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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 2 mars 1989, n° 86-4801

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

France Direct Service (SA)

Défendeur :

De Visme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaubert

Conseillers :

Mme Bache, M. Pruilh

Avoués :

Mes Julia, Rivel

Avocats :

Mes Klein, Choquet.

CA Bordeaux n° 86-4801

2 mars 1989

Le 5 novembre 1986, la SA France Direct Service, représentée par son PDG a interjeté appel d'un jugement rendu le 25 septembre 1986 par le Tribunal de commerce d'Angoulême, lequel statuant sur l'assignation délivrée le 4 mars 1986 par Mme De Visme à la société appelante aux fins d'obtenir paiement d'une somme de 250 317 F, représentant le prix d'une loterie prétendument gagnée par elle et celui d'une commande non honorée par la SA France distribution, a rendu la décision dont le dispositif est ci-dessous rappelé :

" Donne acte à Mme De Visme, demeurant Les Boisdons, rue de la Futaie, Cedex 660 à Linars (Charente) de ce qu'elle renonce à sa demande en paiement de la somme de 317 F, dirigée contre la société France Direct Service ;

Condamne la société anonyme France Direct Service, " FDS ", dont le siège est Chemin de Roseyre, ZI Pointe de Contes 06395 Contes, à payer à Mme De Visme la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne la société anonyme France Direct Service " FDS ", aux dépens. "

Au soutient de son appel, la SA France Direct Service a conclu le 25 août 1988, demandant à la cour de :

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Angoulême du 25 septembre 1986 en ce que ce dernier a débouté Mme De Visme de sa demande en paiement de la somme de 250 000 F fondée sur l'article 894 du Code civil.

Le réformer en ce qu'il a condamné la concluante au paiement des dépens et d'une indemnité de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Déclarer irrecevable comme constituant une demande nouvelle la réclamation faite en cause d'appel par Mme De Visme en paiement d'une somme de 50 000 F au titre de dommages intérêts.

Subsidiairement, la débouter de cette demande, en l'absence de toute faute et de tout préjudice.

Condamner Mme De Visme au paiement d'une somme de 10 000 F de dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

La condamner au paiement d'une indemnité de 7 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en autorisant pour ceux d'appel Me Julia à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Mme De Visme, intimée, a conclu le 12 octobre 1987 et le 19 novembre 1987, conclusions par lesquelles, faisant appel incident, elle demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que " le non remboursement (du) (...) règlement du " Sautoir de perles " non livré (...) justifiait à lui seul la procédure engagée par la concluante ", et en ce qu'il a condamné la société FDS à lui payer une somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Le réformant pour le surplus, condamner la société FDS à payer à la concluante une somme de 250 000 F sur le fondement de l'article 894 du Code civil ;

Faisant droit à la demande additionnelle de la concluante, condamner la société FDS à lui payer des dommages intérêts dont le montant ne sera pas inférieur à une somme de 50 000 F ;

Condamner la société FDS en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ces derniers, au profit de Me Rivel, avoué à la cour, et dire que les dépens d'appel seront réglés conformément à la législation sur l'aide judiciaire.

La cour se réfère pour l'exposé des faits, de ma procédure et des moyens des parties au jugement déféré et aux conclusions déposées.

Décision de la cour :

Sur l'appel principal de la SA France Direct Service :

Attendu que les premiers juges pour prononcer condamnation de la société FDS en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors qu'ils avaient débouté Mme De Visme du surplus de sa demande, ont estimé que la nécessité pour celle-ci de recourir à justice se justifiait par le seul fait du remboursement tardif par un chèque antidaté, de la commande passée par l'intimée et non honorée par la société appelante ; qu'ainsi leur décision est fondée et ne pourra qu'être confirmée.

Sur l'appel incident :

Attendu qu'en sa demande, Mme De Visme se fonde sur les dispositions de l'article 894 du Code civil, lequel définit la donation entre vif comme l'acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte.

Attendu que Mme De Visme estime qu'ayant reçu par courrier du 15 janvier 1985 l'annonce qu'il était officiel qu'elle venait de gagner les 25 millions de centimes mis en jeu dans le grand tirage gratuit de France Direct Service, elle s'est normalement crue bénéficiaire d'un don de la part de cette société, laquelle se dépouillait à son profit de la somme mentionnée, elle a immédiatement fait connaître son acceptation.

Attendu qu'elle revendique le paiement du don offert et accepté.

Attendu que la donation entre vif nécessite l'existence d'une donation libérale, laquelle s'apprécie au moment de la conclusion de l'acte.

Attendu que la société FDS conteste toute intention libérale en faveur de Mme De Visme.

Attendu que cette société expose le principe de la méthode de promotion commerciale utilisée, consistant à un premier tirage sur fichier d'un nombre très important de clients désignés comme gagnants et virtuellement bénéficiaires de trois lots importants ou d'un lot de consolation, lesquels après avoir retourné le bon de participation assorti d'une commande ou de trois timbres de 2,20 F pour frais de dossier, participent à un dernier tirage à la clôture du jeu, tirage qui détermine la nature du lot réellement gagné.

Attendu qu'ainsi s'il y a intention libérale de la part de la société FDS, elle se limite pour l'ensemble des clients du premier tirage, à l'attribution d'un lot de consolation, en l'espèce, une bague reconnue sans valeur.

Attendu que Mme De Visme, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, ne pouvait pas davantage prétendre à cette libéralité alors qu'elle n'avait pas retourné le certificat de gagnant lui annonçant qu'elle pouvait participer et prétendre à un des lots annoncés, le certificat n'ayant été retourné que dans la certitude de recevoir le gain annoncé.

Attendu que si la méthode de promotion utilisée par la société FDS ne peut s'analyser en une libéralité, ainsi que le soutient Mme De Visme, et ne peut justifier sa prétention d'obtenir paiement d'un lot dont elle ne peut justifier être bénéficiaire, cette méthode de publicité non répréhensible au fond, n'en est pas, pour autant, absente de critique en la forme.

Attendu que Mme De Visme sollicite des dommages-intérêts pour l'utilisation d'une telle méthode, en raison du choc émotionnel qu'elle provoque, notamment chez les personnes âgées non habituées à ces facéties publicitaires, et par l'atteinte qu'elle constitue à la vie privée des personnes sollicitées, alors qu'elles ne souhaitent que la tranquillité.

Attendu qu'en l'espèce les deux courriers reçus par Mme De Visme l'ont particulièrement prédispposée à croire à la réalité de son gain ; que les affirmations du courrier du 15 janvier 1986 précisant: c'est officiel Mme De Visme a gagné les 25 millions de centimes mis en jeu... affirmation assortie de l'identification d'un chèque prétendument reçu et de la relation d'une manifestation de remise, sans allusion à un " peut-être " précisé dans l'autre dépliant également reçu par Mme De Visme, ne purent qu'avoir induit en erreur, une personne de bonne foi, croyant encore aux écrits qu'elle reçoit et sans méfiance à l'encontre des publicistes prêts à utiliser tous les moyens y compris les affirmations fausses pour vendre ou faire vendre.

Attendu que de tels procédés ne sauraient se substituer à une publicité loyale et nécessaire à l'information ; que l'emploi de tels modes de promotion sont néfastes aux consommateurs et ne peuvent que leur être nuisibles par les erreurs, et comme dans le cas d'espèce les désillusions qu'ils entraînent.

Attendu que c'est à bon droit que Mme De Visme demande la réparation d'un préjudice né du comportement fautif de la société FDS ; que ce préjudice justifie l'attribution d'une somme, qu'il apparaît à la cour équitable de fixer à 25 000 F, ladite somme produisant intérêts de droit à compter du présent arrêt, les dépens d'appel étant mis à la charge de la société FDS.

Par ces motifs : LA COUR, Dit recevable en la forme l'appel principal de la société FDS et l'appel incident de Mme De Visme à l'encontre du jugement rendu le 25 septembre 1986 par le Tribunal de commerce d'Angoulême. Au fond : Sur l'appel principal le dit mal fondé. Confirme le jugement du 25 septembre 1986 en son donné acte à Mme De Visme en ce qu'il a statué sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur les dépens. Sur l'appel incident : Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 894 du Code civil faisant droit à la demande de dommages-intérêts. Condamne la société FDS à payer à Mme De Visme la somme de 25 000 F à titre de dommages, ladite somme produisant intérêts de droit à compter du présent arrêt. Condamne la société FDS aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Rivel, avoué à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.