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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. corr., 31 mai 1994, n° 1074-93

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Syndicat du négoce de l'ameublement

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thévenot

Conseillers :

Mme Edoux de Lafont, M. Esperben

Avocats :

Mes Madar, Lasserre, Morel-Faury

TGI Bordeaux, ch. corr., du 9 juin 1993

9 juin 1993

Faits :

Par actes en date du 11, 14 et 18 juin 1993 reçus au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Bordeaux, le prévenu S (sur les dispositions pénales et civiles), le Ministère public (contre les quatre prévenus) et la partie civile (à l'égard de S) ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit tribunal le 9 juin 1993 à l'encontre de :

S Abraham est prévenu :

d'avoir à Bordeaux et Mérignac courant 1991 et notamment du 31 octobre au 11 novembre, effectué pour la SARL X à l'enseigne Y, une publicité par voie de distribution de prospectus dans les boîtes aux lettres, ainsi libellée :

- au recto : " L'événement Y à Conforexpo du 31 octobre au 11 novembre 1991, espace ameublement Hall 5-6 - allée B-C, Venez gagner le canapé des Girondins (sans obligation d'achat), découvrez au verso un fabuleux grattage et les avantages ",

- au verso " Y vous offre 5 000 F ? 7 000 F ? 12 000F ? non beaucoup plus.

Gratter ici 19 000 F.

Remise à valoir sur l'achat d'un salon complet en cuir : un canapé 3 places et 2 fauteuils (signalé par étiquettes spéciales) ".

Alors que :

- les salons mis en vente sur le stand de Conforexpo n'étaient pas concernés par cette publicité, mais seulement ceux du magasin de Mérignac, portant une étiquette spéciale " coup de coeur " ;

- les remises ainsi consenties étaient en réalité équivalentes voire inférieures aux remises habituelles ;

- une politique permanente de remises était effectuée, faisant référence à des prix de ventes théoriques qui n'étaient en réalité jamais pratiqués en magasin ;

Ladite publicité comportant en conséquence des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente des biens faisant l'objet de la publicité, les procédés de vente, la portée des engagements pris par l'annonceur.

Faits prévus et réprimés par les articles 44 de la loi du 27/12/1973, article 1er de la loi du 01/08/1905 modifiée, arrêté 77-105 P du 02/09/1977.

Faits prévus par : art. 44 I, 44 II al.7 8 loi 73-1193 du 27/12/1973 et réprimés par : art. 44 II al. 9 10 loi 73-1193 du 27/12/1973, art. 1 loi du 01/08/1905.

R Patrice est prévenu :

d'avoir à Bordeaux et Mérignac courant 1991 et notamment du 31 octobre au 11 novembre, effectué pour la SARL X à l'enseigne Y, une publicité par voie de distribution de prospectus dans les boîtes aux lettres, ainsi libellée :

- au recto : " L'événement Y à Conforexpo du 31 octobre au 11 novembre 1991, espace ameublement Hall 5-6 - allée B-C, Venez gagner le canapé des Girondins (sans obligation d'achat), découvrez au verso un fabuleux grattage et les avantages ",

- au verso " Y vous offre 5 000 F ? 7 000 F ? 12 000F ? non beaucoup plus.

Gratter ici 19 000 F.

Remise à valoir sur l'achat d'un salon complet en cuir : un canapé 3 places et 2 fauteuils (signalé par étiquettes spéciales) ".

Alors que :

- les salons mis en vente sur le stand de Conforexpo n'étaient pas concernés par cette publicité, mais seulement ceux du magasin de Mérignac, portant une étiquette spéciale " coup de coeur " ;

- les remises ainsi consenties étaient en réalité équivalentes voire inférieures aux remises habituelles ;

- une politique permanente de remises était effectuée, faisant référence à des prix de ventes théoriques qui n'étaient en réalité jamais pratiqués en magasin ;

Ladite publicité comportant en conséquence des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente des biens faisant l'objet de la publicité, les procédés de vente, la portée des engagements pris par l'annonceur.

Faits prévus et réprimés par les articles 44 de la loi du 27/12/1973, article 1er de la loi du 01/08/1905 modifiée, arrêté 77-105 P du 02/09/1977.

Faits prévus par : art. 44 I, 44 II al. 7 8 loi 73-1193 du 27/12/1973 et réprimés par : art. 44 II al. 9 10 loi 73-1193 du 27/12/1973, art. 1 loi du 01/08/1905.

T Jean-Yves est prévenu :

d'avoir à Bordeaux et Mérignac courant 1991 et notamment du 31 octobre au 11 novembre, effectué pour la SARL X à l'enseigne Y, une publicité par voie de distribution de prospectus dans les boites aux lettres, ainsi libellée :

- au recto : " L'événement Y à Conforexpo du 31 octobre au 11 novembre 1991, espace ameublement Hall 5-6 - allée B-C, Venez gagner le canapé des Girondins (sans obligation d'achat), découvrez au verso un fabuleux grattage et les avantages ",

- au verso " Y vous offre 5 000 F ? 7 000 F ? 12 000F ? non beaucoup plus.

Gratter ici 19 000 F.

Remise à valoir sur l'achat d'un salon complet en cuir : un canapé 3 places et 2 fauteuils (signalé par étiquettes spéciales) ".

Alors que :

- les salons mis en vente sur le stand de Conforexpo n'étaient pas concernés par cette publicité, mais seulement ceux du magasin de Mérignac, portant une étiquette spéciale " coup de coeur " ;

- les remises ainsi consenties étaient en réalité équivalentes voire inférieures aux remises habituelles ;

- une politique permanente de remises était effectuée, faisant référence à des prix de ventes théoriques qui n'étaient en réalité jamais pratiqués en magasin ;

Ladite publicité comportant en conséquence des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente des biens faisant l'objet de la publicité, les procédés de vente, la portée des engagements pris par l'annonceur.

Faits prévus et réprimés par les articles 44 de la loi du 27/12/1973, article 1er de la loi du 01/08/1905 modifiée, arrêté 77-105 P du 02/09/1977.

Faits prévus par : art. 44 I, 44 II al.7 8 loi 73-1193 du 27/12/1973 et réprimés par : art. 44 II al. 9 10 loi 73-1193 du 27/12/1973, art. 1 loi du 01/08/1905.

G Philippe est prévenu :

d'avoir à Bordeaux et Mérignac courant 1991 et notamment du 31 octobre au 11 novembre, effectué pour la SARL X à l'enseigne Y, une publicité par voie de distribution de prospectus dans les boites aux lettres, ainsi libellée :

- au recto : " L'événement Y à Conforexpo du 31 octobre au 11 novembre 1991, espace ameublement Hall 5-6 - allée B-C, Venez gagner le canapé des Girondins (sans obligation d'achat), découvrez au verso un fabuleux grattage et les avantages ",

- au verso " Y vous offre 5 000 F ? 7 000 F ? 12 000F ? non beaucoup plus.

Gratter ici 19 000 F.

Remise à valoir sur l'achat d'un salon complet en cuir : un canapé 3 places et 2 fauteuils (signalé par étiquettes spéciales) ".

Alors que :

- les salons mis en vente sur le stand de Conforexpo n'étaient pas concernés par cette publicité, mais seulement ceux du magasin de Mérignac, portant une étiquette spéciale " coup de coeur " ;

- les remises ainsi consenties étaient en réalité équivalentes voire inférieures aux remises habituelles ;

- une politique permanente de remises était effectuée, faisant référence à des prix de ventes théoriques qui n'étaient en réalité jamais pratiqués en magasin ;

Ladite publicité comportant en conséquence des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente des biens faisant l'objet de la publicité, les procédés de vente, la portée des engagements pris par l'annonceur.

Faits prévus et réprimés par les articles 44 de la loi du 27/12/1973, article 1er de la loi du 01/08/1905 modifiée, arrêté 77-105 P du 02/09/1977.

Faits prévus par : art. 44 I, 44 II al.7 8 loi 73-1193 du 27/12/1973 et réprimés par : art. 44 II al. 9 10 loi 73-1193 du 27/12/1973, art. 1 loi du 01/08/1905.

Décision

Le tribunal après en avoir délibéré,

Statuant publiquement,

contradictoirement à l'égard de S Abraham

par décision contradictoire à signifier à l'égard de R Patrice

contradictoirement à l'égard de T Jean-Yves

contradictoirement à l'égard de G Philippe

1) Action publique

Déclare S Abraham coupable des faits visés à la prévention et par application des dispositions des textes précités, le condamne :

- à 3 mois d'emprisonnement avec sursis,

- et à 150 000 F d'amende ;

Monsieur le président n'a pu donner au condamné l'avis prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale ;

- Ordonne la publication de la décision dans le journal Sud-Ouest à concurrence de 10 000 F l'insertion ;

Prononce l'acquittement de R Patrice ;

Prononce l'acquittement de T Jean-Yves ;

Prononce l'acquittement de G Philippe ;

2) Action civile

Statuant sur la constitution de partie civile condamne S à verser, à titre de dommages-intérêts,

- au Syndicat du négoce de l'ameublement la somme de 10 000 F et la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Les appels interjetés successivement les 11, 14 et 18 juin par Albert S, par le Ministère public et par le Syndicat du négoce de l'ameublement, à l'encontre du jugement rendu le 9 juin 1993 par le Tribunal correctionnel de Bordeaux, sont recevables pour avoir été déclarés dans les forme et délai de la loi.

Les faits :

Albert S est le gérant de la SARL "X", exploitant un commerce de meubles à Mérignac sous l'enseigne "Y". Patrice R était le responsable de magasin de cette société, au salaire fixe de 5 000 F par mois outre des primes portant ses revenus mensuels à une moyenne de 13 000 F ; Jean-Yves T exerçait les fonctions de directeur commercial, ayant été engagé à l'essai le 1er septembre 1991; Philippe G était adjoint au responsable de magasin. Tous leurs contrats de travail stipulaient que chacun d'eux était responsable personnellement de la conformité des actions publicitaires avec les lois et règlements en vigueur.

Au cours du mois de novembre 1991, le magasin "Y" tenait un stand sur la foire " Conforexpo " à Bordeaux.

Du 31 octobre 1991 au 11 novembre 1991, une quantité de 30 000 tracts publicitaires a été diffusée aux particuliers dans la région bordelaise, dont le texte était ainsi rédigé :

Première page :

"L'événement "Y" à Conforexpo du 31 octobre au 11 novembre 1991 ; espace ameublement- hall 5/6 - allée B/C ; venez gagner le canapé des girondins ; sans obligation d'achat ; découvrez au verso un fabuleux grattage et les avantages".

Deuxième page :

" "Y" vous offre 5 000 F ? 7 000 F ? 12 000 F ? Non, beaucoup plus ! Gratter ici - 19 000 F - Remise à valoir : sur l'achat d'un salon complet en cuir : un canapé 3 p + 2 fauteuils (signalés par étiquettes spéciales). Ce n'est pas le fruit du hasard ou d'une loterie quelconque mais l'avantage que vous réserve "Y" pendant la durée de la foire du 31 octobre au 11 novembre 1991 sur présentation de ce titre de remise. Une seule réduction acceptée par achat et par famille, offre non cumulable avec toute autre promotion en cours ".

Tous les prospectus portaient la somme de 19 000 F révélée au grattage.

Les agents de la Direction départementale de la consommation et de la répression des fraudes se présentaient le 5 novembre 1991 sur le stand de "Y" à l'exposition Conforexpo ; ils dressaient le 29 janvier 1992 un procès-verbal de leurs constatations.

Il en résulte que :

- sur le stand d'exposition, aucun meuble ne portait l'étiquette spéciale annoncée par la publicité. Seuls certains meubles en vente dans le magasin "Y" de Mérignac étaient soumis à la remise annoncée.

- l'ensemble du mobilier vendu dans le magasin "Y" fait l'objet d'un affichage de prix calculé sur la base d'un coefficient multiplicateur de 3 et 4,5 ; les vendeurs et responsables de magasin ont la faculté de consentir des remises allant jusqu'à 25 % sur le prix étiqueté, dénommé dans la bible de prix établie par Albert S et remis au personnel du magasin "Prix conseillé". Les vendeurs ne pouvaient consentir de remise portant le prix à un montant inférieur à un coefficient multiplicateur de 2,15.

- Albert S a indiqué que tous les clients pouvaient demander et obtenir, hors et dans toute période publicitaire, des remises de prix, dont la pratique est effectivement attestée par les bons de commandes antérieurs à la foire Conforexpo.

- ceux-ci établissent que les prix étiquetés sont affectés du coefficient 3,5 ou 4,5, mais que la moyenne des prix pratiqués dans le mois d'octobre révèle un coefficient multiplicateur moyen de 2,21, le coefficient usuel dans la profession étant compris entre 2 et 2,5.

La publicité en cause a été conçue par Jean-Yves T, soumise par ce dernier à Albert S, approuvée par lui, après que le premier l'ait communiquée à un conseil juridique. La vente promotionnelle elle-même, ni la mise en place du stand publicitaire à la foire Conforexpo n'a pas été assurée par Jean-Yves T.

Patrice R et Phillppe G n'ont eu qu'une présence presque fortuite sur la foire, puisqu'il était prévu qu'il serait fait appel à des animateurs extérieurs qui n'ont pas pu intervenir.

Au cours de l'enquête, Patrice R a fait l'objet d'une procédure de licenciement qu'il affirme être due, ce que Albert S dénie, au fait qu'il ait répondu aux convocations des enquêteurs, et qu'il ait refusé de dénoncer contre toute réalité, des pressions exercées par eux sur lui pour le voir dénoncer son employeur.

Sur l'action publique :

Moyens des parties :

Albert S fait valoir au soutien de son appel qu'il n'est pas le concepteur de la publicité en cause, puisqu'elle a été entièrement conçue et réalisée par Jean-Yves T, selon les propres dires de ce dernier, lequel était titulaire d'une délégation de responsabilités visant expressément la conformité des actions publicitaires avec les lois et règlements en vigueur, délégation dont le caractère sérieux est attesté par le fait que Jean-Yves T a consulté un conseil juridique spécialisé sur la régularité de l'action publicitaire qu'il avait conçue ; que d'ailleurs il n'était pas lui-même présent sur le stand de la foire, ce qui le dégage de tout grief qui pourrait lui être fait sur la base de la mise en œuvre de l'opération publicitaire ; qu'au fond, les poursuites ne sont pas plus fondées ; qu'en effet, il était évident que la remise ne pouvait viser les meubles exposés sur la foire, qui sont comme d'usage, ceux de meilleur débit ; qu'aucun de ceux exposés ne portait d'étiquette les signalant comme sujets à remise ; que la publicité ne portait aucunement la précision que la remise portait sur les meubles exposés à la foire ; que les prix étant libres dans le commerce des meubles, il est en droit d'appliquer à la vente les coefficients multiplicateurs qu'il veut ; que les meubles concernés par la remise ne font pas l'objet de comparaison quant aux prix pratiqués dans les trente jours antérieurs, à l'exception d'un seul, vendu plus cher avant la période promotionnelle qu'avec application de la remise publicitaire ; que pour les autres, l'application de la remise entraînait des prix inférieurs à ceux figurant dans la bible de prix remise aux vendeurs; que ces éléments démontrent que la remise en cause n'était pas illusoire ou fictive; qu'enfin, il ne saurait être tenu pour responsable des prix pratiqués dans son commerce de Mérignac, alors qu'il impose des prix à ses vendeurs, dont il ne peut strictement surveiller l'application réelle, puisqu'il demeure lui-même à Pau ; il conclut ainsi à sa relaxe, et, subsidiairement, à la modération de sa peine, ainsi qu'au débouté des demandes de la partie civile.

Le Ministère public soutient que les délégations de pouvoirs invoquées par Albert S peuvent être écartées comme insincères, puisqu'elles sont systématiques et consenties à des salariés qui n'ont manifestement ni compétence ni autorité pour les assumer ; que le délit de publicité mensongère poursuivi à l'encontre d'Albert S est intégralement constitué puisque la publicité incriminée ne peut se comprendre qu'en ce sens que des remises sont consenties sur la foire, là précisément où elles ne le sont pas, et que d'autre part, ces remises n'ont aucune effectivité puisqu'elles ne placent pas le client dans une situation plus favorable qu'en l'absence de remise ; il s'en remet à la justice sur le sort des poursuites à l'encontre de Patrice R, Jean-Yves T et Philippe G, et requiert, pour ce qui concerne Albert S l'application d'une peine d'emprisonnement, dont une partie avec sursis, en raison des précédentes condamnations prononcées à l'encontre de ce prévenu, et une publication de la décision plus étendue que celle prévue par les premiers juges.

Jean-Yves T sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il prononce sa relaxe ; il fait valoir que ce qu'il a exécuté personnellement était parfaitement conforme à la législation, et que s'il y a eu des violations de la loi, elles ne sont pas de son fait, mais de celui d'Albert S.

Motivation :

Sur les délégations de responsabilité:

Les pièces du dossier démontrent qu'Albert S a établi des délégations de responsabilité pénale du fait des violations des lois régissant la publicité à l'égard de tous les salariés qui ont été entendus dans le cadre de l'enquête ; ce seul fait rend suspect l'effectivité et la sincérité de cette délégation ; mais il suffit de constater que Patrice R et Philippe G sont des salariés percevant de faibles rémunérations, peu en rapport avec les délégations formellement déférées sur leurs têtes ;qu'ils n'ont pas la responsabilité de personnel important en nombre, puisque leur autorité s'exerce sur une ou deux personnes ; surtout, l'examen de la réalité de leurs fonctions fait apparaître qu'ils sont essentiellement vendeurs ;que la fixation des prix et la conception des publicités, et promotions, le choix de leur moment, la définition de leurs modalités leur échappent totalement; en effet, dans l'espèce, l'opération promotionnelle en cause a été décidée par Albert S, et conçue par Jean-Yves T ; Patrice R et Philippe G se sont contentés d'en exécuter la mise en place, sans avoir à cet égard d'autonomie et d'initiative,puisqu'ils n'ont décidé ni du moment de l'opération, ni du principe de remises, ni du montant des remises. En conséquence, il y a lieu de constater que les délégations de responsabilité consenties à leur charge ne correspondent à aucune réalité dans les rapports contractuels existant entre eux et leur employeur; elles doivent être écartées.

Pour ce qui concerne Jean-Yves T, la situation est différente, puisqu'il est fonctionnellement chargé de la conception des actions publicitaires, dont celle incriminée. Mais la délégation à lui consentie par Albert S mérite d'être examinée avec une particulière circonspection, puisqu'elle concerne un salarié engagé à l'essai, et pour des actes accomplis dans les premières semaines d'exécution du contrat de travail, ce qui déroge évidemment aux usages, et même aux précautions élémentaires qui sont généralement prises dans la période d'essai ; mais une autre raison amène à conclure qu'Albert S ne peut invoquer cette délégation pour se décharger sur Jean-Yves T de sa responsabilité pénale : elle vise la conformité des actions publicitaires aux lois et règlements en vigueur ; or, la campagne promotionnelle conçue par Jean-Yves T ne viole aucun texte applicable, en elle même, dans sa conception et dans ses formes ; c'est dans les conditions matérielles de mise en œuvre de cette campagne de remises que les poursuites trouvent leur fondement ; si les remises avaient été appliquées sur la foire de Bordeaux, et sur les prix habituellement pratiqués, aucune poursuite n'aurait pu être menée ; Jean-Yves T n'était précisément pas chargé de la mise en place des meubles et étiquettes de prix sur la foire de Bordeaux, ni de la détermination des prix de vente des meubles dans le magasin de Mérignac, tous actes relevant des pouvoirs d'organisation et de décision du chef d'entreprise, et s'imposant à Jean-Yves T,qui n'est pas intervenu dans leur mise en œuvre, comme à Patrice R et à Philippe G, qui n'ont fait qu'exécuter les consignes à eux parvenues. Il en résulte que la délégation de responsabilité consentie à Jean-Yves T ne décharge nullement Albert S de son propre fait,et que Patrice R, Jean-Yves T, et Philippe G ne peuvent voir leur responsabilité pénale recherchée en l'espèce ni au titre des stipulations de leur contrat de travail, ici sans effet, ni au titre de leur fait propre, qui n'est pas infractionnel.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il relaxe Patrice R, Jean-Yves T, et Philippe G des fins de la poursuite.

Sur la culpabilité d'Albert S :

Deux éléments distincts fondent les poursuites : d'une part une tromperie sur le lieu où la remise est faite, d'autre part, sur l'effectivité de la remise.

Sur le premier point, il convient de constater que la lecture du tract publicitaire ne permet pas de supposer que la remise de 19 000 F promise n'est pratiquée que dans le magasin de Mérignac et non sur la foire. Tout au contraire, le rapprochement du titre : "L'événement Y à Conforexpo", des services promotionnels offerts, à savoir une sorte de loterie, sur la foire, et une remise sur l'achat de meubles, amène naturellement le lecteur, faute de restrictions ou de précision du lieu d'exécution de la remise, à penser que le tout concerne la foire. Le texte publicitaire ne lui permet en aucune manière de considérer qu'aucun des meubles exposés à la foire Conforexpo ne peut être l'objet de remise.

Par conséquent, la publicité en cause est bien de ce fait mensongère, puisqu'elle comporte des mentions fausses sur la possibilité d'obtenir des remises sur un lieu de vente;elle est destinée à induire le public en erreur en l'attirant sur un stand d'exposition où il est susceptible de faire des achats à des conditions différentes de celles qu'il avait recherchées sur la foi du texte à lui adressé.

Sur le second point, il convient de relever qu'en principe le commerçant est libre de pratiquer les prix qu'il désire, et qu'il ne peut lui être reproché d'appliquer des coefficients multiplicateurs bien supérieurs aux usages de la profession. Enfin, il ne saurait lui être reproché de se prêter au marchandage dans la vente des articles.

Toutefois, la question posée par l'incrimination est différente ; elle est celle de savoir si, en regard des dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1977, un commerçant pratiquant habituellement le marchandage est en droit d'offrir des remises sur le prix de base de la discussion.

Les éléments recueillis en cours d'enquête permettent d'affirmer que les prix affichés en magasin sur la base des prescriptions données par Albert S et recueillies dans la bible de prix communiquée à tous les vendeurs, ne constituent qu'une base de discussion pour le prix de vente. La preuve en est dans les dires unanimes des vendeurs, dans le relevé des prix figurant sur les bons de commandes, et dans l'audition d'un client du magasin ayant obtenu une remise juste avant le début de la promotion.

Ce fait conduit à considérer que le prix de référence utilisable dans les offres publicitaires de rabais ne consiste pas dans le prix affiché, qui n'est pas le prix habituellement pratiqué, puisqu'il est sujet à rabais immédiat sur simple demande du client. Le prix de référence ne peut alors se trouver que dans le prix minimal que les vendeurs sont autorisés à pratiquer, à savoir en l'espèce, celui obtenu par l'application d'un coefficient de 2,15.

Ainsi, en offrant au public une remise de 19 000 F sur des meubles qui tous, sauf deux, étaient vendus normalement à un prix inférieur sur discussion, Albert S n'offrait aucun rabais sur les prix habituellement pratiqués dans la période antérieure à la période promotionnelle.Cette constatation dispense, par la généralité et la constance du fait relevé, de confronter les prix article par article, dans les trente jours précédents, observation étant faite que cette comparaison, effectuée correctement par les agents de la DGCCRF pour un certain nombre de meubles, démontre que les prix de vente effective ont été inférieurs aux prix affichés diminués de la remise de 19 000 F. Albert S est donc sans droit à soutenir que le prix de référence à prendre en considération pour effectuer le rabais se trouve dans un prix affiché qui n'est pas effectivement pratique.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré Albert S coupable des faits poursuivis.

Sur la peine :

La peine prononcée par les premiers juges apparaît mal adaptée à la nature de l'affaire en ce qu'elle comporte l'emprisonnement, même si Albert S a dans un passé récent été condamné pour des faits similaires, il y a lieu de ne prononcer qu'une amende, dont le montant sera fixé à 200 000 F, et d'étendre la publication ordonnée dans le journal "Sud Ouest" à l'édition de Pau de ce journal.

Sur l'action civile :

Le Syndicat du négoce de l'ameublement sollicite la réformation du jugement dont appel pour voir porter à 50 000 F le montant des dommages et intérêts à lui alloués, obtenir la publication de la décision à intervenir dans le journal "Sud Ouest", et le paiement de la somme de 15 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la recevabilité de l'action civile, de la responsabilité du prévenu, ainsi que du montant du préjudice, les dommages et intérêts alloués étant d'un montant suffisant pour réparer le préjudice de la partie civile. Enfin, la publication de la décision étant ordonnée à titre de pénalité, elle n'a pas à l'être à titre d'indemnisation.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré dans ses dispositions civiles.

Il apparaît équitable de laisser supporter au prévenu une partie limitée à 2 500 F, des frais irrépétibles du procès d'appel exposés par la partie civile, par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard des prévenus S, T, G et de la partie civile, par arrêt de défaut à l'égard de R Patrice. En la forme, déclare recevables les appels de S Abraham, du Ministère public et du Syndicat de négoce de l'ameublement. Au fond, sur l'action publique : confirme le jugement déféré sur la qualification des faits, la déclaration de culpabilité d'Albert S, et la relaxe de Patrice R, Jean T et Philippe G. Le réforme sur l'application de la peine et statuant à nouveau, condamne Albert S au paiement d'une amende de deux cent mille francs. Ordonne la publication par extraits du présent arrêt dans la limite de 20 000 F par insertion, dans le Journal Sud-Ouest : édition de la Gironde et édition de Pau. Sur l'action civile : Confirme le jugement déféré dans ses dispositions civiles. Y ajoutant, condamne S Abraham à payer au Syndicat du négoce de l'ameublement la somme de 2 500 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Dit que la contrainte par corps s'appliquera dans les conditions prévues aux articles 749 et 750 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné, en application de l'article 1018 du CGI.