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Décisions

Cass. crim., 30 octobre 1990, n° 89-83.552

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ract-Madoux

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Peignot, Garreau.

TGI Lille, ch. corr., du 25 nov. 1988

25 novembre 1988

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par B Jean-Pierre, la société "X", civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, du 17 mai 1989, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 50 000 F d'amende, a ordonné la publication de la décision, a déclaré ladite société civilement responsable, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 44-1 et 44-2 de la loi du 27 décembre 1973 ; défaut de motifs, défaut de base légale, violation de la loi ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré B coupable du délit de publicité mensongère, l'a condamné à une peine de 50 000 F et a déclaré la société X, dont il est président directeur général, civilement responsable ;

" aux motifs qu'il ne résulte nullement de la lecture du texte d'incrimination et de son exégèse que ne sont impérativement concernées que des opérations à caractère onéreux : l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 vise toute publicité et constitue une publicité tout procédé dont le but est de solliciter la clientèle, ce qui est manifestement le cas en l'espèce ; de même, il sanctionne le mensonge publicitaire quelles que soient ses formes ; en l'espèce (...) il est manifeste que la publicité diffusée au moyen de ce jeu comportait au sens de la loi des allégations, indications ou présentations de nature à les induire en erreur sur la portée des engagements de l'annonceur ; en la matière, la responsabilité pénale incombe au dirigeant de l'entreprise auquel il appartient de veiller au strict respect de la législation (...) la lettre adressée le 18 décembre 1986 à M. D par B et M. L, alors cogérants de l'entreprise, constitue une délégation ; toutefois, pour être exonératoire, la délégation doit avoir été donnée à un préposé pourvu de la compétence et investi de l'autorité nécessaire, ce qui, en la matière, suppose aussi établi par le chef d'entreprise que cette autorité ne demeurait pas, ne fût-ce que pour partie, dépendante de celle que lui-même aurait continué à exercer, que donc, son préposé est effectivement et pleinement devenu le décideur en ses lieu et place par l'effet de sa délégation ; en l'espèce (...), il apparaît que par son ampleur et l'importance de son enjeu, une opération comme celle qui a été menée n'a pu l'être et suivie hors de toute maîtrise et de tout contrôle du dirigeant, qu'ainsi B ne peut s'exonérer de la responsabilité attachée à sa qualité ;

" alors, d'une part, que la loi du 27 décembre 1973 vise expressément toute publicité de nature à induire en erreur, portant sur la vente de biens et de services, si bien qu'en énonçant que ne sont pas exclusivement concernées les opérations à caractère onéreux, et en l'appliquant à une loterie gratuite, la Cour a manifestement violé l'article 44-1 de cette loi ;

" alors, d'autre part, que les dirigeants d'une entreprise sont exonérés de la responsabilité pénale qui leur incombe en vertu de l'article 44-2 alinéa 7 lorsqu'ils ont délégué tout ou partie de leurs pouvoirs à un préposé pourvu de la compétence et investi de l'autorité nécessaire, si bien que la Cour qui a confirmé la culpabilité de B, tout en ayant cependant constaté que celui-ci avait délégué ses pouvoirs à M. D, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 44-2 de la loi du 27 décembre 1973 ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'ayant organisé, en vue de développer les ventes, un jeu, dit " le listing ", la société X, dont Jean-Pierre B était le gérant, a adressé à plus de trois millions de clients potentiels, un " courrier personnalisé " les invitant à participer à cette opération promotionnelle ; que saisis de nombreuses réclamations, les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont établi un procès-verbal d'infraction à l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, en considérant que par le libellé vague et ambigu de ses mentions, ledit courrier était propre à abuser ses destinataires sur la possibilité réelle de remporter l'un des trente-deux lots distribués, en leur laissant fallacieusement croire qu'ils avaient une chance sur deux de gagner ; que le prévenu a été poursuivi du chef de publicité de nature à induire en erreur sur l'existence des biens faisant l'objet de cette publicité et la portée des engagements pris par l'annonceur ;

Attendu que pour retenir la culpabilité de l'intéressé et écarter la délégation de pouvoirs invoquée par celui-ci, la juridiction du second degré, après avoir relevé que le jeu précité " a servi de support à une vaste opération commerciale tendant à accroître les commandes et donc les ventes de la société ", énonce d'une part, que l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 ne concerne pas seulement les opérations à titre onéreux et que, d'autre part, compte tenu de son ampleur et de son importance, l'opération litigieuse a été suivie et contrôlée par le dirigeant de la société ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, fondées sur le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et abstraction faite d'un motif surabondant relatif à une prétendue délégation de pouvoirs, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé ;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.