CA Rennes, 3e ch. corr., 31 octobre 1996, n° 95-01796
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Union départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, Union Fédérale des Consommateurs de Brest, Direction départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Segondat
Conseillers :
Mme Algier, M. Le Quinquis
Avocats :
Mes Chevallier, Gloaguen.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le Tribunal correctionnel de Brest, par jugement contradictoire en date du 26 septembre 1995 :
- pour soldes sans autorisation spéciale,
publicité portant sur une opération commerciale soumise à une autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906 réalisée sans autorisation
concernant A Bertrand,
a constaté l'extinction de l'action publique concernant ces deux infractions,
- pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
solde sans autorisation spéciale,
publicité portant sur une opération commerciale soumise à une autorisation (loi 30 décembre 1906) réalisée sans autorisation
concernant B Marie-Laure,
a constaté l'extinction de l'action publique en ce qui concerne les infractions de soldes sans autorisation spéciale et de publicité sans autorisation reprochées et l'a relaxé des fins de la poursuite du chef de publicité mensongère ;
- pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
publicité portant sur une opération commerciale soumise à une autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906 réalisée sans autorisation
concernant Jacques L,
a constaté l'extinction de l'action publique en ce qui concerne les infractions de soldes sans autorisation spéciale et de publicité sans autorisation, l'a déclaré coupable du délit de publicité mensongère, l'a condamné à 5 000 F d'amende et a constaté que cette peine est amnistiée par l'effet de la loi du 3 août 1995;
Sur l'action civile, l'a condamné à payer à l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest et à l'Union départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie les sommes de 1 000 F à titre de dommages-intérêts et de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Les appels:
Appel a été interjeté par :
l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, le 6 octobre 1995, contre Monsieur L Jacques, Madame B Marie-Laure, Monsieur A Bertrand,
l'Union départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, le 6 octobre 1995 contre Monsieur L Jacques, Madame B Marie-Laure, Monsieur A Bertrand,
M. le Procureur de la République, le 6 octobre 1995 contre Monsieur L Jacques,
Monsieur L Jacques, le 11 octobre 1995,
La prévention:
Considérant qu'il est fait grief à A Bertrand d'avoir, courant décembre 1992:
- à Gouesnou et Landerneau procédé à une opération commerciale de soldes sans autorisation spéciale
Infraction prévue et réprimée par l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906,
- à Landerneau effectué une publicité portant sur une opération commerciale soumise à une autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906 et réalisée sans autorisation,
Infraction prévue et réprimée par l'article 8 de la loi du 31 décembre 1989;
Considérant qu'il est fait grief à B Marie-Laure
d'avoir:
- à Gouesnou le 2 décembre 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix pratiqués (supérieurs au prix coûtant annoncé et sur le nombre d'articles à prix réduits) d'un bien ou d'un service
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation ;
- à Gouesnou et Landerneau, courant décembre 1992, procédé à une opération commerciale de soldes sans autorisation spéciale
Infraction prévue et réprimée par l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906,
- à Gouesnou et Landerneau, courant décembre 1992, effectué une publicité portant sur une opération commerciale soumise à une autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906 et réalisée sans autorisation,
Infraction prévue et réprimée par l'article 8 de la loi du 31 décembre 1989;
Considérant qu'il est fait grief à L Jacques d'avoir:
- à Gouesnou le 2 décembre 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix pratiqués (supérieurs au prix coûtant annoncé et sur le nombre d'articles à prix réduits) d'un bien ou d'un service ;
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al.1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation ;
- à Gouesnou et Landerneau, courant décembre 1992, procédé à une opération commerciale de soldes sans autorisation spéciale,
Infraction prévue et réprimée par l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906 ;
- à Gouesnou, courant décembre 1992, effectué une publicité portant sur une opération commerciale soumise à une autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906 et réalisée sans autorisation,
Infraction prévue et réprimée par l'article 8 de la loi du 31 décembre 1989;
En la forme:
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;
Au fond:
Les faits:
Du 2 au 5 septembre 1992, l'EURL X gérée par Marie-Laure B exploitant les deux hypermarchés Y de Gouesnou et Landerneau a lancé une opération commerciale intitulée "4 jours fous" avec remises exceptionnelles sur des centaines d'articles, exemple : tous les blousons enfant à prix coûtant, selon publicité relayée par voie d'annonce dans le " Télégramme " ;
Le 19 mars 1993, la Direction départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a dressé un procès-verbal de délit en soulignant que les infractions suivantes ont été commises :
1°) Vente sous forme de soldes non autorisés, dès lors que la vente présente un caractère occasionnel ou exceptionnel, qu'elle est accompagnée de publicité de presse, qu'il s'agit de marchandises neuves et d'une vente annoncée comme tendant à l'écoulement accéléré d'une partie du stock portant sur des centaines d'articles dont certains vendus à prix coûtant ;
Or cette opération s'est déroulée en dehors de la période autorisée par l'arrêté préfectoral du 26 mai 1992, sans autorisation du maire ;
2°) Publicité de vente sous la forme de soldes non autorisées, dès lors qu'elle porte sur une opération commerciale soumise à autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906;
3°) Publicité mensongère,
dès lors que :
a) le nombre d'articles effectivement proposés avec une réduction de prix était en réalité beaucoup moins important que celui annoncé par voie de presse, la directrice des achats et une acheteuse ayant déclaré qu'ils représentaient une part minime des références ;
b) sur les blousons enfant, les prix de vente des cinq références contrôlées sont supérieures au prix coûtant ;
Entendu sur les faits, Jacques L, directeur de l'hypermarché de Gouesnou a soutenu qu'il s'agissait d'une opération promotionnelle destinée à attirer la clientèle et qu'il y avait bien des centaines d'articles concernés mais répartis dans tout le rayon textile ;
Sur le prix supérieur au prix coûtant il a indiqué qu'il avait été arrondi ;
Bertrand A a repris une argumentation identique en ce qui concerne le supermarché de Landerneau;
Quant à Madame B, elle avait délégué ses pouvoirs suivant délégations écrites versées aux débats ;
La DGCCRF a quant à elle souligné que l'opération portait sur un stock de marchandises prédéterminé et non renouvelable ainsi que l'a déclaré Monsieur L et qu'il s'agissait d'articles saisonniers de la collection hiver 92 qui ne seraient pas renouvelés ;
Discussion:
Sur l'action publique
Considérant que Jacques L plaide la relaxe au motif que si l'opération critiquée constituait bien une vente au détail à caractère occasionnel précédée de publicité, cette vente n'a jamais été annoncée comme tendant à l'écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelable de marchandises,
Considérant qu'il doit être observé que, contrairement à ce qu'ont admis les premiers juges les délits de solde sans autorisation municipale et de publicité ne sont pas amnistiés à raison de la peine encourue ;
Qu'en effet les peines d'amende encourues sont assorties de peines complémentaires: la confiscation des marchandises mises en vente au titre des soldes non autorisés, la cessation de la publicité interdite au titre de la publicité de soldes non autorisés ;
Qu'en conséquence l'article 2 de la loi du 3 août 1995 ne saurait en l'espèce recevoir application ;
Considérant au fond que l'enquête a établi que les articles concernés par l'opération du 2 au 5 septembre 1992 sont des articles saisonniers de la collection hiver 92 qui ne seront pas renouvelés ;
Considérant que Jacques L a déclaré lors de l'enquête qu'il s'agissait d'un stock de marchandises existant portant comme le dit la publicité sur des textiles et de la chaussure ajoutant qu'il s'agissait d'une dynamique sur des articles présents en rayon et non renouvelables ;
Considérant que cette définition correspond au double critère jurisprudentiel de "stock de marchandises prédéterminé et non renouvelable" ;
Que, s'agissant en outre de marchandises neuves, d'une vente à caractère occasionnel ou exceptionnel annoncée comme telle, accompagnée de publicité de presse portant sur des centaines d'articles, l'opération commerciale est bien une opération de soldes au sens du décret du 26 novembre 1962 ;
Considérant en ce qui concerne la publicité mensongère que Jacques L conteste avoir commis ce délit aux motifs que, d'une part l'opération portait bien sur un grand nombre d'articles et que, d'autre part le prix coûtant tel que calculé par la DGCCRF ne correspond pas au prix d'achat effectif présumé être porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférente à la revente et le cas échéant du prix du transport ;
Mais considérant en ce qui concerne le nombre d'articlesqu'il s'agissait uniquement des articles munis d'un point rouge du rayon textile et chaussures, lequel représente 1 800 m² sur un total de 9 400 m²et que Mesdames Segonzac, acheteuse, et Leclerc, directrice d'achats, ont estimé qu'ils représentaient une part minime des produits distribués dans le magasin ;
Considérant en ce qui concerne le prix des blousonsque leur prix coûtant a été calculé par les agents verbalisateurs à partir de l'examen des factures d'achat et par conséquent du prix d'achat hors taxe auquel a été ajoutée la TVA ;que ce mode de calcul est parfaitement légal et permet d'établir que, pour cinq au moins d'entre eux, les blousons ont été revendus au-delà du prix coûtant ;
Qu'il est ainsi établi que la publicité était mensongère dès lors qu'elle faisait faussement état de remises exceptionnelles sur des centaines d'articles et d'une vente de blousons enfant à prix coûtant ;
Qu'en conséquence Jacques L sera déclaré coupable de la totalité des faits qui lui sont reprochés et condamné à une amende dont la cour augmentera le montant à raison de leur gravité, la publication s'imposant en outre ;
Sur l'action civile:
Considérant que l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest (UFC) et l'Union départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie (UDCSCV) réclament à Messieurs A et L et à Madame Marie-Laure B 20 000 F à titre de dommages-intérêts, la publication de la décision et 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale outre la confirmation des sommes allouées en première instance sur le fondement de ce texte ;
Considérant que ces associations ont le pouvoir d'exercer l'action civile relative aux faits portant un préjudice direct à l'intérêt collectif des consommateurs; qu'elles sont recevables en leur demande ;
Considérant au fond qu'aucune faute ne peut être reprochée à Madame B dès lors que celle-ci a délégué ses pouvoirs tant à Monsieur L qu'à Monsieur A d'appliquer la législation économique à l'activité de distribution exercée par chacun d'eux ;
Qu'en revanche ces deux responsables de magasins qui ont mis sur pied une opération identique de soldes non autorisés annoncés à l'aide d'une publicité trompeuse ont, ce faisant, causé aux parties civiles un préjudice qui sera réparé par l'allocation à chacune d'elle d'une somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que le montant des frais non répétibles exposés en cause d'appel sera fixé équitablement à 2 000 F pour chaque partie civile, l'indemnité allouée en première instance étant confirmée ;
Considérant enfin que la publication ordonnée à titre pénal n'a pas lieu d'être ordonnée superfétatoirement à titre civil ;
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de A Bertrand, B Marie-Laure épouse B, L Jacques, l'Union départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, la Direction départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en la forme : Reçoit les appels, au fond : Réforme le jugement ; Dit n'y avoir lieu à constater l'extinction de l'action publique des chefs de soldes sans autorisation municipale et de publicité illégale ; Déclare Jacques L coupable des 3 infractions qui lui sont reprochés ; Le condamne à une amende de trente mille francs (30 000 F) ; Ordonne la publication du présent arrêt aux frais du condamné par extraits dans le journal "Le Télégramme", le coût de l'insertion ne pouvant excéder 2 500 F ; Sur l'action civile : Déboute l'UDCSCV et l'UFC de Brest de leurs demandes dirigées contre Marie-Paule B; Condamne solidairement Jacques L et Bertrand A à payer à : l'Union départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, - l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest trois mille francs (3 000 F) chacune à titre de dommages-intérêts et deux mille francs (2 000 F) chacune au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Confirme le jugement sur les sommes allouées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable Jacques L, Prononce la contrainte par corps, Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.