Livv
Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 28 octobre 1996, n° 94-4632

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Promopost Biotonic (SARL)

Défendeur :

Janek

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berger

Conseillers :

Mmes Brenot, Manier

Avoués :

SCP Perret, Pougnaud, SCP Calas, Balayn

Avocats :

Mes Chas, Brasseur.

TGI Grenoble, 3e ch., du 29 sept. 1994

29 septembre 1994

Au mois de février 1993, Mme Janek a reçu de l'entreprise de vente par correspondance Promopost un bon de commande et de participation à un jeu dont les trois lots gagnants étaient une voiture BMW 316 ou la somme de 133 000 F cash, un ensemble télé-vidéo, 10 000 F en espèces.

Ayant considéré qu'elle avait gagné le premier de ces trois lots et la société Promopost ayant refusé de lui délivrer celui-ci, Mme Janek a fait assigner la société Promopost en paiement de la somme de 133 000 F.

Par jugement du 29 septembre 1994, le Tribunal de grande instance de Grenoble:

- a condamné la société Promopost à payer à Mme Gisèle Janek la somme de 133 000 F en exécution du contrat dont il s'agit,

- a débouté Mme Janek de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a débouté la SARL Promopost de sa demande reconventionnelle,

- a dit n'y avoir lieu à assortir le jugement de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 14 novembre 1994, la SARL Promopost a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Les moyens des parties:

La société Promopost expose au soutien de son appel qu'à aucun moment il n'est mentionné dans le document reçu par Mme Janek qu'elle a gagné une BMW mais qu'elle avait une chance de la gagner après tirage au sort effectué sous le contrôle de Me Wolters, huissier de justice, permettant d'identifier le ou les gagnants du jeu.

La société Promopost indique que pour le jeu dont il s'agit, il y a eu trois gagnants et que Mme Janek n'est pas l'un de ces gagnants.

La société Promopost ajoute que les premiers juges ont dénaturé les termes pourtant non équivoques du document des jeux, des combinaisons gagnantes ainsi que l'esprit de ces jeux et que Mme Janek n'a subi aucun préjudice.

La société Promopost conclut au débouté de Mme Janek et à sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Janek réplique que l'offre qui lui a été faite était ferme, qu'il lui suffisait de disposer d'une des séries de pictogrammes gagnante pour se voir attribuer le prix et que la société Promopost doit exécuter son obligation.

Mme Janek ajoute que si l'opération visée ne constituait pas une loterie non interdite, elle ne respectait pas les dispositions d'ordre public du Code de la consommation et constituait une publicité de nature à induire en erreur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Mme Janek demande la confirmation du jugement et formant appel incident sollicite la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure de première instance ainsi que la même indemnité pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Motifs de la décision:

Le document reçu par Mme Janek comporte la mention suivante: " Mme Janek nous vous garantissons que si l'une des séries figurant sur votre bon d'attribution complète une combinaison gagnante, vous gagnez l'un de ces prix ". Puis sous la photographie du véhicule la phrase " Si vous arrivez à compléter la combinaison gagnante vous gagnez la BMW 316 ou 133 000 F ".

Pour chaque lot, deux combinaisons permettaient de compléter la série proposée. Pour la voiture ou la somme de 133 000 F, il s'agissait d'une série de cinq cours ou de deux cours et trois fleurs et la lettre adressée à Mme Janek avec les combinaisons à gratter était ainsi libellée: " Chère Mme Janek, pour chacun des prix ci-dessus deux combinaisons dont l'une est gagnante. Si l'une des séries figurant ci-dessus complète une des combinaisons gagnantes vous gagnez l'un de ces prix ". L'une des séries attribuée à Mme Janek comportait cinq coeurs comme l'une des deux combinaisons gagnantes figurant sous la BMW.

Ainsi que l'a justement analysé le premier juge cette formulation, seul élément de nature à introduire un doute sur le caractère définitif du gain s'avère absconse et inaccessible à une personne dotée d'une capacité de compréhension moyenne si elle n'est pas corroborée par la lecture attentive du règlement, règlement qui n'avait pas été remis à Mme Janek.

Le document litigieux ne mentionnait pas l'existence d'une seconde étape nécessaire à la détermination des gagnants définitifs et ne permettait pas au destinataire de déceler le caractère hypothétique de son gain.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier Juge a dit que le document envoyé à Mme Janek prenait incontestablement la forme d'une offre ferme, que cette dernière avait manifesté par écrit et dans le délai imparti son acception, que cette adéquation entre l'offre et l'acceptation a pour conséquence la conclusion du contrat et que la société Promopost était tenue à une obligation de résultat vis-à-vis de Mme Janek et qu'elle doit être condamnée à lui payer la somme promise.

Devant la cour la société Promopost reprend la même argumentation que celle développée devant le tribunal insistant sur le fait que le caractère alternatif des combinaisons gagnantes excluait la promesse ferme.

Mais ainsi que cela a été analysé plus haut, la présence de deux combinaisons gagnantes sous la photographie du véhicule ne pouvait laisser croire à Mme Janek, en l'absence de toute autre indication, qu'un tirage au sort postérieur était nécessaire et que le fait qu'elle bénéficie de l'une des combinaisons gagnantes lui ouvrait seulement droit de participer au jeu.

Le jugement sera donc intégralement confirmé. Il y a lieu de fixer à la somme de 4 000 F le montant des frais irrécouvrables engagés tant en première instance qu'en appel, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Janek en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré à l'exception de celle relative à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant, Condamne la société Promopost à payer à Mme Janek la somme de quatre mille francs (4 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société Promopost aux dépens. Autorise la SCP d'avoués Calas et Balayn à recouvrer les dépens dont elle aurait fait l'avance conformément à la législation sur l'aide juridictionnelle.