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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 7 décembre 2000, n° 1257-98

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association des victimes d'Arc-en-Ciel et ODA, Centre hospitalier d'Avignon, Tempier, Chovin, Muselli

Défendeur :

ODA (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin

Avoués :

SCP Keime-Guttin, SCP Jupin-Algrin

Avocats :

Mes Rivière, Meyer.

T. com. Nanterre, du 14 nov. 1997

14 novembre 1997

Faits et procédure:

La société Office d'Annonces (ODA), régisseur de la publicité dans les annuaires de France Télécom, a pour objet la vente d'insertions publicitaires en vue de leur édition dans ces annuaires; cette vente s'effectue, soit directement auprès des annonceurs par l'intermédiaire de la force de vente de la société ODA, soit par l'intermédiaire des agences de publicité qui interviennent en qualité de mandataires des annonceurs, telle que l'Agence Arc-en-Ciel Diffusion.

Comme toute autre agence de publicité, la société Arc-en-Ciel Diffusion était titulaire, pour tout achat d'espaces publicitaires, d'un mandat reçu de chaque annonceur, conformément aux dispositions de la loi du 29 janvier 1993, dite " Loi Sapin ", et elle devait régler la société ODA à concurrence du montant des commandes passées par elle pour le compte de ces annonceurs.

C'est dans ces circonstances qu'à partir de 1993, la société Arc-en-Ciel a fait souscrire à divers annonceurs, parmi lesquels figurent les appelants dans la présente procédure, un contrat, établi conformément à la loi susvisée, et lui donnant mandat d'effectuer des ordres d'insertion auprès de la société ODA.

En 1994, les sociétés d'annonceurs ont, comme par le passé, payé à la société Arc-en-Ciel Diffusion les sommes dues pour les insertions publicitaires, la société Arc-en-Ciel Diffusion a été mise en liquidation judiciaire par jugement prononcé le 23 novembre 1994 par le Tribunal de commerce de Nîmes.

La société Arc-en-Ciel Diffusion n'ayant pas réglé à ODA les sommes versées par les annonceurs pour les ordres d'insertion de l'année 1994, la société ODA a, par courriers d'octobre et novembre 1994, mis en demeure les annonceurs de payer le montant des factures relatives aux publicités dans les annuaires, puis les a assignés en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Paris à l'effet d'obtenir leur condamnation à titre provisionnel au paiement des sommes correspondant à ces ordres d'insertion.

Invoquant la qualité de mandataire apparent de la société Arc-en-Ciel à l'égard de la société ODA, et faisant grief à celle-ci d'avoir commis des fautes engageant sa responsabilité, ces divers annonceurs, dont certains se sont regroupés et ont créé l'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et ODA, ont, par acte d'huissier du 29 mai 1996, fait assigner la société ODA devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour voir dire et juger que les paiements effectués par eux entre les mains de la société Arc-en-Ciel sont libératoires, et pour voir ordonner le remboursement par la société ODA des sommes qu'ils auraient pu être contraints de régler en exécution des ordonnances de référé ayant prononcé condamnation à leur encontre au titre des ordres d'insertion de l'année 1994.

Par jugement en date du 7 février 1997, le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré territorialement compétent pour statuer sur les actions diligentées par l'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et ODA, le Centre hospitalier d'Avignon, Monsieur Lucien Muselli, Monsieur Jean Tempier, Monsieur Daniel Chovin, et Monsieur Jocelyn Chaumard, et il a enjoint à la société ODA de conclure au fond.

Devant le Tribunal de commerce de Nanterre, la société ODA a conclu au débouté des annonceurs de leurs demandes, et, reconventionnellement, elle a sollicité leur condamnation au paiement des sommes non perçues par elle au titre de ces ordres d'insertion.

Suivant jugement en date du 14 novembre 1997, le tribunal a:

- dit non recevables la demande principale de Monsieur Jocelyn Chaumard à l'encontre de la société ODA et la demande reconventionnelle de la société ODA à l'encontre de Monsieur Chaumard;

- débouté l'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et d'ODA, le Centre hospitalier d'Avignon, Monsieur Daniel Chovin, Monsieur Lucien Muselli et Monsieur Jean Tempier de l'ensemble de leurs demandes;

- condamné le Centre hospitalier d'Avignon à payer à la société ODA, en deniers ou quittance valable, la somme de 44 504,65 F;

- condamné Monsieur Daniel Chovin à régler à la société ODA, en deniers ou quittance valable, la somme de 8 044,64 F;

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie;

- condamné les sociétés suivantes à payer à la société ODA, au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

- 5 000 F, en ce qui concerne le Centre hospitalier d'Avignon,

- 900 F, en ce qui concerne Monsieur Daniel Chovin,

- 1 200 F, en ce qui concerne Monsieur Lucien Muselli,

- 2 700 F, en ce qui concerne Monsieur Jean Tempier;

- condamné le Centre hospitalier d'Avignon, Monsieur Daniel Chovin, Monsieur Lucien Muselli et Monsieur Jean Tempier à supporter chacun 25 % du montant des dépens.

L'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et ODA, le Centre hospitalier d'Avignon, Monsieur Jean Tempier, Monsieur Daniel Chovin et Monsieur Lucien Muselli ont interjeté appel de ce jugement.

A titre principal, ils font valoir que, s'il est indéniable que l'agence Arc-en-Ciel Diffusion était le mandataire réel des annonceurs pour les ordres d'insertion dans les espaces publicitaires de France Télécom, il est non moins évident que cette agence s'est présentée comme le mandataire apparent de la société ODA.

En effet, ils expliquent que l'agence Arc-en-Ciel n'a pu s'engager à régler les factures de la société ODA adressées aux annonceurs grâce aux sommes remises par ceux-ci, qu'en admettant qu'elle avait reçu pouvoir de la société ODA de recevoir lesdites sommes pour le compte de celle-ci.

Ils considèrent que, dans ces conditions, Arc-en-Ciel, avec l'agrément d'ODA, a fait croire aux annonceurs qu'elle avait reçu pouvoir de la société ODA en vue de souscrire en ses lieu et place l'ordre d'insertion, mais également en vue d'en recevoir paiement

Ils relèvent que, d'ailleurs, il est démontré qu'ODA a pris conscience de son imprudence, en exigeant à l'avenir que les imprimés suppriment définitivement son nom pour éviter toute confusion dans l'esprit des annonceurs.

Ils ajoutent que les circonstances de la signature du contrat de mandat avec Arc-en-Ciel ont été telles que les annonceurs, non professionnels et profanes en la matière, ont pu de bonne foi croire au pouvoir de mandataire de cette agence, professionnelle de la publicité.

Alléguant que les règles du mandat apparent s'imposent en l'occurrence et qu'elles ne sauraient être paralysées par les dispositions de la loi Sapin du 29 janvier 1993, les appelants demandent à la cour de juger qu'ils ont effectué entre les mains de la société Arc-en-Ciel, mandataire apparent d'ODA, des paiements libératoires, interdisant à la société intimée de leur réclamer une nouvelle fois la même somme, dès lors que celle-ci n'a pas protesté contre ces versements faits par l'intermédiaire d'un tiers, ni avisé les débiteurs d'avoir désormais à la payer directement.

A titre subsidiaire, si la théorie du mandat apparent était écartée au cas d'espèce, les annonceurs, demandeurs à la présente procédure, soutiennent que la société ODA a commis des fautes engageant sa responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil, dans la mesure où, en premier lieu, bien qu'ayant été confrontée à deux reprises (en juin 1994 et en juillet 1994), donc bien avant la liquidation judiciaire d'Arc-en-Ciel, à des difficultés de trésorerie, la société ODA a manqué à ses obligations de renseignement et de conseil à l'égard des annonceurs, en n'intervenant pas auprès d'eux dès juin 1994 pour leur demander d'effectuer dorénavant leurs règlements directement entre ses mains pour éviter les impayés d'Arc-en-Ciel, et ne leur rappelant pas davantage les conséquences juridiques qui s'attachaient au mandat signé par eux avec cette agence.

En second lieu, ils font grief à ODA d'avoir, en dépit de la connaissance qu'elle avait des difficultés financières d'Arc-en-Ciel, accordé à celle-ci des facilités et larges délais pour régulariser sa situation, commettant ainsi une négligence fautive qu'avait d'ailleurs relevée Maître Chabal, alors mandataire liquidateur de la société Arc-en-Ciel, aux termes de son assignation dirigée contre la société ODA en paiement de l'insuffisance d'actif d'Arc-en-Ciel en liquidation judiciaire.

En conséquence, les appelants demandent à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et de condamner la société ODA à rembourser à chacun d'entre eux les sommes qu'ils ont été contraints de régler à double titre, à savoir:

- 44 504,65 F, pour le Centre hospitalier d'Avignon,

- 8 044,64 F, pour Monsieur Chovin,

- 10 180,62 F, pour Monsieur Muselli,

- 23 701,02 F, pour Monsieur Tempier, ce avec intérêts de droit à compter du 29 mai 1996, date de la demande en justice.

De plus, ils sollicitent la condamnation de la société ODA à leur payer à chacun d'entre eux la somme de 20 000 F à titre de légitimes dommages-intérêts complémentaires pour procédure abusive et injustifiée, et à payer spécialement à l'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et d'ODA la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts sur le même fondement.

Ils concluent en outre à la condamnation de la société ODA au paiement de la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire, relevant que la société ODA se trouve dans l'impossibilité de rapporter la preuve qu'elle n'aurait pas été payée par Arc-en-Ciel au titre des commandes passées par eux, les appelants proposent qu'une expertise judiciaire soit ordonnée aux frais avancés d'ODA, mission étant confiée à l'expert de donner son avis sur les comptes entre les parties, et particulièrement de faire les rapprochements d'écritures comptables en vue d'identifier les créances invoquées par la partie adverse et éventuellement non apurées par les versements effectués par Arc-en-Ciel à ODA.

La société Office d'Annonces, " ODA ", qui rappelle qu'avant la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, les agences de publicité agissaient en qualité de commissionnaire ducroire, fait valoir que cette qualité a été purement et simplement écartée par ces nouvelles dispositions légales d'ordre public, aux termes desquelles l'annonceur mandant donne obligatoirement mandat à l'agence, qui devient ainsi son mandataire, d'agir en son nom et pour son compte.

Elle expose que la loi précitée, qui stipule en son article 20 que tout achat d'espace publicitaire ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat, exclut clairement qu'un mandat ait pu être donné par la société ODA.

Elle relève que, conformément à ces dispositions légales, l'annonceur avait le choix de procéder au règlement de sa commande, soit directement entre les mains d'ODA, soit entre celles d'Arc-en-Ciel, et qu'en l'espèce les annonceurs ont opté pour un règlement à leur mandataire, ce qui va à l'encontre d'un prétendu mandat apparent susceptible d'avoir existé entre la société ODA et la société Arc-en-Ciel.

Elle conclut que, la thèse du mandat apparent devant être écartée, l'argument des appelants, suivant lequel le paiement fait par eux entre les mains du mandataire serait libératoire, est inopérant.

De plus, elle conteste avoir commis des fautes de nature à avoir engagé sa responsabilité à l'égard des annonceurs, dans la mesure où, d'une part elle n'avait aucune obligation de renseignement envers une agence de publicité que les appelants avaient choisie librement et à laquelle ils avaient librement accepté de régler leurs ordres d'insertion, et dès lors que, d'autre part, il a été définitivement jugé par arrêt de la Cour d'appel de Nîmes en date du 8 juillet 1999 que la société ODA ne peut être tenue au paiement d'une insuffisance d'actif à la réalisation de laquelle celle-ci n'a pas concouru par un comportement fautif.

Elle ajoute que la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par les annonceurs ne saurait davantage prospérer, en l'état de la reconnaissance par eux de la carence de leur mandataire, laquelle constitue un aveu judiciaire.

En conséquence, la société intimée conclut à la confirmation en toutes ses dispositions de la décision entreprise, au débouté des appelants de l'ensemble de leurs prétentions, et à leur condamnation à lui payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité de 50 000 F venant en complément de celle qui lui a été octroyée de ce chef en première instance.

Motifs de la décision:

Sur l'existence alléguée d'un mandat apparent:

Considérant que, pour conclure qu'ils ont effectué des paiements libératoires entre les mains de la société Arc-en-Ciel, les annonceurs font valoir qu'ils ont pu de bonne foi croire que celle-ci avait reçu pouvoir de la société ODA pour souscrire en ses lieu et place l'ordre d'insertion et également pour recevoir paiement;

Considérant qu'ils précisent qu'ils étaient d'autant plus légitimement fondés à penser que l'agence Arc-en-Ciel avait la qualité de mandataire apparent d'ODA, qu'en vertu d'une clause du contrat de mandat liant les annonceurs à l'agence de publicité, celle-ci s'engageait, après vérification, à régler "avec la célérité requise toutes les factures correspondant aux annonces publicitaires pour lesquelles l'annonceur aura donné son accord et accepté des bons à tirer";

Mais considérant que, s'il est constant qu'avant l'application de la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, les agences de publicité agissaient en qualité de commissionnaire ducroire, la nature juridique de l'intervention de ces agences s'est trouvée modifiée par l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales d'ordre public;

Considérant qu'il résulte notamment de l'article 20 de la loi précitée que: " tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat ";

Considérant que l'article 21 dispose en outre que : "le mandataire mentionné au premier alinéa de l'article 20 ne peut ni recevoir d'autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant pour la rémunération de l'exercice de son mandat, ni aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur";

Considérant qu'il apparaît que c'est en conformité avec ces nouvelles dispositions légales que, fin 1993 ou début 1994, les annonceurs, appelants dans la présente procédure, ont donné mandat écrit à l'agence Arc-en-Ciel Diffusion, agissant en qualité de mandataire, en vue de souscrire leurs ordres d'insertion relatifs aux espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom auprès du régisseur exclusif ODA;

Considérant qu'au demeurant, la croyance légitime, alléguée par les annonceurs, en un mandat apparent que la société ODA aurait consenti à la société Arc-en-Ciel se trouve contredite par le fait qu'ayant eux-mêmes explicitement donné mandat à cette société en vertu des nouvelles dispositions d'ordre public désormais applicables, ces mêmes annonceurs étaient parfaitement en mesure de vérifier les conditions dans lesquelles leur propre mandataire intervenait;

Considérant que la circonstance qu'aux termes de ces contrats de mandat, l'agence se soit expressément engagée, après vérification, à régler avec la célérité requise toutes les factures correspondant aux annonces publicitaires concernées par l'ordre d'insertion ne saurait davantage venir au soutien d'un prétendu mandat apparent donné par la société ODA à la société Arc-en-Ciel, dès lors qu'un tel engagement n'intéressait que les rapports contractuels entre celle-ci et les annonceurs, lesquels, en tout état de cause, avaient la liberté d'adresser leurs paiements directement à ODA ;

Considérant qu'au surplus, la clause desdits mandats, stipulant que : "la rémunération du conseil de l'agence est constituée par les frais de gestion de dossier (5 % de l'achat d'espace) facturés à l'annonceur en sus des frais techniques de réalisation, l'annonceur bénéficiant en contrepartie d'une remise par l'ODA de 5 % sur l'achat d'espace... ", ne peut s'analyser en un avantage consenti au mandataire en méconnaissance des dispositions de l'article 21 de la loi précitée, de nature à conférer à Arc-en-Ciel la qualité de mandataire apparent d'ODA, dès lors qu'il résulte de l'article 20 alinéa 2 de cette loi que tout rabais ou avantage tarifaire accordé par le vendeur peut être conservé en tout ou en partie par l'intermédiaire en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat;

Considérant que, les conditions d'un mandat apparent donné par ODA à Arc-en-Ciel n'étant en l'occurrence pas remplies, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a énoncé que les paiements effectués par les annonceurs entre les mains de l'agence de publicité n'ont pas revêtu un caractère libératoire, et en ce qu'il en a déduit que ces annonceurs sont, conformément aux dispositions de l'article 1998 du Code civil, tenus de régler à ODA le montant de la créance qui ne lui avait pas été payée par le mandataire Arc-en-Ciel.

Sur les fautes alléguées à l'encontre de la société ODA:

Considérant que les annonceurs, appelants dans la présente procédure, font valoir que la société ODA a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil, pour cause de manquement à ses obligations d'information et de conseil, dès lors qu'ayant connaissance depuis le mois de juin 1994 d'impayés de la part de la société Arc-en-Ciel, l'intimée n'a pas estimé devoir mettre en garde les annonceurs sur les effets juridiques des paiements effectués par eux directement à Arc-en-Ciel, et ne les a pas davantage invités à adresser dorénavant leurs règlements directement entre les mains d'ODA;

Considérant qu'ils font également grief à la société ODA d'avoir accordé à la société Arc-en-Ciel des facilités de trésorerie, dès lors que les lettres de change revenues impayées, tirées par ODA sur l'agence de publicité, ont pour la plupart été créées en mars 1994, avec échéance au 30 septembre 1994, de telle sorte qu'avec un délai aussi large accordé à l'intermédiaire agréé, l'intimée courait le risque de ne pas recouvrer les sommes qui lui étaient dues par celui-ci ;

Mais considérant que les seuls documents produits aux débats par les appelants au soutien de leurs allégations à l'encontre de la société ODA sont constitués par:

- un écrit adressé le 2juin 1994 par ODA à Arc-en-Ciel, aux termes duquel l'intimée se contente de confirmer à l'agence de publicité qu'elle ne présentera pas l'échéance du 30 juin 1994 au paiement, "afin d'éviter que celle-ci ne revienne impayée du fait du non-paiement éventuel de certains annonceurs";

- une lettre en date du 8 août 1994, dans laquelle ODA informe un annonceur (qui ne figure pas parmi les appelants dans la présente procédure) qu'un "accord est intervenu entre l'ODA et l'agence Arc-en-Ciel Diffusion, concernant l'arrêt des LCR du 30 juin 1994, pour faciliter à cette société la gestion de ses règlements. Cet accord prévoyait, en remplacement des traites, l'envoi par Arc-en-Ciel d'un chèque pour le 30/06/94 précisément";

- un courrier daté du 1er août 1994, par lequel Arc-en-Ciel Diffusion confirme l'existence d'un accord intervenu avec la société ODA sur une modification du mode de règlement (les paiements par chèques devant désormais remplacer les règlements par traites);

Or, considérant que, d'une part, ces seuls éléments ne suffisent pas à mettre en évidence que la société ODA avait une connaissance certaine des difficultés de trésorerie de la société Arc-en-Ciel, à la date à laquelle les annonceurs ont effectué leurs paiements entre les mains de celle-ci ;

Considérant que, d'autre part, il doit être observé que les délais de paiement qu'il est reproché à la société ODA d'avoir consentis à l'agence de publicité étaient connus de l'annonceur, dès lors que les ordres d'insertion conclus entre celui-ci et la société Arc-en-Ciel comportent la mention : " LCR au 30/09/94 ";

Considérant qu'il apparaît qu'en réalité ces délais s'expliquent par le souhait de maintenir de bonnes relations commerciales entre le régisseur exclusif et l'intermédiaire agréé, plutôt que par la volonté d'ODA de procurer à cet intermédiaire un avantage interdit par la loi du 29 janvier 1993;

Considérant qu'en tout état de cause, il convient de rappeler que, suivant arrêt rendu le 8 juillet 1999 dans le cadre de la procédure tendant au paiement par la société ODA de l'insuffisance d'actif de la société Arc-en-Ciel Diffusion, la Cour d'appel de Nîmes a relevé que c'est dans les détournements de fonds commis par les dirigeants de cette société que doit être recherchée la cause de la disparition de l'actif et du dépôt de bilan, puis de la liquidation judiciaire d'Arc-en-Ciel Diffusion, "et non dans cette trésorerie constituée des paiements effectués par les annonceurs auprès de cette Agence, qui n'en a pas fait l'usage que pouvaient escompter les débiteurs et le créancier";

Considérant qu'il s'ensuit que le préjudice subi par les annonceurs, contraints de payer deux fois le montant de leurs commandes, a pour cause directe les actes frauduleux des dirigeants de l'agence de publicité ainsi explicités aux termes de la décision précitée, et non l'existence de prétendues facilités de trésorerie accordées par l'intimée à cette agence;

Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant également de ce chef le jugement déféré, de débouter les appelants de leur demande tendant à voir condamner la société ODA, sur le fondement des règles relatives à la responsabilité civile quasi-délictuelle, au remboursement des sommes que ces annonceurs ont été contraints de régler à double titre.

Sur la demande d'expertise présentée par les appelants et sur la demande reconventionnelle de l'intimée:

Considérant qu'au soutien de leur demande d'expertise présentée à titre subsidiaire, les annonceurs font valoir que la société ODA ne démontre pas que ce sont précisément leurs insertions publicitaires qui resteraient impayées du fait de la société Arc-en-Ciel;

Mais considérant qu'il doit être observé qu'aux termes tant de leur assignation initiale que de leurs écritures déposées en cause d'appel, les annonceurs ont expressément reconnu que la société Arc-en-Ciel n'avait pas réglé à la société ODA les sommes versées par eux relativement à l'ordre d'insertion de l'année 1994;

Considérant qu'au surplus, il est suffisamment établi par les avis d'impayés émis par le Crédit Lyonnais au titre des ordres d'insertion litigieux que les traites tirées par ODA sur Arc-en-Ciel sont revenues impayées à leur date d'échéance le 30 septembre 1994;

Considérant qu'à cet égard, aucune ambiguïté ne ressort des factures adressées courant 1994 par ODA aux annonceurs, assorties de l'indication de leur règlement par traite, dès lors qu'il est constant que ces factures, qui ne comportent nulle mention qu'elles ont été acquittées, n'étaient exigibles qu'au 30 septembre 1994, date de l'échéance des traites;

Considérant qu'en fonction de ce qui précède, la demande d'expertise judiciaire, présentée à titre subsidiaire par les appelants, doit être écartée;

Considérant qu'il s'ensuit qu'en application de l'article 1998 alinéa 1er du Code civil, la société ODA était fondée à se retourner contre les annonceurs, pris en leur qualité de mandant, pour obtenir paiement des sommes correspondant à leurs commandes d'insertions publicitaires non honorées du fait de la défaillance de leur mandataire, la société Arc-en-Ciel;

Considérant qu'il est acquis aux débats qu'ODA a indiqués avoir perçu les sommes litigieuses de la part de Messieurs Muselli et Tempier;

Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande reconventionnelle de la société ODA tendant à voir condamner le Centre hospitalier d'Avignon à lui payer la somme de 44 504,65 F, et Monsieur Daniel Chovin à lui payer la somme de 8 044,64 F, ce en deniers ou quittance valable.

Sur les demandes annexes:

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société ODA, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité de 10 000 F qu'il convient de mettre solidairement à la charge des appelants, en complément des sommes qui lui ont été octroyées de ce chef en première instance;

Considérant que, toutefois, dès lors qu'il résulte des précédents développements que la résistance opposée par la société intimée aux prétentions des annonceurs était parfaitement justifiée, les demandes présentées par ceux-ci tant à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour préjudice moral qu'au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent être rejetées;

Considérant que les appelants, qui succombent dans l'exercice de leur recours, doivent supporter les entiers dépens de la présente procédure.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Déclare recevable l'appel interjeté par l'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et ODA, le Centre hospitalier d'Avignon, Monsieur Daniel Chovin, Monsieur Lucien Muselli et Monsieur Jean Tempier, le dit mal fondé; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Y ajoutant: Condamne in solidum l'Association des victimes d'Arc-en-Ciel et ODA, le Centre hospitalier d'Avignon, Monsieur Daniel Chovin, Monsieur Lucien Muselli et Monsieur Jean Tempier à payer à la SA Office d'Annonces, "ODA", sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 10 000 F, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par celle-ci en cause d'appel; Déboute les appelants de l'ensemble de leurs demandes; Les Condamne sous la même solidarité aux dépens d'appel, et Autorise la SCP Jupin & Algrin, société d'avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.