obligatoires de sécurité qu'il savait inexistantes, puisqu'il n'y a pas de réglementation fixant les normes de sécurité pour les articles de décoration ou de divertissement, G Roland s'est incontestablement rendu coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur les consommateurs;

Qu'il convient dès lors de le déclarer coupable de ce chef en requalifiant toutefois le délit reproché en délit de publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en ayant apposé sur des articles de décoration ou de divertissement une étiquette mentionnant "ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois - la conformité du présent produit aux normes obligatoires de sécurité est garantie par l'importateur", alors qu'il ne s'agissait pas de jouets destinés à des enfants de cet âge et qu'aucune réglementation fixant les normes de sécurité desdits articles n'existait;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a relaxé le prévenu de ce chef;

Sur la peine:

Attendu qu'en considérant les faits reprochés au prévenu et les circonstances atténuantes qui existent en sa faveur, il convient de lui infliger une peine d'amende de 10 000 F, sanction proportionnée et adaptée à sa personnalité de même que conforme aux exigences de la défense de l'ordre public;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire; En la forme, Reçoit l'appel comme régulier; Au fond, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé G Roland des fins de la poursuite sans peine ni dépens pour le délit de tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation du produit; Infirme la décision entreprise pour le reste et statuant à nouveau; Requalifie la prévention initiale en délit de publicité de nature à induire en erreur, en ayant apposé sur des articles de décoration ou de divertissement une étiquette mentionnant "ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois - la conformité du présent produit aux normes obligatoires de sécurité est garantie par l'importateur" alors qu'il ne s'agissait pas de jouets destinés à des enfants de cet âge et qu'aucune réglementation fixant les normes de sécurité desdits articles n'existait; Déclare G Roland coupable de ce chef; En répression, le condamne à la peine d'amende de dix mille francs; Condamne le prévenu aux frais d'instance et d'appel; Prononce, en tant que de besoin, la contrainte par corps en application des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale, modifiés par la loi du 30 décembre 1985.