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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 31 mai 2000, n° 1998-05689

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gildtiane (SA)

Défendeur :

Esselté Meto (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Regnier-Bequet

Avocats :

Mes Vautier, Fauquet.

T. com. Paris, 6e ch., du 5 janv. 1998

5 janvier 1998

LA COUR est saisie des appels interjetés par les sociétés Gildtiane et Esselté Meto à l'encontre du jugement rendu le 5 janvier 1998 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- condamné la société Gildtiane à payer à la société Esselté Meto la somme de 224 449,79 F au titre de règlement de factures impayées,

- condamné la société Esselté Meto à payer à la société Gildtiane la somme de 441 258 F à titre de dommages et intérêts,

- ordonné la compensation entre les dettes réciproques des parties,

- débouté celles-ci du surplus de leurs demandes,

- condamné in solidum les parties à supporter les dépens.

La société Gildtiane poursuit la réformation de ce jugement et demande à la cour de prononcer la résolution des ventes intervenues et d'ordonner la restitution des sommes versées à savoir : 35 138,33 F au titre de l'acquisition des macarons et 5 400 F pour la formation du personnel lors du montage des badges, de condamner la société Esselté Meto à réparer les préjudices qu'elle a subis :

- perte de temps : 100 000 F

- vols supplémentaires : 227 930 F

- marge sur vêtements abîmés : 9 605 F

- remise exceptionnelle : 19 246 F

- perte d'exploitation: 619 781 F

- préjudice moral : 100 000 F

soit au total : 1 076 562 F,

de condamner la société Esselté Meto au paiement de la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la débouter de l'ensemble de ses prétentions.

Elle sollicite, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert afin notamment de rechercher l'origine des dysfonctionnements des filaments magnétisés de la société Esselté Meto et de dire s'il pouvait y avoir un risque d'interférence entre les systèmes Knogo et Esselté Meto.

La SA Meto anciennement dénommée SNC Esselté Meto conclut à l'infirmation du jugement en ses dispositions lui faisant grief et sollicite la cour de déclarer la société Gidtiane irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes et de l'en débouter, de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 224 449,79 F en règlement des factures impayées sauf à la condamner au paiement des intérêts au taux contractuel égal à une fois et demi l'intérêt au taux légal sur cette somme à compter du 10 avril 1995, des sommes de 44 889,95 F au titre de la clause pénale et de 30 000 F au titre de ses frais non compris dans les dépens.

Sur ce, LA COUR

Sur la demande de rejet des débats des écritures signifiées par la société Gildtiane le 22 février 2000 et la demande de rabat de l'ordonnance de clôture rendue à cette même date ;

Considérant que la société Meto a fait signifier le 9 novembre 1999 ses dernières conclusions, date à laquelle devait être rendue l'ordonnance de clôture dont le prononcé a été reporté au 22 février 2000 ;

Que le 22 février 2000, la société Gildtiane a fait signifier des conclusions dans lesquelles elle fonde pour la première fois sa demande de résolution sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil et répond aux écritures signifiées près de trois mois auparavant par la société Meto ;

Que le fait que le pli contenant ces conclusions ait mis cinq jours pour être distribué par la poste à l'avoué de la société Gildtiane, est sans incidence sur la tardivité desdites écritures, qui postées à Saint-Nazaire le vendredi 18 février 2000 auraient été tout de même tardives, compte tenu de la date prévue pour la clôture ; qu'il n'existe donc en l'espèce aucune cause grave justifiant du rabat de l'ordonnance de clôture et les conclusions signifiées par la société Gildtiane seront rejetées des débats pour assurer le respect du principe du contradictoire ;

Sur le fond :

Considérant que la société Gildtiane qui exploite à Redon sous l'enseigne Vetimarché un fonds de commerce de supermarché d'articles de prêt à porter, a, à l'occasion de son déménagement du centre ville pour s'installer dans un centre commercial situé à proximité de Redon, commandé fin 1994 à la société Meto divers systèmes de protection contre le vol, consistant en des badges magnétiques ou en des filaments magnétiques fixés sur les vêtements, ces différents systèmes déclenchant une alarme en passant sous un portique s'ils ne sont pas préalablement désactivés ;

Que l'ensemble de ces matériels a fait l'objet de 9 factures et d'un avoir sur lesquelles la société Gildtiane reste devoir à son fournisseur après paiement d'un acompte de 35 138,33 F la somme de 224 440,79 F ;

Qu'à la suite de l'ouverture le 21 mars de son magasin, la société Gildtiane, s'est plainte le 31 mars suivant, de divers dysfonctionnements affectant les macarons auprès de la société Meto, qui est intervenue le 10 avril date à laquelle la société Gidtiane a signé sans réserve le procès-verbal de réception ;

Que la société Gildtiane se plaignant des dysfonctionnements affectant tant les badges que les filaments, a obtenu en référé 3 août 1995 la désignation de Monsieur Ajchenbaum comme expert pour déterminer l'origine et la cause des défauts du système de détection et évaluer son préjudice ;

Que la société Gidtiane se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise déposée le 2 septembre 1996, a fait, le 10 janvier 1997, assigner la société Meto pour se voir donner acte de ce que les badges livrés par celle-ci présentaient des dysfonctionnements, la voir condamner à lui rembourser les sommes par elle versées et à lui payer celle de 1 076 562 F en réparation de ses préjudices, par la suite, elle a demandé que soit prononcée la résolution des ventes intervenues ; que la société Meto s'est opposée à cette action et a sollicitée à titre reconventionnelle le règlement de ses factures restées impayées ;

Que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement dont appel, le tribunal constatant que pendant quelques mois suivant l'ouverture du magasin, il s'était produit des dysfonctionnements du système de protection, mais que par la suite il avait continué à être utilisé ;

Considérant que la société Gildtiane conteste l'analyse du tribunal en ce qu'il a refusé de prononcer la résolution en retenant à tort que le système continuerait à fonctionner, que la démagnétisation des filaments serait efficace et que la juxtaposition des systèmes Knogo et Esselté pourrait être à l'origine d'une parties des dysfonctionnements, toutes choses qui ne résultent nullement du rapport d'expertise ;

Qu'elle précise que le dysfonctionnement de l'installation a porté tant sur la mauvaise tenue des clous Esselté que sur de défaut de démagnétisation et beaucoup plus grave sur la réactivation des filaments, phénomène connu sous le nom " d'effet Lazard ", que l'expert après s'être rendu sur place et s'être assuré de la réalité des dysfonctionnements, n'a pas jugé utile de requérir les services d'un sapiteur parce qu'il lui est apparu à l'évidence qu'il ne pouvait y avoir débat, qu' au surplus, il n'a jamais affirmé, comme l'a retenu le tribunal, qu'elle avait continué à utiliser le système Esselté ;

Qu'elle fait observer que les clauses limitatives de responsabilité que lui oppose Meto figurant à ses conditions générales de vente, lui sont inopposables, que c'est en outre à bref délai qu'elle a dénoncé dés le 26 avril 1995 les dysfonctionnements à son fournisseur qui ne peut dés lors se prévaloir de l'inobservation du bref délai de l'article 1648 du Code civil ;

Considérant que la société Meto souligne la carence totale sur le plan technique de l'expertise diligentée par un expert-comptable qui n'a constaté aucun dysfonctionnement, que la société Gildtiane s'est depuis l'origine de l'affaire abstenue de fonder juridiquement sa demande de résolution et que Meto est fondée à lui opposer ses clauses limitatives de responsabilité figurant sur chaque bon de commande et sur ses factures, que dans ces conditions, la société Gildtiane est irrecevable à lui demander des dommages et intérêts et c'est à tort que le tribunal est entré en voie de condamnation contre elle ;

Qu'elle fait valoir que si la demande était fondée sur la garantie des vices cachés, elle serait irrecevable pour ne pas avoir été introduite dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil et qu'en tout état de cause, elle apparaît mal fondée faute par Gildtiane de rapporter la preuve de la réalité et de l'imputabilité des désordres allégués ; qu'elle précise que les problèmes liés aux macarons ont été résolus lors de ses interventions des 10 et 26 avril 1995, quant à ceux liés aux filaments, sa cliente n'a jamais sollicité l'intervention des techniciens de Meto alors que l'ensemble de l'installation était sous garantie ;

Considérant que la société Gildtiane s'est plainte des dysfonctionnements suivants affectant le système de détection Esselté :

- concernant les badges, certains tombent sous les vêtements et d'autres, pour la plupart, sont impossibles à retirer détériorant les vêtements et contraignant Gildtiane à faire des remises à ses clients,

- les dysfonctionnements affectant les filaments, consistent, selon elle, en déclenchements intempestifs d'alarme dans d'autres magasins, en déclenchements de l'alarme chez la société Gildtiane lors d'une nouvelle visite du client vêtu d'un effet précédemment acquis dans le magasin, en un déclenchement de l'alarme chez Gildtiane alors que personne ne franchit le portillon de détection ;

Considérant qu'il est constant que l'expertise de Monsieur Ajchenbaun, expert-comptable, n'est absolument pas documentée sur le plan technique, qu'il s'est déplacé le 16 mai 1996 sur place, qu'il a fait un test sur trois paires de chaussettes dont les filaments avaient été désactivés, l'une portée, l'autre lavée et la troisième repassée et n'a constaté aucun dysfonctionnement et en cours de journée, une employés est venue prévenir le responsable du magasin qu'elle n'arrivait pas à enlever un macaron ; qu'il n'a pas constaté lui-même de difficultés liées à l'utilisation des badges, mais a seulement mentionné en page 7 de son rapport "la présence de deux caissettes incomplètes de macarons défectueux et une autre boîte à la caisse du magasin, ainsi que trois caisses contenant environ 100 pièces de vêtements abîmés" ;

Qu'il a, aux termes des conclusions de son rapport, noté qu'il n'a pas été possible de déterminer l'origine exacte des défauts, mais des difficultés sont nées avec l'installation de sécurité ; qu'il s'est essentiellement attaché à évaluer la préjudice subi par la société Gildtiane résultant de ces défauts lesquels, il le faut préciser, ne résultent que des témoignages de ses employés et de ses clients ;

Considérant que si les témoignages des employés de la société Gildtiane peuvent être retenus avec quelque prudence en raison de leurs liens de subordination avec elle, ils ne peuvent cependant pas tous être suspectés de mensonge ou d'affabulation ; que concernant les témoignages des clients, 83 attestations consistant en un formulaire photocopié signé par diverses personnes non identifiées doivent être écartées ; que seules peuvent être retenues les trois attestations circonstanciées de Isabelle Bloyet, non datée, qui a porté plainte auprès des services de gendarmerie, et dont le survêtement de son jeune fils, acheté 5 mois auparavant à Vetimarché, a déclenché l'alarme le 9 septembre 1995 dans ce même magasin, de Yvette Duret, en date du 24 mars 1997, dont le pantalon, acheté chez Vetimarché, a déclenché l'alarme au magasin Super U de Redon et de Francis Debieu, en date du 12 juin 1995, dont le pantalon, acheté également à Vetimarché, a déclenché une semaine plus tard l'alarme au magasin Intermarché;

Considérant que la société Meto verse aux débats l'attestation en date du 24 novembre 1995 émanant de Cindy Le Moing, à l'époque vendeuse au magasin Vetimarché, qui prétend notamment que le personnel au moment de l'installation dans les nouveaux locaux n'auraient pas eu une formation suffisante pour ce nouveau système de détection, que le système précédent Knogo aurait été utilisé concomitamment avec la système Esselté et que les vendeuses avaient été chapitrées en vue de la réunion d'expertise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que faute de constatations matérielles et techniques objectives, seuls peuvent être retenus les dysfonctionnements ayant affecté les badges que la société Meto a pu constater le 26 avril 1995 lors de l'intervention de ses techniciens dans le cadre du service après vente et qu'elle a imputés probablement à un défaut de fabrication, étant précisé qu'à l'époque il n'a pas été constaté l'utilisation de clous ou de badges Knogo ;

Que ces défauts constituant des vices cachés affectant lesdits badges la société Meto ne peut opposer à Gildtiane ses clauses limitatives de responsabilité insérées à ses conditions générales de vente figurant au verso de ses bons de commande et de ses factures au demeurant parfaitement opposables à celle-ci ;

Que, concernant les problèmes des filaments, la société Meto conteste que sa responsabilité soit engagée dans les dysfonctionnements allégués ; qu'en l'état, force est de constater que la société Gildtiane ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'imputabilité des dysfonctionnements ci-dessus dénoncés à son fournisseur qui justifie par les documents techniques qu'il produit que le phénomène de réactivation dit "effet Lazard" qui se produit avec un système de radiofréquence, ne se produit pas avec des étiquettes électromagnétiques comme les siennes ;

Considérant qu'il est constant que le 16 mai 1996 lors de la visite de l'expert, le système de protection Esselté fonctionnait, que la société Gildtiane après plus de 5 ans ne justifie pas plus qu'elle l'aurait abandonné même si elle soutient qu'elle en serait captive dans l'attente de l'issue de la procédure étant ici relever qu'elle ne l'a pas encore payé ;

Considérant que c'est donc à juste titre que le tribunal a refusé dans ces conditions de prononcer la résolution des ventes, mais a admis le principe d'indemnisation du préjudice que la cour limite à celui causé par les désordres ayant affecté les badges, qui ont été dénoncés à bref délai par la société Gildtiane dans son assignation en référé du 21 juillet 1995 et son assignation au fond intervenue quatre mois après le dépôt du rapport d'expertise ;

Considérant, concernant le préjudice indemnisable, que celui-ci ne peut résulter que de la désorganisation de l'établissement du fait des problèmes ayant affecté les badges consistant en perte de temps, vêtements abîmés et remises exceptionnelles : 50 000 + 9 605 + 19 246 soit 78 851 F arrondis à 78 900 F ; que l'existence des vols supplémentaires n'est pas établie, pas plus que la perte de chiffre d'affaires qui ne résultent l'une et l'autre que de calculs purement théorique alors que la société Gildtiane s'est abstenue de produire ses résultats de l'exercice 1996 lesquels auraient permis d'apprécier la démarque inconnue par rapport à l'année 1995 et la perte de chiffre d'affaires ;

Considérant, sur la demande de la société Meto, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Gildtiane à lui payer la somme de 224 449,79 F et rejeté eu égard aux circonstances ci-dessus rappelées, ses demandes au titre des intérêts conventionnels et de la clause pénale ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu en l'espèce à indemnisation des parties au titre de leurs frais irrépétibles ;

Considérant que compte tenu de la solution adoptée, chacune des parties conservera à sa charge ses dépens d'appel ;

Par ces motifs,LA COUR Confirme le jugement dont appel en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Gildtiane et statuant à nouveau de ce chef, condamne la société Meto à payer à celle-ci le somme de 78 900 F à titre de dommages et intérêts ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Dit que chacune d'elles conservera à sa charge ses dépens d'appel.