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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 16 mars 2000, n° 98-08295

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Guerlain (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sauret

Conseillers :

Mmes marie, Bonnan-Garçon

Avocat :

Me Deumie.

TGI Paris, 31e ch., du 25 sept. 1998

25 septembre 1998

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement d'itératif défaut, a déclaré Y :

coupable de vente ou offre de produit ou de service sous une marque contrefaite, en connaissance de cause, courant novembre 1993, à Paris et Saint-Maur, infraction prévue par les articles L. 716-10 a), L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-1 du Code propriété intellectuelle et réprimée par les articles L. 716-10, L. 716-9, L. 716-11-1, L. 716-13, L. 716-14 du Code propriété intellectuelle coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant novembre 1993, à Paris et Saint-Maur, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation ;

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, courant novembre 1993, à Paris et Saint-Maur, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation ;

et, après avoir déclaré nulle et non avenue l'opposition au jugement du 07/06/1996 a ordonné que le jugement de défaut du 07/06/1996 sortira son plein et entier effet et qu'il sera exécuté selon ses forme et teneur, 6 mois d'emprisonnement. 80 000 F d'amende. Confiscation du scellé 1.

Le tribunal a condamné Y à payer à la partie civile la société Guerlain la somme de 100 000 F en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte aux marques, 50 000 F au titre du préjudice commercial, et 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le tribunal a ordonné à titre de dommages-intérêts complémentaires la publication du jugement par extraits dans Elle et Le Monde sans que chacune des insertions n'excède 30 000 F.

L'appel :

Appel a été interjeté par :

M. l'officier du Ministère public, le 28 septembre 1998 contre Monsieur Y.

Décision

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel du Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention.

A l'appui de son appel Monsieur le Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris, fait valoir que :

Y était poursuivi pour des faits de publicité mensongère et de tromperie devant le Tribunal de grande instance de Paris, que le 7 novembre 1997, saisi sur opposition d'Olivier S, le tribunal avait renvoyé l'affaire au 13 février 1998 ; que la nouvelle citation avait été signifiée à marie et que la lettre recommandée avec accusé de réception n'avait pas été réclamée ;

Que le 13 février 1998 le tribunal avait renvoyé au 25 septembre 1998 la cause avec ordre à la force publique de rechercher Y et de la conduire devant le Procureur de la République en application de l'article 494 alinéa 2 du Code de procédure pénale que la force publique ne l'a pas retrouvé et que le tribunal a déclaré l'opposition non avenue ;

Que le tribunal ne pouvait statuer par itératif défaut, le prévenu n'ayant pas eu connaissance de la nouvelle date d'audience ;

Que le tribunal aurait dû évoquer l'affaire au fond et statuer à nouveau par défaut ;

Y assisté de son conseil, soulève la nullité de la procédure et à titre subsidiaire sollicite la clémence de la cour faisant valoir qu'il avait cherché à gagner de l'argent rapidement pour permettre à sa mère de se faire opérer aux Etats-Unis.

La société Guerlain n'ayant pas comparu à l'audience, il sera statué par défaut à son encontre.

Rappel des faits

Le 13 décembre 1993, la société Guerlain déposait plainte avec constitution de partie civile des chefs de contrefaçon, fraude et publicité mensongère.

Elle exposait qu'elle était notamment titulaire des marques Shalimar, Samsara et Habit Rouge et qu'elle avait appris que des ventes de parfums présentés comme équivalents aux parfums qu'elle commercialisait sous ces trois marques devaient avoir lieu le 5 novembre 1993 à Chatenay-Malabry, le 9 novembre 1993 à Paris, le 10 novembre 1993 à Saint-Maur La Varenne Saint-Hilaire. Elle faisait opérer des saisies contrefaçons à Paris et à Saint-Maur.

Lors de ces deux dernières opérations, il ressortait que le vendeur présentait le produit A comme identique au parfum Shalimar, le produit B comme identique au parfum Habit Rouge. Il reportait également de façon manuscrite à l'intérieur de l'emballage du produit A, la marque Shalimar et à l'intérieur de l'emballage du produit B la marque Habit Rouge lorsqu'il procédait à une vente. Y reconnaissait devant l'huissier ces agissements.

La vente à Paris, dans les locaux d'une université, avait permis de réaliser un chiffre d'affaire de l'ordre de 27 000 F.

Elle était annoncée par un document publicitaire intitulé "avis important" dans lequel il était précisé que les parfums étaient démarqués à des prix "direct usine". Une liste de parfums était également indiquée, parmi lesquels Shalimar, Habit Rouge et Samsara. Il était enfin précisé que les produits n'étaient pas des copies mais des démarques, définies comme des parfums véritables dans des emballages sans marque.

L'analyse des produits démontrait que les parfums vendus n'étaient pas identiques aux parfums Guerlain.

Interrogé par l'un des huissiers sur l'origine des produits, Y répondait : "je ne vais pas tuer la poule aux oeufs d'or".

Les huissiers constataient également qu'une partie des clients, la plupart étudiants puisque la vente se déroulait dans l'enceinte du restaurant universitaire, demandaient à se faire rembourser lorsqu'ils se rendaient compte à l'odeur du parfum acheté qu'ils avaient été trompés.

L'enquête permettait d'établir que les parfums B et A étaient fabriqués par la société Z à Grasse. La gérante de la société avait été Danielle M épouse L, tante par alliance d'Y ; Adrien L, oncle d'Y avait été responsable commercial au sein de la société. Il savait que ses deux neveux Y et X commercialisaient les parfums Z et il ignorait en revanche qu'ils les vendaient comme étant des parfums Guerlain.

La perquisition opérée au domicile d'Y permettait de retrouver une trentaine d'échantillons de parfums, ainsi que divers documents relatifs à l'activité commerciale d'Y.

Sur ce,

Sur l'action publique

Considérant que le prévenu soulève la nullité de la procédure sans articuler aucun moyen ;

Considérant que les faits sont reconnus dans leur matérialité et l'infraction caractérisée dans tous ses élémentset qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ;

Que, toutefois, il doit être fait au prévenu une application différente de la loi pénale tenant mieux compte du but lucratif qu'il poursuivait et de la nécessité d'indemniser la partie civile ;

Sur l'action civile

Considérant que les société Parfums Givenchy, Christian Dior, Kenzo, Tamaris se sont désistées devant le tribunal et que ne reste dans la cause que la société Guerlain ;

Considérant que le prévenu ne contestant pas le montant des dommages-intérêts alloués à la société Guerlain et celle-ci n'étant pas appelante, le jugement entrepris sera confirmé du chef des intérêts civils ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre d'Y et par défaut à l'égard de la société Guerlain, Reçoit l'appel du Ministère public, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur les intérêts civils, L'infirme en répression, Condamne Y à la peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant une durée de 3 ans avec l'obligation d'indemniser la victime en application des dispositions de l'article 132-45 5° du Code pénal.