CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 12 juin 2003, n° 02-05569
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Canal Satellite (SA)
Défendeur :
Télévision par Satellite - TPS (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Alain Raffejeaud (conseiller faisant fonction)
Conseillers :
MM. Dragne, Chapelle
Avoués :
SCP Lissarrague-Dupuis & Boccon-Gibod, SCP Jupin & Algrin
Avocats :
Mes Penven, Vogel.
La société TPS a fait diffuser par voie de presse, notamment dans le journal "Le Parisien" du 8 avril 2002, une annonce publicitaire mentionnant en gros caractères: "Le n°1, c'est TPS" et présentant les services offerts par TPS, en quatre rubriques intitulées "question cinéma", "question football", "question enfants" et "question avantages", trois rubriques sur quatre commençant par les mots "Le bouquet n° 1, c'est TPS".
Reprochant à ces publicités de présenter un caractère mensonger et trompeur, de la dénigrer, et de contrevenir aux dispositions du Code de la consommation concernant la publicité comparative, la société Canal Satellite a fait assigner en référé la société TPS devant le président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir la cessation de la publicité litigieuse dans un délai de 24 heures ainsi qu'une mesure de publication et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 30 avril 2002, le président du tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société Canal Satellite en ses demandes et l'a condamnée à payer à la société TPS une indemnité de 1.200 ? sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il a également débouté la société TPS en sa demande reconventionnelle d'interdiction à la société Canal Satellite de faire usage du slogan "le meilleur du numérique".
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que le slogan "Le n°1, c'est TPS" est une publicité hyperbolique destinée à mettre en valeur l'annonceur mais dont l'exagération n'induit pas nécessairement en erreur le consommateur moyen, et qui s'inscrit dans une pratique d'autant plus admissible que les informations mentionnées dans l'encart publicitaire sont exactes même si elles peuvent être sujettes à une appréciation qualitative.
Appelante, la société Canal Satellite conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Elle conclut tout d'abord à la recevabilité de son appel au motif que la preuve de la cessation de la campagne publicitaire litigieuse n'est pas rapportée pat la société TPS.
Elle demande à la cour de juger que le slogan "Le n°1, c'est TPS", qui figure dans les campagnes de publicité menées par TPS sans aucune notice explicative, dépasse les limites de l'hyperbole publicitaire et constitue une publicité trompeuse au sens de l'article L 12 1-1 du Code de la consommation, et dénigrante à l'encontre de la société Canal Satellite, et de dire que ces campagnes de publicité comportant le slogan incriminé sont constitutives d'actes de concurrence déloyale à son encontre.
Elle demande en conséquence à la cour d'ordonner la cessation, dans un délai de 24 heures de la décision à intervenir, de la diffusion de tout message publicitaire comportant le slogan "le n° 1, c'est TPS", d'ordonner une mesure de publication par voie de communiqué dans les journaux Le Parisien, Le Figaro, Libération, Le Monde et Télé 7 Jours, de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de saisir le juge du fond afin d'obtenir une indemnisation de son préjudice. Elle sollicite en outre une indemnité de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Intimée, la société TPS conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, au débouté de la société Canal Satellite en toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de sa position, la société TPS fait valoir qu'elle a modifié son argumentaire publicitaire sur l'ensemble de ses supports et que le slogan incriminé n'est plus diffusé depuis le 29 mai 2002, si bien qu'il ne subsiste aujourd'hui plus aucun trouble manifestement illicite dont la société TPS serait recevable à demander la cessation. Elle ajoute qu'il appartient à la société Canal Satellite, demandeur à l'instance, d'établir la persistance du trouble dont elle fait état, et non à la société TPS de faire la preuve que le trouble a cessé, sans qu'il y ait lieu d'exiger de la part de cette dernière un engagement de renoncer pour l'avenir et définitivement à faire usage du slogan publicitaire comme le demande la société Canal Satellite.
La société TPS conteste par ailleurs que les mesures de cessation et de publication sollicitées constituent des mesures conservatoires ou de remise en état dès lors qu'il n'est justifié d'aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent au sens de l'article 873 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile.
La société TPS conteste enfin que le slogan "Le n°1, c'est TPS" constitue une mesure de publicité dénigrante ou trompeuse. Elle indique qu'il s'agit d'une publicité superlative, d'usage courant, voire systématique, dans le domaine publicitaire. Elle ajoute à titre surabondant que les informations contenues dans l'annonce publicitaire sont exactes et portent sur des éléments pertinents, si bien qu'aucune faute ne peut lui être imputée de nature à justifier les mesures demandées par Canal Satellite.
Sur quoi, LA COUR :
Considérant que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés, ne peut statuer que dans la limite de la compétence de celui-ci.
Qu'il en résulte que la cour de ce siège ne se trouve saisie que dans les termes de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, selon lequel le juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Considérant qu'il résulte des attestations établies par la société Carat AEA et par la société Régions Communications que la publicité litigieuse a cessé de recevoir une diffusion dans la presse régionale depuis le 29 avril 2002.
Considérant qu'à l'exception d'une brochure publicitaire couvrant la période du 1er mai au 30 juin 2002 et mentionnant " Cinéma & Coupe du Monde TPS est numéro 1 ", le slogan n'est plus utilisé depuis la fin du mois de juin 2002.
Considérant que c'est à la date à laquelle la cour statue qu'il convient de se placer pour apprécier la réalité du trouble invoqué.
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'imposer à la société TPS de rapporter la preuve négative que le trouble ait cessé, la charge de la preuve d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite incombant à la société demanderesse.
Qu'il ne peut davantage être exigé un quelconque engagement de la société TPS de renoncer pour l'avenir et de manière irrévocable à faire usage du slogan "Le n° 1, c'est TPS."
Considérant qu'à ce jour, la cour ne peut que constater l'absence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.
Qu'il n'y a donc plus matière à référé.
Considérant en conséquence que par ces derniers motifs, substitués à ceux des premiers juges, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
Considérant que l'équité ne justifie pas qu'il soit fait usage de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Considérant que la nature de l'affaire justifie que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens.
Par ces motifs, LA COUR :
Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme, par substitution de motifs, l'ordonnance entreprise. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.