CA Douai, 6e ch. corr., 6 février 2003, n° 02-02131
DOUAI
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marie
Conseillers :
Mme Sorlin, M. Gaidon
Avocat :
Me Vandamme
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Par jugement en date du 23 novembre 2001, le Tribunal correctionnel de Lille a :
* déclaré Dominique L coupable d'avoir à Lille, dans le département du Nord et sur l'ensemble du territoire national courant 1999/2000 :
1. Effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur :
- la portée des engagements de l'annonceur,
- les motifs ou procédés de la vente ou de la prestation,
- les résultats attendus.
- l'identité, les qualités ou aptitudes du prestataire, d'un bien ou d'un service objet de la publicité.
En l'espèce en diffusant au nom de l'association de consommateurs " X ", une publicité visant à promouvoir auprès des sociétés contactées (Troc de l'Ile, Air France, SEB, Packard Bell, Peugeot...) le label "élu produit de l'an 2000", indiquant à l'appui de son argumentation :
- qu'elle avait fait réaliser une enquête de notoriété concernant 180 marques auprès d'un panel de 5 800 personnes élisant les produits de l'an 2000,
- que l'utilisation du label faisait augmenter les ventes "selon les statistiques" de 14 à 17,8 %,
- qu'elle s'engageait, en cas d'accord contractuel, à promouvoir les produits élus via 6 expositions simultanées présentes dans 300 hypermarchés, ainsi que par des campagnes de valorisation et d'affichage,
Alors même que :
- cette association n'avait pas sollicité auprès de la DGCCRF l'agrément lui permettant de se prévaloir du titre d'association "de défense des consommateurs".
- elle n'avait réalisé aucune enquête statistique auprès des consommateurs, qui n'avaient jamais été mis en mesure de désigner "les produits de l'an 2000",
- les allégations relatives à l'augmentation des ventes induite par l'utilisation du label "élu produit de l'an 2000" n'étaient étayées par aucune étude statistique objective et pertinente,
- elle ne disposait d'aucune infrastructure ni pris d'engagement auprès de sociétés de communication lui permettant de mettre en place les campagnes publicitaires annoncées ;
2. Tenté de tromper les sociétés démarchées pour les déterminer à lui remettre une somme allant de 48 000 à 480 000 F
- en usant d'une fausse qualité
* l'association de consommateurs X n'ayant reçu aucun agrément de la DGCCRF lui permettant de se prévaloir de la qualité d'association de défense des consommateurs,
* l'association autorisait l'utilisation du label "élu produit de l'an 2000", qui ne correspondait en réalité à aucun cahier des charges contenant des spécifications significatives pour le consommateur,
- en usant de manœuvres frauduleuses, consistant à présenter l'association comme :
* capable d'entreprendre des études statistiques permettant de tester le goût des consommateurs et de mesurer l'impact sur les ventes de l'utilisation d'un label, alors même que les informations dont elles se targuaient provenaient de journaux d'information économique sans rapport avec le travail statistique censé avoir été effectué préalablement par l'association,
* capable de mettre en œuvre des campagnes de valorisation et d'affichage, alors même qu'elle n'avait pas la capacité et les structures permettant de les initier, de les financer et de les organiser et n'avait pris aucun engagement auprès de sociétés de communication lui permettant de mettre en place les campagnes publicitaires annoncées ;
3. Trompé la société SEB pour la déterminer à lui remettre la somme de 48 000 F
- en usant d'une fausse qualité
* l'association de consommateurs X n'ayant reçu aucun agrément de la DGCCRF lui permettant de se prévaloir de la qualité d'association de défense des consommateurs,
* l'association autorisait l'utilisation du label "élu produit de l'an 2000", qui ne correspondait en réalité à aucun cahier des charges contenant des spécifications significatives pour le consommateur,
- en usant de manœuvres frauduleuses, consistant à présenter l'association comme :
* capable d'entreprendre des études statistiques permettant de tester le goût des consommateurs et de mesurer l'impact sur les ventes de l'utilisation d'un label, alors même que les informations dont elles se targuaient provenaient de journaux d'information économique sans rapport avec le travail statistique censé avoir été effectué préalablement par l'association,
* capable de mettre en œuvre des campagnes de valorisation et d'affichage, alors même qu'elle n'avait pas la capacité et les structures permettant de les initier, de les financer et de les organiser et n'avait pris aucun engagement auprès de sociétés de communication lui permettant de mettre en place les campagnes publicitaires annoncées
Faits prévus et réprimés par les articles 313-1, 313-3, 313-7, 313-8 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation.
* l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 622,45 euros.
Dominique L a interjeté appel le 23 novembre 2001.
Le Ministère public a interjeté appel le 5 décembre 2001.
A l'audience de la cour, Dominique L assisté de son conseil, invoque la nullité de sa garde à vue, subsidiairement celle de la citation. Il conclut de façon plus subsidiaire, à l'infirmation du jugement déféré, et soutient les moyens suivants :
la télécopie par laquelle le Parquet a été avisé de son placement en garde à vue ne figure pas au dossier ; par conséquent la garde à vue et les actes subséquents sont nuls.
La citation qui lui a été délivrée est nulle, dans la mesure où elle n'indique pas les sociétés au préjudice desquelles la tentative d'escroquerie a été commise.
La publicité trompeuse n'est pas constituée car X ne s'est pas présenté comme étant association de défense de consommateurs, mais simplement comme étant une association de consommateurs, de ce fait, l'agrément de la Direction de la concurrence n'était pas nécessaire.
Dominique L n'a pu présenter ses observations sur les faits dont la Direction de la concurrence était saisie.
S'agissant de l'escroquerie, le préjudice de la société SEB n'est pas établi.
RAPPEL DES FAITS
Les sociétés Peugeot, Packard-Bell et Troc de l'Ile alertaient courant janvier 2000, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes d'un démarchage dont elles avaient fait l'objet de la part de l'association "X".
X se présentait comme une association de consommateurs ayant fait réaliser une enquête de notoriété portant sur 180 produits, auprès de 5 800 personnes ; le produit désigné vainqueur pouvant bénéficier du label "élu produit de l'an 2000".
Cette association proposait aux sociétés démarchées la conclusion d'un "contrat de partenariat" avec les conséquences suivantes :
la mise en avant du produit au moyen du label pouvant s'accompagner d'exposition en hypermarchés et de campagnes d'affichages.
L'entreprise choisie qui acceptait la labellisation pour un ou plusieurs de ses produits, ainsi que la campagne de publicité et la présence aux expositions, devait verser une participation à l'association d'un montant de 480 000 F.
Elle pouvait ne verser qu'un montant de 280 000 F, si elle ne souhaitait qu'avoir le droit d'utiliser le label.
En cas de refus par une société démarchée de conclure le contrat, un produit concurrent classé immédiatement après se voyait octroyer le droit d'utiliser le label.
Les sociétés démarchées s'étaient inquiétées du défaut de précision concernant l'association, ou les méthodes employées pour le choix du produit.
Le service régional de police judiciaire de Lille était chargé d'une enquête par le parquet de Lille.
L'enquête révélait que les statuts de l'association avaient été déposés auprès des services de la préfecture de Lille, que le président du conseil d'administration était Dominique L, et que le label "élu produit de l'an 2000" avait été déposé à l'Institut national de la propriété industrielle.
Des investigations étaient effectuées concernant le siège, les numéros de téléphone et de télécopie de l'association figurant sur les propositions du contrat de partenariat.
Elles révélaient qu'ils correspondaient en réalité à ceux d'une société Y gérée par Anne L. épouse de Dominique L, déclarée en redressement judiciaire.
D. L était entendu dans le cadre de l'enquête.
Il déclarait que contrairement à ce qui avait été évoqué auprès des sociétés démarchées, aucun panel représentatif de 5 800 personnes n'avait été consulté, mais que les produits avaient été choisis à partir d'une étude réalisée par des étudiants stagiaires à partir de magazines économiques.
Aucune des sociétés démarchées n'ayant donné une suite favorable à la proposition du contrat de partenariat, Dominique L fixait à un montant de 48 000 F, le prix de l'utilisation par la société SEB des labels "élu autocuiseur de l'an 2000", et "élue friteuse de l'an 2000".
SUR CE
Attendu sur les exceptions de nullité, qu'il résulte d'une mention portée sur le procès-verbal cote C22, que Domonique L a été placé en garde à vue le 12 octobre 2000 à 9h45 par Sophie Dumont Lieutenant de police, que ce même jour "sans désemparer" Mme Roze substitut du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lille a été tenue informée de ce placement en garde à vue par télécopie ;
Attendu que ces indications sont suffisantes au regard des exigences de l'article 77 alinéa 1 du Code de procédure pénale, et que la présence au dossier de la télécopie par laquelle le Procureur de la République a été avisé du placement en garde à vue, n'est pas nécessaire;
Attendu ensuite que l'expression "les sociétés démarchées" concernant les tentatives d'escroquerie, n'est en aucun cas ambiguë, puisqu'elle se réfère aux sociétés Troc de l'Ile, Air France, SEB, Packard-Bell, Peugeot mentionnées dans la prévention située plus haut dans l'exploit, et concernant le chef de publicité mensongère ;
Attendu dès lors, que ces deux exceptions de nullité seront rejetées ;
Attendu au fond, s'agissant de la publicité mensongère,que le fait pour l'association d'avoir prétendu et diffusé auprès des sociétés démarchées, dans le cadre de sa proposition de contrat de partenariat, qu'elle avait fait réaliser une enquête de notoriété auprès d'un panel de 5 800 personnes, est constitutif du délit, dans la mesure où Dominique L, a lui-même précisé dans le cadre de son audition, que le choix des 180 produits avait été en réalité, effectué par des étudiants stagiaires à partir de la lecture de magazines économiques ;
Attendu sur les tentatives d'escroquerie ;
Qu'en ayant tenté de se faire remettre des fonds par les sociétés démarchées, en usant d'une fausse qualité d'association de consommateurs se présentant comme capable d'effectuer des études statistiques permettant de tester les préférences des consommateurs, Dominique L a bien tenté de commettre les faits qui lui sont reprochés;
Attendu enfin en ce qui concerne l'escroquerie consommée au préjudice de la société SEB;
Que le délit est là encore constitué dans la mesure où Dominique L, faisant usage d'une fausse qualité, est parvenu à se faire remettre par la société SEB un montant de 48 000 F, qu'il a d'après l'enquête, encaissé sur le compte de la société Y, alors que la prestation fournie en contrepartie, et consistant dans le droit d'utiliser les labels "élu produit de l'an 2000", n'avait aucune existence réelle, puisqu'aucune étude n'avait été effectuée sur les consommateurs, mais que la distinction reposait en fait sur une simple lecture de magazines ;
Attendu que même si le prévenu n'a pas été en mesure de formuler ses observations dans le cadre du rapport de la Direction de la concurrence à l'origine de la procédure, il a en revanche été entendu sur le détail des faits qui lui étaient reprochés par les services de police ;
Attendu que les infractions sont caractérisées et que le jugement déféré sera dès lors confirmé tant sur les déclarations de culpabilité, que sur les peines qui sont équitables ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement. Rejette les exceptions de nullité ; Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, Dit que la présente décision est assujettie au droit fixe de procédure de 120 euros dont est redevable chaque condamné.