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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 29 mai 2001, n° 99-06809

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

M. Nivose, Mme Marie

Avocat :

Me Schnerb.

T. Pol. Paris, 2e ch., de 3 sept. 1999

3 septembre 1999

Rappel de la procédure :

Par jugement en date du 3 septembre 1999, le tribunal

- a rejeté l'exception de nullité de la procédure

- a renvoyé la cause et le prévenu, pour évocation du fond de l'affaire, à l'audience du 19 novembre 1999 à 13 H 30.

Par jugement en date du 19 novembre 1999, le tribunal a déclaré B Philippe

coupable de vente de produit ou prestation de service sans respect des règles d'information du consommateur sur les prix et condition de vente, faits commis de janvier 1997 à décembre 1997, à Paris, infraction prévue par les articles R. 113-1 al.2, al.1, L. 113-3 du Code de la consommation et réprimée par l'article R. 113-1 al.2, al.1, du Code de la consommation

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 6 amendes de 2 000 F

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 150 F dont est redevable le condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur B Philippe, le 9 septembre 1999

- M. le Procureur de la République, le 9 septembre 1999 contre Monsieur B Philippe

- Monsieur B Philippe, le 29 novembre 1999 contre le jugement du 3 septembre 1999

- le 26 novembre 1999 par le prévenu et le Ministère public contre le jugement du 19 novembre 1999

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement avant dire droit du 3 septembre 1999, ayant rejeté l'exception de nullité soulevée et contre le jugement au fond du 19 novembre 1999;

Philippe B, est régulièrement représenté par son avocat qui a déposé, avant toute défense au fond, des conclusions de nullité reprenant celles soulevées devant le premier juge et de conclusions de nullité du jugement au fond;

Rappel des faits et demandes:

De février 1997 à décembre 1997, Philippe B a exercé en qualité de chirurgien maxillo-facial et a pratiqué des actes de chirurgie esthétique à la clinique du R; il lui est reproché l'établissement de 6 devis qui ne comportaient pas l'intégralité des informations exigées par la réglementation (détail du décompte, en quantité et en prix, nature précise de l'intervention, nombre précis des jours d'arrêt de travail à prévoir et indication de son numéro d'inscription au Conseil de l'ordre de la souscription d'une assurance ainsi que la nature de l'anesthésie) ;

Le prévenu a indiqué aux enquêteurs qu'il exerce habituellement dans un cabinet médical, rue de L et qu'il opère dans plusieurs cliniques, dont celle du R ; il a donné aux enquêteurs, lors de son audition par procès-verbal du 23 novembre 1998, la copie du devis qu'il délivre personnellement à ses clients et soutient que pour les mentions omises, sont le résultat d'un oubli de sa part;

Le bulletin n°1 du casier judiciaire de Philippe B ne mentionne aucune condamnation;

Philippe B sollicite avant toute défense au fond, l'annulation de l'ensemble de la procédure, à compter du 11 décembre 1997 et son renvoi des fins de la poursuite, en conséquence de certaines nullités des procès-verbaux des agents de la DGCCRF, dressés en violation des dispositions légales suivantes:

a - Sur la recherche, l'autorité administrative chargée de l'enquête, indique avoir été reçue le 11 décembre 1997, par les représentants de la clinique, avec deux médecins inspecteurs de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), deux pharmaciens inspecteurs de la Santé publique, puis être revenue seule les 15 et 17 décembre et les 22 et 23 janvier 1998 ;

b - Sur le déroulement des investigations, cette autorité déclare avoir demandé à examiner des documents administratifs et avoir procédé à une recherche à partir du livre de police de la clinique alors qu'au hasard, des dossiers médicaux de patients ont été pris ;

c - Du Code de procédure pénale, les articles 56, 56-1, 59 et 76, n'ont pas été respectés dès lors qu'il y a eu des perquisitions dans un cabinet médical, par des agents de la DGCCRF, sans autorisation judiciaire ni respect de formalités légales précises;

d - De l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui réglemente aux articles 45, 47, 48,56, les pouvoirs des enquêteurs ; qu'en l'espèce, les investigations a été faites sans respecter ces dispositions précises ;

Le prévenu Philippe B soutient en second lieu, la relaxe des fins de la poursuite, fondée sur deux causes de nullité du jugement au fond, prises d'une part, de l'absence de notification de la décision du Président de la chambre des appels correctionnels, faisant suite à la requête formée au titre de l'article 507 du Code de procédure pénale et d'autre part, de l'absence de motivation du jugement au fond du 19 novembre 1999;

Le Ministère public soutient oralement premièrement que les investigations des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont été conformes aux pouvoirs de ces agents qui doivent avoir communication du registre de police sans que l'on puisse leur opposer le secret médical et deuxièmement, la régularité de la procédure après l'appel contre le jugement avant dire droit;

Madame l'Avocat général s'en rapporte à justice pour ce qui est de la motivation du jugement et demande la confirmation du jugement;

Philippe B a demandé le renvoi de l'examen au fond à une audience ultérieure;

Sur ce,

Sur la jonction des dossiers

Considérant que poursuivi pour vente de produit ou de prestation de service sans respect des règles d'information du consommateur sur les prix et conditions de vente, Philippe B a soulevé une exception de nullité qui a été rejetée par un jugement du Tribunal de police de Paris, du 3 septembre 1999, contre lequel un appel immédiat a été formé (N° 99-06809);

Que par ordonnance du 14 octobre 1999, le président de la XIIIe chambre, section A, de la Cour d'appel de Paris a rejeté la requête sollicitant un examen immédiat de cet appel, en application des dispositions des articles 507 et 508 du Code de procédure pénale et la procédure a été reprise devant le premier juge;

Qu'après examen au fond de l'affaire, le prévenu a été condamné par jugement du Tribunal de police de Paris, en date du 19 novembre 1999, à 6 amendes de 2 000 F, et a également relevé appel de cette décision (N° 99-06809-A) ;

Considérant qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice, de juger ces affaires ensemble et de joindre par conséquent ces deux appels portant les Nos 99-06809 et 99-06809-A, sous le premier de ces numéros;

Sur les demandes de nullité de la procédure :

Considérant que les infractions de défaut d'information du consommateur sur les prix, visées à la présente procédure, sont fondées sur l'article L. 113-1 du Code de la consommation et que l'article L. 141-1 de ce Code, renvoie aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, notamment à ses articles 45 à 48 et 56, pour les pouvoirs d'enquête des fonctionnaires habilités par le Ministre de l'économie;

Considérant qu'il y a lieu de distinguer d'une part, le droit de communication prévu à l'article 47 susvisé, qui permet aux fonctionnaires habilités, pour les nécessités de leurs enquêtes, de demander la production des livres, factures ainsi que de tous autres documents professionnels et d'en prendre copie, de recueillir sur convocation ou sur place tous renseignements et justifications utiles, et d'autre part, le droit de visite et de saisie, prévu par l'article 48, qui suppose une autorisation judiciaire préalable;

Considérant qu'il résulte du procès-verbal dressé par les agents de la DGCCRF le 3 avril 1998, que les 11, 15 et 17 décembre 1997, les 22 et 23 janvier 1998, ils se sont présentés à la clinique du R afin d'effectuer une enquête répondant à trois objectifs : vérifier que le fonctionnement de cet établissement, respectait les dispositions du Code de la consommation, contrôler la non utilisation d'un produit cosmétique pendant une période de suspension et vérifier la pratique commerciale des devis avant interventions;

Qu'après la description de l'activité et du fonctionnement de la clinique, les enquêteurs ont examiné les devis-type établis par la clinique qui comportaient quelques manquements essentiels et ont demandé la communication du "livre de police" qui retrace journellement les entrées et les sorties de l'établissement mais n'enregistre pas "les patients uniquement médicaux" qui n'apparaissent sur aucun registre;

Considérant qu'il ressort de ce même procès-verbal (page 6, § 2) que les enquêteurs ont "à partir du livre de police et de la date du 22 octobre 1997, réclamé les devis contenus dans les dossiers médicaux correspondants. L'identité des patients, apparaissant sur le livre de police avec les pathologies ainsi que sur les devis contenus dans les dossiers médicaux, a été occultée soit par le médecin inspecteur, lors de l'intervention conjointe le 11 décembre, soit par le personnel de la clinique. Afin de préserver le secret médical, l'identité des patients a été alors remplacée par un numéro de référence identique, porté sur la copie du livre de police et sur les devis et notes" et "examiné dans les même conditions de secret médical, l'ensemble de l'activité de la journée du 23janvier 1998 et réclamé les devis relatifs aux personnes examinés ce jour là";

Considérant que les agents compétents de la DGCCRF, qui ont effectué leurs vérifications dans un cabinet médical et ont réclamé des pièces qui se trouvaient dans les dossiers médicaux des patients, ont excédé les pouvoirs qu'ils tiennent de leur droit de communication, pris des articles 45 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la cour relevant que les visites en tous lieux et saisies de documents ne peuvent être faites que sur autorisation judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 48 de cette même ordonnance;

Considérant qu'il convient par conséquent d'annuler le procès-verbal, en ce qu'il a examiné les 6 devis établis par Philippe B du 8 octobre 1997 au 22 janvier 1998, la procédure subséquente et de renvoyer le Ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera, en infirmant le jugement de ce chef;

Sur les demandes de nullité du jugement :

Considérant que par suite de la décision d'annulation du procès-verbal les autres demandes de nullité à l'encontre du jugement du Tribunal de police de Paris du 9 septembre 1999, sont devenues sans objet;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Ordonne la jonction des deux procédures n° 99-06809 et 99-06809-A, qui concernent la même affaire, sous le premier de ces numéros; Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public formés contre les jugements du Tribunal de police de Paris, du 3 septembre 1999, et du 19 novembre 1999; Infirme le jugement du 3 septembre 1999 en toutes ses dispositions ; Constate la nullité du procès-verbal du 3 avril 1998 et de la procédure subséquente ; Renvoie le Ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera ; Constate que l'appel contre le jugement au fond du 19 novembre 1999 est devenu sans objet.