CA Versailles, 3e ch., 9 juin 2000, n° 97-08204
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Chassaigne-Behault
Défendeur :
CLV Sovac (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Simonnot (conseiller faisant fonction)
Conseillers :
M. Coupin, Mme Prager-Bouyala
Avoués :
SCP Jullien-Lecharny-Rol, SCP Lissarrague-Dupuis, Associés
Avocats :
Mes Genin, SCP Sillard.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 21 mai 1992, Madame Chassaigne-Behault a conclu avec la société CLV Sovac un contrat de location d'un véhicule Citroën, type ZXD, pour une durée de 36 mois et 90 000 kilomètres et moyennant un loyer mensuel de 3 048,70 F.
Des loyers demeurant impayés, la société CLV Sovac a délivré le 22 décembre 1992 une sommation de payer ou de restituer. Madame Chassaigne-Behault a restitué le véhicule le 2 février 1993.
Saisi par la société CLV Sovac d'une demande en paiement des loyers échus et de l'indemnité contractuelle de résiliation, le Tribunal de grande instance de Versailles a déclaré irrecevable les conclusions tardives de Madame Chassaigne-Behault et retenant le bien fondé des demandes, l'a condamnée à payer à la société CLV Sovac la somme de 98 128,17 F avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 1995.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 21 octobre 1999, Madame Chassaigne-Behault qui est appelante de la décision, souligne que le contrat d'adhésion caractérise un abus de puissance économique de la part du professionnel. Elle soutient que la clause afférente à la résiliation du contrat est abusive, au sens des dispositions de l'article L. 132-l du Code de la consommation. Elle fait valoir que la société CLV Sovac obtient la restitution du véhicule dans un délai bref, peut en percevoir des loyers d'un nouveau locataire et exige le paiement d'une somme qui représente le coût d'un véhicule neuf, réalisant ainsi une opération extrêmement lucrative.
Madame Chassaigne-Behault conclut au débouté de la société CLV Sovac de toutes ses demandes. Subsidiairement, elle expose que la seule réparation à laquelle peut prétendre la bailleresse est le paiement des loyers jusqu'à la restitution. Plus subsidiairement encore elle sollicite la réduction de l'indemnité de résiliation à une somme symbolique et sollicite des délais pour se libérer des sommes dues. Elle demande la condamnation de la société CLV Sovac au paiement de la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 29 octobre 1998, la société CLV Sovac expose que les dispositions du livre troisième du Code de la consommation ne s'appliquent pas au contrat de location longue durée. Elle indique que la locataire n'a jamais réglé le moindre loyer; que le véhicule a été appréhendé le 2 février 1993 en exécution d'une ordonnance sur requête; qu'il était endommagé. Elle explique que l'indemnité contractuelle constitue la juste réparation de son préjudice. Elle conteste le caractère abusif de la clause d'indemnité. Soulignant que Madame Chassaigne-Behault ne justifie pas de la situation financière qu'elle allègue et qu'elle n'a rien payé depuis six ans, elle conclut au rejet de la demande de délai.
La société CLV Sovac demande à la cour de confirmer la décision entreprise, de condamner Madame Chassaigne-Behault à lui payer la somme de 2 059,40 F au titre des frais engagés, celle de 8 000 F en application des l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 10 février 2000 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 12 mai 2000.
Sur ce, LA COUR
Considérant que le 21 mai 1992, Madame Chassaigne-Behault a conclu avec la société CLV Sovac un contrat de location d'un véhicule Citroën, type ZXD, modèle Aura 6 chevaux, avec option peinture métallisée, radio quatre hauts parleurs et toit ouvrant électrique, pour une durée de trente six mois et 90 000 kilomètres et moyennant le paiement de loyers mensuels de 3 048,70 F plus assurance, sans versement d'un dépôt de garantie;
Que Madame Chassaigne-Behault n'a payé aucun des loyers exigibles ; qu'elle a reçu le 22 décembre 1992 sommation de payer ou de restituer; qu'elle n'en a rien fait; que la société CLV Sovac a été contrainte de requérir, pour faire saisir le véhicule, une ordonnance qui a été signifiée à Madame Chassaigne-Behault le 19 janvier 1993 ; que Madame Chassaigne-Behault a attendu le 2 février 1993 pour restituer à l'huissier le véhicule dont le compteur affichait 16 676 kilomètres, qui présentait une trace de choc à l'avant droit, dont le phare, le clignotant, le pare-chocs étaient cassés, l'aile arrière droite rayée, et un autre pare-chocs cassé;
Considérant que Madame Chassaigne-Behault ne saurait sérieusement contester être la débitrice de l'intégralité des loyers contractuels pendant les huit mois et demi de son utilisation effective pour laquelle elle n'a versé au bailleur aucune somme;
Considérant que l'article 8 du contrat stipule qu'en cas de résiliation anticipée pour défaut de paiement, le loueur réclamera au locataire des dommages et intérêts dont le quantum est fixé au montant des loyers restant dus jusqu'à la fin de la location;
Qu'un contrat de longue durée automobile est une convention globale par laquelle le loueur achète le véhicule librement choisi par le locataire, le met à sa disposition, en assure l'entretien; que le montant des loyers est fixé en fonction du prix d'acquisition du véhicule, de sa valeur résiduelle probable à la fin du contrat; que le locataire s'oblige de son côté à payer les loyers et à restituer le véhicule en bon état d'entretien;
Que contrairement à ce que soutient Madame Chassaigne-Behault, il s'agit d'un contrat dont les droits et obligations des parties sont équilibrés dès lors qu'il permet au locataire de disposer immédiatement d'un véhicule neuf de son choix en le dispensant de toute immobilisation financière, mais l'oblige à payer la totalité des loyers pour assurer au bailleur l'équilibre financier de son intervention; que le prix du loyer mensuel ne peut rester à un niveau relativement modique qu'à la condition de la réalisation complète de la convention ; que le bailleur qui supporte, en plus de l'entretien, l'amortissement financier et comptable du véhicule n'obtient un retour de son investissement que sur la durée complète du contrat;
Que la récupération anticipée du véhicule, dans le cas d'espèce fortement endommagé, ne constitue pas pour le bailleur un avantage puisqu'il le contraint à gérer sa remise en état, son stockage et sa revente;
Que la clause imposant au locataire défaillant l'obligation de payer la totalité des loyers n'est dès lors pas abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-l du Code de la consommation dans sa rédaction de la loi du 1er février 1995 ;
Que la société CLV Sovac est en conséquence bien fondée à demander à Madame Chassaigne-Behault l'exécution des ses engagements financiers ; qu'il convient de constater qu'à ce titre, la société CLV Sovaclimite sa demande à la confirmation du jugement entrepris qui a fixé la créance de la société CLV Sovac à son montant sollicité de 98 128,17 F, alors que trente six mensualités représentent une somme de 109 753,20 F ; que le jugement entrepris doit être confirmé;
Considérant en revanche que les dispositions de l'article 8 du contrat n'ouvrent pas au bailleur la possibilité de réclamer le remboursement des frais taxables ; que la société CLV Sovac sera déboutée de cette demande;
Considérant que la dette de Madame Chassaigne-Behault remonte à plus de sept ans ; que Madame Chassaigne-Behault n'a pas versé le moindre acompte, pas même au titre des loyers avant résiliation; qu'il ne convient pas de faire droit à sa demande de délai;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société CLV Sovac la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel; que Madame Chassaigne-Behault sera condamnée à lui payer une indemnité de 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel interjeté par Madame Chassaigne-Behault à l'encontre du jugement rendu le 5 août 1997 par le Tribunal de grande instance de Versailles, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne Madame Chassaigne-Behault à payer à la société CLV Sovac la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Madame Chassaigne-Behault aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Lissarrague-Dupuis et Associés, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires.