CA Dijon, 1re ch. sect. 2, 12 mai 1995, n° 454-94
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Maison Française de Distribution (SA)
Défendeur :
Michel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martin
Conseillers :
Mmes Masson-Berra, Arnaud
Avoués :
SCP André-Gillis, Me Gerbay
Avocats :
Mes Ristori-Maria, Aidan.
LA COUR est régulièrement saisie de l'appel interjeté par la société Maison Française de Distribution à l'encontre d'un jugement rendu le 7 janvier 1994 par le Tribunal d'instance de Chaumont lequel a :
- condamné la société Maison Française de Distribution à verser à Mme Nadine Michel mille francs à titre de dommages-intérêts, et cinq cent francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- mis les dépens de l'instance à la charge de la société Maison Française de Distribution.
I - Exposé du litige
Par acte en date du 1er juillet 1993, Mme Nadine Michel a fait citer devant le Tribunal d'instance de Chaumont la société Maison Française de Distribution (MFD) aux fins de la voir condamner à lui payer un appareil de télévision en couleur Sony sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
- à lui verser à titre subsidiaire la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts,
- à lui verser 3 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ainsi que 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de sa demande, Mme Michel exposait qu'elle avait reçu de la SA MFD un courrier lui annonçant qu'elle avait gagné un prix, courrier auquel était jointe une liste informatique intitulée " liste de gagnants-liste des prix " sur laquelle son nom était indiqué en face de la mention " TV couleur Sony ", qu'elle avait reçu en réalité un " compact-disc ", qu'elle avait écrit pour protester et avait reçu une réponse selon laquelle aucune adéquation n'existait entre le nom du gagnant et le prix mentionné en face de celui-ci.
Mme Michel a conclu que la SA MFD avait ainsi tenté de la tromper, d'autant que dans sa réponse et alors que tout portait à croire que le tirage au sort avait déjà eu lieu, la partie adverse avait évoqué un prochain tirage au sort au cours duquel seraient attribués les premiers prix.
La SA MFD a sollicité le rejet des prétentions de Mme Michel en rappelant que les prix étaient cités dans l'ordre de leur valeur sur le listing informatique et que celui-ci le précisait clairement en ne mentionnant pas que l'ordre de la liste des gagnants était le même que l'ordre de la liste des prix.
Elle affirmait également que Mme Michel avait eu une parfaite connaissance du règlement du jeu, qui était joint au catalogue et qui lui avait été également envoyé en réponse à son courrier.
Elle demandait enfin la condamnation de Mme Michel à lui verser cinq mille francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La décision entreprise est intervenue.
L'appelante demande à la cour de la réformer, de débouter Mme Michel de ses prétentions, de la condamner à lui verser 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SCP André-Gillis, avoués, aux offres de droit.
Mme Michel conclut au contraire à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu la responsabilité de la société MFD à son égard, mais à son infirmation quant au montant des dommages-intérêts qu'elle demande à la cour de porter à la somme de vingt mille francs.
Elle sollicite en outre la condamnation de son adversaire au paiement de huit mille francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Maison Française de Distribution soutient que les documents publicitaires reçus par Mme Michel doivent s'analyser juridiquement en une loterie après pré-tirage au sort et que le compact-disc figurait bien sur la liste adressée à Mme Michel, au nombre des lots et que l'on comprend dès lors mal la persistance de Mme Michel à s'étonner d'avoir reçu un compact-disc.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 1995 par le Conseiller de la mise en état.
II - Discussion
Attendu au fond, que la cour ne peut que renvoyer au jugement déféré en ce qui concerne le règlement du jeu en cause ;
que la présentation de ce jeu était telle que tout concourait à créer la confusion dans l'esprit du lecteur ;
que le " listing informatique " envoyé par l'appelante à Mme Michel comportait deux listes verticales et parallèles ;
que la liste des gagnants était exactement en face de celle des prix ;
qu'en face du nom de Mme Michel et sur la même ligne figurait sous la rubrique " liste des prix " la mention : " TV couleur Sony " ;
Attendu que la mention selon laquelle les prix étaient cités dans l'ordre de leur valeur était écrite en caractères minuscules au bas de l'imprimé et était quasiment dissimulée sous une épaisse signature sans indication de qualité du signataire ;
qu'il n'était pas précisé qu'il n'y avait pas de corrélation entre l'ordre de la liste des gagnants et celui des prix ;
Attendu que la cour comme le premier juge dont elle adopte pour le surplus les motifs, considère que Mme Michel a pu croire du fait de l'attitude de la société Maison Française de Distribution dénuée de la bonne foi contractuelle exigée par l'article 1134 du Code civil, qu'elle avait gagné un grand prix et que le prix était un téléviseur en couleur de marque SONY ;
que se fondant sur la disposition de l'article 1142 du Code civil, le premier juge a justement converti l'obligation de livraison de cet appareil en dommages-intérêts ;
que sa décision sera confirmée tant en son principe qu'en son montant ;
Attendu qu'en l'absence d'un abus de droit d'ester en justice ou d'une résistance injustifiée, il n'y a pas lieu à octroi de dommages-intérêts de ce chef ;
qu'en revanche, outre l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en première instance qui sera confirmée tant en son principe qu'en son montant, il est équitable d'allouer à Mme Michel mille francs en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel ;
Attendu que la société Maison Française de Distribution qui succombe devra supporter les dépens ;
Par ces motifs, et ceux non contraires du premier juge, LA COUR, Déclare l'appel formé par la société Maison Française de Distribution à l'encontre du jugement rendu le 7 janvier 1994 par le Tribunal d'instance de Chaumont recevable mais non fondé ; l'en déboute ; Déclare recevable mais non fondé l'appel incident interjeté par Mme Michel à l'encontre du même jugement ; l'en déboute ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Y ajoutant, Dit que la société Maison Française de Distribution devra verser à Mme Michel une somme de mille francs (1 000 F) en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile appliqué en cause d'appel ; Condamne la société appelante aux dépens d'appel et autorise Me Philippe Gerbay, avoué, à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.