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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 8 novembre 2000, n° 1998-17101

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Christian Marry (SA)

Défendeur :

Société Création LTN (SA), Société 3 Suisses France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Lachacinski, Mme Magueur

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Monin, SCP Gaultier-Kistner-Gaultier

Avocats :

Mes Dehors, Hoffman, Borzakian.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 6 mai 1…

6 mai 1998

La société Les Créations LTN est titulaire de la marque semi-figurative "Christine Laure Style Boutique" déposée le 6 avril 1966 et enregistrée sous le n° 713.192 pour désigner les produits relevant de la classe 25 et notamment les robes pour dames.

Ayant eu connaissance que la société Christian Marry avait déposé le 26 octobre 1992 la marque Lauren Laure enregistrée sous le n° 92 439 935 pour désigner les produits dans la classe 25 et quelle diffusait ses produits accompagnés de sa marque par l'intermédiaire de la société Les 3 Suisses dont notamment des vêtements confectionnés dans le même tissu que celui qu'elle utilisait pour sa collection automne/hiver 1996, la société Les Créations LTN les a assignées les 15 et 28 octobre 1996 devant le Tribunal de grande instance de Paris en paiement des sommes de 1 000 000 F au titre des actes de contrefaçon et de 1 000 000 F pour les actes de concurrence déloyale et pour que soient ordonnées les mesures habituelles de destruction, d'interdiction et de publication.

Par jugement du 6 mai 1998 partiellement assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- dit qu'en déposant la marque n° 92 439 935 Lauren Laure et en l'utilisant pour vendre des vêtements de prêt-à-porter, sans l'autorisation de la société Les Créations LTN, la société Christian Marry a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque n°73 192 Christine Laure dont la société Les Créations LTN est propriétaire,

- dit qu'en offrant à la vente dans son catalogue automne/hiver 1996-1997 des vêtements revêtus de la marque Lauren Laure et en faisant figurer celle-ci dans ledit catalogue, sans l'autorisation de la société Les Créations LTN, la société Les 3 Suisses a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque n° 713 192 Christine Laure,

- dit que les société Christian Marry et Les 3 Suisses ont commis des actes de concurrence déloyale,

- prononcé la nullité de l'enregistrement de la marque n° 92 439 935 demandée le 26 octobre 1992 par la société Christian Marry pour les produits relevant de la classe 25,

- ordonné la transcription du jugement sur le Registre national des marques,

- condamné in solidum les sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses à verser à la société Les Créations LTN, à titre de réparation de ses préjudices, la somme de 80 000 F pour les actes e contrefaçon et celle de 300 000 F pour les actes de concurrence déloyale,

- dit que la société Christian Marry devra garantir la société Les 3 Suisses des condamnations prononcées contre elle au titre de la contrefaçon de la marque Christine Laure,

- condamné in solidum les sociétés Christian Marry et les 3 Suisses à payer à la société Créations LTN la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté le 10 juillet 1998 et les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2000 par lesquelles la société Christian Marry demande à la cour :

Sur la contrefaçon de la marque Christine Laure de :

- constater l'absence de caractère distinctif du prénom Laure utilisé à titre de marque,

- lui donner acte de sa bonne foi et de ce qu'elle n'entend plus faire usage de la marque Lauren Laure pour des vêtements dans le cadre de la vente par correspondance,

- réformer le jugement déféré sur le montant de la réparation et subsidiairement, fixer à la somme de 13 131 F TTC le montant du préjudice subi par la société Les Créations LTN,

Sur la concurrence déloyale de :

- constater l'absence de toute volonté de parasitisme, le vêtement litigieux n'étant pas original tout comme ne l'est pas sa présentation dans le catalogue de diffusion,

- dire que ledit vêtement lui ayant été commandé par la société Les 3 Suisses, elle ne l'a pas offert à la vente,

En conséquence de :

- condamner la société Les 3 Suisses à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle, en ce compris les frais non compris dans les dépens,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une mesure de publication,

- condamner la société Les Créations LTN à lui payer la somme de 400 000 F correspondant au différentiel entre la somme perçue en 1996 dans le cadre de ses relations avec la société Les 3 Suisses et la fin d'exécution de la commande de 1997,

- condamner toutes parties succombantes à lui payer la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions signifiées le 12 septembre 2000 par lesquelles la société Les Créations LTN demande à la cour la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles qui concernent le montant:

- des réparations qui lui ont été allouées, lesquelles devront être portées à la somme de 1 000 000 F pour les actes de contrefaçon et à celle de 1 000 000 F pour les actes de concurrence déloyale à la charge des sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses,

- de l'astreinte et du coût des publications, les sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses devant en outre être condamnées in solidum à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 25 septembre 2000 par lesquelles la société Les 3 Suisses conclut à l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions au motif que les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale que la société Les Créations LTN lui impute ne sont pas démontrés, et interjetant appel incident, demande à la cour la condamnation de la société Les Créations LTN à lui payer, outre la somme de 75 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celle de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de ce qu'il a été porté atteinte à son image et à son crédit et qu'elle a subi des perturbations du fait de la procédure engagée contre elle, et à titre subsidiaire au cas où une condamnation viendrait à être prononcée contre elle, la garantie contractuelle de la société Christian Marry qui devra être condamnée à lui payer la somme de 75 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur quoi,

- Sur la contrefaçon de la marque Christine Laure

Considérant que la société Christian Marry qui déclare avoir abandonné l'usage de sa marque Lauren Laure fait grief au jugement déféré d'avoir considéré à tort qu'il existait entre celle-ci et la marque antérieure Christine Laure un risque de confusion, tant visuel que phonétique, de nature à tromper la clientèle ;

Considérant que l'imitation d'une marque ou l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les signes opposés servent à désigner les produits identiques, les robes pour dames entrant dans la classification générale des vêtements visés dans la classe 25 ;

Considérant que les éléments déterminants de la marque déposée par la société Les Créations LTN sont les prénoms Christine Laure, à l'exclusion des termes descriptifs Style Boutique, lesquelles, écrits en petits caractères, ne constituent que des éléments additifs secondaires dépourvus de caractère distinctif;

Que si la société Les 3 Suisses soutient à juste titre qu' il convient de procéder à une analyse globale des signes en présence, sans tenir compte de leurs conditions d'utilisation, elle ne saurait en déduire que la marque Lauren Laure ne constitue pas l'imitation de la marque antérieure Christine Laure;

Qu'en effet dans la combinaison Christine Laure, le prénom Laure, à vocation de patronyme, situé en deuxième position constitue l'élément essentiel repris à l'identique par la signe Lauren Laure ;

Que la substitution du prénom féminin Lauren à Laure ne permet pas de différencier la marque seconde de la marque antérieure Christine Laure et n' est pas de nature à permettre d'éviter le risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui n'aurait pas les deux signes simultanément sous les yeux puisque le public peut être amené à croire que la marque Lauren Laure possède une origine commune avec la marque antérieure Christine Laure et que le propriétaire de celle-ci a cherché à diversifier ses créations et à commercialiser des produits identiques ou similaires en utilisant le prénom Laure précédé d'un autre prénom ;

Qu'il importe peu que le prénom Laure soit souvent utilisé dans le domaine de la confection et que de nombreux autres dépôts l'emploient pour désigner des produits relevant de la même classe ;

Que la différence de couleurs invoquée par la société Christian Marry est sans incidence sur le risque de confusion eu égard aux ressemblances visuelles et intellectuelles existant entre les deux marques ;

Que les premiers juges ont donc exactement considéré que les deux signes opposés Christine Laure et Lauren Laure possèdent une ressemblance d'ensemble, une signification similaire et le même pouvoir évocateur ;

Considérant que la société Christian Marry ne saurait par ailleurs arguer de sa bonne foi, inopérante en matière de contrefaçon, alors surtout qu'en sa qualité de professionnelle de la confection, elle ne pouvait ignorer l'existence de la marque antérieure déposée plus de 25 ans auparavant, en 1966;

Que la société Les 3 Suisses ne saurait pas davantage soutenir qu'elle n' est pour rien dans le choix et la création de la marque qu'elle n'a fait qu'apposer sur des vêtements, dès lors que les dispositions de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle lui interdisaient, en l'absence d'autorisation du propriétaire, l'usage de la marque contrefaisante ;

Que le jugement qui a retenu les actes de contrefaçon à l'encontre des sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses et a prononcé la nullité de la marque n°92 439 935 Lauren Laure sera donc confirmé ;

- Sur les actes de concurrence déloyale

Considérant que la société Les Créations LTN reproche aux sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses d'avoir cherché à se placer dans son sillage en diffusant sous la marque Lauren Laure un chemisier ayant la même forme et dans un tissu identique à celui qu'elle-même a commercialisé dans le but de détourner sa clientèle en opérant volontairement une confusion dans l'esprit du public ;

Considérant que la société Christian Marry réplique qu'elle n'est pas responsable de la réalisation du catalogue de vente diffusé par la société Les 3 Suisses et que le modèle commercialisé par cette société et sa présentation ne constituent pas la reproduction de celui mis en vente par la société Les Créations LTN ;

Qu'elle ajoute que celle-ci ne justifie d'aucune antériorité sur son modèle et pour dégager sa responsabilité à l'égard de la société Les Créations LTN, soutient qu'elle n'est pas à l'origine du modèle querellé puisqu'elle n'a fait que répondre à la commande que la société Les 3 Suisses lui a passée le 21 février 1996 ;

Considérant que pour contester l'existence de toute reproduction servile, la société Les Trois Suisses soutient que le modèle de liquette dont se prévaut la société Les Créations LTN n'est pas original, que le tissu, fabriqué et commercialisé sans exclusivité par la société Komar, utilisé pour sa confection n' est pas susceptible d'être revendiqué par la société intimée et que la création du modèle à l'aide de ce tissu ne constitue pas en soi une création digne de protection ;

Qu'elle ajoute pour démontrer la banalité du modèle litigieux qui résulte des tendances de la mode que l'antériorité invoquée par la société Les Créations LTN n'est pas probante et que la société Christian Marry commercialisait des modèles de liquette et de chemise féminine du genre et du même type que celle incriminée depuis 1989-1990 ;

Considérant que les premiers juges ont pertinemment comparé les documents publicitaires versés aux débats par la société Créations LTN avec le catalogue Automne/Hiver 1996-1997 de la société Les 3 Suisses desquels il résulte que les mannequins portent l'un et l'autre une liquette à manches longues réalisée dans un tissu à fond noir sur lequel sont imprimées des fleurs rouges à grands pétales déployés ainsi qu'un pantalon noir à jambes étroites;

Qu'il ont également valablement retenu que la société demanderesse ne revendiquait pas au titre de la concurrence déloyale, l'exclusivité d'un tissu ou d'un modèle particulier de vêtement féminin ;

Qu'il importe dès lors peu qu'ils aient considéré que la société Créations LTN démontrait avoir été la première à présenter au mois de décembre 1995 le modèle de vêtement litigieux, soit à une date antérieure à la commande passée par la société Les3 Suisses auprès de la société Christian Marry ;

Que l'antériorité Otta qui n'a d'ailleurs pas date certaine et celle contenu dans le catalogue 1989-1990 de la société Christian Marry invoquées par la société Les 3 Suisses sont dès lors dénuées de toute portée ;

Considérant que la société Les 3 Suisses ne saurait contester que le modèle qu'elle a offert à la vente dans son catalogue Automne/Hiver 1996-1997 comporte des caractéristiques déterminantes et essentielles identiques à celui diffusé par la société Les Créations LTN - présentation générale de la tenue du mannequin, forme du vêtement (longueur de la liquette, carrure épaulée, manche ample et longue, forme des poignets), emploi du même tissu - associées à la marque Lauren Laure critiquée constituait de sa part et de celle de la société Christian Marry un comportement fautif qui engagent leur responsabilité délictuelle dans la mesure où les acheteurs de ce produit sont amenés à croire que les modèles opposés possèdent la même origine;

Qu'il s'ensuit que les sociétés intimées ont cherché de façon déloyale à profiter du fruit du travail et des investissements d'autrui ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé ;

- Sur la réparation des préjudices ;

- du fait des actes de contrefaçon ;

Considérant que l'atteinte portée à la marque Christine Laure par les sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses doit être évaluée en fonction de son ancienneté, de sa cohabitation avec la marque contrefaisante pendant plus de cinq ans, de son utilisation dans le cadre d'un catalogue de vente par correspondance de grande diffusion sur l'ensemble du territoire national et des frais de publicités justifiés destinés à développer son rayonnement ;

Considérant que compte tenu de ces éléments, les premiers juges ont par une juste appréciation des faits de la cause fixé ce préjudice à la somme de 80 000 F ;

- - du fait des actes de concurrence déloyale

Considérant que la société Les Créations LTN justifie par la production d'une enquête Ipsos datée du mois de janvier 1996 que sa marque possède une certaine notoriété dans le domaine du prêt-à-porter féminin ;

Que les documents publicitaires produits aux débats attestent également que ses produits s'adressent à une clientèle à laquelle celle du catalogue de vente par correspondance de la société Les 3 Suisses souhaiteraient s'identifier ;

Que le préjudice subi par la société Les Créations LTN résulte donc du détournement de clientèle effectué à la suite de la vente d'un produit comportant la reproduction des caractéristiques déterminantes et essentielles du sien ;

Que les premiers juges ont donc exactement fixé à la somme de 300 000 F le préjudice subi par la société Les Créations LTN du fait des sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses ;

Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé ;

- Sur les demandes en garantie

Considérant que pour s'opposer à la clause de garantie contenue dans les conditions générales d'achats que la société Les 3 Suisses invoque, la société Christian Marry soutient ne pas être à l'origine du modèle querellé et n'avoir fait que répondre à la commande que lui a passée la société Les 3 Suisses le 21 février 1996 ;

- - au titre de la marque Lauren Laure

Considérant que les conditions générales de vente stipulent: "Au cas où, à l'occasion de fournitures faisant l'objet de contrat d'achats, Les 3 Suisses seraient l'objet de revendications de la part de tiers fondé sur les droit de la propriété industrielle et/ou d'une action en contrefaçon de brevets, de marques, de modèle, de modèles saisonniers (sans que cette énumération soit limitative) ou pour des faits de concurrence déloyale vous vous engagez à garantir entièrement Les 3 Suisses contre toutes les conséquences financières de ces revendications et/ou actions" ;

Considérant que la société Les 3 Suisses oppose également à juste titre à la société Christian Marry les dispositions contenues à la page 14 de ses conditions générales, lesquelles prévoient que : "Avant toute proposition aux 3 Suisses, vous devez être assurés que les marques et label proposés ne portent pas atteintes au droit des tiers" ;

Qu'il s'en déduit que la société Les 3 Suisses est fondée à être garantie des condamnations prononcées contre elle au titre de l'utilisation de la marque Lauren Laure qui est la contrefaçon de la marque Christine Laure ;

- - au titre de la concurrence déloyale

Considérant que pour s'opposer à la demande de garantie, la société Les 3 Suisses soutient que si elle a fourni certaines indications ou précisions techniques à la société Christian Marry pour réaliser le modèle, elle a opéré sa sélection dans des articles présentés par celle-ci de telle sorte que la garantie contractuelle prévue en sa faveur ne peut être écartée ;

Mais considérant qu'il résulte de la télécopie du 21 février 1996 que pour sa sélection dans le catalogue "Votre Mode" spécialisé hiver 97, la société Les 3 Suisses a indiqué à la société Christian Marry de bien vouloir lui proposer 3 articles en chaîne et (?) en "imprimé Komar dessin 11 228 coloris 47 qualité javanaise Elvira 32F ", précisant en outre : "Je souhaite un chemisier col pointe fentes côtés, longueur 72 cm environ, un débardeur sur la base du modèle joint, une robe suivant la base d'un échantillon que je vous envoie ce jour. L'extérieur sera dans l'imprimé Komar et l'intérieur sera en uni noir que vous pouvez réaliser en kelly 60 % (...) Viscose ou similaire. L'encolure est à dégager . . . Longueur de la robe 100 à108 selon les tailles (milieu dos). Je compte sur vous pour nous faire vos meilleurs offres possibles sur ces articles, afin que nous puissions les travailler ensemble, ce que nous souhaitons ";

Considérant qu'à la lecture de ce document, la société Les 3 Suisses ne peut soutenir, comme elle le fait, qu'elle a opéré sa sélection dans des articles présentés par la société Christian Marry ;

Qu'il convient au contraire de constater que la société Christian marry n'a agi que sur les directives de la société Les 3 Suisses qui a demandé que lui soit présenté un type de produit clairement défini ;

Que s'agissant d'un article spécialement commandé et destiné à être "travaillé ensemble ", et non d'un article conçu et élaboré exclusivement à l'initiative de la société Christian Marry, sans intervention aucune de la société Les 3 Suisses, celle-ci ne saurait opposer à la société co-contractante la clause de garantie contenue dans les conditions générales de vente;

Que la société Les 3 Suisses ne peut faire grief à la société Christian Marry d'avoir manqué de vigilance sur l'utilisation du tissu dès lors qu'elle-même l'avait préconisé, et qu'il était au surplus libre de tout droit comme il résulte de la lettre adressée le 8 novembre 1996 par la société Komar & Cie ;

Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé ;

- Sur les autres demandes

Considérant que la société Les 3 Suisses sollicite la condamnation de la société Christian Marry à lui payer la somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts aux motifs que celle-ci n'a pas respecté la clause de garantie contenue dans les conditions générales d'achats, qu'elle a porté atteinte à sa réputation et son image de marque et qu'elle l'a obligée à engager des frais et honoraires pour assurer sa défense ;

Qu'elle ajoute également que le principe de la garantie contractuelle exclut de droit toute condamnation solidaire ;

Mais considérant que la société Les 3 Suisses n'est pas fondée à opposer à la société Les Créations LTN la clause de garantie contractuelle contenue dans les conditions générales d'achat qui est inopposable aux tiers ;

Qu'elle ne saurait prétendre qu'il ne peut être prononcé contre elle une condamnation in solidum au profit de la société Les Créations LTN ;

Considérant qu'ayant participé avec la société Christian Marry à la réalisation des actes de concurrence déloyale, elle ne peut invoquer, ni un préjudice que lui aurait fait subir la société Christian Marry, ni la clause de garantie contenue dans les conditions générales d'achat qui a été précisément écartée de ce chef ;

Que compte tenu de ce qui précède et en l'absence de préjudice démontré, la garantie qu'elle a obtenue pour les actes de contrefaçon de la marque qu'elle a commis au préjudice de la société Les Créations LTN ne saurait justifier la demande de dommages-intérêts qu'elle a formée à l'encontre de la société Christian Marry ;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné, à titre de réparation complémentaire, la publication de la décision, observation étant faite qu'il devra être fait mention du présent arrêt ;

Considérant que les frais non compris dans les dépens engagés par la société Les Créations LTN à la charge des sociétés intimées doivent être fixés à la somme de 30 000 F ;

Considérant que les sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses devront conserver ceux-ci à leur charge ;

Par ces motifs, LA COUR Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Dit que la publication du jugement devra faire mention du présent arrêt confirmatif, Condamne in solidum les sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses à payer à la société Les Créations LTN la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne in solidum les sociétés Christian Marry et Les 3 Suisses aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP d'avoués Bommart-Forster dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.