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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 7 février 1996, n° 95-03181

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Bouche, Guilbaud

Avocat :

Me Fourgoux.

TGI paris, 31e ch., du 22 mars 1995

22 mars 1995

Rappel de la procédure

La prévention:

F Marcel est poursuivi du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis de 1992 à 1993, à Paris,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

Relaxé F Marcel des fins de la poursuite,

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 28 mars 1995 contre Monsieur F Marcel.

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Monsieur l'Avocat général, s'en rapporte aux termes de la requête d'appel établie par Monsieur le Procureur de la République de Paris en date du 20 avril 1995, requiert la cour, par infirmation, de retenir Marcel F dans les liens de la prévention, de le condamner à 30 000 F d'amende et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir;

Par voie de conclusions Marcel F, reprenant intégralement l'argumentation par lui développée dans ses écritures de première instance, demande au contraire à la cour de confirmer purement et simplement le jugement entrepris;

Il fait valoir que la publicité critiquée, portant sur les produits de parfumerie et de beauté accessibles à partir de 100 F d'achat, avait obtenu l'aval de la Direction générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes à la suite d'un échange de correspondance avec le gérant de la parfumerie Beauté Parfums à Asnières lui appartenant;

Il soutient d'autre part que la publicité pratiquée est également conforme au droit communautaire puisque l'arrêt de la Cour de justice du 18 mai 1993 a justement considéré qu'une réglementation interdisant des comparaisons de prix était contraire à l'article 30 du traité de Rome;

Il affirme enfin que la publicité litigieuse est parfaitement licite et que les réductions annoncées sont réelles puisque calculées à partir des "prix conseillés" toujours diffusés par de nombreuses marques ou, à défaut, à partir du coefficient multiplicateur usuel de 1,96 sur le prix d'achat HT;

Considérant qu'il convient de rappeler que le prévenu est le PDG de la SA " société de gestion O " ayant pour filiales plusieurs autres sociétés exploitant au total 16 parfumeries de détail en région parisienne dont "L" <adresse>à Paris 5e et "X" <adresse>à Paris 20e;

Qu'un contrôle effectué le 07/12/1993 par la Direction générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes dans le 1er de ces établissements permettait de constater qu'y était annoncée, jusqu'au 31 décembre, une réduction de 30 % à la caisse sur le prix étiqueté des articles de parfumerie et de beauté à partir de 100 F d'achats;

Qu'un contrôle effectué le 08/12/1993 dans le second de ces établissements donnait lieu à des constatations identiques;

Qu'il était procédé lors de ces deux interventions au relevé des prix étiquetés sur des échantillons d'articles parfumerie soit respectivement sur 28 et 30 articles;

Que lors de ces deux contrôles, les responsables des magasins, Mesdames J et B, déclaraient aux enquêteurs que les prix marqués sur les articles étaient déterminés, lorsqu'il n'existait pas de prix conseillé du fabricant, par l'application aux prix d'achat hors taxes figurant sur les tarifs de vente des fournisseurs d'un coefficient multiplicateur uniforme de 1,96;

Qu'il était demandé aux responsables des magasins de justifier des prix effectivement pratiqués dans ces établissements au cours des 30 derniers jours précédant l'opération;

Que les copies d'extraits de rouleaux de caisse de plusieurs journées des mois d'octobre, novembre et décembre 1993 communiquées aux enquêteurs ne permettaient pas, en l'absence de désignation précise des articles vendus, de déterminer article par article les prix pratiqués pendant cette période mais faisaient toutefois apparaître que toutes les ventes d'articles de parfumerie avaient été assorties d'une remise de 25 % ou 30 % au cours du mois d'octobre, puis d'une remise constante de 30 % en novembre et décembre;

Qu'en définitive, il ne pouvait être justifié pour aucun des articles relevés dans ces deux parfumeries que les prix étiquetés avaient été effectivement pratiqués;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation;

Qu'en effet, la cour observe tout d'abord que Marcel F est exclusivement poursuivi du chef de publicité trompeuse et non pour infraction aux dispositions de l'arrêté ministériel n° 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur;

Que la cour doit donc vérifier si Marcel F a - indépendamment des dispositions de l'arrêté n° 77-105 P non visé à la prévention - en sa qualité d'annonceur respecté ou non son obligation de procéder à une publicité loyale exempte de tout élément de nature à induire en erreur les consommateurs au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation;

Considérant, qu'en l'espèce, il ressort des 2 procès-verbaux de contravention et des déclarations mêmes des responsables des magasins que les prix de référence n'ont jamais été effectivement pratiqués dans leurs établissements et qu'ils résultent uniquement d'un calcul arbitraire consistant à multiplier le prix d'achat par 1,96, censé être le prix conseillé;

Que la cour observe que dans ces conditions, lorsque le consommateur se voit proposer une réduction de 30 % sur des parfums, il considère, d'une part, qu'il s'agit d'une offre promotionnelle limitée dans le temps, et, d'autre part, que les mêmes parfums ont été vendus précédemment par l'annonceur lui-même au plein tarif alors qu'il n'en était rien puisque Marcel F n'a jamais effectivement vendu les parfums litigieux en appliquant un coefficient multiplicateur de 1,96 mais qu'il s'est, bien au contraire, borné - malgré les avertissements de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes - à pratiquer une politique d'annonces permanentes et parfaitement illusoires de rabais de prix incompatibles avec une information correcte des consommateurs;

Considérant que vainement le prévenu soutient que la publicité critiquée aurait obtenu " l'aval " de l'administration;

Que la cour constate, en effet, que dans sa réponse du 16 mai 1988, versés aux débats, l'administration s'est bornée à ne pas estimer contraire aux dispositions de l'arrêté ministériel n° 77-105 P l'indication dans des annonces publicitaires de remises à partir d'un certain montant d'achats sur l'ensemble des produits de la gamme ce qui est sans incidence aucune en matière de délit de publicité trompeuse;

Considérant que pas davantage Marcel F ne peut utilement faire plaider que la publicité litigieuse serait conforme au droit communautaire puisque l'article 30 du traité de Rome s'oppose à une réglementation interdisant des comparaisons de prix;

Qu'en effet, le prévenu qui avait la possibilité de faire valoir la compétitivité des prix pratiqués dans ses établissements par rapport à ceux de la concurrence en recourant à la publicité comparative autorisée par le droit communautaire et par l'article 10 de la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 n'a pas jugé devoir user de cette possibilité;

Considérant que les faits sont établis;

Considérant qu'il convient, infirmant le jugement déféré, de retenir Marcel F dans les liens de la prévention et de le condamner à 30 000 F d'amende eu égard à la relative gravité des agissements reprochés et à la personnalité du prévenu;

Que la cour par ailleurs, compte tenu de la nature des faits poursuivis, ordonnera la publication du présent arrêt aux frais du condamné dans les journaux " Le Monde " et " Le Figaro " et ce, dans la limite de 45 000 F par extrait;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré, Déclare Marcel F coupable d'avoir courant 1992 et 1993, effectué une publicité comportant des obligations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix en indiquant de faux rabais de 30 % sur des articles de parfumerie vendus par les SARL X et Parfumerie L, faits prévus et punis par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation, En répression le condamne à 30 000 F d'amende, Ordonne la publication du présent arrêt aux frais du condamné dans les journaux Le Monde et Le Figaro dans la limite de 45 000 F par extrait, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.