CJCE, 6 juillet 1982, n° 188-80
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
République française, République italienne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Royaume des Pays-Bas, République fédérale d'Allemagne
LA COUR,
1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 16, 18 et 19 septembre 1980, la République française, la République italienne et le Royaume-Uni ont introduit, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CEE, trois recours visant à l'annulation de la directive 80-723 de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques (JO L 195, p. 35). La République fédérale d'Allemagne et le Royaume des Pays-Bas sont intervenus à ces procédures au soutien des conclusions de la Commission.
2. La directive, arrêtée sur la base de l'article 90, paragraphe 3, du traité, oblige les Etats membres à tenir disponibles, pendant cinq ans, les données relatives aux mises à disposition de ressources publiques, par les pouvoirs publics, à des entreprises publiques ainsi que celles relatives à l'utilisation effective de ces ressources par lesdites entreprises. Il ressort des considérants de la directive que son objectif essentiel est de promouvoir l'application efficace, aux entreprises publiques, des dispositions des articles 92 et 93 du traité concernant les aides étatiques. En outre, ces considérants soulignent le principe de l'égalité de traitement entre les entreprises publiques et privées, ainsi que le besoin de transparence des relations financières entre les premières et les Etats, à cause de la complexité de ces relations.
3. Les moyens invoqués par les gouvernements requérants, bien qu'ils diffèrent sur certains points, peuvent, en substance, être résumés comme suit :
- incompétence de la Commission ;
- absence de nécessité et méconnaissance du principe de proportionnalité ;
- discrimination au détriment des entreprises publiques ;
- violation des articles 90, 92 et 93, en ce que la directive définit les notions d'entreprise publique et d'aide étatique ;
- méconnaissance des règles définissant le champ d'application des traités CEE, CECA et CEEA ;
- absence de motivation et méconnaissance du principe d'égalité en ce qui concerne les exemptions prévues par la directive.
Sur le premier moyen (incompétence de la Commission)
4. Selon le Gouvernement du Royaume-Uni, la Commission, en arrêtant la directive litigieuse, a violé les principes mêmes qui régissent la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre les institutions communautaires. Il ressortirait des dispositions institutionnelles du traité que la totalité du pouvoir législatif originaire appartient au Conseil, tandis que la Commission ne détient que des pouvoirs de surveillance et d'exécution. Cette répartition des compétences serait confirmée par les règles d'habilitation spécifiques du traité, dont la quasi-totalité réserverait l'adoption des règlements et des directives au Conseil. En ce qui concerne notamment les règles de concurrence, on retrouverait ce même partage des responsabilités. Ces dispositions elles-mêmes conféreraient les fonctions de surveillance à la Commission, alors que celle-ci ne pourrait légiférer que dans les limites d'une délégation spécifique et expresse contenue dans un acte du Conseil.
5. Toujours selon le Gouvernement du Royaume-Uni, les dispositions du traité qui, à titre d'exception, confèrent à la Commission la compétence d'arrêter des directives doivent être interprétées à la lumière des considérations précédentes. Il ne s'agirait pas de directives de même nature que celles adoptées par le Conseil. Alors que ces dernières peuvent contenir des dispositions générales de caractère normatif, imposant, le cas échéant, des obligations nouvelles aux Etats membres, le but des premières ne serait que de remédier à une situation spécifique dans un ou plusieurs de ces Etats. Dans le cas de l'article 90, paragraphe 3, ce but limite serait suggéré par les termes mêmes de la disposition, selon lesquels la Commission "adresse" les directives ou décisions appropriées aux Etats membres.
6. Cette thèse ne trouve toutefois pas de fondement dans les dispositions institutionnelles du traité. Aux termes de l'article 4, la Commission participe à la réalisation des tâches de la Communauté au même titre que les autres institutions, chacune agissant dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité. L'article 155 prévoit, dans des termes presque identiques à ceux employés à l'article 145 pour décrire la même fonction du Conseil, que la Commission dispose d'un pouvoir de décision propre dans les conditions prévues au traité. En outre, les dispositions du chapitre régissant, d'une manière générale, les effets et le contenu des actes pris par les institutions, et notamment celles de l'article 189, n'opèrent pas la distinction faite par le Gouvernement du Royaume-Uni entre les directives de portée générale et les autres ne prescrivant que des mesures spécifiques. Selon le premier alinéa de cet article, la Commission a, au même titre que le Conseil, le pouvoir d'arrêter des directives dans les conditions prévues au traité. Il s'ensuit que les limites à la compétence conférée à la Commission par une disposition spécifique du traité ne sauraient être déduites d'un principe général, mais d'une interprétation des termes propres de la disposition en cause, en l'occurrence l'article 90, analyses à la lumière de sa finalité et de sa place dans l'économie du traité.
7. A cet égard, il ne saurait être tire de conclusions du fait que la plupart des autres dispositions spécifiques du traité, qui prévoient une compétence en vue de l'adoption d'actes de caractère général, confèrent cette compétence au Conseil statuant sur proposition de la Commission. On ne peut pas non plus distinguer, entre les dispositions prévoyant l'adoption des directives, selon qu'elles utilisent le terme "arrêter" ou "adresser". D'après l'article 189, les directives, aussi bien que les décisions, tant du Conseil que de la Commission s'adressent à des destinataires, qui, pour ce qui est des directives, sont nécessairement des Etats membres. Dans le cas d'une disposition prévoyant l'adoption à la fois de directives et de décisions adressées aux Etats membres, le mot "adresser" constitue donc simplement l'expression commune la plus appropriée.
8. Pour étayer le moyen tire de l'incompétence de la Commission, les trois gouvernements requérants font valoir que les règles contenues dans la directive litigieuse auraient pu être arrêtées par le Conseil. Comme la finalité de la directive serait de permettre à la Commission de contrôler le respect de l'obligation des Etats membres de lui notifier, conformément à l'article 93, paragraphe 3, toute institution ou modification d'une aide étatique, et comme l'article 94 confère au Conseil la compétence pour fixer notamment les conditions d'application dudit paragraphe, les règles en cause relèveraient de la compétence de cette institution en vertu de cet article. De toute manière, de telles règles entreraient dans les attributions du Conseil en vertu de l'article 213 ou, à titre subsidiaire, de l'article 235. S'agissant des lors d'un domaine ou le Conseil est compétent, on ne saurait, d'après les gouvernements requérants, reconnaître une compétence concurrente de la Commission en vertu d'autres dispositions du traité.
9. La Commission, soutenue par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, insiste sur le fait que la directive vise des mesures se situant "en amont" de la procédure prévue à l'article 93 et que, pour cette raison, l'article 94 est inapplicable. Elle fait également valoir que l'article 213 ne concerne pas des informations dont les Etats membres disposent et qu'ils doivent fournir à la Commission, sur sa demande, en vertu de leur obligation générale de coopération prévue à l'article 5. L'article 235 ne jouerait pas non plus, puisqu'il présuppose que tout autre pouvoir d'action fait défaut. Le Gouvernement néerlandais, pour sa part, souligne surtout le caractère spécifique et l'importance autonome de l'article 90.
10. Les arguments que les gouvernements requérants tirent des articles 213 et 235 doivent être écartés. En effet, l'article 213 qui figure dans le chapitre des dispositions générales et finales du traité ne fait pas obstacle aux pouvoirs que des dispositions particulières du traité reconnaissent à la Commission. L'article 235 ne peut pas, pour la raison indiquée par la Commission, être considéré comme applicable en l'espèce.
11. En revanche, pour apprécier l'argument tire de l'article 94, il y a lieu de rapprocher les dispositions de cet article de celles de l'article 90, en tenant compte des objets et des finalités de ces deux articles.
12. A cet égard, il convient de constater que les deux dispositions ont des objets différents. L'article 94 fait partie d'un ensemble de dispositions qui règlent le domaine des aides accordées par les Etats quels que soient les formes et les destinataires de ces aides. Au contraire, l'article 90 ne concerne que les entreprises pour le comportement desquelles les Etats doivent assumer une responsabilité particulière en raison de l'influence qu'ils peuvent exercer sur ce comportement. Cet article souligne que lesdites entreprises, sous réserve des précisions apportées par son paragraphe 2, sont soumises à l'ensemble des règles du traité ; il enjoint aux Etats membres de respecter ces règles dans leurs rapports avec ces entreprises et il impose à la Commission un devoir de vigilance à cet égard qui, en tant que de besoin, peut être exerce par l'adoption de directives et de décisions adressées aux Etats membres.
13. A cette différence d'objets s'ajoute une différence en ce qui concerne les conditions posées à l'exercice des compétences que les deux dispositions confèrent, respectivement, au Conseil et à la Commission. L'article 94 permet au Conseil de prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 92 et 93. Au contraire, la compétence conférée à la Commission par l'article 90, paragraphe 3, se limite aux directives et aux décisions qui sont nécessaires en vue d'accomplir, d'une manière efficace, le devoir de surveillance que lui impose ce même paragraphe.
14. Par rapport à la compétence du Conseil en vertu de l'article 94, celle qui est conférée à la Commission par l'article 90, paragraphe 3, s'exerce ainsi dans un champ d'application spécifique et dans des conditions définies en fonction de l'objet propre de cet article. Il s'ensuit que la compétence de la Commission pour arrêter la directive litigieuse dépend des nécessités inhérentes à son devoir de surveillance vise à l'article 90 et que l'éventualité d'une réglementation édictée par le Conseil en application de son pouvoir général en vertu de l'article 94 et comportant des dispositions qui toucheraient au domaine spécifique des aides octroyées aux entreprises publiques ne fait pas obstacle à l'exercice de cette compétence par la Commission.
15. Il découle de toutes ces considérations que le premier moyen invoque par les gouvernements requérants doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen (absence de nécessité)
16. Les gouvernements français et italien contestent que les règles de la directive soient nécessaires pour permettre à la Commission d'exercer de façon efficace la mission de surveillance que lui confie l'article 90. Ils estiment qu'il existe une séparation juridique complète entre l'Etat et les entreprises publiques sur le plan financier. Les fonds mis à la disposition de ces dernières par les pouvoirs publics apparaîtraient des actes législatifs budgétaires ainsi que des bilans et rapports annuels des entreprises. Dans une société démocratique, il existerait, concernant les relations de l'Etat avec les entreprises publiques, des sources d'informations au moins aussi complètes que celles concernant les relations avec les entreprises privées et beaucoup plus précises que celles concernant les relations des entreprises privées entre elles.
17. La Commission renvoie aux quatrième et cinquième considérants de la directive qui affirment que la complexité des relations financières des pouvoirs publics nationaux avec les entreprises publiques est de nature à entraver l'exécution de la tache de surveillance de la Commission et qu'une application efficace et équitable aux entreprises publiques et privées des règles du traité concernant les aides ne peut se faire que pour autant que ces relations financières soient rendues transparentes. Au cours de la procédure devant la Cour, la Commission ainsi que le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne ont cite des exemples en vue de montrer que ces relations n'étaient pas suffisamment transparentes pour permettre à la Commission d'établir l'existence ou l'inexistence d'aides étatiques aux entreprises publiques.
18. Compte tenu des formes diverses des entreprises publiques dans les différents Etats membres et des ramifications de leurs activités, il est inévitable que leurs relations financières avec les pouvoirs publics sont, elles aussi, très diverses, souvent complexes et des lors difficiles à contrôler même à l'aide des sources d'informations publiées auxquelles les gouvernements requérants ont fait référence. Dans ces conditions, on ne saurait denier le besoin, pour la Commission, de chercher à obtenir des informations supplémentaires sur ces relations en établissant des critères communs pour tous les Etats membres et pour toutes les entreprises en cause. En ce qui concerne la détermination précise de ces critères, les gouvernements requérants n'ont pas établi que la Commission a dépassé les limites du pouvoir d'appréciation que lui réserve l'article 90, paragraphe 3.
19. Il s'ensuit que le moyen concernant l'absence de nécessité doit être rejeté. Il en va de même du reproche fait à la Commission, notamment par le Gouvernement italien, concernant le manque de proportionnalité.
Sur le troisième moyen (existence d'une discrimination vis-à-vis des entreprises publiques par rapport aux entreprises privées)
20. Les gouvernements français et italien font valoir qu'il ressort aussi bien de l'article 222 que de l'article 90 que les entreprises publiques et les entreprises privées doivent être Traitées de manière égale. Or, la directive aurait pour effet de placer les premières dans une situation moins favorable que les secondes, surtout en ce qu'elle impose aux entreprises publiques des obligations notamment comptables particulières qui ne sont pas exigées des entreprises privées.
21. A cet égard, il convient de rappeler que le principe d'égalité, que les gouvernements invoquent en ce qui concerne les rapports entre les entreprises publiques et les entreprises privées en général, présuppose que les deux groupes se trouvent dans des situations comparables. Or, les entreprises privées déterminent, dans les limites posées par la législation applicable, leur stratégie industrielle et commerciale en tenant compte, notamment, des exigences de rentabilité. Les décisions des entreprises publiques, par contre, peuvent subir l'impact de facteurs d'un ordre différent, dans le cadre de la poursuite, par les autorités publiques qui peuvent influencer ces décisions, des buts d'intérêt général. Les conséquences économiques et financières d'un tel impact conduisent à l'établissement, entre ces entreprises et les pouvoirs publics, de relations financières d'un type particulier, différentes des relations qui existent entre les autorités publiques et les entreprises privées. Comme la directive concerne justement ces relations financières particulières, le moyen fonde sur l'existence d'une discrimination ne saurait être retenu.
Sur le quatrième moyen (violation des articles 90, 92 et 93, en ce que la directive définit les notions d'entreprise publique et d'aide étatique)
22. Les gouvernements français et italien soutiennent que les articles 2 et 3 de la directive ajoutent, sans aucune base légale, aux dispositions des articles 90, 92 et 93 du traité, en ce qu'ils définissent la notion d'entreprise publique et déterminent les relations financières qui, de l'avis de la Commission, peuvent constituer des aides étatiques.
23. Ces reproches ne sont pas justifies. En ce qui concerne la détermination, à l'article 3, des relations financières qui sont soumises aux règles de la directive, il suffit de constater qu'il ne s'agit pas d'une tentative de la Commission de définir la notion d'aide telle qu'elle figure aux articles 92 et 93 du traité, mais uniquement d'une précision des opérations financières dont la Commission estime devoir être informée en vue de contrôler si un Etat membre a accordé, sans respecter son obligation de notification conformément à l'article 93, paragraphe 3, des aides à l'entreprise en question. Ainsi qu'il est dit ci-dessus concernant le deuxième moyen, il n'est pas établi que la Commission, ce faisant, a dépassé les limites du pouvoir d'appréciation que lui réserve l'article 90, paragraphe 3.
24. En ce qui concerne les dispositions de l'article 2 qui délimite la notion d'entreprise publique "au sens de la présente directive", il y a lieu de souligner que ces dispositions n'ont pas pour but de définir cette notion telle qu'elle figure à l'article 90 du traité, mais d'établir les critères nécessaires pour circonscrire le groupe d'entreprises dont les relations financières avec les pouvoirs publics sont soumises à l'obligation d'information visée par la directive. Pour apprécier cette délimitation qui, d'ailleurs, est indispensable pour faire connaître aux Etats membres l'étendue de leurs obligations selon la directive, il convient donc de rapprocher les critères établis des considérations qui sont à la base de l'obligation de surveillance imposée à la Commission par l'article 90.
25. Selon l'article 2 de la directive, celle-ci entend par entreprise publique toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante. Une telle influence est présumée, suivant le deuxième alinéa, lorsque les pouvoirs publics, directement ou indirectement, détiennent la majorité du capital, disposent de la majorité des voix ou peuvent designer plus de la moitie des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de l'entreprise en question.
26. Comme la Cour l'a déjà indiqué ci-dessus, la raison pour laquelle les dispositions de l'article 90 ont été insérées dans le traité est justement l'influence que les pouvoirs publics peuvent exercer sur les décisions commerciales des entreprises publiques. Cette influence peut s'exercer sur la base soit d'une participation financière, soit de règles régissant la gestion de l'entreprise. En choisissant ces mêmes critères pour déterminer les relations financières sur lesquelles elle doit pouvoir obtenir des informations en vue d'accomplir son devoir de surveillance en vertu de l'article 90, paragraphe 3, la Commission est restée dans les limites du pouvoir d'appréciation que lui confère cette disposition.
27. Il s'ensuit qu'il convient de rejeter également le quatrième moyen.
Sur le cinquième moyen (méconnaissance des règles définissant le champ d'application des traités CEE, CECA et CEEA)
28. Le Gouvernement français souligne que la définition de l'entreprise publique figurant à l'article 2 de la directive a un caractère tout à fait général et que l'exemption, prévue à l'article 4, du secteur de l'énergie, y compris en ce qui concerne l'énergie nucléaire, la production de l'uranium, son enrichissement et le retraitement des combustibles irradies ainsi que l'élaboration des matériaux plutonigènes, laissent entendre que la directive s'applique, sous cette réserve, aux entreprises publiques relevant des traités CECA et CEEA. Comme un texte de droit dérive adopte dans le cadre du traité CEE ne pourrait pas régir une matière couverte par des règles positives des autres traités, le Gouvernement français conclut, à titre subsidiaire, à l'annulation de la directive dans la mesure ou elle vise des entreprises relevant des traités CECA ou CEEA.
29. La Commission admet qu'en vertu de l'article 232, paragraphe 1, du traité CEE, et en raison des règles du traité CECA relatives aux aides accordées aux entreprises relevant de ce traité, la directive ne peut s'appliquer à de telles entreprises. Quant aux entreprises du secteur nucléaire, elle fait valoir que le traité CEEA ne contient pas de dispositions sur les aides étatiques. Les articles 92 et 93 du traité CEE et, partant, la directive seraient donc applicables aux entreprises relevant de ce secteur, sous réserve des exceptions prévues expressément à l'article 4 de la directive.
30. Aux termes de l'article 232, paragraphe 1, du traité CEE, les dispositions de ce traité ne modifient pas celles du traité CECA, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des Etats membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du Marché commun du charbon et de l'acier.
31. Comme l'article 90, paragraphe 3, concerne justement les pouvoirs des institutions et comme la directive litigieuse impose des obligations aux Etats membres dans le domaine des aides dans lequel le traité CECA contient lui-même des règles s'adressant aux Etats membres et aux entreprises relevant du marché du charbon et de l'acier, il ressort directement de l'article 232 du traité CEE que la directive litigieuse ne saurait être appliquée aux relations avec de telles entreprises. Pour cette raison, la directive n'est entachée d'aucune illégalité sur ce point, bien qu'il eut été sans doute préférable, dans l'intérêt de la clarté des situations juridiques, que l'exclusion de ces entreprises résulte des termes mêmes de la directive.
32. En revanche, en ce qui concerne les rapports avec le traité CEEA, l'article 232, paragraphe 2, du traité CEE se borne à préciser que les dispositions de ce dernier traité ne dérogent pas aux stipulations du premier. Le Gouvernement français n'a pas établi que les dispositions de la directive dérogent aux dispositions du traité CEEA. Il s'ensuit que ce moyen ne peut pas être retenu.
Sur le sixième moyen (l'absence de motivation et méconnaissance du principe d'égalité en ce qui concerne les exemptions de la directive)
33. En plus du secteur de l'énergie, l'article 4 de la directive exempte de son champ d'application les entreprises publiques dont le chiffre d'affaires hors taxes n'a pas atteint un total de 40 millions d'unités de compte européennes pendant les deux exercices annuels précédents, ainsi que les entreprises qui prêtent des services sans influence sensible sur les échanges communautaires et les entreprises des secteurs de l'eau, des transports, des postes et télécommunications et du crédit.
34. Pour le Gouvernement italien, ces exemptions entraînent une discrimination non motivée. Il est d'avis que des exemptions sectorielles ne sauraient être permises qu'en l'absence de concurrence intracommunautaire dans le secteur vise.
35. Mis à part le fait que ce moyen tend plutôt à élargir le champ d'application de la directive, il n'est pas fonde. Le douzième considérant de la directive indique, en effet, qu'il y a lieu d'exclure des secteurs qui n'appartiennent pas au domaine concurrentiel ou qui font déjà l'objet de dispositions communautaires particulières garantissant une transparence adéquate, certains secteurs dont le caractère particulier justifie qu'ils fassent l'objet de dispositions spécifiques, ainsi que les entreprises dont l'importance économique réduite ne justifie pas les charges administratives pouvant découler des mesures à prendre. Ces considérations, dont au moins une s'applique à chacun des secteurs exclus par l'article 4 de la directive, comportent toutes des critères suffisamment objectifs pour justifier une exemption du champ d'application de la directive.
36. Il y a donc lieu de conclure que les recours introduits par les trois gouvernements n'ont pas révélé d'éléments susceptibles de justifier l'annulation, même partielle, de la directive attaquée. Il convient des lors de rejeter ces recours.
Sur les dépens
37. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.
38. Les trois gouvernements requérants ayant succombe en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens. Il en va de même pour le Gouvernement français en sa qualité de partie intervenante dans les affaires 189-190-80.
39. Parmi les gouvernements intervenant au soutien des conclusions de la Commission, seul le Gouvernement néerlandais a conclu à la condamnation des requérants aux dépens. Il convient, des lors, de condamner la République française, la République italienne et le Royaume-Uni à supporter, en plus de leurs propres dépens, ceux de la Commission et du Royaume des pays-bas.
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) les recours sont rejetés.
2) la République française, la République italienne et le Royaume-Uni supporteront, en plus de leurs propres dépens, ceux de la Commission et du Royaume des pays-bas.