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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 22 novembre 2001, n° 2001-00712

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Euromaster France (SNC)

Défendeur :

Vialatte Pneus (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brignol

Conseillers :

MM. Vergne, Grimaud

Avoués :

SCP Boyer Lescat Merle, SCP Malet

Avocats :

Mes Monrozies, SCP Vaysse Lacoste Axisa

T. com. Toulouse, prés., du 7 déc. 2000

7 décembre 2000

Monsieur Aguilar employé de la société Euromaster a démissionné le 10-07-2001 et a été embauché par la société Vialatte Pneus, en infraction avec la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, qui lui interdisait d'entrer au service d'une entreprise fabriquant ou vendant des articles pouvant concurrencer ceux diffusés par Euromaster, et ce pendant deux ans, dans un rayon de 100 kilomètres.

La société Vialatte a été informée de la clause de non-concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception du 8-09-2000 et faisait savoir par courrier du 3-10-2000 qu'elle refusait de s'immiscer dans les rapports de Monsieur Aguilar avec son ancien employeur.

Une notification officielle par voie du Palais de la clause est intervenue le 10-10-2000 et est restée sans effet.

Le 20-10-2000, la SNC Euromaster, a assigné devant le juge des référés commerciaux de Toulouse la SARL Vialatte Pneus pour obtenir la résiliation du contrat de travail l'unissant à Monsieur Aguilar sous astreinte de 1 000 F par jour, la condamnation de Vialatte Pneus à une provision de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, qu'injonction soit donnée à la société Vialatte de fournir tout justificatif des affaires traitées par Monsieur Aguilar et sa condamnation à 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par ordonnance du 7-12-2000, rendue au visa des articles 872 et 873 du NCPC, la juridiction a débouté la société Euromaster de ses demandes, après s'être déclarée incompétente, au double motif que seul le Conseil des prud'hommes peut connaître des rapports salariés-employeurs et que le juge des référés commerciaux n'est compétent que s'il est saisi d'une action en concurrence déloyale, seul le tribunal de grande instance pouvant connaître de la validité de la clause.

La société Euromaster a relevé appel de cette décision et demande, au terme de ses conclusions du 21-08-01 sa réformation et qu'il soit ordonné à la société Vialatte Pneus de résilier le contrat de travail l'unissant à Monsieur Christian Aguilar sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de la signification. Elle sollicite également sa condamnation à lui verser une provision de 100 000 F à titre de dommages et intérêts à valoir sur le préjudice subi et qu'il lui soit fait injonction de donner tout justificatif des affaires traitées par Monsieur Aguilar, sauf à ordonner une mesure d'instruction pour rechercher le préjudice subi.

Enfin elle sollicite 8 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Elle estime infondée la motivation retenue par l'ordonnance déférée et rappelle que le salarié n'est pas dans la cause.

Elle estime qu'il n'y a pas à distinguer entre validité de la clause et l'action en concurrence déloyale.

Elle estime infondée la motivation retenue par l'ordonnance déférée et rappelle que le salarié n'est pas dans la cause.

Elle estime qu'il n'y a pas à distinguer entre validité de la clause et l'action en concurrence déloyale.

Elle ajoute que l'incompétence a été déclarée d'office, sans mettre les parties en demeure de conclure sur ce point. Selon elle le tribunal de commerce est bien compétent pour sanctionner le tiers complice de la violation de la clause de non concurrence et il n'importe que la validité de cette clause soit contestée devant la juridiction du travail.

Elle fait surtout valoir que le contrat de travail conclu par la société Vialatte et Monsieur Aguilar, comporte une clause de non concurrence rédigée dans des termes quasi analogues.

Elle demande que cesse le trouble manifestement illicite résultant de l'emploi par la société Vialatte de Monsieur Aguilar. La violation de la clause est constitutif d'un acte de concurrence déloyale justifiant une provision de 100 000 F.

Par conclusions du 30-08-2001, la société Vialatte Pneus demande la confirmation ainsi que 5 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par application de l'article 32 et suivants du NCPC la demande de voir le juge des référés commerciaux de résilier le contrat de travail, est irrecevable. La société Euromaster n'a aucune qualité pour le demander : le seul droit d'agir en ce sens est réservé aux parties au contrat, les conséquences d'une telle situation, étant de l'exclusive compétence du conseil des prud'hommes. S'il avait été statué autrement, Monsieur Aguilar ne pouvait que faire tierce opposition et la société Vialatte serait recherchée pour licenciement abusif.

Elle invoque une jurisprudence du 2-03-81 estimant de l'exclusive compétence du tribunal de commerce, l'action engagée contre un nouvel employeur qui aurait débauché le responsable d'une autre entreprise pour lui faire exercer des fonctions analogues au sein d'une nouvelle entreprise, en désorganisant la première : ceci expliquerait la démonstration d'un débauchage et d'une désorganisation, en tout cas un examen sur le fond.

Elle ajoute que Monsieur Aguilar a attrait son ancien employeur Euromaster devant le conseil de prud'hommes et que cette société a la possibilité, en application de l'article L. 122-15 du Code du travail d'engager la responsabilité de son ancien salarié et de son nouvel employeur du fait d'une rupture abusive du contrat initial.

Elle précise que sur le fond Monsieur Aguilar conteste la validité, devant la juridiction du travail, de la clause de non-concurrence.

Elle estime que la demande de provision ne peut prospérer en raison de la saisie du conseil de prud'hommes sur le fond de la validité même de la clause. Euromaster a été déboutée. Selon elle le juge du fond du conseil de prud'hommes ne semble pas avoir tranché en l'état d'une contestation relative à l'exécution du contrat du travail et à la validité de la clause de non concurrence invoquée par Euromaster.

Elle ajoute que l'appelante ne produit rien au titre de la perte de divers marchés et que les transports Labatut et Faur ne sont pas ses clients. Elle précise que le marché du Service Départemental d'Incendie est le résultat d'un appel d'offre de décembre 2000.

Sur quoi,

Comme le fait observer l'appelante , le litige oppose deux commerçants, de sorte qu'il importe peu que le conseil de prud'hommes soit compétent pour connaître des rapports du salarié avec son employeur, alors que le salarié n'est d'ailleurs pas dans la cause. De plus dans un tel litige, la juridiction commerciale est évidement compétente pour en connaître, et la distinction opérée entre la validité de la clause et l'action en concurrence déloyale n'a aucun fondement.

Le litige résulte en réalité de l'obstacle mis consciemment par la société Vialatte à l'exécution du contrat liant Euromaster à Monsieur Aguilar, auquel elle est tiers. Il s'agit là d'une responsabilité délictuelle car la société Vialatte n'est pas recherchée en tant que débitrice de l'obligation inexécutée par Monsieur Aguilar, mais sur le fondement du principe de l'opposabilité du contrat, c'est-à-dire du respect dû par toute personne des engagements légalement souscrits par autrui et qui font partie de l'ordre juridique au même titre que des lois, règlements, usages et autres sources du droit positif.

Ainsi le juge des référés commerciaux a-t-il le pouvoir de sanctionner le tiers qui se rend complice de la violation de la clause de non concurrence souscrite par son salarié, peu important d'ailleurs que cette clause soit litigieuse. En effet, la violation de l'engagement contractuel constitue un trouble manifestement illicite auquel il revient au juge des référés de mettre fin en mettant un terme au lien contractuel.

Il est constant, et non contesté, que la société Vialatte connaissait l'existence de la clause de non concurrence à laquelle était tenu Monsieur Aguilar et il est singulier qu'elle en discute la validité alors qu'elle a elle-même inscrit une clause quasi identique dans le contrat la liant à Monsieur Aguilar.

Il est également justifié que les deux sociétés ont des activités concurrentes et non discuté que Monsieur Aguilar travaille à moins de 100 kilomètres du siège de son ancien employeur, qu'il a quitté son emploi depuis moins de 2 ans, et qu'il occupe des fonctions identiques à celles qu'il occupait chez Euromaster.

La décision sera donc réformée et il sera ordonné à la société Vialatte de mettre un terme à sa relation contractuelle avec Monsieur Aguilar.

En revanche la demande provision sera rejetée, en raison de l'instance pendante au fond et de l'insuffisance des éléments d'appréciation fournis, ce qui justifie aussi le rejet de la demande d'expertise et de l'injonction sollicitée.

Il convient en conséquence de réformer, pour l'essentiel la décision déférée, et de condamner la société Vialatte aux entiers dépens, ainsi qu'à verser à l'appelante la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier; le déclare bien fondé; Infirme l'ordonnance du 7-12-2000; Ordonne à la SARL Vialatte Pneus de résilier le contrat de travail l'unissant à la Monsieur Aguilar, sous astreinte de 100 F par jour de retard dans le délai de 8 jours courant après la signification du présent arrêt; Rejette les autres demandes des parties ; Condamne la société Vialatte Pneus aux entiers dépens avec pour ceux d'appel, distraction au profit de la SCP Boyer Lescat Merle ; La condamne en outre à verser à la société Euromaster la somme de 8 000 F (huit mille francs) soit 1 219,59 euros, au titre de l'article 700 du NCPC.