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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 22 novembre 2000, n° 00-01835

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Vuillemin

Conseillers :

MM. Ancel, Nivose

Avocat :

Me Bensussan.

TGI Paris, 31e ch., du 15 févr. 2000

15 février 2000

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

L Pierre est poursuivi par citation à la requête du Procureur de la République, pour s'être, à Paris et sur le territoire national, entre décembre 1997 et mai 1998, rendu coupable de complicité du délit de publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'identité et les qualités ou aptitudes du prestataire reproché à Maamar M gérant de la société X en lui fournissant des adresses de domiciliation d'établissements secondaires fictifs lui permettant d'obtenir des numéros de téléphone différents reliés par transfert d'appel à un numéro unique.

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

déclaré L Pierre coupable de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis de décembre 1997 à mai 1998, à Paris et sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation, articles 121-6 et 121-7 du Code pénal et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-l du Code de la consommation, articles 121-6 et 121-7 du Code pénal

et, en application de ces articles,

l'a condamné à une amende délictuelle de 100 000 F,

ordonné à l'égard de Pierre L et de Maamar M, ce dernier non en cause d'appel, la publication du jugement dans le Figaro,

dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

LES APPELS:

Appel a été interjeté par:

- Monsieur L Pierre, le 15 février 2000, sur les dispositions pénales et civiles;

- M. le Procureur de la République, le 15 février 2000, contre Monsieur L Pierre;

DÉCISION:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris

Pierre L comparant, assisté de son avocat, demande à la cour, par voie de conclusions

- à titre préliminaire de joindre les 4 procédures qui sont fondées sur les mêmes poursuites et de prononcer la confusion des peines, qui seraient prononcées contre lui dans les 4 affaires soumises à la cour,

- sur le fond, il prétend que 1°) la domiciliation d'entreprise n'est pas une activité illégale et qu'aucune disposition n'interdit de fixer un établissement secondaire d'une société commerciale dans les locaux d'une entreprise de domiciliation, 2°) que ce procès est en réalité le procès des entreprises de domiciliation et 3°) que le renvoi d'appel téléphonique est rentré dans les moeurs,

- il soutient sa relaxe compte tenu de l'absence d'élément légal et matériel de l'infraction pour la publicité trompeuse et prétend que les faits de l'affaire, ne permettent pas de démontrer l'intention du prévenu pour le délit de publicité trompeuse;

- à titre subsidiaire, il demande de constater l'amnistie des faits poursuivis;

Le Ministère public rappelle que la publicité mensongère est celle qui véhicule un message publicitaire faux ou déloyal et soutient qu'en l'espèce, le consommateur qui recherche une entreprise de proximité pour les différents services en cause dans cette affaire, a été trompé par les domiciliations fictives dont Pierre L s'est rendu complice par fourniture de moyens; il requiert la confirmation du jugement déféré;

RAPPEL DES FAITS:

Pierre L est Président directeur général de la société Y qui est n° 1 en France de la domiciliation d'entreprises a réalisé un chiffre d'affaire annuel de 20 millions de francs en 1998;

De décembre 1997 à mai 1998, la société de Pierre L a accepté par des contrats distincts, la domiciliation dans les 20 arrondissements de Paris, d'établissements secondaires de la société X ou Z, dont Maamar M est le gérant; ce dernier a fait des publicités en indiquant des numéros téléphoniques correspondant à domiciliations fictives dans chacun des arrondissements de Paris, avec un service de renvoi d'appel qui basculait automatiquement le numéro appelé sur le numéro de téléphone du siège social de l'entreprise; cette stratégie commerciale permettait à l'entreprise de paraître proche du domicile du consommateur, alors qu'elle n'avait qu'un siège unique;

Pour sa défense, Pierre L a fourni une lettre du cabinet du premier ministre lui indiquant qu'au terme d'un avis du Comité de coordination de registre du commerce, et des sociétés (CCRCS), le greffe doit accepter l'immatriculation d'un établissement secondaire sans qu'il y ait lieu de vérifier si l'adresse de cet établissement correspond à celle d'une entreprise de domiciliation, et que par conséquent la modification du décret du 5-12-85 n'est pas nécessaire;

Le bulletin n° 1 du casier judiciaire de Pierre L ne mentionne aucune condamnation antérieure;

Sur ce

Sur l'action publique

Considérant que la cour, adoptant les motifs des premiers juges, constate que la société X a fait mentionner dans les annuaires téléphoniques, des adresses dans tous les arrondissements de Paris alors qu'elle n'avait pas dans chaque arrondissement une activité commerciale réelle mais une simple ligne téléphonique, installée dans les locaux d'une société de domiciliation avec un système de transfert d'appels vers le standard téléphonique de son siège;

Considérant que le consommateur victime d'une panne domestique, consultant les annuaires de France Télécom, pouvait légitimement croire qu'il contactait une entreprise importante, avec un établissement dans chaque arrondissement dè Paris, ce qui lui permettait de choisir celui situé le plus près de son domicile et a pu être trompé à cause de la liste des adresses fictives, sur la qualité ou les aptitudes du prestataire de service auquel il s'adressait; que l'infraction de publicité de nature à induire en erreur est donc constituée, dès lors que l'article L. 121-1 du Code de la consommation interdit toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent notamment sur l'identité, les qualités ou aptitudes des prestataires;

Considérant que Pierre L, Président-directeur général de la société Y, a fourni à la société X, des adresses de domiciliation dans tous les arrondissements de Paris, en mettant en avant les mérites d'une publicité gratuite dans les annuaires parisiens, sur le minitel par le 3611, dans les Pages Jaunes de l'annuaire France Télécom et dans l'annuaire Pages Soleil, après une domiciliation téléphonique auprès de sa société qui lui assurerait des remontées commerciales insoupçonnées; que le prévenu qui a déclaré remettre à ses cocontractants, une copie du décret de 1985 sur la domiciliation d'entreprise a incité ces cocontractants à faire de la publicité en sachant que ces établissements secondaires étaient fictifs;

Considérant que les faits dans leur matérialité, ne sont pas contestés par le prévenu qui reconnaît avoir procuré à l'entreprise X, dont Maamar M était le gérant, des domiciliations téléphoniques dans les 20 arrondissements de Paris et précise à la cour que le tarif d'une domiciliation téléphonique correspond à une somme mensuelle de 200 à 390 F et celui d'une location de bureau à celle de 2 000 F à 4 000 F par mois; que le prévenu a reconnu, savoir que l'entreprise en cause n'avait aucune activité à l'adresse secondaire et précise que le seul intérêt de cette adresse résultait de l'opportunité de la publicité faite dans les annuaires ou les journaux; qu'il en résulte que le prévenu s'est rendu coupable de complicité du délit de publicité de nature à induire en erreur; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la mesure de publication ainsi qu'elle est précisée au dispositif du présent arrêt;

Considérant que compte tenu de la date des faits, la demande d'amnistie présentée par le prévenu, sera déclarée sans objet;

Sur la demande de confusion de peines de Pierre L

Considérant que selon les dispositions de l'article 132-4 du Code pénal lorsque, à l'occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s'exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé; que toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée par la dernière juridiction appelée à statuer;

Considérant que Pierre L, poursuivi pour des infractions de même nature, dans 4 dossiers ayant fait l'objet de poursuites séparées, inscrits à la cour sous les numéros de rôle 00-01835, 00-01838, 00-01846 et 00-03037, est reconnu coupable des faits de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur; que la cour décide de refuser la demande de confusion des peines sollicitée par le prévenu et condamnera Pierre L dans la présente affaire à une amende ramenée à 50 000 F, pour tenir compte des infractions en concours;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité, Vu les dossiers inscrits à la cour sous les numéros de rôle 00-01835, 00-01838, 00-01846 et 00-03037, dans lesquels Pierre L est reconnu coupable des faits de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, Infirme le jugement attaqué sur la peine, Condamne Pierre L à une amende de 50 000 F, Ordonne la publication de la présente décision par extraits, aux frais du condamné, dans le journal "Le Figaro".