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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 21 mai 1999, n° 4695-97

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison française de distribution (SA), Monnet (ès qual.)

Défendeur :

Barbier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Chaix

Conseillers :

Mmes Metadieu, Le Boursicot

Avoué :

SCP Fiévet Rochette Lafon

Avocats :

SCP Lebas, Me Verken.

TI Asnières, du 30 janv. 1997

30 janvier 1997

Faits et procédure

Par acte d'huissier en date du 3 septembre 1996, Monsieur Barbier a fait assigner devant le Tribunal d'instance d'Asnières, la SA Maison française de distribution dite " MFD " aux fins de la voir condamner au paiement, avec exécution provisoire, des sommes de 30 000 F au titre de dommages et intérêts et de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il a fait valoir que la SA " MFD ", en lui adressant deux lettres attestant qu'il était l'heureux gagnant d'un chèque de 35 000 F et d'un combiné télévision-magnétoscope, lots qu'il n'a jamais reçus, s'était rendue coupable d'un message trompeur et devait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

La SA MDF a conclu au débouté des demandes de Monsieur Barbier en faisant valoir qu'elle n'avait commis aucune faute et que les différents documents adressés à Monsieur Barbier, dont il connaissait très bien le fonctionnement, ne permettaient pas de conclure avec certitude au gain par ce dernier du prix de 35 000 F. En outre, elle a soutenu que Monsieur Barbier ne rapportait pas la preuve d'un quelconque préjudice.

Par jugement contradictoire en date du 30 janvier 1997, le Tribunal d'instance d'Asnières a rendu la décision suivante :

Vu l'article 1382 du Code civil :

- Condamne la SA Maison française de distribution à payer à Monsieur Francis Barbier la somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts,

- assortit la présente décision de l'exécution provisoire,

- déboute les parties du surplus de leurs prétentions

- condamner la SA Maison française de distribution aux dépens.

Le 9 mai 1997, la SA MFD a relevé appel de cette décision.

Elle fait valoir les arguments développés en première instance.

Par conséquent, la SA MFD demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la SA MFD de son appel, Y faisant droit,

- dire et juger la SA MFD n'avoir commis aucune faute,

- constater l'absence de tout préjudice,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Monsieur Barbier de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner Monsieur Barbier à payer la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Monsieur Barbier aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Fievet Rochette Lafon avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Jean-Michel Monnet ès-qualités de liquidateur amiable de la SA " MFD ", intervenant volontaire, demande à la cour de :

Vu l'assemblée générale extraordinaire en date du 18 août 1997 :

- donner acte à Monsieur Jean-Michel Monnet de ce qu'il constitue la SCP Fievet Rochette Lafon, titulaire d'un office d'avoués prés la Cour d'appel de Versailles et fait élection de domicile en son étude, 38, rue d'Angiviller à Versailles (78000),

- déclarer Monsieur Monnet ès-qualités de liquidateur à la liquidation amiable de la SA Maison française de distribution, bien fondé en son intervention volontaire,

- lui adjuger le bénéfice des conclusions régularisées par la SA Maison française de distribution,

- statuer ce que de droit concernant les dépens.

Monsieur Barbier, intimé, reprend également les arguments développés en première instance.

Par conséquent, Monsieur Barbier demande à la cour de :

- déclarer la SA Maison française de distribution MDF aussi irrecevable que mal fondée en son appel,

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,

- condamner la SA MFD à payer à Monsieur Francis Barbier une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner la SA MFD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Yves Robert, avoué à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 février 1999 et l'affaire plaidée à l'audience du 8 avril 1999.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la SA Maison française de distribution dite MFD, société de vente par correspondance dont Monsieur Francis Barbier est un client, lui a adressé deux lettres d'accroche publicitaire ;

Considérant que la première lettre intitulée " Grand jeu " MDF, signée du responsable de la remise des prix, est libellée en ces termes " Bravo Monsieur Barbier, vous avez gagné le plus gros chèque au grand jeu MFD ; qu'elle souligne Monsieur Barbier je vous confirme que votre numéro personnel a bien été tiré au sort ce vendredi 23 février ; qu'elle précise également pour recevoir votre argent c'est très simple, retournez après l'avoir complétée, votre demande de prix " (sous votre bon de commande) ; qu'elle comporte un post- scriptum " j'insiste, vous n'avez pas gagné le lot de consolation mais bien le plus gros chèque mis en jeu " ;

Considérant qu'au verso de cette lettre, figure le règlement du tirage de février 1996 ; qu'il est prévu à l'article 6 l'attribution d'un lot sous la forme d'un chèque de 35 000 F ; que les articles 8 et 9 précisent qu'est déclarée gagnante la personne dont le numéro aura été tiré au sort avant l'envoi des documents et que, durant sa période de validité, le jeu tirage de février pourra être diffusé et présenté avec des appellations et des présentations différentes ;

Considérant également que Monsieur Barbier a reçu une deuxième lettre faisant état d'un jeu intitulé " Jeu des 6 boules Rouges " ainsi rédigée " Avez-vous les six boules gagnantes dans la couleur tirée au sort par Maître Baillet ; si oui, toutes nos félicitations, vous avez gagné le plus beau des cadeaux mis en jeu " ; que l'enveloppe qui accompagnait la lettre contenait six boules rouges et six bons numéros correspondant au gain d'un combiné TV magnétoscope d'une valeur de 3 990 F ;

Considérant que la MFD estime qu'elle n'a commis aucune faute, en raison de l'existence de règlements de jeux explicites que les consommateurs étaient invités à lire ; que sa seule obligation était la délivrance des lots ;

Considérant toutefois, s'agissant de la première accroche promotionnelle, que sa présentation était de nature à favoriser la confusion entre les deux jeux Le Grand jeu MFD et Tirage de février 1996 offrant chacun selon un mode de distribution différent, la perspective d'un gain de 35 000 F ;

Considérant de plus, que les termes utilisés, désignaient personnellement et solennellement Monsieur Barbier en qualité de " gagnant du plus gros chèque ", à l'issue d'un tirage au sort réalisé le 23 février ; qu'il était, en outre, précisé que l'envoi du chèque avait été approuvé par le service de jeux, l'huissier de justice et le service financier ; Que cette dernière mention ne pouvait que laisser croire légitimement à Monsieur Barbier qu'il était effectivement l'heureux gagnant d'un gros lot, et non, comme tente désormais de l'expliquer la SA MDF, potentiellement bénéficiaire d'un chèque d'au moins quatre francs et définitivement bénéficiaire d'un chèque de cinq francs une fois terminée la distribution ;

Considérant que le message ainsi délivré était de nature à induire en erreur un consommateur moyen normalement intelligent et avisé ;

Considérant que Monsieur Barbier a subi un préjudice direct et certain constitué par la vaine croyance de l'acquisition d'une somme conséquente ;

Considérant, en outre, s'agissant de la deuxième accroche publicitaire, que le message délivré à Monsieur Barbier pouvait lui laisser penser que la couleur des boules avait déjà été tirée au sort par l'huissier, qu'il s'agissait de la couleur rouge et que, partant il était l'heureux gagnant du plus beau des cadeaux mis en jeu ;

Qu'en présentant ainsi de façon affirmative la simple éventualité d'un gain, la SA MFD a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, dès lors que Monsieur Barbier destinataire d'un message personnalisé, subit un préjudice moral certain et direct lié sa déception de n'être pas le bénéficiaire du gros lot ;

Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en condamnant la SA MDF sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à réparer le dommage subi par Monsieur Barbier, en lui versant la somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu de condamner également la SA MFD qui succombe en cause d'appel à la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tout en la déboutant de sa demande de ce chef ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Donne acte à Monsieur Jean-Michel Bonnet de son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la SA MFD et l'y reçoit ; Reçoit l'appel de la SA MFD mais le déclare infondé ; Confirme en tous points le jugement entrepris et y ajoutant : Condamne la SA MFD à payer la somme de 3 000 F (trois mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Jean-Yves Robert, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.