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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 24 novembre 2000, n° 1998-24267

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DNL Distribution (SA), DNL (SA), DNL Rhône Alpes (SA)

Défendeur :

Hachette Livre (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacomet

Conseillers :

Mmes Collot, Delmas-Goyon

Avoué :

SCP Lagourgue

Avocats :

Mes Menard, Bonamy, Gout

CA Paris n° 1998-24267

24 novembre 2000

LA COUR est saisie de l'appel, déclaré le 1er octobre 1998, d'un jugement rendu le 11 septembre 1998 par le Tribunal de commerce de Paris.

L'objet du litige porte principalement sur la demande par application des articles 36-1 et 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des SA DNL, DNL Distribution, DNL Rhône Alpes, dirigée contre la SA Hachette Livre, en réparation du préjudice subi depuis 1986, résultant des agissements de discrimination et d'abus de dépendance économique commis par cette société à leur encontre.

Le tribunal a statué ainsi qu'il suit:

- met hors de cause la SA Hachette,

- dit la SA DNL mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en déboute,

- dit la SA Hachette Livre, mal fondée en sa demande reconventionnelle et l'en déboute,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

- condamne la SA DNL aux entiers dépens.

Les SA DNL, DNL Distribution, DNL Rhône Alpes, appelantes, demandent à la cour de :

- vu les articles 36 § 1 et 8 § 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'article 1382 du Code civil,

- réformer la décision frappée d'appel,

- voir condamner la société Hachette à cesser toute pratique discriminatoire vis-à-vis d'elles, sous astreinte de 50 000 F par jour à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- voir condamner tant pour pratiques de prix discriminatoires que pour abus de position dominante, la société Hachette an paiement de la somme de 86 441 989 F à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du Code civil.

- subsidiairement, avant dire droit sur les quantum, leur voir allouer une provision de 50 000 000 F à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.

- voir désigner un expert qu'il plaira à la cour, avec mission de donner tous éléments permettant de chiffrer le préjudice par elles subi,

En tout état de cause, voir condamner la société Hachette à leur verser la somme de 60 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SA Hachette Livre, intimée, demande à la cour de :

- vu les articles 6 et 146 de nouveau Code de procédure civile,

- dire et juger DNL irrecevable et mal fondée en toutes sas demandes fins et conclusions,

- vu les pièces versées aux débats au fond, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner les appelantes au paiement d'une somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

LA COUR, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties, se réfère au jugement et aux conclusions d'appel ;

Sur ce,

A. Sur les pratiques discriminatoires

Considérant que, pour critiquer le jugement, en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes, les sociétés appelantes, soutiennent, en premier lieu, en substance que, les discriminations pratiquées, au demeurant non contestées, seraient caractérisées par des négociations, sans aucune référence aux conditions générales de vente, des remises supérieures à 30 % à certains grossistes (Sotraco, Promedif, EGG) tandis que les taux obtenus par les sociétés auprès de certains de ces derniers démontreraient les taux réels pratiqués par Hachette Livre auprès de ces grossistes, que cette dernière société, à qui incomberait cette preuve, n'aurait pas justifié de contreparties réelles à ces discriminations, les négociations ayant eu lieu sans référence à ces conditions générales de vente, la SA Hachette Livre ayant fait obstacle, de manière manifeste à ce que les sociétés DNL puissent réaliser des prestations qualitatives et bénéficier de remises promotionnelles, qu'il en serait résulté pour ces sociétés DNL un désavantage dans la concurrence - sans qu'il leur soit nécessaire d'établir le préjudice découlant de pratiques illicites ou la définition du marché pertinent - résultant pour ces dernières de la nécessité de s'approvisionner à des prix élevés, de l'impossibilité où elles se sont trouvées de pratiquer des prix concurrentiels, de l'obligation de se fournir auprès de grossistes concurrents, de la privation du bénéfice des opérations promotionnelles de la SA Hachette Livre ou de la faculté de retourner les invendus dont elles ont dû, dès lors, assumer la charge, que ces agissements auraient été confirmés par le rapport établi à leur diligence par la DGCC, dont résulteraient des distorsions dans les conditions générales de vente rendant celle-ci inapplicables, des remises, supérieures à celles attribuées aux grossistes dont elles font partie, octroyées aux supermarchés dont certains, en outre, auraient bénéficié par rapport à d'autres de pratiques discriminatoires, sans que ces remises eussent été justifiées par des contreparties réelles tirées de remises qualitatives ou de surremises promotionnelles, des remises à certains grossistes supérieures à celles dont elle-même aurait bénéficié, une volonté évidente de les évincer, résultant du refus de la SA Hachette Livre de collaboration commerciale avec elles et d'une pratique concurrentielles " à rebours " consistant à octroyer à d'autres grossistes des conditions plus favorables (EDI Services, Alizés) ;

Considérant, au vu des pièces produites que :

- la SA DNL assure depuis 1981 la distribution des livres et notamment ceux édités par la SA Hachette auprès des supermarchés,

- à la suite d'une lettre par laquelle la SA DNL s'était plainte de la diminution constante des remises dont elle bénéficiait, la SA Hachette Livre lui a, par lettre du 30 mai 1995, répliqué qu'elle ne pouvait aller au-delà de la remise globale de 30,5 % qui comprend une remise quantitative de 6, 5 % au titre de la réalisation d'un chiffre d'affaires supérieur à 1 459 000 F,

- sur une assignation délivrée le 6 mars 1996, se référant aux pratiques discriminatoires, par application de l'ordonnance du 1er décembre 1996, et tendant à la désignation d'un expert et à faire cesser ces pratiques, la Cour d'appel de Rennes, a, par arrêt du 30 avril 1997, infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 19 septembre 1996, qui s'était déclaré compétent et s'est déclaré incompétente au profit du Tribunal de commerce de Paris, qui a rendu le jugement déféré,

- courant mars 1999, la DGCC a été saisie à l'initiative de la SA DNL d'une demande d'enquête par application de l'article 36-I de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- le rapport de la DCCF a été établi le 18 mai 2000 ;

Considérant qu'il s'évince de ce rapport ce qui suit :

- la SA DNL est spécialisée dans le commerce en gros de produits de l'édition française et a fondé son développement sur l'activité auprès des supermarchés,

- la SA Hachette Livre développe depuis 1990 une activité de vente de livres directement auprès des supermarchés,

- si le marché pertinent est l'approvisionnement des supermarchés, il convient, pour examiner les pratiques discriminatoires dénoncées, de décrire l'ensemble du marché du livre ; les données suivantes peuvent être admises : Hachette détient 35 % des parts du marché de l'édition ; la part des supermarchés dans la distribution représente en valeur 3,2 % ; l'approvisionnement des supermarchés est assuré par trois entités : DNL, LDS, service commercial de Hachette Livre, DIL, société dépendante du Groupe Havas, pour respectivement environ 40 %, 32 %, 28 %.

- les conditions générales de vente s'appliquent à l'ensemble des clients : hypermarchés, librairies, supermarchés et grossistes et s'entendent pour toute commande livrée à une seule adresse et facturée sur un seul compte ; elles prévoient l'attribution de remises en distinguant trois catégories de clientèle non spécialisée, cette dernière catégorie regroupant entre autres, les supermarchés et les grossistes,

- les remises se répartissent comme suit :

* remises quantitatives :

- - fixe de 20 %,

- - quantitative de chiffre d'affaires déterminé par point de vente pour un seuil de 1 720 000 F : 1,5 à 6,5 %,

- - quantitative d'évolution de chiffre d'affaires de 0 à 1,50 %

- - de retours de 0 à 1,5 %

* remises qualitatives :

- - d'office (mise en avant de nouveautés) de 3 %,

- - de coopération dont les critères sont notamment : les bottés avant parution, le réassortiment sur l'ensemble du fonds, la mise en avant à l'occasion d'offres promotionnelles, le suivi statistique informatique des stocks, de 4,5 %

- - de fonds permanent (quantités minimales de références offertes),

- - surremises promotionnelles liées à une opération de mise en avant,

- en ce qui concerne DNL les investigations ont mis en évidence que :

- - pour les remises quantitatives celle-ci pouvait prétendre à la remise fixe de 20 %, celle de 6,50 % sur le chiffre d'affaires et 1,50 % pour les retours soit 28 %,

- - pour les remises qualitatives, elle ne pouvait, de fait, y prétendre mais cette situation résulte de l'ostracisme de Hachette Livre à l'égard de DNL, lui refusant toute coopération commerciale, qui aurait pu lui permettre de bénéficier de la remise d'office, d'une partie de la remise de coopération, et dans une certaine mesure de la remise du fonds permanent,

- en ce qui concerne les grossistes :

- - EDI Services a bénéficié de remises variant entre 30,70 % et 32 % de manière globale,

- - SFL (Alizés) a bénéficié de remises de l'ordre de 39 à 40 % avec des remises indues variant pour la littérature générale de 3 à 12 %, pour la grande diffusion de 4 à 11 %, pour la diffusion Dupuis de 0 à 3,6 % ;

- - Générale du Livre pouvait prétendre à une remise de l'ordre de 34 %, eu égard aux conditions générales de vente,

- - DCL dont l'activité de grossiste est limitée à la Corse obtient les mêmes remises que DNL alors qu'elle ne peut prétendre, eu égard à son chiffre d'affaires qu'à une remise quantitative suivant les années de 3 à 3,5 %,

- - Distrilivres aurait pu prétendre au maximum à une remise globale de 29 à 30 % mais ce constat est en partie la conséquence de l'ostracisme commercial dont elle fait l'objet de la part de Hachette,

- en ce qui concerne les supermarchés

- les remises quantitatives comprennent une remise de base de 20 %, une remise liée au chiffre d'affaires de 6,50 %, une surremise pour un chiffre d'affaire supérieure à 4 MF de 1 % tandis que les remises qualitatives regroupent une remise pour fonds permanent de 1 %, et une remise variant selon les supermarchés pour centralisation de 0,50 à 2,50 %,

- les remises sur factures pratiquées ont, de fait, selon les supermarchés, varié de 29 à 31 % ; s'y ajoutent des remises hors factures (remise de fin d'année et de coopération),

- il y a lieu d'observer que Hachette calcule la remise sur le chiffre d'affaires consolidé de chaque enseigne alors que les conditions générales de vente se réfèrent au point de vente, que la remise de centralisation n'est pas prévue par les conditions générales de vente, que celles hors factures sont dérogatoires à ces dernières et très variables d'un supermarché à l'autre, que l'enquête complémentaire faite sur trois supermarchés parisiens confirme que la remise quantitative de 6,50% comme celle liée au fonds permanent ne sont pas justifiées,

- les conditions générales de vente ont été conçues pour s'appliquer à des libraires détaillants, elles sont inadaptées pour des grossistes et des supermarchés ; s'il est loisible à Hachette Livre de recourir à des conditions générales de vente pour tous ses clients, cette unicité ne doit pas conduire à une distorsion dans la mise en œuvre de ces conditions contractuelles tandis que l'octroi de remises qualitatives impose une application objective c'est-à-dire qu'elles correspondent à la contrepartie d'un service effectivement rendu, toutes conditions qui n'ont pas été remplies, la SA Hachette ayant appliqué de façon purement arbitraire ses conditions générales de vente ce qui aboutit, de facto, à un traitement discriminatoire entre les différents types de clientèle, et au sein d'une même catégorie, entre distributeurs,

- il existe des pratiques discriminatoires à l'égard des grossistes, deux d'entre eux EDI Services, SFL étant traités comme clientèle spécialisée ce qui leur permet de prétendre à une remise de coopération à la différence des autres et bénéficiant de remises qualitatives sans contrepartie réelle : ainsi EDI Services a bénéficié de remises indues de l'ordre de 4 % et de surremises promotionnelles, en principe exclues pour les grossistes tandis que SFL a bénéficié de remises localement ou partiellement indues au titre de l'évolution du chiffre d'affaires, d'office, des retours, du fonds permanent, de coopération, de surremises promotionnelles,

- de telles pratiques discriminatoires se révèlent à l'égard des supermarchés, en retenant un chiffre d'affaires consolidé qui a permis d'octroyer une remise quantitative de 7,5 % plus remise de fin d'année au lieu de 1,5 à 2 %, en accordant une remise de 1 % pour fonds permanent indue et en déterminant selon les enseignes des critères quantitatifs distincts ;

- enfin les pratiques sont discriminatoires à l'égard de DNL en ce sens que :

- - Hachette a opposé un refus de collaboration commerciale mettant DNL dans l'impossibilité de répondre aux exigences qualitatives des conditions générales de vente et donc de bénéficier des remises qui y sont afférentes comme, à une exception mineure près, des surremises promotionnelles,

- - Hachette a développé une pratique discriminatoire " à rebours " par l'octroi de conditions plus favorables à certains grossistes, en particulier EDI Services et SFL lesquels bénéficient de remises qualitatives alors qu'ils ne satisfont pas à l'ensemble des critères requis, et l'attribution à certains grossistes, à l'exception de Distrilivres, de remises à un taux constant, quelle que soit l'évolution de leur situation en termes quantitatifs et/ou qualitatifs,

- - la société DNL subit de ce fait incontestablement un désavantage dans la concurrence sur le marché des fourniture de livres en supermarchés dès lors qu'elle est contrainte, pour obtenir de meilleures conditions, de recourir à des approvisionnements parallèles qui surenchérissent ses coûts et rallongent les délais de livraison ce qui est préjudiciable à la mise en place de nouveautés dans les points de vente,

- - enfin le traitement de faveur dont bénéficient les supermarchés, en leur accordant, au-delà des conditions générales de vente, des remises quantitatives et, de façon discriminatoire une remise qualitative (fonds permanent) tandis que DNL est traitée défavorablement conduit à entraver son activité, votre, à terme à l'évincer du marché de l'approvisionnement des supermarchés ;

Considérant que, selon l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : 1 - de pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles, créant, de ce fait pour ce partenaire, un désavantage ou n avantage dans la concurrence " ;

Considérant que si l'existence éventuelle de pratiques discriminatoires n'importe, en l'espèce, de définir la mesure dans laquelle les sociétés DNL se trouvent dans une situation de concurrence, dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'argumentation des sociétés appelantes que le grief allégué consiste en une double pratique discriminatoire portant sur les prix par l'octroi de remises différentes ; non conformes aux conditions de vente et non justifiées par des contreparties réelles, et consistant à privilégier les supermarchés par rapport aux grossistes et à traiter plus favorablement certains grossistes, catégorie dont elles feraient partie, et, d'autre part, que le grief n'a de portée que pour autant qu'une situation de concurrence a été établie ;

Considérant, au vu des pièces précitées, que la situation de concurrence est réalisée tant par l'approvisionnement en livres des grossistes livrant les supermarchés que pour la livraison directe de ces derniers et qu'il s'ensuit que la situation des sociétés DNL, au regard des pratiques discriminatoires doit être comparée en premier lieu avec les supermarchés en second lieu avec les seuls grossistes alimentant en livres ces supermarchés, dès lors, d'une part, que l'octroi de remises aux premiers, si elles dépassent un certain seuil a pour conséquence de les détourner des grossistes et de faire obstacle à l'activité même de ces derniers en leur interdisant, le cas échéant toute marche suffisante à leur développement, d'autre part, que les conditions générales de vente, ce qui n'est pas discuté par la SA Hachette Livre, si elles ont été conçues pour des libraires détaillants, sont uniques et applicables à l'ensemble de ses clients, hors les collections Harlequin et Hatier, qui pratiquent leur propres conditions de remise ;

Considérant que les grossistes évoqués dans la présente procédure sont Ediservices, SFL (Alizés), Générale du Livre, DCL, Distrilivres, Sotraco, Promedif, EGG ;

Considérant, au vu du rapport de la DCCF, que ne livraient pas les supermarchés SFL (pages 33), Générale du Livre (page 44), que la société Ediservices ne livrait le supermarché Continent d'Ile de France que ponctuellement dans le cadre de réassorts rapides, que la société DCL n'était en situation de concurrence avec DNL que pour la Corse, que la société Victorion, ultérieurement dénommée Distrilivres exerçait son activité auprès des libraires de troisième niveau qui comprennent notamment les supermarchés, que les sociétés EGG, Sotraco, Promedif n'ont pas réalisé de chiffre d'affaires pour les années 1997, 1998, 1999 ;

Considérant que pour la période antérieure à 1997, en ce qui concerne les sociétés Sotraco, Promedif, EGG les sociétés DNL se sont bornées à produire les éléments suivants :

- pour Sotraco, factures de 1988 et 1989 dont résulterait l'octroi de remises de 38 % alors qu'à la même date, DNL ne bénéficiait que de 30,5 %,

- pour PROMEDIF, facture du 28 octobre 1997 dont résulterait pour un article une remise de 45 %, DNL soutenant que cette société livrait les supermarchés ;

- pour EGG, dont DNL indique qu'elle est grossiste en cartes Michelin et IGN, factures de mai et juin 1997 dont résultent des remises dépassant 51 % ;

Considérant, en ce qui concerne la société Sotraco, que la situation de concurrence est caractérisée, mais seulement, en l'absence de tout autre élément que les factures précitées, pour les années 1988 et 1989, dès lors, qu'il n'est pas discuté par la SA Hachette Livre que cette dernière livrait notamment les supermarchés en livres ;

Considérant, en revanche, que, pour les sociétés EGG et Promedif les sociétés appelantes, en cet état, n'ont pas caractérisé une situation de concurrence avec ces sociétés, dès lors, d'une part, que les factures ne se rapportent qu'à l'année 1997, d'autre part, que la réalité de telles livraisons par les sociétés Promedif et EGG est expressément contredite par les énonciations du rapport de la DGCC, étant, en outre précisé, en tant que de besoin, pour la société Promedif, que les ouvrages considérés étaient édités par le groupe Hatier, collections ne relevant pas des conditions générales de vente ;

Considérant qu'il s'en suit que la situation de DNL doit être appréciée, avec, outre les supermarchés, les seuls grossistes suivants : Distrilivres, DCL ;

I - SUR LES REMISES ACCORDEES A DNL

1. Remises quantitatives

Considérant qu'il n'est pas discuté que les sociétés DNL ont bénéficié des remises quantitatives prévues aux conditions générales de vente, outre une remise de 2 % de redistribution ;

2. Remises qualitatives

Remise d'office

Considérant que pour prétendre que DNL ne peut bénéficier d'aucune remise à ce titre, la société intimée soutient que l'espace limité des supermarchés ne permet pas à DNL d'offrir des ouvrages de littérature en nombre suffisants, alors que la vente de best-sellers en supermarché est la troisième étape de leur vie et que le poids des offices dans le chiffre d'affaires de DNL ne serait que de 0,9 % ;

Considérant qu'il est manifeste que les sociétés appelantes ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier d'une telle remise, dès lors, d'une part, que l'argumentation d'Hachette Livre précitée n'est pas sérieusement contredite, d'autre part, que le rapport de la DCCF a relevé que DNL ne pouvait à ce jour y prétendre, et, enfin, que s'il est exact que ce même rapport a indiqué que DNL serait susceptible de l'obtenir dans le cadre d'une collaboration commerciale qui lui est quant à présent refusée, cette affirmation, au regard de l'espace restreint réservé aux ouvrages de littérature et du poids des offices dans le chiffre d'affaires de DNL, qui ne saurait considérablement augmenter, tels que caractérisés, n'est pas suffisamment démontrée ;

Remise de coopération

Considérant que, pour dénier à DNL toute possibilité d'une telle remise, la SA Hachette Livre soutient que DNL n'effectuerait pas de " notés avant parution " sur les nouveautés compte tenu des exigences commerciales de sa clientèle et de la circonstance qu'elle ne peut prendre le risque de sa clientèle et de la circonstance qu'elle ne peut prendre le risque de la mévente et qu'en fait DNL se limite à acheter quelques nouveautés une fois que le public les a consacrés ;

Mais considérant, au vu du rapport de la DCCF, que cette argumentation ne saurait être retenue, dès lors, d'une part, que DNL a justifié tout à la fois d'un désir de coopération avec Hachette Livre à l'occasion d'opérations promotionnelles- même s'il on excepte les ouvrages exclus des conditions générales de vente tels que cahiers de vacances " Passeporet " et dictionnaires - et d'installations permettant la mise en avant dans les supermarchés,d'autre part que le refus de coopération de Hachette Livre, qualifié d'ostracisme par le rapport de la DGCC s'évince de la baisse constante des remises accordées qui avait atteint en 1983 40 %, de l'absence depuis 20 ans de visite d'un quelconque représentant, de l'avis émis par le représentant d'Hachette Livre lors des investigations de la DCCF que DNL aurait pu en bénéficier si elle avait assuré un suivi informatique de ses stocks, cette restriction apparaissant un vain prétexte, au regard de ce qui précède ;

Considérant que, au vu des conditions générales de vente et des observations du rapport de la DGCC, l'attitude observée par la SA Hachette Livre justifie l'attribution d'une remise de coopération de 2 %, seule de nature à réparer les conséquences du refus de coopération caractérisé, celle-ci incluant les conséquences du refus de toute surremise proportionnelle, qui participent de la coopération, comme il sera dit ;

Remise de fond permament

Considérant que pour solliciter une telle remise les sociétés appelantes se prévalent des conditions générales de vente et notamment des conclusions du rapport de la DGCC ;

Mais considérant que cette prétention ne peut qu'être rejetée dès lors, d'une part, que les conditions de vente se réfèrent aux ouvrages exposés dans les surfaces de vente, d'autre part, que le rapport de la DGCC ne se réfère qu'aux ouvrages exposés dans les surfaces de vente, d'autre part, que le rapport de la DGCC ne se réfère qu'aux ouvrages détenus par les sociétés DNL dans leurs entrepôts, et enfin, qu'en cet état, l'octroi d'une telle remise n'a pas été caractérisée ;

Considérant, en outre, qu'est dénuée de toute portée, l'argumentation tirée de ce que les sociétés DNL bénéficieraient d'une remise de 41 % sur la collection Harlequin et les livres de l'édition Hatier puisque, précisément, ce type d'ouvrages ne relève pas des conditions générales de vente ;

Autres remises

Considérant que, pour dénier la possibilité de telles remises et notamment des surremises promotionnelles, la SA Hachette Livre se prévaut de l'absence d'engagements pris par DNL, de la circonstance que ces remises participent de celles de coopération, et de ce qu'il serait impossible ou difficile à DNL de les obtenir, eu égard à la nature du stock qu'elle gère ;

Mais considérant que cette argumentation ne saurait être retenue, dès lors, d'une part, que les grossistes tel que DNL ne sauraient être à priori exclus du bénéfice des surremises promotionnelles, d'autre part, qu'est dénuée de toute portée l'observation du rapport de la DGCC selon laquelle la DNL doit répercuter les actions promotionnelles auprès de ses propres clients puisque précisément elle assure selon le procédé dit " rack jobbing " la gestion complète du rayon livres des supermarchés qu'elle distribue, de troisième part, que le refus non justifié de coopération de Hachette Livre a été caractérisé, et enfin, que l'opposition à toute remise de fin d'année, ou l'attribution d'une remise promotionnelle sur un nombre très limité d'ouvrage en 1998, n'apparaît qu'une expression de cette attitude volontaire qui, à l'évidence n'est pas liée à la nature du stock géré ;

Considérant, que le préjudice subi de ce chef a déjà été pris en compte, comme il a été dit au titre de la remise de coopération ;

Considérant, en conclusion de ce qui précède que les sociétés DNL n'ont pas bénéficié de certaines des remises qualitatives auxquelles elles pouvait prétendre : coopération, fonds permanent, promotionnelle ;

II - SUR LES REMISES AUX AUTRES GROSSISTES

Considérant qu'est dénuée de toute portée, l'argumentation développée par les parties quant aux remises accordées à EDI Services, SFL, Promedif et EGG puisque, comme il a été dit, ces sociétés n'étaient pas en concurrence avec DNL ;

Considérant que les sociétés DNL se sont formellement prévalues d'agissements discriminatoires au profit de Distrilivres, DCL, dès lors, d'une part, qu'elles se fondent sur le rapport de la DGCC qui s'y réfèrent et, d'autre part, qu'elles indiquent que pour d'autres grossistes dont ces derniers font partie, les conditions générales de vente n'auraient pas été respectées ;

Pour DCL

Considérant, en ce qui concerne DCL, que les agissements discriminatoires ont été caractérisés, dès lors, d'une part, que les énonciations, non contestées à cet égard du rapport de la DGCC indiquent " il est à noter que la société DCL obtient de façon constante le même taux de remise que DNL alors qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires HT de 425 KF en 1997 et de 188 KF en 1998 qui ne lui ouvrait droit qu'à une remise quantitative respectivement de 3,50 % et 3 %, aucune remise ne pouvant être obtenue en ce qui concerne l'évolution, et, d'autre part, que constitue un agissements discriminatoire, le fait d'accorder des remises à un grossiste, hors des conditions générales de vente dont l'application est imposée strictement à d'autres ;

Pour Distrilivres

Considérant, en ce qui concerne Distrilivres, qu'il résulte notamment du rapport de la DCCF que :

- la société Victorion, prédécesseur de Distrilivres bénéficiant de 39,20 % de remise, lorsque cette dernière s'est constituée, la remise a été ramenée à 38 % suivant lettre du 26 mai 1998 avant d'être réduite, le 29 juin 1998 à 32 %,

- la remise quantitative sur chiffre d'affaires au titre de l'année 1998 ne pouvait dépasser 5 % pour 1999 et 6 % pour 2000, celle sur l'évolution du chiffre d'affaires ne pouvait excéder 1,5 %, en sorte que l'ensemble des remises quantitatives aurait dû être de 21,5 % en 1998, 28 % pour 1999 et 29 % à compter du 1er juillet 2000,

- la société Distrilivres n'a pas justifié pouvoir prétendre à une remise d'office ou sur fonds permanent tandis qu'elle ne pouvait se voir conférer une remise de coopération de 1 % étant précisé que la décision de la SA Hachette Livre de ne plus la démarcher par ses forces de vente l'écartait, ipso facto, de la remise liée au travail avec le représentant, soit 1,50 % à 2,5 %, selon les conditions générales de vente,

- l'attribution d'une remise au titre du coursier n'est pas prévue par les conditions générales de vente,

- il existe une surremise supplémentaire de l'ordre de 3,10 % portant sur 77 références totalisant 2647 quantités d'ouvrages,

- en définitivce, Distrilivres pouvait prétendre à une remise maximale de 29 % en 1999 et de 30 % à compter du 1er juillet 2000, qui aurait pu être majorée de 1,5 à 2,5 %, si Distrilivres n'avait pas fait l'objet d'une mesure "d'ostracisme" l'excluant de la remise de coopération.

Considérant qu'au vu de ce qui précède, la remise globale de 32 % respectait dans leur ensemble, les conditions générales de vente et que les sociétés DNL n'ont pas caractérisé une pratique discriminatoire par rapport à Distrilivres ;

Pour Sotraco

Considérant, en ce qui concerne Sotraco, que la non application des conditions générales de vente n'a pas été suffisamment caractérisée, dès lors, d'une part, que les sociétés DNL ne produisent que deux factures isolées en 1988 et 1989 et qu'il résulte d'une facture émise le 24 février 1989, soit pendant la même période de référence, et produite par la SA Hachette Livre que pour le même type d'ouvrage il avait été appliqué une remise de 30,50 %, d'autre part, qu'il n'est justifié d'aucune décomposition de cette remise de 38 %, et, enfin, qu'il n'est pas produit d'éléments permettant à la cour de procéder à cette ventilation ;

III - SUR LES REMISES AUX SUPERMARCHES

Considérant que les sociétés appelantes des prévalent du rapport de la DGCC, que, selon elles, la société intimée ne discuterait même pas, pour soutenir qu'il serait parfaitement établi que la société Hachette Livre pratiquerait des discriminations entre les supermarchés, mais surtout entre les grossistes et en faveur des supermarchés au détriment de certains grossistes, qu'en l'espèce, elles subiraient cette double discrimination, qui tendraient à l'évincer du marché ;

Considérant qu'il résulte du rapport de la DGCC que :

- la pratique de la consolidation du chiffre d'affaires est contraire aux conditions générales de vente et a pour conséquence de majorer la remise quantitative sur chiffre d'affaires qui, autrement ne pouvait atteindre 6,50 % et encore moins 7 % et aurait du être limitée à 1,50 % ou 2 % ;

- la remise de centralisation de 0,50 % à 2,50 % n'était pas prévue par les conditions générales de vente, pas plus que celle de fin d'année tandis que variaient considérablement d'une enseigne à l'autre les conditions commerciales consenties, quant aux remises purement quantitatives, et que les conditions d'attribution de remises promotionnelles ne paraissaient pas pour la plupart réunies ;

- l'enquête complémentaire précise faite sur trois supermarchés parisiens a révélé que, hors les remises promotionnelles et de coopération, aurait du être accordées les remises maximales suivantes : SNC Casino France (24,5 % au lieu de 29,50 %), SA Fiderof (23 % au lieu de 30 %), tandis que si pour la SA Atac en l'absence d'informations suffisantes, aucun taux de remise ne peut être avancé, il est manifeste que cet établissement ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une remise de 1% au titre du fonds permanent ;

Considérant, au vu de ce qui précède, que les pratiques discriminatoires en faveur des supermarchés ont été caractérisées, dès lors, d'une part, que les conditions de vente n'ont pas été respectées, d'autre part, que ces pratiques ont eu pour effet d'attribuer des remises totalement ou partiellement indues tant qualitatives que quantitatives et, enfin, que ces mêmes pratiques ont eu pour conséquence de faire bénéficier ces supermarchés de taux de remises parfois supérieurs à ceux auxquels, les sociétés DNL auraient pu prétendre si les conditions générales de vente avaient été appliquées ;

A - SUR LE DESAVANTAGE ECONOMIQUE

Considérant que les sociétés DNL prétendent que l'existence d'un avantage ou désavantage économique dans la concurrence résulterait de l'existence même de la discrimination, qui, en l'espèce serait flagrante, ces sociétés devant s'approvisionner à des prix anormalement élevés, ne pouvant être concurrentielles avec les grossistes, devant se fournir auprès de grossistes concurrents dans des conditions plus difficiles, manquant des opérations promotionnelles et ne pouvant retourner les invendus à l'éditeur, peu important que le chiffre d'affaires de ces sociétés se soit maintenu ;

Considérant que le désavantage économique au détriment des sociétés DNL est caractérisé, dès lors, d'une part, que l'avantage ou le désavantage économique dans la concurrence résulte de la simple existence de pratiques discriminatoires, non justifié par des contreparties réelles, liées en l'espèce au non respect des conditions générales de vente, sans que l'opérateur ait à démontrer l'existence d'un préjudice que ces pratiques illicites lui ont causé, d'autre part, que de telles pratiques ont été établies précédemment, tant par le refus aux sociétés DNL des remises résultant des conditions générales de vente, que, par l'octroi, hors et au delà de ces dernières, de remises à un grossiste, DCL, et à divers supermarchés ;

B. SUR L'ABUS DE DEPENDANCE ECONOMIQUE

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent ensuite que, par application de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 serait prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, l'exploitation abusive, notamment par des conditions de vente discriminatoires, par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente, qu'en l'espèce, le marché concerné étant le marché de la vente du livre aux grossistes, l'état de dépendance économique des sociétés DNL à l'égard de la SA Hachette Livre aurait été caractérisé, eu égard à la notoriété de la marque des produits rendant pratiquement inexistante la substituabilité, la part du marché détenu par la SA Hachette Livre, l'importance du chiffre d'affaires réalisé par DNL avec cette dernière, l'absence de solution équivalente, tandis que serait démontré que cet abus aurait pour effet de fausser la concurrence sur le marché, à raison de l'évidence de la volonté prédatrice de la SA Hachette Livre qui s'évince de la double discrimination dénoncée entre grossistes et en faveur des supermarchés, de la volonté de cette dernière d'étouffer son principal concurrent en lui imposant des remises à 30,5 % la privant de toute possibilité de marge sur 40 % de son activité seule fin de pénétrer le marché des intermédiaires en cumulant à son profit la marge de l'éditeur et celle du grossiste ;

Mais considérant, les pratiques discriminatoires ayant été précédemment établies, que cette argumentation est dénuée de portée, dès lors que, ainsi que le révélera la discussion sur le préjudice, que les sociétés DNL n'ont invoqué aucun dommage spécifiquement lié à l'abus de dépendance économique qui soit distinct de celui pris en compte comme résultant des pratiques discriminatoires ;

SUR LE PREJUDICE RESULTANT DES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES

Considérant que, pour réclamer la condamnation de la SA Hachette Livres cesser sous astreinte toute pratique discriminatoire et à lui payer la somme de 86 441 989 F à titre de dommages et intérêts, les sociétés DNL soutiennent que leur préjudice serait constitué par : la perte injustifiée de marge correspondant à l'insuffisance du taux de remise appliqué (30 216 503), les coût supplémentaires induits résultant de surcoûts logistiques et de la perte des invendus (17 947 082), préjudice commercial correspondant au gain perdu sur le chiffre d'affaires manqué (28 880 KF), le préjudice financier lié aux conséquences découlant de ce qu'elle a été privée depuis 1986 de montants extrêmement importants (5 MF) ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner une expertise, comme il est dit au dispositif, sur les seuls chefs de préjudice allégués, dès lors, d'une part, que le rapport de la DGCC ne comporte aucune analyse qu'il n'avait pas à faire à cet égard, d'autre part, que les sociétés appelantes ne sauraient établir leur préjudice sur la base des seuls éléments établis par ses soins, de troisième part, que les parties révèlent en maintes occasions des affirmations non étayées ne reposant pas sur des éléments précis et vérifiables par la cour ;

Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt l'expert devra émettre son avis technique en partant des données suivantes :

Sur la perte de marge correspondant à l'insuffisance du taux de remise appliqué :

- la remise accordée à DNL pour la période de référence soit depuis 1986 et de 30,5 %,

- les remises quantitatives auxquelles pouvait prétendre DNL sont arrêtées à 28 %,

- aucune remise d'office ne lui est due,

- préjudice résultant du refus de coopération est pris en compte par une remise de coopération de 2 % incluant les conséquences de l'absence de surremise promotionnelle,

- aucune remise n'est due,

- il y a lieu, le cas échéant, pour établir le préjudice résultant de la perte de marge de tenir compte de la circonstance que, moyennant certains surcoûts logistiques qui devront être évalués DNL a pu obtenir des remises supérieures auprès de certains fournisseurs, étant précisé que devra être pris en considération la circonstance que les conditions ainsi consenties excluaient parfois le retour pour invendus,

Sur les coûts supplémentaires induits :

- les surcoûts logistiques liés à la circonstance que DNL s'est adressée à d'autres fournisseurs devront être évalués en tenant compte des dépenses qu'auraient faites les sociétés DNL si elles s'étaient fournies auprès d'Hachette Livre,

- les retours pour invendus seront évalués en tenant compte de ce que le prix d'acquisition a, le cas échéant, pris en considération l'impossibilité de retour pour invendus et en procédant si nécessaire à une ventilation par type d'ouvrages,

Sur le préjudice commercial :

- les seules pertes de marché éventuelles à prendre en compte sont celles, seules alléguées, des supermarchés Stoc, depuis 1993, Atac, depuis 1994, Champion, depuis 1996,

- le gain manqué sur les marchés éventuellement perdus devra être évalué en tenant compte de ce que DNL a indiqué aux enquêteurs de la DCCF qu'elle devait consentir une remise de 29 à 30 % à ses propres clients,

- ce préjudice commercial sera évalué au plus sur une année, eu égard aux conclusions prises en ce sens par Hachette Livre,

Sur le préjudice financier :

- il y aura lieu d'évaluer, le cas échéant, l'existence d'un préjudice financier complémentaire, qui résulterait de la privation du bénéfice de sommes importantes qu'ont généré les agissements discriminatoires de la SA Hachette Livre,

SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que les sociétés appelantes sollicitent à titre de provision à valoir sur leur préjudice de 50 000 000 F ;

Considérant au vu de ce qui précède que cette demande est justifiée à concurrence de 15 000 000 F, dès lors, d'une part, que les agissements discriminatoires ont été caractérisés, d'autre part, que s'ils sont d'une ampleur réelle ils sont moindres que ce qu'ont prétendu les société appelantes, et qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, le préjudice s'il n'a pu être exactement déterminé est fondé dans son principe ;

Considérant que les sociétés appelantes ont sollicité la condamnation sous astreinte de la SA Hachette Livre à cesser toute pratique discriminatoire à leur égard sous astreinte de 50 000 F par jour de retard à compter du présent arrêt ;

Considérant, eu égard à l'imprécision de la demande ainsi formée et au parties en cause dans la présente instance qu'il y a lieu de faire droit à cette demande mais seulement en ce sens qu'il est donné injonction à la SA Hachette Livre, sauf à la SA Hachette Livre de déterminer des conditions générales de vente prenant en compte les observations du rapport de la DCCF :

- d'appliquer les conditions générales de vente litigieuses en consentant aux sociétés DNL les remises quantitatives, outre la remise de distribution de 2 %, auxquelles elle a droit, conformément aux motifs du présent arrêt,

- en ce qui concerne les remises qualitatives, d'adresser, dans le délai d'un mois une réponse motivée qu'elle qu'en soit le sens à toute demande également motivée de la part des sociétés appelantes de bénéficier de la remise de coopération et de lui accorder dans cette attente une remise de coopération de 1,5 % ;

Considérant qu'il y a lieu au regard de l'attitude jusqu'alors observée par la SA Hachette Livre et de l'intérêt qui s'attache à remédier sans délai aux pratiques dénoncées d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire de 30 000 F par mois de retard, commençant à courir, trois mois après la signification du présent arrêt ;

Considérant que le surplus des demandes et les dépens sont réservés ;

Par ces motifs : Infirme le jugement ; Statuant à nouveau et y ajoutant ; Dit que la SA Hachette Livre a commis des pratiques discriminatoires au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dont elle doit réparation aux sociétés DNL Distribution, DNL, DNL Rhône Alpes ; Ayant dire droit sur le préjudice ; Ordonne une expertise et désigne à cette fin M. Naum William, expert-comptable, demeurant 9 rue Pierre Legrand 75008 Paris Tél. : 01.12.42.80.50, avec pour mission : de se faire communiquer tous documents utiles et notamment le rapport de la DCCF, d'entendre les parties dans les formes légales et toute personne susceptible de lui fournir des éléments d'information, d'établir les seuls préjudices évoqués dans le présent arrêt en prenant en considération notamment les éléments suivants : Sur la perte de marge correspondant à l'insuffisance du taux de remise appliqué : la remise accordée à DNL pour la période de référence soit depuis 1986 est de 30,5 %, les remises quantitatives auxquelles pouvait prétendre DNL sont arrêtées à 28 %, aucune remise d'office ne lui est due, le préjudice résultant du refus de coopération est pris en compte par une remise de coopération de 2%, incluant les conséquences de l'absence de surremise promotionnelle, aucune autre remise n'est due ; il y a lieu, le cas échéant, pour établir le préjudice résultant de la perte de marche de tenir compte de la circonstance que, moyennant certains surcoûts logistiques qui devront être évalués, DNL a pu obtenir des remises supérieures auprès de certains fournisseurs, étant précisé que devra être pris en considération que les conditions ainsi consenties excluaient parfois le retour pour invendus ; Sur les coûts supplémentaires induits : les surcoûts logistiques liés à la circonstance que DNL s'est adressé à d'autres fournisseurs devront être évalués en tenant compte des dépenses qu'auraient faites les sociétés DNL si elles s'étaient fournies auprès d'Hachette Livre ; les retours pour invendus seront évalués en tenant compte de l'impossibilité de retour pour invendus et en procédant, si nécessaire, à une ventilation par type d'ouvrages ; Sur le préjudice commerciale : les seules pertes de marché éventuelles à prendre en compte sont celles, seules alléguées, des supermarchés Stoc, depuis 1993, Atac, depuis 1994, Champion depuis 1996, le gain manqué que les marchés éventuellement perdus devra être évalué en tenant compte de ce que DNL a indiqué aux enquêteurs de la DCCF qu'elle devait consentir une remise de 29 à 30 % à ses propres clients, ce préjudice commercial sera évalué au plus sur une année, eu égard aux conclusions prises en ce sens par Hachette Livre ; Sur le préjudice financier : il y aura lieu d'évaluer, le cas échéant, l'existence d'un préjudice financier complémentaire, qui résulterait de la privation du bénéfice de sommes importantes qu'ont généré les agissements discriminatoires de la SA Hachette Livre ; plus généralement fournir tous éléments permettant à la cour d'évaluer les préjudices ci avant énoncés qu'aurait subis les sociétés appelantes ; Dit que les sociétés appelantes devront consigner au secrétariat greffe de la cour la somme de 50 000 F, à valoir sur les honoraires de l'expert, dans les deux mois du présent arrêt ; Dit qu'à défaut la SA Hachette Livre pourra se substituer aux sociétés DNL Distribution, DNL, DNL Rhône Alpes ou faire revenir l'affaire en l'état devant la cour ; Dit que cette somme doit être versée au régisseur d'avances et des recettes de la Cour d'appel de Paris, 34 quai des Orfèvres (75055) Paris Louvre SP ; Dit que, dans les deux mois de la saisine, l'expert indiquera le montant de sa rémunération définitive prévisible afin que soit éventuellement ordonnée une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du nouveau Code de procédure civile ; Dit que l'expert devra déposer son rapport en double exemplaire au service de la mise en état de la Cour d'appel de Paris dans les six mois de sa saisine ; Condamne la SA Hachette Livre à verser une provision de 15 000 000 F aux sociétés DNL, DNL Rhône Alpes, prises ensemble, à valoir sur leur préjudice ; Donne injonction à la SA Hachette Livre, sous astreinte provisoire de 30 000 F par mois, commençant à courir, trois mois après la signification du présent arrêt, sauf à la SA Hachette Livre de déterminer des conditions générales de vente prenant en compte les observations du rapport de la DGCC : d'appliquer les conditions générales de vente litigieuses en consentant aux sociétés DNL les remises quantitatives, outre la remise de distribution de 2 %, auxquelles elle a droit, conformément aux motifs du présent arrêt, en ce qui concerne les remises quantitatives, d'adresser, dans le délai d'un mois une réponse motivée de la part des sociétés appelantes de bénéficier de la remise de coopération et de lui accorder dans cette attente une remise de coopération de 1,5 % ; Renvoie la cause et les parties à l'audience de mise en état du 21 septembre 2001 ; Rejette le surplus des demandes ; Réserve les dépens.