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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 4 octobre 1995, n° 657

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Agent judiciaire du Trésor Public, Schmitt, Thorel, UFC Que Choisir, Union régionale des consommateurs Provence-Alpes-Côte-d'Azur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ellul

Conseillers :

Mme Coux, M. Bergez

Avocats :

Mes Klein, Hancy

TGI Nice, 6e ch. corr., du 18 nov. 1994

18 novembre 1994

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Par ordonnance en date du 5 août 1994, le juge d'instruction de Nice a renvoyé G Bernard, dirigeant de droit de la société F, devant le tribunal correctionnel de son siège sous la prévention d'avoir :

à Nice et sur le territoire national, courant 1993 et 1994 et jusqu'au 20 avril 1994, et en tout cas depuis un temps non couvert par la prescription, effectué des opérations publicitaires par voie d'écrits tendant à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants à l'aide de documents de nature à susciter la confusion avec des documents administratifs, délit prévu et réprimé par l'article 5 de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989.

Dans le même temps, le Procureur de la République de Nice a, selon deux autres actes du 4 novembre, fait citer ce prévenu pour le même délit commis notamment à Nice et à Fréjus le 11 juillet 1994.

Par jugement contradictoire en date du 18 novembre 1994, le Tribunal correctionnel de Nice, après avoir ordonné la jonction des trois procédures, a déclaré G Bernard coupable du délit de publicité trompeuse tel que visé à la prévention unique et l'a, en conséquence, condamné à la peine de 200 000 F d'amende. Par ailleurs, après avoir déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. Amiar Roger, et débouté Mme Gervaise, plaignante, de ses demandes, a encore condamné G à payer :

- à l'agent judiciaire du Trésor Public la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts et 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à l'Union fédérale des consommateurs (UFC Que Choisir) la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts et 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- les dépens de l'action civile,

- à Mme Thorel la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts.

Le tribunal a, en outre, ordonné la publication de sa décision dans Nice Matin et Le Midi Libre.

Selon déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Nice en date du 22 novembre 1994, le conseil de G et la société F (qui avait été citée en qualité de civilement responsable) a interjeté appel de cette décision.

Le même jour, le Ministère public a formé appel incident.

Régulièrement cité le 13 février 1995 pour voir être statué sur ces recours à l'audience du 15 mars 1995, G avait comparu. A cette date, l'affaire a été renvoyée au 28 juin 1995. G a de nouveau comparu assisté de son conseil lequel a déposé tant en son nom propre qu'en sa qualité de dirigeant de la SA F des conclusions aux fins de relaxe au motif essentiel que le délit tel que visé à la prévention ne serait pas constitué.

L'agent judiciaire du Trésor, représentée aux débats, a fait déposer des conclusions pour solliciter la confirmation du jugement déféré.

L'UFC " Que Choisir ", l'URCOPACA, Mmes Thorel Claudine et Schmitt Marguerite, parties civiles intimées, régulièrement citées, n'ont pas comparu.

Le Ministère public a requis l'application de la loi.

Motifs de la décision :

Attendu que les recours exercés dans les formes et délais légaux doivent être déclarés recevables ;

Attendu que la décision sera, en application de l'article 428 du Code de procédure pénale, rendue par défaut à l'égard des parties civiles défaillantes ;

Attendu qu'en ce qui concerne les faits délictueux reprochés à G en qualité de dirigeant de droit de la SA F (et qui a d'ailleurs revendiqué sa responsabilité à ce titre devant le magistrat instructeur) tels qu'ils résultent de la procédure et des débats, la cour ne peut que se référer à l'exacte analyse des premiers juges dont il ressort que le prévenu a bien, en violation de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 fait diffuser divers documents publicitaires tendant à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, publicité de nature à susciter la confusion avec des documents administratifs ; qu'en l'occurrence, G faisant adresser dans divers points du territoire national et notamment dans le ressort judiciaire de Nice des enveloppes contenant des slogans publicitaires pour des produits distribués par sa société, enveloppes comportant à l'extérieur outre la mention imprimée en caractères gras " Trésorerie générale " l'indication de l'attribution ou l'espérance pour le destinataire d'un gain en espèce, indication portée sur une deuxième enveloppe collée au recto de la première, rappelant à l'évidence par sa couleur et son format le modèle généralement utilisé par l'Administration fiscale notamment pour le recouvrement des impôts ; que c'est donc à bon droit qu'en l'état de ces éléments de fait, les premiers juges ont déclaré G coupable du délit reproché, que les arguties de ce dernier sont d'autant plus inopérantes que précisément la conception même des documents litigieux traduit à l'évidence sa volonté de capter l'attention du destinataire en lui laissant penser ne serait-ce qu'un instant qu'il reçoit un pli officiel;

Que, s'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré qu'a retenu G dans les liens de la prévention, il apparaît opportun d'apprécier autrement la sanction qui lui a été infligée et de le condamner à la peine de 150 000 F d'amende dont 75 000 F avec sursis dans les conditions prévues aux articles 132-29 à 132-39 du Code pénal et d'ordonner en outre, en application de l'article 5 in fine de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989, la publication par extrait du présent arrêt dans le quotidien Nice Matin (édition des Alpes-Maritimes) sans que le coût excède la somme de 5 000 F ainsi que son affichage sur les panneaux réservés aux publications officielles de la mairie de Beaulieu-sur-Mer pendant un mois aux frais du condamné sans qu'ils excèdent la somme de 5 000 F ;

Attendu que c'est à bon droit et par des motifs qu'il convient d'adopter que le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile du Trésor Public, de Mme Schmitt, Mme Thorel, l'URCOPACA et l'UFC (06) ; que les préjudices ayant été bien appréciés, la décision déférée sera encore confirmée sur ce point ;

Attendu qu'il convient par ailleurs de déclarer sans objet l'appel interjeté au nom de la société F dans la mesure où le tribunal ne l'a pas déclarée civilement responsable de G ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard du prévenu G, de la société F citée en qualité de civilement responsable, de l'agent judiciaire du Trésor Public partie civile et par défaut à l'égard des autres parties civiles savoir Mme Thorel, Mme Schmitt, l'URCOPACA et l'UFC (Que Choisir), en matière correctionnelle, Déclare les appels recevables en la forme et dit sans objet celui fait au nom de la société F, Au fond, 1°) Sur l'action publique confirme la décision déférée sur la culpabilité, l'infirme sur la peine et statuant à nouveau, condamne G à une amende de 150 000 F dont 75 000 F avec sursis dans les conditions prévues aux articles 132-29 à 132-39 du Code pénal, ordonne la publication du présent arrêt par extrait dans le quotidien Nice Matin (édition des Alpes-Maritimes) aux frais du condamné sans que le coût excède 5 000 F (TTC) ainsi que son affichage par extrait sur les panneaux réservés aux publications officielles de la mairie de Beaulieu-sur-Mer (où est domicilié G) pendant 1 mois aux frais du condamné sans que le coût excède la somme de 5 000 F. 2°) Sur l'action civile confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, dit qu'en application des dispositions de l'article 473 du Code de procédure pénale modifié par la loi 93-2 du 4 janvier 1993, la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du Code de procédure pénale. Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.