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Décisions

Cass. crim., 30 janvier 1992, n° 91-81.756

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Maron

Avocat général :

M. Robert

Avocat :

M. Blanc.

TGI Saintes, du 24 oct. 1990

24 octobre 1990

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Bernard, contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 28 février 1991, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 10 000 F d'amende et a prononcé sur les réparations civiles. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6, alinéa 1er, du Code de procédure pénale et 44 de la loi du 27 décembre 1973 ;

" en ce que l'arrêt attaqué, sur plainte avec constitution de partie civile de Mme Poher, a déclaré G, président-directeur général de la société A, entreprise de vente par correspondance, coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur pour avoir adressé aux consommateurs un dépliant publicitaire annonçant l'organisation d'une loterie et précisant que le destinataire de l'envoi, nommément désigné, avait d'ores et déjà gagné un des lots ;

" aux motifs que si G avait déjà été condamné pour la même campagne publicitaire par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 décembre 1987, la publicité reçue par Mme Poher était individualisée et qu'il n'y avait donc pas identité de faits et de cause ;

" alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur, même s'il se manifeste lors de chaque communication au public d'une telle publicité, et même si cette publicité est effectuée par correspondance et individualisée, constitue une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu'une seule fois dès l'instant où il s'agit d'allégations identiques, contenues dans le même message publicitaire et diffusées simultanément ;

Attendu que, poursuivi devant la cour d'appel de Poitiers pour avoir, courant 1987, effectué une publicité comportant des allégations de nature à induire en erreur sur les résultats d'une loterie publicitaire, Bernard G a soulevé l'exception de chose jugée, faisant valoir que l'action publique était éteinte par la condamnation définitivement prononcée à son encontre par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 16 décembre 1987 ;

Attendu que la publicité reprochée avait consisté en l'envoi, par voie postale, à des particuliers, notamment d'un article de journal fictif, mettant nommément en scène le destinataire, et ainsi rédigé : " M. X gagne les 25 millions de centimes au grand jeu F C'est maintenant officiel, M. X, de Y (nom de la localité où habite le destinataire de la publicité) vient de gagner 25 millions de centimes mis en jeu dans le grand tirage gratuit de F " ;

Attendu que, pour écarter l'exception soulevée, les juges exposent, par motifs propres et adoptés, que " même s'ils sont connexes par rapprochement à une même campagne publicitaire ", les faits délictueux sont distincts dès lors que, " si les brochures ont une forme et un contenu identiques, elles sont toutes individualisées par la citation et la mise en scène de chacune des personnes à qui elles étaient adressées, en sorte qu'il existe autant d'infractions que de personnes visées " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;qu'en effet, constituent des publicités distinctes celles qui, adressées à des personnes différentes, mettent en scène de manière individualisée leurs destinataires, objet de leurs allégations trompeuses ;que le moyen ne saurait, dès lors, être retenu ;

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré G, dont la société de vente par correspondance avait envoyé par la poste un document publicitaire à M. Poher, décédé 2 ans auparavant, coupable de publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à verser à Mme veuve Poher 15 000 F de dommages-intérêts ;

" aux motifs, adoptés des premiers juges, que Mme veuve Poher avait subi un préjudice du fait que la publicité citait et mettait en scène feu son mari ; que cette publicité avait gravement porté atteinte aux sentiments d'affection de Mme Poher et ramené fictivement à la vie feu M. Poher ;

" alors que seul peut être réparé par la juridiction pénale le préjudice subi directement par la victime de l'infraction ;

Vu ledit article ; - Attendu que les juges ne peuvent accorder de dommages-intérêts à la partie civile que pour réparer le préjudice qui découle des faits, objet de la poursuite ;

Attendu qu'après avoir déclaré Bernard G coupable de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel expose, par motifs adoptés, que " la publicité incriminée a gravement porté atteinte aux sentiments d'affection de Mme Poher, puisque feu le mari de celle-ci a été présenté comme faisant la une d'un journal régional et manifestant l'émotion de tout être vivant à l'annonce d'une heureuse nouvelle, qu'en ramenant fictivement à la vie feu M. Poher, la société A a, par négligence, causé à Mme veuve Poher un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 F ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; que la cassation est, dès lors, encourue ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ses dispositions afférentes à l'action civile, l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, en date du 28 février 1991, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ; renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée.