CA Rennes, 3e ch., 13 avril 2000, n° 99-00420
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gayet
Conseillers :
Mmes Turbe-Bion, Jeannesson
Avocats :
Mes Berthault, Boquet.
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal correctionnel de Rennes par jugement contradictoire en date du 4 mars 1999, pour
publicité mensongère ou de nature à induire en erreur vente d'un produit par un commercant à un prix inférieur à son prix de revient
a relaxé G Patrice du chef du délit de vente à perte ; l'a condamné à 15 000 F d'amende ; a ordonné la publication du dispositif dans Ouest-France aux frais des prévenus solidairement dans la limite de 6 000 F et l'a condamné à des réparations civiles.
et pour
publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
a condamné V Jean Patrice à 15 000 F d'amende; a ordonné la publication du dispositif dans Ouest-France aux frais des prévenus solidairement; dans la limite de 6 000 F et l'a condamné à des réparations civiles.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par
Monsieur G Patrice, le 8 mars 1999 contre AFOC Association Force Ouvrière Consommateurs d'Ille-et-Vilaine
Monsieur V Jean Patrice, le 8 mars 1999 contre AFOC Association Force Ouvrière Consommateurs d'Ille-et-Vilaine
M. le Procureur de la République, le 8 mars 1999 contre Monsieur V Jean Patrice, Monsieur G Patrice.
LA PREVENTION :
Considérant qu'il est fait grief à G Patrice :
- es qualité de directeur de l'hypermarché X (localité), d'avoir à (localité)en tout cas sur l'ensemble du territoire national, du 13 septembre 1996 au 27 décembre 1996, effectué des publicités comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix, les conditions de vente et la portée des engagements de l'annonceur s'agissant des biens offerts à la vente par l'hypermarché X (localité)en l'espèce en annonçant le remboursement de la différence ou le double de la différence du prix aux clients qui auraient trouvé moins cher ailleurs alors que :
* d'une part les conditions de remboursements annoncés variaient selon les supports de publicité et étaient en conséquence de nature à induire en erreur les consommateurs,
* d'autre part le remboursement de la différence a été refusé ou restreint pour des motifs qui n'étaient pas spécifiés par lesdites publicités,
faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4 et L. 213-1 du Code de la consommation ;
- es qualité de directeur de l'hypermarché X (localité), pour avoir à (localité), les 12, 14, 18, 20 et 22 novembre 1996, étant commerçant, revendu un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques à cette revente en remboursant aux acheteurs de 8 jouets le double de la différence de prix avec le prix de vente constaté ailleurs ;
faits prévus et réprimés par l'article 1 de la loi de finance 63-628 du 2 juillet 1963 modifiée par l'article 32 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 et les articles 54 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'il est fait grief à V Jean Patrice
- es qualité de directeur de l'hypermarché Y (localité), d'avoir à (localité)en tout cas sur l'ensemble du territoire national, du 13 septembre 1996 au 27 décembre 1996, effectué des publicités comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix, les conditions de vente et la portée des engagements de l'annonceur s'agissant des biens offerts à la vente par l'hypermarché X (localité)en l'espèce en annonçant le remboursement de la différence ou le double de la différence du prix aux clients qui auraient trouvé moins cher ailleurs alors que :
* d'une part les conditions de remboursements annoncés variaient selon les supports de publicité et étaient en conséquence de nature à induire en erreur les consommateurs,
* d'autre part le remboursement de la différence a été refusé ou restreint pour des motifs qui n'étaient pas spécifiés par lesdites publicités,
faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4 et L. 213-1 du Code de la consommation ;
EN LA FORME :
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;
AU FOND :
a)Faits
De septembre à décembre 1996, sur décision de Messieurs G et V directeurs des magasins hypermarchés X et Y de (localité)et de (localité)s'est développée une campagne publicitaire dans les journaux et sur panneaux "satisfait ou remboursé, si vous trouvez moins cher ailleurs, on vous rembourse deux fois la différence".
C'est dans ces conditions qu'au magasin Y un consommateur a acheté un "lego system" 50 F plus cher qu'au Géant Casino le 9 novembre 1996, et qu'un agent de la DGCCRF le 10 décembre 1996 un "after eight collection" à un prix de 9 F supérieur qu'au magasin Cora Pace ; au magasin X le 20 novembre 1996 une employée du Centre Leclerc fait l'achat d'un assortiment de chocolats trouvés moins chers dans son commerce, et le 23 novembre 1996 Monsieur Jarry acquiert le livre "le copain des champs" 90 F plus cher que dans une librairie qu'il cite.
Les responsables des magasins X et Y n'acceptant de rembourser la différence que sur un seul produit de chaque catégorie et sur justificatifs précis, des procès-verbaux ont été dressés par les contrôleurs de la DGCCRF.
Rejetant les exceptions de nullité soulevées relatifs au contenu des procès-verbaux, à leur forme, à l'atteinte aux droits de la défense qui résulterait de ce qu'un fonctionnaire de la répression des fraudes s'était présenté consommateur à (localité), le tribunal a jugé les faits de publicité mensongère établis, n'a pas retenu la revente à perte, a condamné les directeurs responsables à une amende, à la publication de la décision, et à des dommages-intérêts à l'AFOC.
b) Moyens en appel
Les prévenus, régulièrement appelants de cette décision, reprennent exactement les moyens de nullité développés in limine litis, que la cour a joint au fond.
Subsidiairement au fond, ils concluent comme en première instance que c'est bien au consommateur d'apporter la preuve du prix inférieur d'un produit dans un autre commerce, que la relaxe doit en tout état de cause être confirmée sur la revente à perte, et que la solidarité de dommages-intérêts, par ailleurs contestés, doit être écartée.
Quant à l'AFOC d'Ille-et-Vilaine, elle réclame 10 000 F à défaut de 20 000 F de dommages-intérêts (sic), et 3 000 F de frais irrépétibles d'appel.
SUR CE,
1 - La cour relève, sur les nullités soulevées, que les premiers juges, répondant à tous les moyens des prévenus repris en cause d'appel, a fait une exacte application du droit en les écartant tant sur leur forme que sur le contenu des procès-verbaux. Ceux-ci clos en avril 1997 ont été par ailleurs normalement transmis au procureur de Rennes en juillet 1997 après étude d'une longue réponse du Directeur de X de mai 1997. Ce n'est que sur instructions du Parquet qu'après recherches les deux prévenus ont été entendus en novembre suivant (M. G) et en janvier 1998 (M. V).
2 - au fond
* C'est encore à juste titre que le tribunal a considéré établis les faits de publicité mensongère ou de nature à induire le consommateur en erreur à l'encontre des deux directeurs de magasin. D'une part les clients étaient mal renseignés par le support publicitaire, qui a varié en septembre et décembre 1996, sur la zone géographique à retenir pour opérer la comparaison (variant de 30 à 100 km autour de Rennes).
D'autre part les responsables des "2 magasins" ont imposé au client un justificatif qui n'était pas inséré dans les publicités, et au magasin de (localité)une restriction a été faite sur le remboursement par "catégorie" de marchandises et non par produit présenté, ajoutant ainsi au support publicitaire.
Le jugement est confirmé tant au fond, sur la relaxe partielle, et le montant des amendes prononcées.
La publication s'impose pour prévenir ces agissements irréguliers destinés à détourner la clientèle des autres commerces de la place, dans les conditions de l'article 131-35 du Code pénal.
* Sur les intérêts civils
L'AFOC non appelante est fondée sur le principe de son action conforme à son objet social.
Le tribunal a exactement arbitré les dommages-intérêts dus par les deux directeurs qui ont agi conjointement à (localité)et (localité).
Il est équitable d'allouer une somme à l'AFOC au titre de ses frais d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de G Patrice, de V Jean Patrice et de l'AFOC Association Force Ouvrière Consommateurs d'Ille-et-Vilaine ; En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Rejetant les exceptions soulevées ; Confirme le jugement du Tribunal correctionnel de Rennes du 4 mars 1999 sur la culpabilité et les amendes prononcées, Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1,74 et 750 du Code de procédure pénale. Ordonne conformément à l'article 131-35 du Code pénal la publication dans le journal Ouest France aux frais de Messieurs G et V, pages régionales Ille-et-Vilaine du communiqué suivant : "Par arrêt de la Cour d'appel de Rennes 3e Chambre, Messieurs V et G respectivement Directeurs des Hypermarchés X et Y ont été condamnés à 15 000 F d'amende chacun pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de septembre à décembre 1996", Confirme le jugement en ses dispositions civiles, Condamne Messieurs G et V à payer 3 000 F à l'AFOC par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens en vertu de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 et du décret d'application n° 93-867 du 28 juin 1993.