CA Paris, 8e ch. B, 6 novembre 1996, n° 94-15.730
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Maison française de distribution (SA)
Défendeur :
Julliard Sauvage
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Antoine
Conseillers :
M. Piquard, Mme Prévost
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, SCP Bommart-Forster
Avocats :
Mes Maria, Bresdin.
Marie-Josée Julliard a participé en mai 1993, à un jeu intitulé "Tirage Audio Vidéo" organisé par la Maison française de distribution.
Bien qu'elle ait rectifié sur le bon de commande envoyé à MFD en même temps que le bon de participation sa véritable adresse, 88 ter rue Michel Ange à Paris, l'objet commandé et le lot gagné ne lui seraient jamais parvenus.
Estimant avoir été trompée par les documents publicitaires diffusés par MFD, M-J. Julliard a assigné cette société devant le Tribunal d'instance de Paris 17e, du chef de publicité mensongère en ce qui concerne les délais de livraison et la nature des lots prétendument gagnés, afin de la voir condamner à livrer immédiatement la commande réglée depuis le 30 mai 1993, sous astreinte de 300 F par jour de retard, la condamner à payer une somme de 15 000 F en réparation du préjudice subi.
Puis, à l'audience M.J. Julliard a sollicité la résolution de la vente et en conséquence la restitution du prix payé.
Par jugement rendu, contradictoirement le 24 mai 1994, le Tribunal d'instance de Paris 17e a:
- prononcé la résolution de la vente conclue entre la société MFD et M-J. Julliard,
- ordonné la restitution de la somme de 308 F avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1993,
- condamné la société MFD à verser à M-J. Julliard la somme de 3 000 F toutes causes de préjudice confondue.
La société MFD a relevé appel de cette décision. Elle fait valoir au soutien de son appel:
- qu'elle est de bonne foi puisqu'elle a adressé par deux fois à M-J. Julliard, les marchandises commandées, à l'adresse où celle-ci avait reçu la publicité initiale, 88 rue Michel Ange Paris, elle n'est donc pas responsable de la perte alléguée du colis expédié,
- que le jeu TV Vidéo est parfaitement régulier au regard des dispositions légales régissant les loteries et que la publicité diffusée, à l'occasion de cette loterie ne présente, aucun caractère mensonger au sens de l'article 121-36 du Code de la consommation.
Elle conclut à la réformation du jugement en date du 24 mai 1994, au débouté de Mme Julliard Sauvage, de l'intégralité de ses demandes et à sa condamnation à lui verser 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
En réplique M-J. Julliard Sauvage conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit sur le principe à ses demandes et à sa réformation quant au montant des dommages-intérêts alloués.
Elle expose n'avoir pas reçu sa commande, alors qu'en mai 1993, aux termes de sa publicité MFD s'était engagé à l'expédier dans les délais les plus brefs.
Elle soutient que la MFD a usé d'un procédé déloyal, de nature à engager sa responsabilité en cherchant à la convaincre, par un message volontairement trompeur, qu'elle avait gagné un téléviseur couleur alors qu'il ne s'agissait que d'un compact-disc d'une valeur de 55 F.
Elle sollicite la condamnation de la MFD à lui verser 15 000 F à titre de dommages-intérêts et 10 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles.
Sur ce, LA COUR,
qui se réfère expressément pour la relation des faits au jugement attaqué, pour l'énoncé des moyens et prétentions des parties aux écritures d'appel de celles-ci;
Sur l'exécution du contrat de vente:
Considérant que le jugement entrepris a prononcé, conformément à l'article 1610 du Code civil, la résolution du contrat de vente conclu entre M-J. Julliard en raison du défaut de délivrance de l'objet vendu, par le fait de cette société, dans le temps convenu;
qu'en effet si la société venderesse établit par la production d'un listing informatique, l'expédition à Marie Julliard le 4 juin 1993 et le 28 septembre 1993, d'un numéro date, d'une valeur de 269 F et d'un compact-disc gratuit, il n'en demeure pas moins que cette expédition a été faite à une adresse inexacte, 88 rue Michel Ange alors que la cliente avait lors de la commande, indiqué son adresse exacte 88 ter rue Michel Ange; que cet erreur imputable à la MFD se trouve à l'origine du défaut de livraison tant de la marchandise commandée que du lot gagné; que la MFD mise en demeure par plusieurs lettres recommandées, d'exécuter la commande de M-J. Julliard aurait dû envoyer le deuxième colis par recommandé,
que faute, par la venderesse, d'administrer la preuve de l'exécution de son obligation de délivrance, la vente, a été, à bon droit résolue et la restitution du prix ordonnée, que le jugement sera confirmé de ce chef;
Considérant que M-J. Julliard ne justifie d'aucun préjudice, consécutif au défaut de délivrance d'un mémo data d'une valeur dérisoire et d'un compact-disc qu'elle n'avait pas personnellement choisi; que sa demande de dommages-intérêts doit être rejetée;
Sur la loyauté de la publicité:
Considérant que le premier juge a estimé MFD responsable d'actes de publicité mensongère au motif que, par un montage trompeur, le message publicitaire diffusé par elle cherchait à convaincre M-J. Julliard de ce qu'elle avait gagné un téléviseur couleur alors qu'il s'agissait d'un compact-disc;
Mais considérant que le Tirage Audio Vidéo mis en œuvre par MFD consiste en une loterie avec pré-tirage au sort, prévue par la loi du 23 juin 1989,
que courant mai 1993 M-J. Julliard a reçu de l'appelante les documents suivants:
- une lettre du directeur financier portant en gras la phrase suivante: "Je vous le confirme vous avez gagné un des prix indiqués sur le listing joint" suivie de la mention "Concernant le Gagnant Tirage Audio Vidéo", le reste du texte de la lettre rédigée en termes de félicitations et de confirmation du prix gagné précisant: "Vous avez gagné un prix de qualité, les appareils mis en dotation sont tous de grande marque...",
- un document intitulé "Informatique" adressé à Marie Julliard sur lequel figure deux colonnes intitulées l'une liste des gagnants et l'autre liste des prix, le nom de Mme Julliard étant porté en face de TV couleur Sony,
- un bon de commande comportant en haut à gauche une case visant à l'envoi du grand prix gagné au tirage Audio Vidéo;
Considérant que si une lecture superficielle de ce document a pu laisser penser à l'intimée que le tirage au sort lui a permis de gagner une télévision, il convient de constater que les listes sont soulignées de la précision suivante "l'extrait de liste de gagnants est présenté dans un ordre aléatoire. Les lots sont présentés dans un ordre décroissant de valeur; que la liste des prix est assortie d'une astérisque renvoyant au bas de la même page à la mention" Conformément à la législation, prix cités dans l'ordre de valeur"; que de surcroît l'article 4 du règlement que M-J. Julliard n'a jamais contesté avoir reçu, dispose: "Les prix sont indiqués dans le document de présentation dans l'ordre de leur valeur commerciale, conformément à la réglementation en vigueur et sans corrélation avec l'extrait de la liste des gagnants";
Considérant que l'examen de l'ensemble des documents adressés à l'intimée fait apparaître qu'elle était en réalité gagnant d'un prix, mentionné sur la liste; qu'elle ne saurait sérieusement prétendre qu'il lui avait été indiqué avoir gagné un téléviseur ni qu'elle pouvait légitimement croire, que le prix figurant en vis-à-vis de son nom lui était acquis;
Considérant que l'emploi du terme "Pré-tirage" à l'article 2 du règlement ne constitue pas une tromperie dès lors que chacun des participants à la loterie publicitaire gagnait un des lots inventorié et pas nécessairement l'un des quatre premiers figurant sur la liste;
Considérant que l'article 5 de la Loi du 23 juin 1989, devenue l'article 121-36 du Code de la consommation dispose que le bulletin de participation doit être distinct du bon de commande;
qu'en l'espèce, le bon de commande est présenté sous forme de capitales rouges et le bon de participation en partie détachable en capitales d'imprimerie bleu dans un cartouche sur fond jaune alors que le bon de commande s'inscrit sur fond blanc;qu'en outre il est expressément rappelé "La participation au Tirage Audio Vidéo est gratuite et sans obligation d'achat";
que ces deux documents sont parfaitement distincts l'un de l'autre;qu'à tort M-J. Julliard exige que les deux bulletins soient séparés par un pré-découpage ce que le texte susvisé n'impose pas;que le message publicitaire de la MFD ne comporte aucune indication mensongère, de nature à tromper ou induire en erreur un consommateur moyen normalement avisé et prudent, que la demande du chef de publicité mensongère, infondée, doit être rejetée; que le jugement doit être informé sur ce point;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs: LA COUR Confirme le jugement du 24 mai 1994 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue entre la société MFD et M-J. Julliard et ordonné la restitution de la somme de 308 F avec intérêt au taux légal à compter du 30 mai 1993, L'infirmant pour le surplus, Déboute M-J. Julliard de ses autres demandes, Rejette les demandes en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Partage les dépens qui seront supportés par chacune des parties pour moitié et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.