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Décisions

Cass. crim., 14 mars 2000, n° 99-85.174

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

M. Cotte

Avocat :

SCP Gatineau.

TGI Créteil, 17e ch., du 16 janv. 1997

16 janvier 1997

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Françoise, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 22 juin 1999, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 15 000 francs d'amende et à la publication par extraits de l'arrêt ; - Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, déclarant Mme X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur le consommateur, a rejeté l'exception "non bis in idem" soulevée par la prévenue ;

"aux motifs que les faits visés dans la poursuite portent sur une publicité spécifique annonçant mensongèrement à Henry Nicolas qu'il avait gagné un téléviseur Sony ;

"que cette publicité illicite, clairement individualisée à l'égard d'Henry Nicolas, non seulement par l'exposé de son nom, de son adresse mais également d'un numéro de participation n'a été jugée ni par la cour d'appel de Grenoble, ni par celle d'Aix-en-Provence, qui se sont prononcées sur des faits similaires mais non identiques étant observé qu'en l'espèce, l'effet d'accroche recherché par l'individualisation de l'annonce ("grâce à votre numéro personnel") est particulièrement déterminant ;

"alors que si le délit de publicité de nature à induire en erreur se manifeste lors de chaque communication au public, il n'en constitue pas moins une infraction unique dès lors que des communications identiques sont contenues dans un même message publicitaire, peu important par ailleurs que ledit message ait été individualisé pour chacun des clients destinataires des documents adressés par correspondance ; qu'en refusant néanmoins d'accueillir l'exception non bis in idem au vu des décisions de relaxe revêtues de l'autorité de la chose jugée rendues par les cours d'appel de Grenoble le 13 octobre 1994 et d'Aix-en-Provence le 30 avril 1997, quand les faits poursuivis dans la prévention étaient les mêmes que ceux ayant déjà donné lieu à ces décisions de relaxe définitive, à la seule exception des éléments propres à l'individualisation du client destinataire des documents, l'arrêt a violé le texte visé au moyen"

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Y a envoyé par voie postale à Henry Nicolas des documents dont il ressortait qu'il était l'un des cinq "gagnants" d'un "tirage audio-vidéo" et que son lot, un téléviseur inscrit en face de son nom sur une liste des "prix" placée en regard de la liste des "gagnants", lui serait expédié lorsqu'il aurait passé commande de l'un des articles présentés sur le catalogue de l'entreprise ; qu'Henry Nicolas a transmis à la société, après l'avoir rempli, le bon aux termes duquel il commandait l'un des articles proposés, et demandait l'envoi de son lot ; que, sur sa réclamation, la société Y lui a fait connaître qu'il avait gagné un "compact disc stéréo" désigné sur la liste des "prix" en face du nom d'un autre "gagnant" ;

Attendu que, poursuivie, sur la plainte d'Henry Nicolas, pour publicité trompeuse, Françoise X, dirigeante de la société Y, a soulevé l'exception de chose jugée, faisant valoir que l'action publique était éteinte par les relaxes définitivement prononcées à son bénéfice par les Cours d'appel de Grenoble, le 13 octobre 1994, et d'Aix-en-Provence, le 30 avril 1997 ;

Attendu que, pour écarter l'exception soulevée, les juges énoncent que les faits dont Henry Nicolas, destinataire de documents individualisés par la mention de son nom, de son adresse et d'un numéro de participation à la loterie, a été victime, sont distincts de ceux qui ont été jugés par chacune des deux autres cours d'appel ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; qu'en effet, constituent des publicités distinctes celles qui, adressées à des personnes différentes, mettent en scène de manière individualisée leur destinataire, objet de leurs allégations trompeuses ;que le moyen ne saurait, dès lors, être retenu ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5 et L. 121-6 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur le consommateur ;

"aux motifs propres que la cour observe que malgré les arguties de Françoise X, il apparaît clairement que tout était calculé dans la publicité litigieuse pour donner l'illusion à Henry Nicolas qu'il avait gagné un prix important (une télévision couleur) alors qu'en réalité, il avait gagné un compact disc sans réelle valeur ;

"et aux motifs adoptés que s'il est vrai que sur le document informatique, un astérisque placé à côté de la rubrique liste des prix renvoyait à une mention en petit caractères au bas de la page "conformément à la législation, prix cités dans l'ordre de valeur", et que l'article 4 du règlement comportait la mention "les prix sont indiqués dans le document de présentation dans l'ordre de leurs valeurs commerciales conformément à la réglementation en vigueur et sans corrélation avec l'extrait de la liste des gagnants", il ne résulte cependant pas suffisamment de la lecture de ces documents que le consommateur moyen pouvait comprendre immédiatement qu'il n'avait pas gagné un téléviseur couleur ; qu'en effet, la mention portée au bas du document informatique pouvait apparaître comme non contradictoire avec la mise côte à côte d'une liste de gagnants et d'une liste de prix ; qu'elle aurait dû être suivie de la mention figurant à l'article 4 du règlement intérieur : "prix sans corrélation avec l'extrait de la liste des gagnants" pour que le "futur gagnant" comprenne qu'il n'avait pas décroché le deuxième prix mais simplement l'un des nombreux "compact disc" ; qu'au vu de ces éléments, il apparaît qu'Henry Nicolas a pu être induit en erreur par cette publicité, le fait qu'il soit expert auprès des tribunaux et qu'il ait dénoncé ces agissements n'étant pas de nature à ôter à cette dernière son caractère trompeur ;

1°) "alors que le caractère trompeur d'une publicité s'apprécie en fonction du degré de compréhension d'un consommateur moyen lequel est censé prendre connaissance de l'ensemble des documents qui lui sont adressés ; qu'en l'espèce, les messages publicitaires étaient accompagnés de l'envoi du règlement du jeu dont l'article 4 mentionnait, après un inventaire lisible des lots mis en jeu, que "les prix étaient indiqués dans l'ordre de leurs valeurs commerciales et sans corrélation avec l'extrait de la liste des gagnants" ; qu'en outre, l'annonce concernant "le gagnant du tirage Audio Vidéo" était précédée de la mention en gros caractères : "je vous le confirme, vous avez gagné un des prix indiqués sur le listing ci-joint" ; que sur ce listing, figurait un astérisque mentionnant conformément à la législation, que les lots étaient présentés par ordre de valeur ; qu'enfin, l'article 6 du règlement joint indiquait que les gagnants des premiers prix seraient avisés par courrier recommandé après clôture du jeu, ce qui signifiait bien que les lots n'étaient pas encore attribués ; qu'en l'état de ces mentions concordantes, le consommateur moyen ne pouvait ignorer en renvoyant son bon de participation, qu'il n'avait pas d'ores et déjà gagné un lot de valeur, en l'occurrence un poste de télévision couleur ; qu'en considérant néanmoins que la publicité litigieuse était de nature à laisser croire à Henry Nicolas qu'il avait gagné le deuxième prix, l'arrêt a violé les textes visés au moyen ;

2°) "alors qu'il suffit que le consommateur moyen puisse être convaincu par une lecture rapide des documents adressés, qu'il est simplement le gagnant potentiel d'un lot important, quand bien même il n'aurait pas "du premier coup d'oeil" mesuré la portée exacte de l'annonce publicitaire ; qu'en exigeant néanmoins que le consommateur ait compris immédiatement qu'il était seulement invité à participer à un tirage sans pour autant bénéficier d'une garantie de gain de lot de grande valeur, l'arrêt a là encore violé les textes susvisés ;

3°) "alors que le caractère trompeur d'une publicité doit s'apprécier au regard du message publicitaire pris dans son intégralité ; que l'article 4 du règlement du jeu annexé à l'envoi mentionnait à la suite de l'inventaire des lots que : "les prix sont indiqués dans l'ordre de leurs valeurs commerciales et sans corrélation avec l'extrait de la liste des gagnants", précision de nature à dissiper toute ambiguïté quant à la portée exacte de l'annonce ; qu'en déduisant l'existence du délit du fait que cette mention ne figurait pas également au bas du listing informatique comportant la liste des prix et celle des gagnants, l'arrêt qui n'a pas recherché si le message publicitaire pris dans son ensemble n'assurait pas une information suffisamment compréhensible du consommateur moyen, a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour déclarer Françoise X coupable de publicité de nature à induire en erreur, les juges relèvent que ni le renvoi, figurant à l'extrémité de la rubrique consacrée à la liste des prix, à une note en bas de page indiquant en petits caractères que, "conformément à la législation", ceux-ci sont "cités dans l'ordre de valeur", ni l'indication, par l'un des articles de l'extrait du règlement, communiqué au consommateur sur un document distinct, que le classement des prix est "sans corrélation avec l'extrait de la liste des gagnants", ne permettent au consommateur moyen de comprendre qu'il n'a pas gagné le prix indiqué en face de son nom avant de commander l'un des articles du catalogue ;

Attendu que la cour d'appel, par des motifs qui caractérisent la publicité comportant des présentations de nature à induire en erreur sur la portée des engagements pris par l'annonceur, a fait l'exacte application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.